Intervention de Anne-France Brunet

Réunion du mardi 13 octobre 2020 à 17h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne-France Brunet, rapporteure pour avis :

Comme vous le savez, la France a connu cette année une crise d'une ampleur exceptionnelle, dont les effets se sont fait sentir dès le printemps dernier et continueront de se propager pendant de longs mois encore. Il faut remonter en 1942, lorsque la France avait connu une récession de 10,5 %, pour trouver une contraction du produit intérieur brut plus forte que celle que nous connaissons aujourd'hui. Face à ce défi, le Gouvernement n'est pas resté inerte, tant s'en faut. Il a, comme vous vous en souvenez, réagi en proposant dès le printemps une série de mesures, elles aussi inédites, de soutien des ménages et des entreprises.

Il s'agit désormais d'inscrire cet effort dans la durée, en préservant les capacités productives de notre pays et en renforçant sa résilience face à la crise qui continuera de nous affecter l'an prochain. C'est précisément l'objet du plan de relance de 100 milliards d'euros présenté le 3 septembre dernier, qui s'inscrit résolument dans le cadre d'une relance de dimension européenne. Le choc budgétaire qui en découlera devrait permettre d'amplifier les premiers signes de reprise économique observés actuellement, avec une évolution globale du PIB estimée désormais à -8,7 % pour l'ensemble de l'année 2020, contre une prévision initiale de la Banque de France à -10,3 %.

Afin de ne pas diluer les mesures du plan de relance dans les méandres de la nomenclature budgétaire de l'État, le Gouvernement a fait le choix de rassembler une large part des dépenses envisagées sur l'exercice 2021 dans une mission entièrement nouvelle : la mission « Plan de relance ». Dotée de 36,4 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 22 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), elle s'articule autour de trois priorités érigées en programmes : la transition écologique, la compétitivité et l'innovation et enfin la cohésion sociale et territoriale. Les sommes en jeu sont loin d'être négligeables et représentent 1,5 % de notre PIB. Bien évidemment, la mission « Plan de relance » n'a pas vocation à se maintenir dans la durée et devrait se limiter aux exercices budgétaires 2021 et 2022.

Ses programmes reprennent tantôt des mesures entièrement nouvelles, telles que le plan protéines végétales ou la stratégie nationale pour le développement de l'hydrogène décarboné, tantôt des actions existantes, comme le fonds de soutien à l'agriculture biologique, dont les moyens sont amplifiés de manière considérable. Votre rapporteure constate avec satisfaction que le volet « Écologie » est le plus important avec 18,4 milliards d'euros en AE. Il comporte des mesures d'aide à la rénovation thermique des bâtiments publics et privés, l'accélération de la transition agro-écologique et la création d'une filière de production d'hydrogène décarboné.

Le deuxième programme, « Compétitivité », est consacré à diverses mesures de soutien des entreprises, telles que le renforcement des fonds de garantie de Bpifrance, et à la numérisation des administrations publiques et des TPE-PME-ETI, pour un montant total en AE de 6 milliards d'euros.

Le troisième programme, « Cohésion », est doté de 12 milliards d'euros en AE. Il rassemble le dispositif d'aide à l'activité partielle de longue durée (APLD) instauré pendant la première phase de la crise sanitaire et qui a vocation à être prolongé jusqu'en 2022, l'élargissement du service civique, la création d'une aide à l'embauche des jeunes de moins de 26 ans, ainsi que le versement de l'allocation garantie jeunes.

Venons‑en aux conditions de succès du plan de relance. Cet effort financier inédit implique logiquement une vigilance particulière sur ses modalités d'application et de suivi. Je voudrais dire un mot sur ce sujet, à la lumière des auditions que j'ai menées. Je souhaite insister, en premier lieu, sur la nécessité de travailler à la lisibilité des mesures de relance. Le plan de relance en contient beaucoup ; or les acteurs économiques n'ont pas nécessairement le temps d'aller rechercher l'information. C'est pourquoi une vraie stratégie de communication doit être déployée, en mobilisant les supports physiques et numériques et surtout les relais territoriaux, interlocuteurs habituels des TPE-PME. Il faut entendre leur demande de simplicité. Je plaide en conséquence en faveur d'une logique de guichet unique, notamment dans le domaine de la numérisation des entreprises.

Il me semble également important que le suivi du plan de relance soit à la hauteur, pour tenir les objectifs fixés en matière de décaissement rapide des crédits. Sur ce sujet, je salue la création d'un conseil national de suivi de la relance et de comités régionaux de suivi, tout en attendant le détail de leurs modalités de fonctionnement. La nomination de sous‑préfets à la relance est également une bonne chose. Je souhaite néanmoins ajouter que les parlementaires doivent aussi être associés à cette démarche. Nous sommes en effet d'utiles relais, sur le terrain, pour faire connaître les mesures et remonter les difficultés de certains dispositifs. Il me semble utile, en outre, que la commission réfléchisse à organiser le suivi de la relance, sur un modèle proche de ce qui a été fait pendant le confinement.

Enfin, dernière condition de succès du plan de relance selon moi : les moyens humains de son déploiement. Les crédits budgétaires prévus doivent, sur ce point, être à la hauteur des attentes des acteurs, pour que des délais de traitement de dossier ne contreviennent pas à l'impératif de rapidité de mise en œuvre du plan.

