Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 29 juillet 2020 à 9h35

Résumé de la réunion

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La réunion

Source

La commission a procédé, en application de l'article 13 de la Constitution, à l'audition de M. Philippe Mauguin, dont la nomination est proposée par M. le Président de la République à la fonction de président-directeur général de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAe), puis a voté sur cette nomination.

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Nous souhaitons la bienvenue à Mme Nathalie Porte, suppléante de M. Sébastien Leclerc, et saluons M. Daniel Fasquelle, qui a choisi sa mairie du Touquet-Paris-Plage, après deux mandats au sein de notre commission des affaires économiques, où il a été très actif.

Nous sommes réunis pour émettre un avis préalable sur la nomination à la présidence de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAe) de M. Philippe Mauguin, en vertu de l'article 13 de la Constitution.

Si l'addition des suffrages négatifs émis dans les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat atteint les trois cinquièmes du total des suffrages exprimés, le Président de la République ne peut procéder à la nomination. La commission a désigné comme rapporteur notre collègue Rémi Delatte, membre du groupe Les Républicains.

Cette audition sera suivie d'un vote. Le dépouillement du scrutin doit avoir lieu simultanément à l'Assemblée nationale et au Sénat, lequel ne pourra auditionner M. Philippe Mauguin avant le mercredi 14 octobre.

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Né le 1er janvier 2020 de la fusion de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), que vous dirigiez depuis 2016, avec l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA), l'INRAe est le premier organisme de recherche agricole et environnementale européen, par la qualité de ses équipes de recherche et de direction. Le choix que vous avez fait de l'interdisciplinarité assure un continuum entre agriculture, alimentation et environnement. Vos recherches sont directement transférées sur le terrain pour répondre aux attentes des agriculteurs et de la société – je pense à celles que vous menez sur les alternatives aux produits phytosanitaires. Vous avez fait du rayonnement international de l'INRAe une priorité du mandat qui s'achève.

Vous avez montré, dans le questionnaire que vous m'avez remis, que l'excellence de la recherche scientifique de l'INRAe se concrétise partout sur le territoire. Pouvez-vous exposer les synergies que votre institut crée avec les entreprises, les chambres consulaires, les pôles de compétitivité et l'enseignement supérieur ? Comment entendez-vous accélérer le transfert de la recherche vers les acteurs sociaux et économiques, publics et privés ?

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Philippe Mauguin

Je suis honoré d'être aujourd'hui devant vous. Lorsque j'ai été nommé à la tête de l'INRA en 2016, j'avais plusieurs objectifs : lancer un plan d'action ambitieux pour l'innovation, définir une stratégie internationale, renforcer la coopération avec l'enseignement supérieur, et renouveler la stratégie scientifique de l'établissement, ce qui impliquait selon moi de passer par un rapprochement avec l'IRSTEA – nous sommes finalement allés jusqu'à la fusion. L'INRAe est aujourd'hui le premier organisme mondial spécialisé sur le continuum entre agriculture, alimentation et environnement. La fin de mon mandat a été marquée par la crise du covid-19, au cours de laquelle les agents de l'INRAe ont fait preuve d'une mobilisation exceptionnelle.

Dans le contexte actuel – climatique, environnemental, démographique –, le défi majeur est de savoir comment nourrir 10 milliards d'habitants en 2050. C'est ce qui a guidé l'élaboration de mon programme pour ce nouveau mandat, car nous sommes attendus sur plusieurs sujets : sécurité alimentaire, gestion des ressources naturelles, accompagnement des acteurs dans les transitions à venir. Mon ambition est double : conforter le leadership scientifique de l'INRAe au niveau mondial et transférer l'innovation vers la société. Pour ce faire, je vois quatre grandes orientations.

La première, c'est la définition d'une nouvelle stratégie de recherche, à l'échelle du nouvel établissement. Elle doit elle-même s'articuler autour de quatre grands défis. Premièrement, il convient d'aider les acteurs sociaux à s'adapter aux changements globaux (climat, biodiversité, risques naturels) : l'INRAe, par exemple, doit pouvoir convertir les scénarios du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) en cartes d'opportunités et de risques pour nos filières. Deuxièmement, il faut accélérer la transition agroécologique, tout en maintenant la compétitivité des filières et le revenu des agriculteurs. Troisièmement, il importe de promouvoir une bioéconomie fondée sur la gestion circulaire et durable des ressources naturelles, notamment l'eau, et aller vers une économie décarbonée. Enfin, l'expérience planétaire que nous venons de vivre nous pousse à adopter une approche globale pour la santé, dans l'esprit du programme One Health. L'INRAe doit renforcer sa recherche sur les zoonoses, mais aussi promouvoir une alimentation saine et équilibrée : il est déjà l'un des leaders mondiaux de la recherche sur le microbiote intestinal.

