Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 13 octobre 2020 à 17h30

Résumé de la réunion

La réunion

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La commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de Mme Anne-France Brunet, les crédits de la mission « Relance ».

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Mes chers collègues, je vous rappelle que, conformément à la décision de la Conférence des présidents, la règle dite de la jauge s'impose de nouveau en commission, afin de limiter le nombre de présents. Je ne peux donc, en principe, accepter plus de trente-sept députés dans la salle. Si la question venait à se poser, j'inviterais le ou les groupes ayant plus de la moitié de leur effectif présent à faire sortir certains de leurs membres. Pour le moment, j'engage chacun d'entre vous à laisser une chaise libre à côté de lui et à éviter de s'asseoir face à un collègue. Bien évidemment, le port du masque demeure obligatoire, même pour les orateurs.

Je vous rappelle aussi que les présences en commission ne sont plus publiées en annexe au compte rendu et au Journal officiel ; en conséquence, les sanctions prévues à l'article 42 du règlement ne sont pas applicables.

Nous pouvons débuter, à présent, notre longue séquence d'examens des avis budgétaires portant sur les missions de la deuxième partie de la loi de finances. Nous y consacrerons la séance de cet après-midi, deux séances demain matin et après‑midi, ainsi que les réunions de mardi et de mercredi prochains. Il nous faut examiner, en effet, pas moins de quatorze avis budgétaires. Jusqu'à l'an passé, nous n'en présentions que treize, si je puis dire, notre commission étant de loin celle qui désigne le plus de rapporteurs budgétaires pour avis.

Un avis budgétaire supplémentaire s'est ajouté cette année, du fait de la création de la mission « Plan de relance », que nous examinons aujourd'hui. Notre rapporteure, Mme Anne‑France Brunet, nous a présenté la semaine dernière la partie fiscale du plan de relance contenue dans la première partie du PLF, à savoir la réduction des impôts de production supportés par les entreprises. Mme Brunet a disposé de quelques jours de plus pour étudier les crédits de la nouvelle mission. Je la remercie, ainsi que tous les rapporteurs pour avis, qui ont dû travailler dans des délais très contraints et en ne disposant que très tardivement, pour la plupart d'entre eux, des annexes au PLF essentielles à leur bonne information et à celle du Parlement.

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Comme vous le savez, la France a connu cette année une crise d'une ampleur exceptionnelle, dont les effets se sont fait sentir dès le printemps dernier et continueront de se propager pendant de longs mois encore. Il faut remonter en 1942, lorsque la France avait connu une récession de 10,5 %, pour trouver une contraction du produit intérieur brut plus forte que celle que nous connaissons aujourd'hui. Face à ce défi, le Gouvernement n'est pas resté inerte, tant s'en faut. Il a, comme vous vous en souvenez, réagi en proposant dès le printemps une série de mesures, elles aussi inédites, de soutien des ménages et des entreprises.

Il s'agit désormais d'inscrire cet effort dans la durée, en préservant les capacités productives de notre pays et en renforçant sa résilience face à la crise qui continuera de nous affecter l'an prochain. C'est précisément l'objet du plan de relance de 100 milliards d'euros présenté le 3 septembre dernier, qui s'inscrit résolument dans le cadre d'une relance de dimension européenne. Le choc budgétaire qui en découlera devrait permettre d'amplifier les premiers signes de reprise économique observés actuellement, avec une évolution globale du PIB estimée désormais à -8,7 % pour l'ensemble de l'année 2020, contre une prévision initiale de la Banque de France à -10,3 %.

Afin de ne pas diluer les mesures du plan de relance dans les méandres de la nomenclature budgétaire de l'État, le Gouvernement a fait le choix de rassembler une large part des dépenses envisagées sur l'exercice 2021 dans une mission entièrement nouvelle : la mission « Plan de relance ». Dotée de 36,4 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 22 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), elle s'articule autour de trois priorités érigées en programmes : la transition écologique, la compétitivité et l'innovation et enfin la cohésion sociale et territoriale. Les sommes en jeu sont loin d'être négligeables et représentent 1,5 % de notre PIB. Bien évidemment, la mission « Plan de relance » n'a pas vocation à se maintenir dans la durée et devrait se limiter aux exercices budgétaires 2021 et 2022.

Ses programmes reprennent tantôt des mesures entièrement nouvelles, telles que le plan protéines végétales ou la stratégie nationale pour le développement de l'hydrogène décarboné, tantôt des actions existantes, comme le fonds de soutien à l'agriculture biologique, dont les moyens sont amplifiés de manière considérable. Votre rapporteure constate avec satisfaction que le volet « Écologie » est le plus important avec 18,4 milliards d'euros en AE. Il comporte des mesures d'aide à la rénovation thermique des bâtiments publics et privés, l'accélération de la transition agro-écologique et la création d'une filière de production d'hydrogène décarboné.

Le deuxième programme, « Compétitivité », est consacré à diverses mesures de soutien des entreprises, telles que le renforcement des fonds de garantie de Bpifrance, et à la numérisation des administrations publiques et des TPE-PME-ETI, pour un montant total en AE de 6 milliards d'euros.

