Intervention de Cédric Villani

Réunion du jeudi 1er octobre 2020 à 15h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCédric Villani, rapporteur :

De nombreux arguments ont été avancés, sur lesquels je peux parfois vous rejoindre. Mme Blin nous a ainsi invités à protéger les conducteurs de chiens de sang : je ne suis pas contre, il faut encourager les bonnes pratiques, surtout s'il s'agit de retrouver des animaux abîmés accidentellement par des voitures.

Ma collègue Yolaine de Courson l'a dit, on peut avoir une visée écologiste d'harmonie avec la nature sans forcément être contre la chasse. Dans son ouvrage des années 1960, Rachel Carson, pionnière de l'écologie, reconnaissait d'ailleurs qu'il était légitime que les chasseurs aient accès à un petit gibier, et invitait à lutter contre le pesticide DDT qui l'empoisonnait. Cela rejoint ce que disait Mme Batho sur l'analyse des députés chasseurs ayant voté, à juste titre, l'interdiction des néonicotinoïdes en 2016.

Il s'agit donc non pas de s'opposer en bloc à la chasse mais de travailler pratique par pratique, en commençant par la chasse à courre. Si j'ai bien compris ce que disait M. Perea, je devrais me réjouir que le cerf puisse courir lorsqu'il est poursuivi par les chasseurs, de la même façon que je déplorais ce matin que le lapin n'ait pas le droit de gambader… L'argument me paraît fragile ! Je ne suis pas certain de pouvoir l'expliquer à mes enfants…

Il semble aussi regretter que des caméras aient été présentes au mauvais moment à Compiègne. Ah oui, c'est dommage ! Il y a quelques jours, le président Willy Schraen donnait instruction aux chasseurs, via la fédération nationale des chasseurs, de ne pas diffuser d'images de tableaux de chasse par trop fournis. Il a raison : mieux vaut cacher les choses quand on ne veut pas qu'elles se sachent… Je ne suis pas sûr que l'argument soit très fort dans une société où tout se sait et où nous avons besoin de transparence. Et de la transparence sur la chasse à courre, il y en a eu : en 2010, l'association One Voice avait réalisé un reportage d'infiltration bien documenté sur ses pratiques ; on y voyait des faons dévorés vivants, des animaux noyés, assommés… Superbe ! Mais cela ne faisait pas très ami de la nature !

Du reste, les mêmes, autrement dit les représentants de la fédération nationale des chasseurs, ont assumé cette cruauté lors de leur audition, expliquant que la nature, elle aussi, est cruelle et que l'équipage de chiens de courre reproduit la meute de loups. Mais se prendre pour une meute de loups et partir à la chasse, est-ce un projet pour l'humanité, en 2020 ? Il y a bien d'autres moyens et d'autres façons d'apprécier la nature, de la parcourir, de l'aider, de faire tout le travail que décrivait M. Aubert, que de dresser une meute de chiens à attaquer sauvagement un animal sans défense.

Pour ce qui est de l'argument du chômage, certaines associations avancent que la chasse à courre représenterait environ un millier d'emplois ; mais à une époque où l'on a tant besoin de bras pour entretenir notre patrimoine, je ne suis pas sûr qu'ils soient forcément plus utiles d'aller tout bousculer, déranger les habitants des villes voisines ou les promeneurs dans les champs. Je le répète : 80 % des Français sont opposés à la chasse à courre, y compris dans les campagnes.

L'argumentation de M. Aubert est intéressante et, comme toujours, rigoureuse. Le volume des prélèvements n'est certes pas très important mais dans une situation d'effondrement, mieux vaut à mon sens s'en abstenir totalement : ce n'est pas parce que les chats sont très meurtriers pour les oiseaux que les humains doivent l'être aussi.

Les pratiques, quant à elles, sont variables : les appelants, explique-t-il, sont relâchés après la prise du gibier. C'est tout de même étrange : on va tuer tout un paquet d'oiseaux qu'on a attirés, et relâcher celui qu'on avait pris au départ… Mais il y a d'autres pratiques : dans les Ardennes, on pratique la tenderie, un mode de chasse qui consiste à capturer la grive au moyen de lacets qui étranglent les oiseaux, littéralement pendus. Nous nous situons là exactement dans le registre de la souffrance gratuite, sans finalité ni intérêt.

Quant à la vénerie sous terre, personne ne s'est levé pour la défendre… Le front de ceux qui prétendent que la chasse est un bloc s'effrite également dans le débat parlementaire. C'est vraiment une pratique d'un autre temps : on creuse, on envoie des chiens sous terre qui acculent le blaireau ou le renard…

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