La deuxième grande orientation consiste à renforcer les liens de l'INRAe avec le monde universitaire, en allant vers une programmation commune des investissements et des recrutements. La loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) peut nous donner l'occasion de le faire. Il faut renforcer le rayonnement de l'INRAe en Europe, grâce au futur programme-cadre « Horizon Europe » et au Green Deal. Nous avons déjà créé un consortium de recherche avec vingt organismes européens sur la réduction des produits phytosanitaires en agriculture : il est important que la France ne soit pas seule. Au niveau mondial, je propose de créer un réseau des grands acteurs de la recherche agronomique et alimentaire. Nous allons par ailleurs intensifier notre collaboration en Afrique avec le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD).

L'innovation et son transfert constituent la troisième orientation. L'INRAe a créé avec l'assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA), présidée par M. Sébastien Windsor, et l'association réunissant les instituts techniques agricoles (ACTA) une cellule « Recherche innovation transfert ». Nos premiers travaux portent sur les produits phytosanitaires mais l'objectif est d'envisager toutes les innovations utiles aux agriculteurs et de les rendre disponibles sur une base de données interactive. Nous avons été labellisés par la French Tech pour piloter un consortium de start-ups spécialisées dans l'agroalimentaire. Nous voulons également développer la recherche participative, en faisant dialoguer les scientifiques avec des agriculteurs, des citoyens, des organisations de consommateurs. L'INRAe, enfin, a un rôle d'expertise publique, en France et au niveau international – auprès du Parlement européen, de la Commission européenne, de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, la FAO, et de la Banque mondiale.

La quatrième orientation concerne le management : c'est essentiel, puisque l'INRAe est un nouvel établissement. Mon projet est d'être au plus près des équipes, notamment des collègues de l'ex-IRSTEA, pour garantir la réussite de la fusion. Pour ce faire, je propose de m'appuyer sur la responsabilité sociale et environnementale (RSE) : l'INRAe pourrait être le premier organisme de recherche français à bénéficier d'une labellisation « Développement durable et responsabilité sociétale », comme il a été le premier à être labellisé pour la parité et la lutte contre les discriminations. Nos agents attendent que nous nous appliquions ce que nous prônons dans nos recherches.

S'agissant de la méthode, nous travaillons à un nouveau plan stratégique « INRAe 2030 ». Nous avons consulté les personnels – il y a eu plus de 3 000 participants – et nous consultons maintenant les partenaires sociaux et économiques. Le plan stratégique sera soumis au conseil scientifique, puis au conseil d'administration. S'il est adopté, nous pourrons le décliner dans tous les schémas scientifiques des départements et des centres.

Ce que je souhaite, c'est que ce bel établissement fasse progresser les connaissances au niveau mondial de manière libre et audacieuse tout en répondant aux attentes concrètes des acteurs sociaux et économiques.

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Les Français, plus que jamais, veulent une agriculture responsable et durable. Les agriculteurs sont prêts à s'adapter, à condition d'en avoir les moyens et d'être soutenus par les politiques publiques et par la recherche, qui a un rôle essentiel à jouer dans la transition de notre modèle agricole. La fusion de l'INRA et de l'IRSTEA témoigne d'un rapprochement entre les enjeux environnementaux et l'agroalimentaire. Dans votre projet, vous insistez sur les défis majeurs que sont notre souveraineté alimentaire et la transition écologique.

Face à la crise économique liée à la pandémie de covid-19, il importe de renforcer la coopération européenne et internationale. Comment comptez-vous procéder ? Sur quels thèmes travaillez-vous avec les instituts de recherche agricoles européens ? Enfin, quels moyens comptez-vous engager pour accroître encore la visibilité de l'INRAe ?

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Je vous remercie d'avoir participé aux travaux de la mission d'information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate : il est très agréable d'échanger avec vous, car vous nous donnez toujours des réponses précises et objectives.