Le troisième programme, « Cohésion », est doté de 12 milliards d'euros en AE. Il rassemble le dispositif d'aide à l'activité partielle de longue durée (APLD) instauré pendant la première phase de la crise sanitaire et qui a vocation à être prolongé jusqu'en 2022, l'élargissement du service civique, la création d'une aide à l'embauche des jeunes de moins de 26 ans, ainsi que le versement de l'allocation garantie jeunes.

Venons‑en aux conditions de succès du plan de relance. Cet effort financier inédit implique logiquement une vigilance particulière sur ses modalités d'application et de suivi. Je voudrais dire un mot sur ce sujet, à la lumière des auditions que j'ai menées. Je souhaite insister, en premier lieu, sur la nécessité de travailler à la lisibilité des mesures de relance. Le plan de relance en contient beaucoup ; or les acteurs économiques n'ont pas nécessairement le temps d'aller rechercher l'information. C'est pourquoi une vraie stratégie de communication doit être déployée, en mobilisant les supports physiques et numériques et surtout les relais territoriaux, interlocuteurs habituels des TPE-PME. Il faut entendre leur demande de simplicité. Je plaide en conséquence en faveur d'une logique de guichet unique, notamment dans le domaine de la numérisation des entreprises.

Il me semble également important que le suivi du plan de relance soit à la hauteur, pour tenir les objectifs fixés en matière de décaissement rapide des crédits. Sur ce sujet, je salue la création d'un conseil national de suivi de la relance et de comités régionaux de suivi, tout en attendant le détail de leurs modalités de fonctionnement. La nomination de sous‑préfets à la relance est également une bonne chose. Je souhaite néanmoins ajouter que les parlementaires doivent aussi être associés à cette démarche. Nous sommes en effet d'utiles relais, sur le terrain, pour faire connaître les mesures et remonter les difficultés de certains dispositifs. Il me semble utile, en outre, que la commission réfléchisse à organiser le suivi de la relance, sur un modèle proche de ce qui a été fait pendant le confinement.

Enfin, dernière condition de succès du plan de relance selon moi : les moyens humains de son déploiement. Les crédits budgétaires prévus doivent, sur ce point, être à la hauteur des attentes des acteurs, pour que des délais de traitement de dossier ne contreviennent pas à l'impératif de rapidité de mise en œuvre du plan.

Dans le cadre de mes travaux, j'ai choisi d'analyser plus précisément deux sujets majeurs qui incarnent, à eux seuls, l'ambition du plan de relance. Le premier de ces volets a trait à l'agro-écologie. Le secteur agricole est aujourd'hui à la croisée des chemins entre un modèle productiviste, soutenu par la consommation d'énergies fossiles, et un modèle plus résilient et plus durable, organisé autour d'exploitations viables sur le plan économique et saines sur le plan écologique. L'action de l'État en faveur de la transition agro‑écologique n'est bien évidemment pas nouvelle ; le plan de relance opère toutefois un changement d'ordre de grandeur très net.

Au sein de l'action 6 du programme « Écologie », les mesures de soutien des entreprises et des exploitations agricoles au titre de l'agro‑écologie représentent un total de 374 millions d'euros en AE et de 137 millions en CP, ce qui revient à tripler les moyens alloués jusqu'à présent dans ce domaine. L'agriculteur pourra notamment bénéficier d'un accès facilité à des prestations de diagnostic et de bilan carbone. Des aides diverses sont également prévues pour l'acquisition d'agro‑équipements plus performants et le renforcement de la résilience des exploitations.

Tout au plus peut-on regretter que le Gouvernement n'ait pas prévu de dispositif spécifique d'aide à la trésorerie pour les petites exploitations désireuses de s'engager dans une démarche de transition. Pour cette raison, j'ai choisi de proposer dans mon rapport d'étudier la création d'un dispositif de garantie de prêt consacré à la transition agro‑écologique, à l'instar de ce qui a été proposé l'an dernier par la région Nouvelle-Aquitaine.

S'agissant du soutien à la transition numérique, je ne reviendrai pas en détail sur la période du confinement, si ce n'est pour dire qu'elle a révélé tout à la fois l'utilité du numérique et les fractures de notre société dans ce domaine : inégalités dans l'accès aux infrastructures numériques, dans la maîtrise des compétences numériques et dans la numérisation de nos entreprises. À mon sens, ces trois sujets sont pris à bras-le-corps par le plan de relance, ce dont je me réjouis. Au total, sur deux ans, en intégrant les dépenses à destination des entreprises technologiques, ce sont 7 milliards d'euros qui seront engagés pour soutenir la transition numérique de notre pays.

La mission « Plan de relance » contient essentiellement trois mesures fortes : des crédits en faveur de la numérisation des entreprises, du déploiement de la fibre dans le cadre du plan France Très Haut Débit et de l'inclusion numérique et enfin de la numérisation de l'État et de ses territoires.

Comme vous le savez, la France est l'un des pays en Europe où l'utilisation du numérique par les TPE-PME est la plus faible. Selon une enquête menée par la CPME et Sage, en 2019, seuls 34 % des chefs de ces entreprises indiquaient que leur transformation numérique était en cours ou achevée. Le choc de la crise a donc été rude pour ces petites structures. Le projet de loi de finances 2021 affecte à cette priorité 329 millions d'euros en autorisations d'engagement et 184 millions d'euros en crédits de paiement dans le cadre d'une action dédiée.

