L'INRAe s'implique dans les différents maillons de la transition écologique : réduction d'intrants, transition agroécologique, circuits courts, réduction des gaz à effet de serre dans le secteur de l'élevage et amélioration du bien-être animal.
Le consortium de recherche sur la sortie d'une partie des pesticides chimiques, rassemblant plus de vingt acteurs de quinze pays, est une première. Nous travaillons également avec d'autres grands partenaires scientifiques européens sur une alimentation saine et durable, sur la décarbonation des systèmes agroalimentaires ainsi que sur la bioéconomie.
Lorsque nous avons lancé le programme AKER, le problème de la jaunisse des betteraves n'était pas considéré comme prioritaire par les professionnels. Ce programme exceptionnel de recherche a permis d'augmenter la diversité génétique de cette plante et de progresser sur les rendements., la cercosporiose et le mildiou. Le matériel génétique permettra d'apporter des esquisses de solutions. Nous travaillons aussi sur l'écologie chimique : certains mélanges variétaux peuvent avoir un effet répulsif sur les pucerons. Nous allons ainsi procéder à des tests sur le semis simultané en avoine, technique qui a donné des signes encourageants et pourrait aboutir à des résultats à court terme. Autre piste : l'enfouissement de couverts de graminées riches en endophytes qui, selon des résultats non encore publiés, serait assez efficace. Nous devrions obtenir des solutions pour la betterave dans trois ou quatre ans.
Nous sommes bien placés dans la compétition internationale pour la génétique du blé comme dans la préparation de nos plantes au dérèglement climatique. Je propose d'établir des schémas stratégiques par grandes régions pour l'élevage, les ressources en eau et l'adaptation des variétés à horizon 2050. Se projeter dans une vision à long terme amènera les acteurs à discuter des stratégies dès aujourd'hui – la sélection génétique prendra dix à quinze ans et changer de système de production ne se fera pas en un jour.
L'INRAe affiche une stratégie de recherche claire sur les New Breeding Techniques, dites NBT, outil d'édition génomique très performant pour comprendre l'aspect polygénique du vivant. Le cadre réglementaire de cette recherche relève du Parlement français, du Parlement européen et de la Commission européenne. Faut-il considérer les plantes obtenues comme des OGM ou comme des variétés traditionnelles ? Le débat est sensible car les niveaux de précaution ne sont pas les mêmes.
Pour faire rayonner la science française, nous créons des « laboratoires mixtes » entre l'INRAe et d'autres équipes internationales. Nous avons proposé aux meilleures équipes mondiales dans les domaines de la génétique, de la nutrition, de l'écologie et de la science des sols de mettre en commun nos moyens dans le cadre de « laboratoires internationaux associés ». Au cours des trois dernières années, nous sommes ainsi passés de deux à une vingtaine de ces laboratoires. Nous créons également des réseaux. Ainsi, nous allons proposer à nos partenaires de l'université de São Paulo au Brésil, de l'université de Laval au Canada et d'autres encore au Portugal de constituer un réseau international de recherche sur l'adaptation de la forêt au changement climatique. Enfin, nous souhaitons la constitution de programmes de recherche mondiaux. Citons l'initiative « 4 pour 1 000 », qui rassemble plus de quatre-vingts partenaires scientifiques originaires de tous les continents, ou encore l'initiative One Health, dont nous proposons de suivre les défis en constituant un réseau d'abord européen, puis mondial.
La méthanisation représente un potentiel important de développement pour notre pays. Permettez-moi d'être un peu immodeste : le laboratoire des biotechnologies de l'environnement (LBE) de Narbonne est peut-être l'un des meilleurs laboratoires de recherche au monde sur cette question. Nous devrons nous montrer cohérents avec le « 4 pour 1 000 », qui recommande d'enrichir la matière organique avec de la biomasse : si tout va dans le méthaniseur, cela ne fonctionnera pas. Notre travail consiste donc à trouver le bon équilibre, et il y a vraiment des marges de manœuvre.