L'agriculture française va vers un abandon des produits phytopharmaceutiques, ce qui peut poser des problèmes économiques. Les néonicotinoïdes ont été interdits en 2016 dans les cultures de betteraves. L'année 2020 a été catastrophique dans cette filière et elle risque de disparaître, avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur l'industrie sucrière. Comptez-vous mener des travaux sur la mutagénèse et la sélection génétique ? Cette alternative – qu'il faut distinguer des travaux sur les organismes génétiquement modifiés (OGM) – pourrait être une solution.

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Qu'en est-il du développement de partenariats avec d'autres pays ? Quelle sera votre stratégie pour valoriser l'expertise des scientifiques français, accroître l'influence de votre institut et bénéficier de nouvelles subventions ?

En 2021 se tiendra le sommet mondial sur les systèmes alimentaires dont le but est de rechercher les transformations permettant d'éliminer la faim et de faire reculer les maladies d'origine alimentaire. Comment comptez-vous mobiliser vos équipes pour transformer nos modes de production en ce sens ? Quelle valeur ajoutée l'INRAe pourra-t-il apporter lors de cet événement ?

La production de lin est actuellement bloquée, le circuit vers la Chine étant à l'arrêt. Il y aurait peut-être un avenir pour une filière du lin en Europe : cela fait-il partie de vos préoccupations ?

La méthanisation est un vecteur de développement des territoires, d'économie circulaire, de renforcement de notre mix énergétique et de valorisation de nos déchets. L'INRAe travaille-t-il au développement de cette pratique ?

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Pouvons-nous amplifier la démarche « Tous chercheurs », inaugurée à Nancy, associant citoyens et chercheurs dans la recherche de solutions pour demain ? Peut-on intégrer dans la haute valeur environnementale – HVE niveau 3 – le carbone et la RSE ? Pouvons-nous doter les métropoles et les communautés rurales d'instruments pour gérer, aux côtés de l'État et de la profession agricole, la politique des sols, dont la santé conditionne celle de l'homme ?

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Quel est l'état des lieux de la fusion de l'INRA et de l'IRSTEA ? Envisagez-vous une réorganisation afin de favoriser une meilleure synergie entre les chercheurs issus de ces deux entités ? Rencontrez-vous des difficultés pour attirer des talents et rester dans la course face à des homologues internationaux très actifs ?

En dépit de plusieurs plans Écophyto, la dépendance de notre agriculture aux pesticides reste importante : comment l'expliquer ? Quelles sont les solutions alternatives identifiées par l'INRAe ? La crise du covid-19 a mis en exergue les risques sanitaires induits par la destruction de l'environnement. Allez-vous définir une nouvelle politique de veille sanitaire ? Orienterez-vous la recherche vers une meilleure évaluation des risques sanitaires ?

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Il y a un angle mort dans la recherche agronomique : le sol, le rôle des micro-organismes notamment. Envisagez-vous de les prendre davantage en compte dans votre approche de l'agriculture ? Qu'attend-on des agriculteurs en matière de séquestration du carbone dans le sol ?

Qu'en est-il de la génétique végétale ou animale, qui fut un temps très à la mode à l'INRA ? Le puceron vert de la betterave est totalement passé sous le radar : la faute à qui ? Comment améliorer les systèmes permettant de prévenir l'arrivée de ravageurs Enfin, comment voyez-vous l'imbrication de l'INRA et de l'IRSTEA, et surtout la synergie entre ces deux organismes dans la définition des axes de recherche ?

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Philippe Mauguin

L'INRAe s'implique dans les différents maillons de la transition écologique : réduction d'intrants, transition agroécologique, circuits courts, réduction des gaz à effet de serre dans le secteur de l'élevage et amélioration du bien-être animal.

Le consortium de recherche sur la sortie d'une partie des pesticides chimiques, rassemblant plus de vingt acteurs de quinze pays, est une première. Nous travaillons également avec d'autres grands partenaires scientifiques européens sur une alimentation saine et durable, sur la décarbonation des systèmes agroalimentaires ainsi que sur la bioéconomie.