Dans le détail, trois dispositifs seront mis en place : un soutien à l'investissement des PME et ETI industrielles dans les technologies innovantes de l'industrie du futur, géré par l'Agence de services et de paiement, représentant 238 millions d'euros en AE et 130 millions en CP ; un financement et un accompagnement des TPE et PME dans leurs projets pour définir des solutions d'intelligence artificielle, géré par Bpifrance, avec 55 millions d'euros en AE et 32 millions en CP ; enfin, un renforcement des actions menées par France Num, ce qui représente 36 millions d'euros en AE et 22 millions en CP.

Sur ce premier sujet, l'effort engagé pour rattraper notre retard est substantiel et doit être salué. Je reste néanmoins vigilante quant à l'application de ces mesures. Il faudra adopter une démarche pro-active forte et renforcer leur visibilité et celle de leurs opérateurs.

Concernant le renforcement du plan France Très Haut Débit, 240 millions d'euros supplémentaires en AE sont prévus. La généralisation de la fibre pour 2025 est un impératif majeur qui trouve une concrétisation budgétaire. Reste à la traduire sur le terrain, grâce à la reprise des déploiements à un rythme aussi soutenu que précédemment.

Le soutien aux infrastructures implique évidemment de promouvoir aussi l'inclusion numérique, en faveur de laquelle 250 millions d'euros en AE et 125 millions d'euros en CP sont prévus en 2021. Ces crédits nous permettront d'accélérer sur ce point et de tirer les leçons de la crise sanitaire. Avec les 300 millions d'euros annoncés sur deux ans pour les métiers d'avenir, l'effort en faveur d'une montée en compétences est important et portera ses fruits, à condition d'être correctement territorialisé.

Enfin, pour soutenir la numérisation de l'État et de ses territoires, 1,5 milliard d'euros en AE et 925,9 millions d'euros en CP seront engagés pour l'année 2021. Cela est inédit et envoie un message fort : l'État et les territoires doivent se numériser. Il faudra en revanche être attentif au pilotage de ces nombreux projets et travailler, autant que possible, à une coordination d'ensemble favorisant les mutualisations.

Je vous remercie, mes chers collègues, pour votre attention et j'émets un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Plan de relance ».

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Madame la rapporteure, je vous remercie pour votre rapport riche en propositions, qui témoigne d'une volonté de simplification et de suivi, concernant aussi bien l'agro‑écologie que la numérisation de nos territoires et de nos petites et moyennes entreprises.

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Le Gouvernement et le Parlement ont souhaité une mobilisation massive pour accompagner les entreprises et les ménages ; plusieurs mesures économiques et fiscales ont été prises pour faire face à l'urgence. Le plan de relance de 100 milliards d'euros prépare la transformation économique, sociale et écologique de notre pays. C'est le troisième pilier des réponses du Gouvernement à la crise sanitaire sans précédent que nous subissons. Cent milliards d'euros, c'est un tiers du budget annuel de l'État. L'accent est mis sur la transition écologique : 30 milliards d'euros sont ainsi alloués à la lutte contre le changement climatique, à la préservation contre les risques naturels, à la gestion des ressources en eau, à l'économie circulaire, à la lutte contre les pollutions ou encore à la protection des espaces naturels.

Le plan de relance, c'est aussi le soutien aux ménages, l'augmentation de l'allocation adulte handicapé, la réforme exceptionnelle de la prime d'activité, la hausse de 100 euros de l'allocation de rentrée scolaire, la baisse des impôts sur le revenu de près de 5 milliards d'euros et les mesures de soutien d'urgence concernant les minima sociaux, ainsi que la reconduction des dispositifs d'activité partielle, particulièrement utiles pour nos entreprises et nos salariés.

Articulée autour de trois axes : protéger, soutenir et relancer, c'est une relance nationale au sein d'une relance européenne, à la hauteur du moment. Le plan de relance obéit à une méthode, vise un objectif stratégique et respecte un principe fondamental : une exécution rapide. Il se fera en coordination étroite avec les acteurs publics, les régions, les collectivités locales et les élus, pour accélérer la relance grâce au maillage le plus fin possible de nos territoires. Chacun de nous devra veiller, quel que soit son engagement politique, à ce que le plan profite à chaque parcelle de nos circonscriptions. La concertation est une condition sine qua non de la réussite : les acteurs des territoires, les élus, les élus consulaires, les partenaires sociaux, les représentants des filières industrielles, le monde associatif, nos partenaires européens, mais aussi nos meilleurs experts doivent y être étroitement associés.

Écologie, compétitivité et cohésion sont les maîtres mots de ce plan pour construire la France de 2030 et réparer et protéger la France d'aujourd'hui. Le plan de relance investit dans l'économie, dans nos moyens de production, mais aussi dans l'humain pour conserver nos compétences, nos savoirs‑faire, qui font l'image de notre pays et son attractivité. La France et l'Europe doivent rester cette avant-garde éclairée d'une économie prospère qui conjugue transformation, transition et audace. C'est ce à quoi notre collègue Mme Brunet nous invite dans son rapport très détaillé, dont il faut la remercier.