Nous avons fait une expérience extrêmement intéressante avec l'ensemble des interprofessions viticoles : nous leur avons communiqué une projection du climat en 2050 à Bordeaux, en Bourgogne, en Alsace et dans les Côtes-du-Rhône ainsi que de l'évolution des degrés alcooliques et de l'acidité. Cela intéresse beaucoup les professionnels et permet d'amorcer des discussions sur les stratégies d'adaptation.
L'initiative « Tous chercheurs » en vaut vraiment la peine car elle vise à impliquer les jeunes dans les laboratoires. La recherche participative irrigue, au-delà des jeunes, leurs familles et l'ensemble du débat public. Nous sommes en pointe sur ce sujet.
Comment peut-on engager les agriculteurs français dans la transition agroécologique quand les pays concurrents ne le font pas ? La certification HVE niveau 3 engendre certes des surcoûts, mais aussi des économies d'intrants. Quant au consommateur, d'après nos simulations, il lui paraît acceptable de payer quelques centimes de plus pour des produits engagés dans cette démarche.
Le rôle des collectivités locales sur les sols est majeur. L'observatoire de la qualité des sols en France travaille avec une précision de l'ordre du kilomètre carré. Une des solutions alternatives aux produits phytosanitaires dans les dix à quinze prochaines années consistera peut-être à exploiter le microbiome des végétaux : à défaut d'enrober les semences de néonicotinoïdes, on pourrait les enrober de gels microbiotes favorables au développement de la plante et à sa résistance aux bioagresseurs. Nous avons d'importants programmes de recherches sur ce sujet. Par ailleurs, ce qui se passe dans le sol est décisif. Nous avons aidé une start-up à développer le RhizoTube, un outil exceptionnel permettant de regarder de façon non destructive le fonctionnement des racines dans le sol. De nombreuses innovations arrivent, qui nous permettront de mieux suivre la qualité des sols.
L'INRAe ne dispose pas de tous les outils pour être attractif dans le concert international. Ce qui est positif, c'est l'intérêt que portent les jeunes au climat et, plus globalement, au bien commun. De nombreux jeunes se présentent à nos concours, raison pour laquelle nous devons pouvoir recruter davantage de jeunes docteurs. Chaque année, nous recrutons 20 à 30 % d'étrangers, qui viennent essentiellement d'Amérique latine et d'Europe, un peu d'Asie et d'Afrique, mais très peu d'Amérique du Nord, en raison des différentiels de salaires. La France se situe parmi les mauvais élèves de la classe : elle paye ses chercheurs 30 % de moins que la moyenne des pays de l'OCDE, et leur régime indemnitaire est inférieur de 30 % à celui des attachés d'administration de la fonction publique. Nous proposons donc de remonter les niveaux de rémunération des chercheurs pour rester durablement attractifs.
La fusion a suscité un dialogue parfois vif avec les organisations syndicales mais elle s'est bien passée, à un rythme qui nous a permis d'échapper à la crise du covid. Elle a été menée non pour faire des économies budgétaires à la demande de Bercy mais pour faire mieux de la recherche, de la science, de l'innovation. Nos moyens ont été maintenus et les économies nées de cette opération ont pu être mises au service de la science. Autant de raisons pour lesquelles les agents, dans leur majorité, ont perçu son intérêt.
La réduction du recours aux phytosanitaires occupe beaucoup les chercheurs d'INRAe. Une approche globale s'impose car le remplacement de chaque produit n'est pas envisageable. Le dispositif des 3 000 fermes DEPHY a montré qu'il était possible d'obtenir une réduction de 20 % à 30 % dans presque toutes les filières, sans perte de marges. C'est une bonne nouvelle mais pour générer un mouvement global, il faut trouver des moyens d'accompagner les agriculteurs dans la prise de risques, avec des systèmes d'assurance notamment.