Lorsque nous avons lancé le programme AKER, le problème de la jaunisse des betteraves n'était pas considéré comme prioritaire par les professionnels. Ce programme exceptionnel de recherche a permis d'augmenter la diversité génétique de cette plante et de progresser sur les rendements., la cercosporiose et le mildiou. Le matériel génétique permettra d'apporter des esquisses de solutions. Nous travaillons aussi sur l'écologie chimique : certains mélanges variétaux peuvent avoir un effet répulsif sur les pucerons. Nous allons ainsi procéder à des tests sur le semis simultané en avoine, technique qui a donné des signes encourageants et pourrait aboutir à des résultats à court terme. Autre piste : l'enfouissement de couverts de graminées riches en endophytes qui, selon des résultats non encore publiés, serait assez efficace. Nous devrions obtenir des solutions pour la betterave dans trois ou quatre ans.

Nous sommes bien placés dans la compétition internationale pour la génétique du blé comme dans la préparation de nos plantes au dérèglement climatique. Je propose d'établir des schémas stratégiques par grandes régions pour l'élevage, les ressources en eau et l'adaptation des variétés à horizon 2050. Se projeter dans une vision à long terme amènera les acteurs à discuter des stratégies dès aujourd'hui – la sélection génétique prendra dix à quinze ans et changer de système de production ne se fera pas en un jour.

L'INRAe affiche une stratégie de recherche claire sur les New Breeding Techniques, dites NBT, outil d'édition génomique très performant pour comprendre l'aspect polygénique du vivant. Le cadre réglementaire de cette recherche relève du Parlement français, du Parlement européen et de la Commission européenne. Faut-il considérer les plantes obtenues comme des OGM ou comme des variétés traditionnelles ? Le débat est sensible car les niveaux de précaution ne sont pas les mêmes.

Pour faire rayonner la science française, nous créons des « laboratoires mixtes » entre l'INRAe et d'autres équipes internationales. Nous avons proposé aux meilleures équipes mondiales dans les domaines de la génétique, de la nutrition, de l'écologie et de la science des sols de mettre en commun nos moyens dans le cadre de « laboratoires internationaux associés ». Au cours des trois dernières années, nous sommes ainsi passés de deux à une vingtaine de ces laboratoires. Nous créons également des réseaux. Ainsi, nous allons proposer à nos partenaires de l'université de São Paulo au Brésil, de l'université de Laval au Canada et d'autres encore au Portugal de constituer un réseau international de recherche sur l'adaptation de la forêt au changement climatique. Enfin, nous souhaitons la constitution de programmes de recherche mondiaux. Citons l'initiative « 4 pour 1 000 », qui rassemble plus de quatre-vingts partenaires scientifiques originaires de tous les continents, ou encore l'initiative One Health, dont nous proposons de suivre les défis en constituant un réseau d'abord européen, puis mondial.

La méthanisation représente un potentiel important de développement pour notre pays. Permettez-moi d'être un peu immodeste : le laboratoire des biotechnologies de l'environnement (LBE) de Narbonne est peut-être l'un des meilleurs laboratoires de recherche au monde sur cette question. Nous devrons nous montrer cohérents avec le « 4 pour 1 000 », qui recommande d'enrichir la matière organique avec de la biomasse : si tout va dans le méthaniseur, cela ne fonctionnera pas. Notre travail consiste donc à trouver le bon équilibre, et il y a vraiment des marges de manœuvre.

Nous avons fait une expérience extrêmement intéressante avec l'ensemble des interprofessions viticoles : nous leur avons communiqué une projection du climat en 2050 à Bordeaux, en Bourgogne, en Alsace et dans les Côtes-du-Rhône ainsi que de l'évolution des degrés alcooliques et de l'acidité. Cela intéresse beaucoup les professionnels et permet d'amorcer des discussions sur les stratégies d'adaptation.

L'initiative « Tous chercheurs » en vaut vraiment la peine car elle vise à impliquer les jeunes dans les laboratoires. La recherche participative irrigue, au-delà des jeunes, leurs familles et l'ensemble du débat public. Nous sommes en pointe sur ce sujet.

Comment peut-on engager les agriculteurs français dans la transition agroécologique quand les pays concurrents ne le font pas ? La certification HVE niveau 3 engendre certes des surcoûts, mais aussi des économies d'intrants. Quant au consommateur, d'après nos simulations, il lui paraît acceptable de payer quelques centimes de plus pour des produits engagés dans cette démarche.