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En matière de budget et d'investissements stratégiques, la boussole d'Emmanuel Macron et de la majorité s'apparente plutôt à une girouette : en à peine plus d'une année, nous sommes passés du « il n'y a pas d'argent magique » au « quoi qu'il en coûte », avec toutes les conséquences que cela implique. La dette battait déjà des records avant la crise du covid, puisqu'elle avait dépassé les 100 % du PIB ; elle devrait atteindre l'année prochaine 117,5 % du PIB, ce qui aura des conséquences sur les finances de la France et sur sa capacité à emprunter, puisque cela nous rapproche des pays en difficulté du Bassin méditerranéen. Le niveau du déficit à 10,2 % l'année prochaine est de trois points supérieur à celui de 2009, au moment de la plus grave crise financière que la France ait connu depuis le début du siècle. Cela nous interroge sur la manière dont ce plan sera financé, mais également la manière dont cet argent sera utilisé. Espérons que les annonces de demain soir ne créeront pas de nouvelles contraintes dans certains secteurs économiques, alors que l'absence de réformes structurelles dans une conjoncture pourtant porteuse depuis le début de ce quinquennat obère d'ores et déjà assez largement les capacités de rebond de l'économie française.

Ce plan s'articule autour de trois priorités : l'environnement, la compétitivité et la réduction des fractures territoriales, mais certains décalages peuvent paraître fâcheux. Vous parlez de mesures inédites en faveur de l'agriculture biologique ; mais il ne faut pas oublier que vous ne faites que réparer – partiellement – l'effet de certaines mesures prises au début du quinquennat. Les aides à la conversion promises sur cinq ans avaient été amputées à la moitié du programme, ce qui avait mis nombre d'agriculteurs en difficulté. On nous parle de hausse considérable aujourd'hui, mais prenons garde aux décalages avec la réalité du terrain.

Par ailleurs, si tout le monde a conscience qu'il faut modifier nos pratiques pour stabiliser nos ressources à long terme et endiguer le réchauffement climatique le plus possible, vous persistez dans la pratique d'une écologie punitive : ainsi, le malus écologique augmente de 1 milliard d'euros quand le bonus n'augmente que de 500 millions d'euros. Vous continuez à punir le contribuable, notamment celui qui vit dans la ruralité et qui n'a pas d'autre choix que la voiture.

Vous doublez les crédits de MaPrimeRénov', mais il faut savoir que tous les dossiers ont pris sept ou huit mois de retard. Tous les crédits et les projets promis aux particuliers et aux entreprises, qui ont avancé des montants considérables, sont bloqués. Là encore, les acteurs du terrain nous font remonter un fort décalage entre le discours et la réalité. J'aurais aussi pu parler du secteur du train, avec ses 4,7 milliards d'euros qui ne sont, en réalité, que la conséquence d'engagements antérieurs, qui étaient même supérieurs.

Enfin, les impôts de production promis à la baisse sont ceux qui bénéficient aux collectivités et non ceux qui vont dans la poche l'État, ce qui laisse craindre une perte de dynamique de nos collectivités à la sortie de la crise. M. Travert a mentionné la baisse des impôts sur le revenu ; de fait, ils vont augmenter, dans la mesure où les seuils ne seront pas réévalués à la hauteur de l'inflation : certains, qui ne payaient pas l'impôt, vont y être soumis et les autres subiront une augmentation globale de 800 millions d'euros.

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Le groupe MoDem et apparentés salue l'ambition du plan de relance, qui vise non seulement à poursuivre l'effort de soutien déjà engagé en faveur de la reprise économique et de l'emploi, mais aussi à transformer notre pays durablement, grâce à l'accélération de la transition écologique. Les moyens consacrés au plan de relance sont sans précédent, puisqu'ils totalisent 100 milliards d'euros, soit un tiers du budget annuel de l'État. Ce plan est aussi une occasion supplémentaire de démontrer ce que peut faire l'Union européenne pour les peuples de ses États membres : près de 40 milliards d'euros proviendront de la facilité européenne pour la reprise et la résilience. Le plan de relance doit être une véritable feuille de route pour la refondation économique, sociale et écologique de notre pays. Il doit lui permettre de renforcer son attractivité, de se positionner dans des secteurs d'avenir pour recréer de la valeur en France et de développer les relais de croissance de demain. Ses trois piliers, écologie, compétitivité et cohésion, s'inscrivent d'ailleurs dans la continuité des chantiers engagés depuis le début de la législature, suivant la même boussole.

Le volet consacré à l'écologie prévoit de nombreuses mesures en faveur de la préservation de la biodiversité et de la lutte contre l'artificialisation des sols. Je salue tout particulièrement la création d'un fonds de 300 millions d'euros pour financer des opérations de recyclage de friches urbaines et industrielles dans le cadre de projets d'aménagement urbain de revitalisation des centres-villes et de relocation d'activités, ainsi que la création d'un dispositif pour aider les collectivités locales à construire plus densément, en versant une prime aux maires accordant des permis de construire permettant de limiter l'artificialisation et l'étalement urbain. Vous vous souvenez certainement que j'avais défendu ces deux mesures l'année dernière dans ma proposition de loi sur le foncier ; je me réjouis de les voir prospérer. Elles permettront sans nul doute de favoriser la sobriété foncière et d'accompagner les collectivités dans le développement d'équipements publics et d'autres aménités urbaines en faveur d'une ville plus agréable, durable et désirable. Nous espérons que ces mesures seront appliquées dans les meilleurs délais et qu'elles seront accompagnées d'un véritable choc de simplification afin de faciliter leur appropriation par toutes les parties prenantes, des particuliers aux entreprises, en passant par les collectivités territoriales et les administrations.

