Intervention de Émilie Cariou

Réunion du jeudi 1er octobre 2020 à 15h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉmilie Cariou :

Dans la période de crise sanitaire et économique que nous vivons, le numérique s'est révélé utile à bien des égards. Il a permis à de nombreuses entreprises de poursuivre leur activité grâce à la vente en ligne, au développement du drive ou à l'optimisation logistique. Pourtant, nous assistons aujourd'hui à la montée en puissance sur notre territoire d'un modèle qui tue toute concurrence économique avec nos entreprises de vente en direct. Depuis des années, des dizaines d'immenses entrepôts de e -commerce pullulent dans nos territoires, où ils bénéficient d'un environnement économique qui leur est extrêmement favorable, au détriment de tous nos autres commerces. Il est évident qu'une meilleure régulation de ces implantations est nécessaire et urgente.

C'est donc avec force et satisfaction que le groupe Écologie Démocratie Solidarité soutiendra cette proposition de loi. La Convention citoyenne pour le climat a fait de ce sujet une priorité et il est urgent de se demander quel commerce nous voulons. Nous nous réjouissons donc que ce sujet puisse être débattu aujourd'hui.

Il s'agit avant tout de rétablir une justice économique et fiscale, comme nous avons commencé à le faire avec la taxe sur les services numériques, pour laquelle je me suis battue à l'Assemblée nationale. Notre groupe le répète : la vente en ligne n'est pas un problème. Ce qui est problématique, c'est le modèle des grandes sociétés, comme Amazon, qui misent sur l'implantation d'entrepôts gigantesques, qui cassent les prix et qui entrent dans une logique de concurrence déloyale, puisqu'elles gagnent des parts de marché en vendant à perte. Soutenir ce modèle sans condition revient à faire mourir nos cœurs de ville. Alors que l'inspection générale des finances a constaté des fraudes à la TVA en 2019, il nous paraît inconcevable que ces entrepôts gigantesques échappent, en plus, à la taxe sur les surfaces commerciales. Est-il logique que les grandes surfaces y soient assujetties et que les usines logistiques d'Amazon en soient exemptées ? À cela s'ajoute l'optimisation fiscale de masse pratiquée sur l'imposition des résultats.

Je sais que le Gouvernement est prêt à travailler sur ces questions, il l'a promis à de nombreuses reprises, et j'entends des collègues dire que l'on va lancer des groupes de travail… Croyez-moi : cela fait dix ans que je me bats sur ce sujet et nous avons déjà eu des groupes de travail à tous les échelons, national, international, multilatéral… La taxe sur les services numériques a fait bouger les choses, alors qu'on l'a votée dans un cadre franco-français. Faisons de même cette fois-ci !

Il n'est plus temps d'attendre : il faut avoir le courage politique de faire face aux GAFAM sur cette question de la distorsion de concurrence. Dans une période où la priorité de l'État est de maintenir les emplois et de relocaliser notre économie, nous ne pouvons accepter ce modèle de e -commerce. L'entreprise Amazon ne crée pas d'emplois, elle en détruit. Les chiffres sont connus : pour un emploi créé dans le e -commerce, plus de deux emplois disparaissent dans le commerce de proximité.

Ce qui est en jeu, c'est aussi la vitalité des centres-villes, qui sont en train de mourir à petit feu, particulièrement dans le monde rural. Notre rôle de parlementaires est de maintenir les liens humains partout dans nos territoires : l'emploi local et l'activité de proximité doivent être préservés.

Enfin et surtout, la nécessité de réguler ces implantations d'usines est un enjeu fondamental pour le climat et la préservation de la nature. Cette proposition de loi a le mérite de s'attaquer aux effets néfastes de l'implantation de tels entrepôts sur notre environnement. L'emprise d'une nouvelle installation contribue largement à l'artificialisation des sols et constitue une attaque immédiate contre la biodiversité dans nos paysages. Pour chaque usine de logistique de e -commerce, on fait rouler sur nos routes jusqu'à 2 000 poids lourds et 4 000 utilitaires supplémentaires chaque jour. À cela s'ajoute l'augmentation du trafic aérien de transport de marchandises. Cette proposition de loi a pour ambition de faire progresser tout à la fois justice économique et fiscale, justice sociale et justice environnementale.

J'espère que nos débats permettront d'aboutir à une position claire et transpartisane sur le commerce que nous voulons dans nos territoires. Chers collègues, ayons le courage de soutenir nos commerces locaux face aux géants internationaux, qui rêvent d'un hyper-monopole sur nos territoires et qui détruisent nos emplois et notre environnement. Le groupe EDS soutient pleinement cette proposition de loi.

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