Le rôle des collectivités locales sur les sols est majeur. L'observatoire de la qualité des sols en France travaille avec une précision de l'ordre du kilomètre carré. Une des solutions alternatives aux produits phytosanitaires dans les dix à quinze prochaines années consistera peut-être à exploiter le microbiome des végétaux : à défaut d'enrober les semences de néonicotinoïdes, on pourrait les enrober de gels microbiotes favorables au développement de la plante et à sa résistance aux bioagresseurs. Nous avons d'importants programmes de recherches sur ce sujet. Par ailleurs, ce qui se passe dans le sol est décisif. Nous avons aidé une start-up à développer le RhizoTube, un outil exceptionnel permettant de regarder de façon non destructive le fonctionnement des racines dans le sol. De nombreuses innovations arrivent, qui nous permettront de mieux suivre la qualité des sols.

L'INRAe ne dispose pas de tous les outils pour être attractif dans le concert international. Ce qui est positif, c'est l'intérêt que portent les jeunes au climat et, plus globalement, au bien commun. De nombreux jeunes se présentent à nos concours, raison pour laquelle nous devons pouvoir recruter davantage de jeunes docteurs. Chaque année, nous recrutons 20 à 30 % d'étrangers, qui viennent essentiellement d'Amérique latine et d'Europe, un peu d'Asie et d'Afrique, mais très peu d'Amérique du Nord, en raison des différentiels de salaires. La France se situe parmi les mauvais élèves de la classe : elle paye ses chercheurs 30 % de moins que la moyenne des pays de l'OCDE, et leur régime indemnitaire est inférieur de 30 % à celui des attachés d'administration de la fonction publique. Nous proposons donc de remonter les niveaux de rémunération des chercheurs pour rester durablement attractifs.

La fusion a suscité un dialogue parfois vif avec les organisations syndicales mais elle s'est bien passée, à un rythme qui nous a permis d'échapper à la crise du covid. Elle a été menée non pour faire des économies budgétaires à la demande de Bercy mais pour faire mieux de la recherche, de la science, de l'innovation. Nos moyens ont été maintenus et les économies nées de cette opération ont pu être mises au service de la science. Autant de raisons pour lesquelles les agents, dans leur majorité, ont perçu son intérêt.

La réduction du recours aux phytosanitaires occupe beaucoup les chercheurs d'INRAe. Une approche globale s'impose car le remplacement de chaque produit n'est pas envisageable. Le dispositif des 3 000 fermes DEPHY a montré qu'il était possible d'obtenir une réduction de 20 % à 30 % dans presque toutes les filières, sans perte de marges. C'est une bonne nouvelle mais pour générer un mouvement global, il faut trouver des moyens d'accompagner les agriculteurs dans la prise de risques, avec des systèmes d'assurance notamment.

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L'INRAe veut mieux utiliser les approches agro-écologiques pour développer des systèmes de production plus résistants aux maladies. Pouvez-vous faire un point sur les avancées en matière de biocontrôle ?

Vous participez à l'initiative internationale « 4 pour 1 000 » autour du stockage du carbone dans les sols. Quels résultats vise votre institut ?

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La population de l'Afrique doublera d'ici à 2050, ce qui renforcera la pression migratoire en Europe. Les aides au développement, de plus en plus coûteuses, s'avèrent inefficaces. Pensez-vous que ce continent pourrait parvenir à l'autosuffisance alimentaire, qui lui permettrait de garder sa jeunesse ? Quelles technologies l'aideraient à atteindre cet objectif ?

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Chaque jour, deux agriculteurs se suicident et le risque de se suicider est de 12,6 % plus élevé pour cette profession et s'accroît encore chez les plus précaires. Les recherches de l'INRAe portent aussi sur des thématiques liées aux sciences humaines et sociales. Analysent-elles ces tristes réalités, notamment d'un point de vue sociologique ?

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Vous n'insistez pas assez sur les milliers d'hommes et de femmes qui travaillent à l'INRAe, qui constituent la vraie valeur ajoutée de l'institut. Les chercheurs ne peuvent exprimer tout leur potentiel parce qu'ils disposent de moyens immobiliers, techniques et humains limités, doivent consacrer beaucoup de temps à chercher des financements, et ne perçoivent pas de rémunérations correspondant à leur niveau. Améliorer leurs conditions de travail permettrait de conforter votre rayonnement international.

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Quelles sont les orientations des recherches de l'institut en matière de gestion de l'eau dans l'agriculture ? Êtes-vous favorable au stockage de l'eau ?