Enfin, je salue, au nom de mon groupe, la méthode retenue par le Gouvernement, consistant à consacrer une mission budgétaire au plan de relance, ce qui permet au Parlement d'avoir un débat spécifique sur les mesures proposées, malgré leur transversalité, sur leur déploiement à venir et sur les objectifs à atteindre.

Dans le moment charnière que nous vivons, nous aurons la responsabilité, compte tenu du montant des crédits engagés, de contrôler l'exécution du plan de relance, ainsi que le rythme d'engagement et de décaissement des crédits, afin de nous assurer de son effet d'entraînement, au bénéfice de l'économie réelle de nos territoires. Il sera également indispensable d'assurer un suivi au plus près des attentes du terrain, pour signaler les inévitables dysfonctionnements et les éventuelles lenteurs que nous pourrions constater.

Les Français attendent de chaque euro dépensé dans le cadre du plan France Relance qu'il serve au redressement et à la transformation durable de notre pays. Nous prendrons toute notre part à ce travail et voterons en faveur de ces orientations budgétaires historiques.

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J'aimerais à mon tour formuler quelques remarques de fond, transversales, sur ce plan de relance. Certes, nous serons beaux joueurs et nous essaierons de l'améliorer au fur et à mesure des débats, mais force est de constater qu'il vient bien tard alors que le désarroi règne dans nos territoires et dans des secteurs économiques entiers. Qui plus est, il est fondé sur une injustice capitale : les conditions de son remboursement ne sont aucunement prises en compte ! Je suis atterré – et c'est un député de gauche qui vous parle – de constater que la question du remboursement de la dette n'est pas posée dès aujourd'hui.

Pour notre part, nous avions avancé plusieurs propositions qui visaient toutes à réduire les inégalités fiscales dans notre pays. D'après la démonstration publiée par France Stratégie il y a quelques jours, dont nos camarades communistes se sont faits l'écho dans l'hémicycle durant la séance de questions au Gouvernement, 0,1 % des Français ont bénéficié d'une croissance d'un quart de leur capital, du fait de la flat tax et de la réforme de l'impôt sur la fortune, sans que cela n'ait suscité le moindre rebond productif avéré. Et la même étude a montré que les réformes adoptées en 2013 visant à taxer de façon plus égale le travail et le capital n'ont pas eu de conséquences sur l'investissement productif.

Vous auriez pu tirer les leçons de cette démonstration, chers collègues de la majorité, en faisant en sorte que le remboursement des dettes colossales que nous contractons, à l'échelle européenne et à l'échelle française, fasse l'objet d'un accord, d'un New Deal fiscal, afin que la réduction des inégalités contribue à l'effort collectif.

Ce non-dit est très inquiétant : il laisse entendre que le problème sera résolu grâce au moteur d'une croissance à l'ancienne, génératrice de fiscalité – auquel cas les mêmes causes produiront les mêmes effets : société désagrégée, risque pandémique aggravé par les désordres écologiques ; ou alors, vous entendez rembourser cette dette à terme par une politique d'austérité que les milieux populaires, les plus défavorisés et pour lesquels les services et les biens publics sont les seuls biens communs, se retrouveront à payer cash.

Il faut également relever la timidité de ce plan de relance dans certains secteurs, et notamment l'incapacité à penser la décarbonation de certains investissements, selon un rythme cohérent avec la trajectoire climatique, ou encore l'oubli de certaines catégories de population, sur lesquelles nous avons appelé l'attention aujourd'hui même lors des questions au Gouvernement : la politique en faveur de la jeunesse n'est pas à la hauteur, le sort des personnels dans des secteurs d'activité entiers n'est pas pris en considération.

J'aimerais maintenant appeler l'attention, de façon peut-être plus positive et plus contributive, sur la manière dont nous pourrions rendre plus efficace l'utilisation des budgets alloués, particulièrement dans le secteur de l'agriculture, puisqu'il est prévu un volet dédié à la transition agro-écologique. Depuis trois ans, il me plaît de le rappeler, nous n'avons cessé de défendre des amendements appelant à une politique publique, qu'il s'agisse des projets alimentaires territoriaux, des organisations et associations de producteurs, sans jamais avoir été entendus. Je me réjouis donc de constater qu'un ministre ouvre des lignes de crédit pour un plan consacré à l'agro-écologie, ainsi qu'à la promotion de valeurs, notamment la solidarité, dans le secteur de l'agriculture. Mais nous serons attentifs, au cours des débats, à sa cohérence et à son efficacité : si, par exemple, les projets alimentaires territoriaux ne servent qu'à soutenir un segment donné de l'agriculture et à permettre à une catégorie particulière de la population – la bourgeoisie éclairée des métropoles – de mieux s'alimenter, notre combat aura été vain… Je ferai alors état de mon expérience avec ATD Quart Monde, dont le laboratoire national travaille à mettre les plus défavorisés au cœur d'une politique publique en faveur d'une alimentation et de soins de qualité.

