Intervention de Cédric Villani

Réunion du jeudi 1er octobre 2020 à 15h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCédric Villani, rapporteur :

Les éleveurs sont les premiers concernés, nous en sommes d'accord. Nous l'avons déjà dit ce matin : c'est à eux qu'il faut donner les moyens de monter en gamme. Le bien-être animal, inutile de tergiverser, suppose de l'argent et des investissements. C'est bien la raison pour laquelle l'article 1er prévoyait la création d'un fonds, avec des moyens bien plus élevés que ceux qui sont aujourd'hui mis sur la table.

Vous évoquez une baisse de 22 %, en trois ans, de la production d'œuf en cage. Cela tombe bien : si vous rajoutez deux fois trois ans, vous arrivez quasiment à zéro en 2025, autrement dit à la date que nous proposons. À ceci près que nous ne nous contentons pas de suivre à peu près la pente naturelle que vous décrivez : nous fixons un objectif, et qui plus est à la date que propose le groupe Avril, acteur majeur du secteur.

Vous ne voulez pas d'une société à deux vitesses, dans laquelle certains pourraient se payer des produits de qualité, et les autres se contenter d'aliments à bas coût ; moi non plus. Mon projet est de faire bénéficier tout le monde d'une nourriture de qualité et précisément garantir qu'un produit labellisé en France est issu de conditions d'élevage dignes.

Et quand je parle de conditions dignes, je reviens sur le cas du cochon, encore et toujours… Des cochons, vous en avez fréquenté (Sourires), moi aussi. Sans doute en avez-vous vu et caressé bien plus que moi – cela dit sans aucune intention péjorative : c'est un animal que j'adore. Mais vous ne pouvez pas me soutenir que le cochon sur caillebotis vit dans des conditions qui lui permettent de satisfaire les besoins physiologiques propres à son espèce. Sinon, il n'y aurait pas besoin de lui couper la queue, ni de lui meuler les dents, comme cela s'est fait pendant très longtemps, ni de maintenir les truies couchées la moitié du temps.

Nous avons interrogé les responsables de la filière : 95 % des cochons sont élevés sur caillebottis. L'accès généralisé au plein air supposerait, selon eux, un investissement estimé entre 6 et 13 milliards d'euros. Quand bien même il s'agirait de 10 milliards sur vingt ans, cela représenterait 1 euro par mois et par Français… Êtes-vous disposés à consacrer trois centimes par jour afin de garantir que chaque cochon sacrifié pour être transformé en jambon dans votre sandwich, ou en tout autre chose, aura eu un accès au plein air, conformément à ses besoins physiologiques ? Posez la question autour de vous : vous me direz la réponse.

Nous parlons de transformations longues, de projets de société pour lesquels il faut se donner des moyens, faire preuve d'ambition, voir loin. Dès lors que nous fixons des objectifs environnementaux et éthiques, la société se débrouillera pour les atteindre. Prenons un exemple : l'objectif zéro carbone en 2050 que nous nous sommes fixé, et le plan qui va avec. Imaginez que nous ayons laissé les filières décarboner seules… L'objectif de décarbonation complète en 2050 oblige les différents acteurs à se positionner et à adopter des trajectoires ambitieuses. C'est bien de cela qu'il est aussi question aujourd'hui.

J'ai encore entendu cet argument de la viande végétale… Y a-t-il dans cette salle une seule personne qui y ait goûté ? Ce n'est pas dans mes plans, ni dans ceux des gens qui ont élevé la voix en faveur des animaux ces derniers temps. Et pourtant on le ressort, encore et encore…

On me parle de visées abolitionnistes : où, qui, qu'est-ce ? L'acteur associatif qui s'est montré le plus coopératif pour nous donner des informations, des plans, des estimations du nombre de centimes à ajouter par animal pour obtenir des améliorations significatives, c'est le CIWF, Compassion in world farming. Ce ne sont pas des abolitionnistes, ni des gens de la Silicon Valley, ni des adeptes de la viande végétale ; c'est une association fondée par des agriculteurs il y a cinquante ans dans le but de promouvoir les meilleures pratiques pour les êtres humains et pour les animaux. Et c'est bien cela, notre projet de société. Mais reconnaissons que, pour mener à bien une entreprise aussi ambitieuse, qui touche à l'essentiel – notre relation avec le vivant et notre alimentation –, nous pouvons et devons mettre sur la table les moyens qui s'imposent.

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