Dans le cadre de mes travaux, j'ai choisi d'analyser plus précisément deux sujets majeurs qui incarnent, à eux seuls, l'ambition du plan de relance. Le premier de ces volets a trait à l'agro-écologie. Le secteur agricole est aujourd'hui à la croisée des chemins entre un modèle productiviste, soutenu par la consommation d'énergies fossiles, et un modèle plus résilient et plus durable, organisé autour d'exploitations viables sur le plan économique et saines sur le plan écologique. L'action de l'État en faveur de la transition agro‑écologique n'est bien évidemment pas nouvelle ; le plan de relance opère toutefois un changement d'ordre de grandeur très net.

Au sein de l'action 6 du programme « Écologie », les mesures de soutien des entreprises et des exploitations agricoles au titre de l'agro‑écologie représentent un total de 374 millions d'euros en AE et de 137 millions en CP, ce qui revient à tripler les moyens alloués jusqu'à présent dans ce domaine. L'agriculteur pourra notamment bénéficier d'un accès facilité à des prestations de diagnostic et de bilan carbone. Des aides diverses sont également prévues pour l'acquisition d'agro‑équipements plus performants et le renforcement de la résilience des exploitations.

Tout au plus peut-on regretter que le Gouvernement n'ait pas prévu de dispositif spécifique d'aide à la trésorerie pour les petites exploitations désireuses de s'engager dans une démarche de transition. Pour cette raison, j'ai choisi de proposer dans mon rapport d'étudier la création d'un dispositif de garantie de prêt consacré à la transition agro‑écologique, à l'instar de ce qui a été proposé l'an dernier par la région Nouvelle-Aquitaine.

S'agissant du soutien à la transition numérique, je ne reviendrai pas en détail sur la période du confinement, si ce n'est pour dire qu'elle a révélé tout à la fois l'utilité du numérique et les fractures de notre société dans ce domaine : inégalités dans l'accès aux infrastructures numériques, dans la maîtrise des compétences numériques et dans la numérisation de nos entreprises. À mon sens, ces trois sujets sont pris à bras-le-corps par le plan de relance, ce dont je me réjouis. Au total, sur deux ans, en intégrant les dépenses à destination des entreprises technologiques, ce sont 7 milliards d'euros qui seront engagés pour soutenir la transition numérique de notre pays.

La mission « Plan de relance » contient essentiellement trois mesures fortes : des crédits en faveur de la numérisation des entreprises, du déploiement de la fibre dans le cadre du plan France Très Haut Débit et de l'inclusion numérique et enfin de la numérisation de l'État et de ses territoires.

Comme vous le savez, la France est l'un des pays en Europe où l'utilisation du numérique par les TPE-PME est la plus faible. Selon une enquête menée par la CPME et Sage, en 2019, seuls 34 % des chefs de ces entreprises indiquaient que leur transformation numérique était en cours ou achevée. Le choc de la crise a donc été rude pour ces petites structures. Le projet de loi de finances 2021 affecte à cette priorité 329 millions d'euros en autorisations d'engagement et 184 millions d'euros en crédits de paiement dans le cadre d'une action dédiée.

Dans le détail, trois dispositifs seront mis en place : un soutien à l'investissement des PME et ETI industrielles dans les technologies innovantes de l'industrie du futur, géré par l'Agence de services et de paiement, représentant 238 millions d'euros en AE et 130 millions en CP ; un financement et un accompagnement des TPE et PME dans leurs projets pour définir des solutions d'intelligence artificielle, géré par Bpifrance, avec 55 millions d'euros en AE et 32 millions en CP ; enfin, un renforcement des actions menées par France Num, ce qui représente 36 millions d'euros en AE et 22 millions en CP.

Sur ce premier sujet, l'effort engagé pour rattraper notre retard est substantiel et doit être salué. Je reste néanmoins vigilante quant à l'application de ces mesures. Il faudra adopter une démarche pro-active forte et renforcer leur visibilité et celle de leurs opérateurs.

Concernant le renforcement du plan France Très Haut Débit, 240 millions d'euros supplémentaires en AE sont prévus. La généralisation de la fibre pour 2025 est un impératif majeur qui trouve une concrétisation budgétaire. Reste à la traduire sur le terrain, grâce à la reprise des déploiements à un rythme aussi soutenu que précédemment.

Le soutien aux infrastructures implique évidemment de promouvoir aussi l'inclusion numérique, en faveur de laquelle 250 millions d'euros en AE et 125 millions d'euros en CP sont prévus en 2021. Ces crédits nous permettront d'accélérer sur ce point et de tirer les leçons de la crise sanitaire. Avec les 300 millions d'euros annoncés sur deux ans pour les métiers d'avenir, l'effort en faveur d'une montée en compétences est important et portera ses fruits, à condition d'être correctement territorialisé.

Enfin, pour soutenir la numérisation de l'État et de ses territoires, 1,5 milliard d'euros en AE et 925,9 millions d'euros en CP seront engagés pour l'année 2021. Cela est inédit et envoie un message fort : l'État et les territoires doivent se numériser. Il faudra en revanche être attentif au pilotage de ces nombreux projets et travailler, autant que possible, à une coordination d'ensemble favorisant les mutualisations.

Je vous remercie, mes chers collègues, pour votre attention et j'émets un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Plan de relance ».

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