S'agissant des organisations de producteurs, j'ai assisté ce matin à un colloque de l'association des organisations de producteurs de lait : on y a rappelé qu'une perte de valeur de l'ordre d'un centime par litre dans la fabrique du prix représente une perte globale de 240 millions d'euros, soit 3 % des crédits alloués par l'Union européenne à la France dans le cadre de la PAC pour les cinq années à venir. La construction de prix solides passe par les organisations de producteurs ; les crédits alloués pour former leurs leaders ne me semblent pas à la hauteur de l'enjeu. Seuls un maillage du territoire, une organisation forte et un plaidoyer européen pour la reconnaissance et la maîtrise des volumes permettront une réponse à la hauteur des enjeux. Bref, ce n'est pas tant sur les volumes budgétaires que sur l'efficacité de leur emploi que les socialistes apporteront leur contribution aux débats à venir.

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Lorsque Bruno Le Maire a présenté, le 23 juillet dernier, les grands axes du projet de loi de finances pour 2021, il avait annoncé que le plan de relance serait isolé dans une mission dédiée, « au nom du souci de sincérité et de transparence », a-t-il précisé. À présent que nous en avons la définition sous les yeux, force est de constater que cette mission budgétaire ne permet ni un meilleur suivi des crédits alloués à la relance, ni davantage de lisibilité des politiques publiques.

Loin des 100 milliards d'euros annoncés par le Gouvernement pour les deux années à venir, dans lesquels sont inclus les 20 milliards de baisses des impôts de production et le renforcement de la garantie relative à l'octroi de prêts participatifs, cette mission se voit allouer en tout et pour tout 36 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 22 milliards en crédits de paiement. Les programmes qui la composent ne reprennent qu'en partie les annonces du Gouvernement ; certains crédits se retrouvent dans d'autres missions et d'autres actions. Cette présentation comptable rend difficile l'exercice du pouvoir de contrôle du Parlement, ce que je regrette.

Le programme « Écologie » constitue un progrès par rapport aux années précédentes, sans qu'on puisse parler pour autant d'un pas de géant, comme on a pu l'entendre dire. L'élargissement du dispositif MaPrimeRenov'aux propriétaires bailleurs et aux copropriétés, demandé de longues date par le groupe Libertés et territoires, nous réjouit ; toutefois, les acteurs de la rénovation énergétique ont besoin de stabilité et de visibilité des dispositifs d'aide pour se mettre en mouvement : or les 2 milliards additionnels ne sont prévus que pour les deux années à venir. La lutte contre l'artificialisation des sols va également dans le bon sens, tout comme les dispositions de soutien à l'économie circulaire, même si elles sont principalement centrées sur la question du plastique.

S'agissant de la compétitivité, objet du second programme, la mesure centrale est la baisse des impôts de production ; elle ne figure pas dans cette mission, mais je tiens à l'évoquer. Les membres du groupe Libertés et territoires regrettent que la suppression de la moitié du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), conjuguée à la baisse du taux du plafonnement de la cotisation économique territoriale (CET), profite essentiellement aux grands groupes, et fort peu, bien trop peu aux petites et moyennes entreprises. D'autres mesures, plus résiduelles, vont dans le bon sens, notamment le soutien à la numérisation des très petites entreprises (TPE) des petites et moyennes entreprises (PME) et des établissements de taille intermédiaire (ETI), ou le renforcement du financement des fonds de garantie des entreprises par Bppifrance.

Enfin, le volet social du plan de relance nous semble insuffisant. Alors même que la crise provoquée par la pandémie de covid-19 a paupérisé une partie de la population française, chaque jour plus dépendante des réseaux de solidarité, les associations et les structures d'accueil ne bénéficient que de 200 millions d'euros, ce qui est à nos yeux particulièrement insuffisant.

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Étudiante à Lyon, Amanda a perdu au printemps, pendant le confinement, ses petits boulots de baby-sitting. Elle s'est retrouvée dans la galère pour se soigner et pour manger. C'est aussi le cas de Pierrick, intérimaire chez Amazon à Douai, et d'Arnaud, à Tours, qui ne prend pas de repas le matin ni à midi, et qui accumule les retards de loyer.

On estime que 40 % des jeunes ont perdu des revenus cette année ; 42 % craignent pour le paiement de leur loyer. Le taux de pauvreté parmi les jeunes est quatre fois supérieur à ce celui des plus de soixante-cinq ans. C'est d'autant plus injuste que la jeunesse s'est confinée pour protéger les personnes âgées et les plus fragiles, et c'est elle qui paiera le prix de la crise…

Que proposez-vous pour la jeunesse dans votre plan de relance, chers collègues de la majorité ? D'aider les entreprises, de réduire le coût du travail. Décidément, pour vous, tous les prétextes sont bons pour le réduire, en l'espèce de 4 milliards d'euros !

Dans son encyclique Fratelli tutti que notre collègue Dominique Potier vient de me glisser, le pape écrit : « Le marché ne résout pas tout à lui seul, même si on nous demande de croire ce dogme de la foi néolibérale. Il s'agit là d'une pensée pauvre, répétitive, qui propose toujours les mêmes recettes face à tous les défis qui se présentent. »

C'est bien votre cas : quel que soit le problème, votre réponse, c'est : réduction du coût du travail. On arrose, on arrose les entreprises, cela va ruisseler et l'emploi va germer ! Comment imaginer que les entreprises, qui n'ont aucune visibilité, et dont les commandes sont incertaines, embaucheront massivement des centaines de milliers de jeunes ? Comme toujours, comme partout, vous faites confiance à la main invisible du marché, avec zéro audace et zéro imagination, en dépit de la gravité de la situation !