Qu'en est-il de la souveraineté alimentaire française ?

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Le retrait du consortium créé pour évaluer la toxicité du glyphosate récemment annoncé par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) est un mauvais coup porté à la science et au politique. Certaines organisations non gouvernementales, en manipulant les croyances et les peurs, nous mènent tout droit à la décroissance. L'agriculture n'a pourtant jamais eu autant besoin de science qu'aujourd'hui. Les agences scientifiques doivent aider les pouvoirs publics à communiquer sur des faits scientifiques et à dissiper les confusions entre conflits d'intérêts et liens d'intérêts pour restaurer la confiance de la population dans la science. Comment se positionne l'INRAe dans la perspective du renouvellement européen de l'autorisation du glyphosate en 2022 ?

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L'objectif de réduire de moitié le recours aux produits phytosanitaires en 2018 a été inscrit dans le plan Écophyto à la suite de préconisations de l'INRA. Depuis 2007, l'institut n'a cessé d'affirmer qu'il était possible de produire avec moins de pesticides, voire sans eux, en laissant les équilibres naturels opérer, ce qui a conduit les pouvoirs publics à prendre des décisions parfois radicales allant jusqu'à l'interdiction de certains produits. Les agriculteurs vont se retrouver dans des impasses techniques, à l'instar des producteurs de betteraves, de cerises, de pommes ou de noisettes. Assumez-vous les positions prises par l'INRA ?

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En tant que rapporteur pour avis, ces trois dernières années, du budget des organismes de recherche, j'ai pu constater le dynamisme de l'INRAe et la grande finesse de gestion humaine et financière ayant présidé à la fusion. Je saluerai l'association avec des laboratoires internationaux, l'accent mis sur le recrutement de jeunes chercheurs, la volonté de développer des liens avec l'industrie, initiatives qui trouveront un écho dans la future LPPR. Bref, je ne peux que dire ma satisfaction devant la proposition du Président de la République de vous reconduire à ce poste essentiel, Monsieur Mauguin.

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Nous partageons l'objectif d'assurer à nos concitoyens une alimentation saine, sûre et durable ; encore faut-il qu'elle soit accessible à tous. Comment prenez-vous en compte les coûts de production des produits frais, notamment des fruits et légumes dont les prix montent en flèche ?

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La station expérimentale de Creysse dans le Lot œuvre pour trouver des solutions respectueuses de la biodiversité dans la culture de la noix. Elle est confrontée à des difficultés financières et au désengagement de l'INRAe en matière de recherche. Or l'exploitation de nouvelles variétés, qui nécessite a minima quinze années de recherche, permettrait d'assurer l'avenir de cette filière traditionnelle exposée à la concurrence étrangère. L'INRAe envisage-t-elle une convention de recherche plus solide ?

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Philippe Mauguin

L'INRA a mis en place un consortium sur le biocontrôle unique en Europe, associant instituts techniques, PME, grands groupes et start-ups et mobilisant près de cent cinquante de nos chercheurs. Son action s'apparente à une course entre gendarmes et voleurs car les insectes ravageurs ont tendance à augmenter à cause du dérèglement climatique et des échanges internationaux.

Une étude très intéressante, publiée l'année dernière, sur le potentiel de stockage de carbone des sols agricoles et forestiers français pourrait servir de base pour orienter, dans chaque région de France, les stratégies du 4 pour 1 000 et mobiliser des fonds dans le cadre de la politique agricole commune (PAC).

Pour l'Afrique subsaharienne, d'importants financements français et européens ont été débloqués afin de soutenir la transition agro-écologique. Je propose que nos chercheurs viennent appuyer les actions des partenaires africains et du CIRAD.

La situation sociale et économique des agriculteurs mobilise bien sûr nos équipes. Le rapport que nous venons de remettre au ministre de l'agriculture, qui décompose finement leurs revenus, permet de mieux comprendre l'incidence de l'évolution des prix, des aides, des coûts de production, la ventilation entre exploitation et ménage.

La situation des chercheurs n'est peut-être pas aussi dramatique que vous le dites, Monsieur Turquois. Espérons que le plan de relance du Gouvernement ne concernera pas seulement les écoles et l'université mais aussi la recherche et qu'il sera l'occasion de transformer nos passoires énergétiques en bâtiments bioclimatiques. Avec la LPPR, qui permettra d'augmenter les indemnités et les revenus des chercheurs, cela devrait contribuer à rendre ces métiers durablement attractifs.

