Intervention de Mathilde Panot

Réunion du jeudi 1er octobre 2020 à 15h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMathilde Panot :

Le Président de la République a déclaré cet été : « Arrêter la bétonisation, c'est un projet pour rendre notre pays plus humain, au fond plus beau », en évoquant l'idée d'un moratoire sur l'aménagement de zones commerciales.

On peine à comprendre la différence que fait la majorité entre les « zones commerciales » et les entrepôts logistiques du géant du e -commerce, Amazon, qui envisage d'en implanter huit autres en France, par exemple à Belfort, à Saint‑Sulpice-la-Pointe ou encore en Alsace, où les riverains se mobilisent : ce sont des terres agricoles, parfois même des zones humides, qui vont être bétonnées au profit du géant du e -commerce. Pourquoi nos collègues de la majorité font-ils délibérément une exception pour Amazon ? Pourquoi faire une différence entre les entrepôts et les zones commerciales ? Pourquoi attendre ? Que pouvez-vous bien trouver à Amazon ?

Faites-vous une exception pour Amazon parce qu'il détruit deux fois plus d'emplois qu'il n'en crée ? Aux États-Unis, il en a détruit 270 000, avec sa stratégie de concurrence déloyale. En France, pendant que les petits commerces ferment les uns après les autres, alors que Camaïeu, La Halle et d'autres enseignes ont déposé le bilan, Amazon a empoché 89 milliards de dollars (Md$) pendant la pandémie !

N'est-ce pas plutôt parce qu'Amazon est un champion de la surproduction ? En 2018, ses ventes représentaient l'équivalent de deux produits par habitant de la planète. Ou bien est-ce que parce que la surproduction textile représente 10 % de nos émissions de CO2 en France ?

Est-ce parce que les livraisons d'Amazon font exploser le trafic aérien, ou bien parce que les entrepôts de cette entreprise vont entraîner le passage quotidien de 1 000 à 1 500 camions à toute heure du jour et de la nuit ? Ah, je sais ! C'est sans doute parce qu'Amazon dissimule son chiffre d'affaires au Luxembourg et ne paie pas ses impôts en France ! À moins que ce ne soit, dernière option, parce que les conditions de travail y sont particulièrement terrifiantes et dégradantes ! Nous avons notamment appris, il y a deux semaines, qu'Amazon cherchait à recruter des spécialistes du renseignement pour espionner les potentiels syndicalistes à l'intérieur de ses propres entrepôts. Aux États-Unis, les salariés sont obligés d'uriner dans des bouteilles pour ne pas être sanctionnés !

Je me demande ce que vous trouvez à cette entreprise, à moins que vous ne soyez attachés à la destruction créatrice, que, pour vous, la surproduction soit synonyme d'abondance, que le trafic aérien vous enchante, que le son des camions sur l'autoroute vous berce et que vous aimiez jouer à cache-cache avec les fraudeurs fiscaux ! À part cela, je ne vois pas !

Amazon est un désastre écologique, social, économique et fiscal. C'est une entreprise voyou qui pollue massivement, ne paie pas ses impôts, pratique le dumping sur les prix, écrase les petits commerçants, détruit des emplois et met en danger ses salariés. Rappelons que cette société n'a pas fourni de masques à ses salariés durant le confinement ; elle a dû limiter son activité aux produits essentiels sur décision de justice, mais elle a quand même essayé de faire du chantage à l'emploi, en menaçant de fermer ses entrepôts, plutôt que d'en limiter l'activité. Voilà à quoi mène la politique du « laisser-faire » vis-à-vis des entreprises : à l'arrogance la plus crasse !

Mais ni cette décision de justice, ni le confinement n'ont empêché Amazon de se gaver de profits. En 1916, on appelait les entreprises qui s'étaient engraissées pendant la période de malheur national des profiteurs de guerre. L'État a ensuite récupéré le surplus de bénéfices généré pendant la guerre. Aujourd'hui, Amazon est un profiteur de crise, pour qui le coronavirus a été une aubaine. Mais pas de taxe en vue : les temps ont bien changé !

Incompatible avec la lutte contre le changement climatique, incompatible avec le respect des salariés, incompatible avec nos lois qui imposent aux entreprises de payer leurs impôts en France, l'empire Amazon doit voir son expansion freinée sur notre territoire : non aux huit nouveaux entrepôts, non à l' « amazonisation » de la France ! Le groupe de La France insoumise votera cette proposition de loi et sait gré à notre collègue Delphine Batho de nous l'avoir présentée.

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