Nous avions ce printemps un Macron qui promettait des ruptures ; j'aimerais à mon tour en proposer une. La majorité politique, dans ce pays, est à dix-huit ans ; la majorité pénale est à dix-huit ans ; la majorité sociale doit être à dix-huit ans. Ne serait-ce pas un minimum que de leur accorder le minimum ? C'est un filet de sécurité. Or on le fait reposer sur la solidarité familiale, qui est tout à fait inégalitaire : certaines familles ont la possibilité de venir au secours de leurs enfants, d'autres pas.

Prenons l'exemple des personnes âgées. Pendant des millénaires, vieillir, dans ce pays, a signifié vivre aux crochets de ses enfants ou de la société ; et puis un jour, on a mis en place les retraites. En trente ans, le taux de pauvreté parmi les personnes âgées a considérablement diminué. Parce qu'on est passé d'une solidarité familiale à une solidarité sociale et nationale.

C'est ce même pas qu'il nous faut franchir, par ces temps de crise. Assurer aux jeunes le minimum, cela n'a rien d'un idéal ; et au-delà de gagner leur vie, j'aimerais qu'ils aient la possibilité de lui donner un sens. Pendant la crise des années trente, Roosevelt avait lancé des grands travaux ; l'énergie de la jeunesse, son savoir-faire et son aspiration à une croissance verte devraient être utilisés pour déclencher un grand choc écologique et un plan non de grands travaux, mais sans doute de petits travaux, notamment dans l'agriculture et la restauration, ainsi que dans des secteurs entiers qu'il faut faire émerger.

Et que proposez-vous ? Cinq cents emplois pour la transition écologique, pour 2020, pour toute la France ! Pas 500 000, cinq cents, cinq par département ! C'est une ambition totalement dérisoire, parfaitement ridicule, c'est se moquer de la jeunesse ! Proposez un plan de relance à la hauteur de la crise que subit de plein fouet la jeunesse française !

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J'ai écouté attentivement les orateurs des groupes. Il y a dans l'histoire de notre pays des moments où, même si le dialogue démocratique est important, il faut prendre conscience qu'un élan se prépare. Or j'ai le sentiment que, en dépit de la volonté exprimée à travers ce plan de relance, et notamment celle de consacrer 30 % de ses 100 milliards d'euros à la transition écologique, on a bien du mal à rassembler les forces vives du pays.

Madame la rapporteure, ma question est simple : j'aimerais savoir comment seront distinguées les priorités. Pour les entreprises, la priorité à très court terme est de savoir comment s'en sortir. De nombreux chefs d'entreprise me disent qu'il est difficile de se projeter dans une transformation, fût-elle écologique, quand on ne sait pas si on pourra assurer la fin du mois ou du trimestre. Comment gérer cette transition ? Comment gérer ses priorités ? Autant de questions profondément anxiogènes pour nos entreprises. Pour ma part, je préfère parler d'un plan de transformation économique plutôt que d'un plan de relance, voire de rattrapage d'une situation que nous subissons tous.

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Chers collègues, je vous remercie de vos retours très riches et de vos questionnements, que j'entends et je comprends, au moins en partie.

Même si elle a commencé au début de l'année, cette épidémie internationale n'en est encore qu'à ses débuts. Le Gouvernement a immédiatement pris des mesures pour faire en sorte qu'aucun Français ne soit placé dans une situation catastrophique, privé d'emploi et de ressources. Tel était notamment l'objet de l'indemnisation du chômage partiel.

À présent que nous parvenons à juguler un tant soit peu les choses, nous voulons relancer l'économie. Il ne s'agit pas de revenir à ce qui était auparavant, mais d'anticiper la relance et la transformation de notre pays, afin de ne pas retomber dans les travers que nous avons vécus les années précédentes. Le plan de relance est à mes yeux une occasion d'agir en visionnaires et d'anticiper l'émergence de nouveaux métiers.

L'industrie en fait partie. L'article 3 du projet de loi de finances pour 2021 prévoit la diminution des impôts de production. Cette mesure profitera aux TPE et aux PME à hauteur d'environ 35 %, soit 2,5 milliards d'euros ; elle profitera aux ETI à hauteur de 2,9 milliards d'euros. Tout cela n'est pas négligeable. Elle profitera aussi aux grandes entreprises, car l'objectif est également de faire en sorte de retrouver notre souveraineté en relocalisant sur notre territoire la fabrication de produits et de molécules que nous avions délocalisée hors d'Europe. Or les premières concernées sont les grandes entreprises, puisque ce sont elles qui, précisément, avaient délocalisé dans les pays tiers.

L'industrie avait amorcé un redémarrage avant la crise. Rappelons qu'il y a trois ans, elle ne créait aucun emploi, et nous avions réussi à faire en sorte qu'elle en crée à nouveau. La relocalisation des entreprises sur le territoire vise aussi à transformer notre système de production afin de l'adapter aux nouveaux métiers. Les jeunes, qui ont été évoqués tout à l'heure, sont très sensibles à cet objectif. Notre volonté de mener à bien la transformation écologique et numérique de nos entreprises, de nos territoires et de notre manière de vivre est porteuse de sens pour tout le monde.