Nos recherches vont de l'eau verte à l'eau bleue : amélioration de la résistance des plantes au stress hydrique, renforcement de la performance des systèmes d'irrigation, expertise dans la gestion des bassins versants et de l'utilité des différentes formes de retenues.

En matière de souveraineté alimentaire, notre institut peut contribuer à mettre au point des schémas stratégiques, après identification des points forts et des points faibles comme les protéines végétales, et aider à la reconquête de certains segments dans le cadre d'un modèle durable mais aussi solidaire.

Monsieur Moreau, je suis d'accord avec vous sur la difficulté à prendre en compte les faits scientifiques dans le débat public. Notre institut se tient à la disposition des pouvoirs publics pour apporter son expertise. Il l'a fait, par exemple, pour évaluer l'impact de traités bilatéraux.

Je n'ai jamais dit qu'il était possible de réduire les phytosanitaires d'un coup de baguette magique. Nous prenons soin de présenter les solutions de transition avec les coûts qu'elles impliquent car nous sommes conscients des risques que les agriculteurs doivent prendre. La question est de savoir comment nous pouvons accompagner les chambres d'agriculture, les instituts techniques, les pouvoirs publics. Et nous savons aussi qu'une réduction de 50 % et plus nécessite un changement de système de production, ce qui est encore moins facile. Nous essayons d'accompagner les filières pour trouver des solutions de biocontrôle, notamment en collaboration avec le Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL).

Je ne manquerai pas de faire part de vos commentaires à toutes nos équipes, Monsieur Liogier.

Les prix des fruits et légumes sont très difficiles à stabiliser, car ils dépendent fortement du climat et de la demande des consommateurs. Nos équipes prêtent une attention particulière à leur commercialisation.

Pour alléger les difficultés financières de la station expérimentale de Creysse, nous avons revu notre protocole de propriété intellectuelle afin d'augmenter la part des redevances qui lui revient. Cela ne suffit pas et le ministre va regarder de près sa situation. Nous sommes toujours prêts à accompagner ce partenaire historique pour mener des projets de recherche en collaboration avec le CTIFL. Nous pourrons répondre ensemble à des appels d'offres de FranceAgriMer, susceptibles de lui apporter de nouveaux financements.

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Nous vous remercions, Monsieur Mauguin. Nous allons maintenant procéder au vote sur votre nomination.

La commission procède au vote

Après le départ de M. Philippe Mauguin, il est procédé au vote sur la nomination par appel à la tribune et à bulletins secrets.

Le Sénat ayant, de son côté, réalisé l'audition de M. Philippe Mauguin le 14 octobre 2020, le dépouillement n'a pu être effectué qu'à l'issue de cette dernière audition, en application de l'article 5 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 et de l'article 29‑1 du Règlement.

Les résultats du vote sont les suivants :

Nombre de votants

Bulletins blancs ou nuls

Abstention

Suffrages exprimés

Pour

Contre

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 29 juillet 2020 à 9 h 35

Présents. – M. Damien Adam, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, Mme Barbara Bessot Ballot, M. Éric Bothorel, Mme Pascale Boyer, M. Jacques Cattin, M. Sébastien Cazenove, Mme Michèle Crouzet, Mme Marguerite Deprez-Audebert, M. Fabien Di Filippo, M. Julien Dive, M. Olivier Falorni, M. Daniel Fasquelle, Mme Valéria Faure-Muntian, Mme Laurence Gayte, M. Antoine Herth, M. Guillaume Kasbarian, Mme Frédérique Lardet, M. Roland Lescure, M. Richard Lioger, Mme Jacqueline Maquet, Mme Graziella Melchior, M. Jean‑Baptiste Moreau, Mme Anne-Laurence Petel, Mme Nathalie Porte, M. Dominique Potier, M. Jean-Bernard Sempastous, M. Denis Sommer, Mme Huguette Tiegna, M. Stéphane Travert, M. Nicolas Turquois, M. Jean-Pierre Vigier, M. André Villiers

Excusés. – Mme Anne Blanc, M. Bruno Bonnell, M. Sébastien Jumel, M. Richard Ramos

Assistait également à la réunion. – M. Michel Delpon