Plusieurs d'entre vous se demandent comment nous aiderons les petites entreprises et les artisans à trouver les ficelles pour bénéficier également du plan de relance, qui ne doit pas être réservé à ceux qui ont des connaissances techniques et des réseaux. Il s'agit de faire en sorte que tous les porteurs de projets aient accès aux possibilités de financement.

C'est la raison pour laquelle mon rapport accorde une large place au suivi et à la gouvernance. Les divers acteurs territoriaux doivent échanger avec les entreprises afin de leur faire part des possibilités offertes, notamment en matière de transformation numérique. Seulement 34 % des entreprises françaises sont passées au numérique ou sont en cours de numérisation ; et je suis sûre que la plupart d'entre vous utilisent des outils numériques qui ne sont pas produits par des sociétés françaises. Il y a là un potentiel énorme pour tout un vivier de jeunes entreprises, notamment des start-up.

Tout cela forme un tout, avec une méthode et un suivi, indispensable : si l'on ne contrôle pas le cheminement des crédits alloués aux divers projets, jamais on ne pourra réorienter des fonds vers tel ou tel pan de l'économie qui n'aurait pas été suffisamment pourvu. J'en appelle à la vigilance de chacun : ce travail, à mon sens, incombe à tous les parlementaires, pas seulement à quelques-uns. Nous devons tous participer au suivi et au contrôle de l'exécution du plan de relance, et faire en sorte qu'il permette à notre pays de rebondir. C'est à mes yeux fondamental.

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Vous parlez de suivi et de contrôle ; mais même avec un suivi et un contrôle, les précédents dispositifs n'ont rien donné ! Nous dépensons 20 milliards d'euros par an pour le crédit d'impôt compétitivité emploi ; toutes les études démontrent que cela aura créé au mieux 100 000 emplois, ce qui représente un coût de 1 million d'euros par emploi. Cet arrosage général s'est avéré parfaitement vain. Or ce que vous proposez s'inscrit exactement dans la même logique de baisse de charges tous azimuts, sans aucun ciblage. Les grandes entreprises sont arrosées tout autant, et même plus que les petites ; l'industrie est arrosée autant que le commerce ; il n'y a aucun ciblage sur les filières bénéficiaires. Comment peut-on en espérer le moindre embryon de relocalisation industrielle ?

Dérouler à nouveau un tapis rouge – un tapis d'euros – aux multinationales ne les incitera pas à revenir se nicher dans le sein de l'économie française, car nous ne redeviendrons pas plus compétitifs que les Indiens dans le domaine des principes actifs des médicaments, ou que les Polonais dans celui du pneumatique. Penser qu'elles reviendront en France par le seul effet d'un instrument utilisé sans trêve depuis trente ans, par le seul effet de cette main invisible du marché, que le pape lui-même a dénoncée dans son encyclique, est un leurre !

Peut-être êtes-vous sincère, Madame la rapporteure, mais il n'est pas possible que tous les membres de la majorité, et le Président de la République avec eux, croient une chose pareille ! Ce n'est qu'un masque, et derrière, on poursuit la politique menée depuis trente ans, faite de cadeaux aux multinationales de ce pays.

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J'appelle votre attention, Madame la rapporteure, sur un amendement du groupe socialiste dont le but est précisément de relocaliser l'argent qui s'évapore dans les paradis fiscaux.

Est-il concevable d'investir de l'argent public pour relancer des entreprises qui, non contentes de verser des dividendes à leurs actionnaires et de ne rien faire pour décarboner leurs investissements, pratiquent en outre l'évasion fiscale ? C'est une question capitale, et il faudra bien y répondre. Si nous ne sommes pas capables, au cœur de cette crise, alors même que nous nous disons tous interdépendants, tous frères, de fixer des limites à l'ignominie, alors toutes nos paroles sont vaines.

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Monsieur Ruffin, la diminution des impôts de production est concentrée sur les secteurs du commerce et de l'industrie. Ce sont eux qui en bénéficieront en priorité, et non les secteurs des services et de la finance.

La mission « Plan de relance » diffère des autres missions budgétaires, car elle est sans précédent. Nous avons mis en place une méthodologie, avec plusieurs instances de suivi, notamment un comité de suivi au niveau national, présidé par le Premier ministre, et des comités de suivi régionaux, sans oublier le duo préfet-maire. Il me semble fondamental que les parlementaires soient eux aussi associés à ces comités de suivi dans leurs territoires respectifs, ce qui nous permettra de signaler les projets qui n'auront pas été identifiés : certaines entreprises ne savent pas comment faire remonter le leur, parce qu'elles ont le nez dans le guidon, ou parce qu'elles manquent de visibilité et de contacts utiles. Nous pourrons ainsi, comme c'est notre rôle, nous assurer du bon fléchage et du suivi des crédits alloués aux projets, ainsi que de leur mise en œuvre pour la transformation du pays.

Suivant l'avis favorable de la rapporteure, la commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Plan de relance ».

Informations relatives à la commission

Mme Marie Lebec ayant quitté la commission des affaires économiques pour rejoindre la commission des finances, Mme Barbara Bessot Ballot a été désignée membre de la mission d'information, commune à 4 commissions, sur la conditionnalité des aides publiques aux entreprises.