Intervention de Vincent Rolland

Réunion du mercredi 14 octobre 2020 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVincent Rolland, rapporteur pour avis :

Après avoir examiné les crédits de la mission « Relance », hier, et de la mission « Outre-mer » à l'instant, nous portons notre attention, à présent, sur les crédits de la mission « Action extérieure de l'État », pour ce qui concerne le tourisme. On le sait, l'année 2020 sera extrêmement difficile pour le secteur du tourisme. Alors qu'on attendait 94 millions de visiteurs internationaux, ils ne seront probablement que 36 millions et peut-être moins ; alors qu'on prévoyait des recettes touristiques issues du tourisme international de 60 milliards d'euros (Md€), elles ne seront que de 24 Md€. Si le tourisme domestique a permis de sauver la saison d'été, il ne suffira pas à compenser les pertes enregistrées au niveau international. Les recettes touristiques locales issues du tourisme domestique et international devraient diminuer de 30 à 35 % sur l'année 2020. Les prévisions pour 2021 sont légèrement meilleures, bien que tous s'accordent à dire que la consommation touristique ne retrouvera pas son niveau d'avant-crise avant 2023 au plus tôt. Pour 2021, 59 millions de visiteurs internationaux sont attendus, pour 38 Md€ de recettes, dans un scénario pessimiste, et 72 millions de visiteurs, pour des recettes estimées à 47 Md€, dans une version optimiste. Pour les 313 000 entreprises du secteur et les 2 millions d'emplois directs et indirects concernés, le coup est dur.

Alors qu'on aurait pu attendre un budget ambitieux pour le tourisme, destiné à assurer sa reconstruction et sa transformation, les crédits présentés dans le projet de loi de finances pour 2021 laissent une impression mitigée. La subvention pour charges de service public allouée à Atout France baisse de 2,2 millions d'euros (M€), soit de plus de 7 %, en application du programme Action publique 2022 de réduction des dépenses des réseaux de l'État à l'étranger. C'est d'autant plus dommageable que les recettes complémentaires de l'opérateur tirées des prestations vendues, des partenariats avec les entreprises privées ou encore des droits de visa diminuent également sous l'effet de la crise. Les missions d'Atout France ont, pourtant, été étendues pendant la crise à la promotion de la France sur le marché domestique, ce qui est une très bonne chose, et cette extension des missions pourrait être prolongée en 2021. Toutefois, de manière peu cohérente, la stabilité de la dotation d'Atout France n'est qu'apparente, puisqu'elle résulte de l'attribution d'une enveloppe complémentaire de 2,2 M€ destinée à financer la contribution de la France à l'Exposition universelle de Dubaï et au Paris Food Forum. Par ailleurs, les crédits consacrés au tourisme dans la mission « Économie », que nous n'étudions pas ce matin, se réduisent comme peau de chagrin.

Alors que le tourisme international est amené, au moins temporairement, à se tarir, et que nous devons concentrer notre attention sur les vacanciers potentiels français et le soutien aux entreprises du tourisme, il me paraît plus que regrettable que le programme 134 ne comporte que des crédits d'intervention résiduels et voie sa dimension touristique limitée à quatre dépenses fiscales. Aussi émettrai-je un avis défavorable sur les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».

Au-delà de la dimension budgétaire, j'ai souhaité porter mon étude sur la nécessaire transformation du tourisme français. Le tourisme durable apparaît comme seule voie de nature à pérenniser nos activités touristiques dans le respect de l'environnement, des aspirations des territoires et de celles des populations. Cela permettrait de répondre à une demande croissante – comme nous l'avons vu pendant les auditions et comme nous le constatons au quotidien – qui devrait s'amplifier avec la crise sanitaire. Les Français, mais également les Européens sont de plus en plus sensibles à l'empreinte écologique et sociale de leur consommation, y compris pour leurs vacances. Si nous ne disposons pas encore – ce qui est regrettable – de données actualisées et précises, c'est un constat qui est cependant partagé.

Pourtant, comme nous l'avons aussi entendu, cette aspiration croissante peine encore à se concrétiser, pour plusieurs raisons. Premièrement, bien qu'une offre existe déjà en France, elle est peu structurée et difficile à identifier. Les labels sont nombreux, mais leurs niveaux d'exigence sont variables. En outre, comme ils ne figurent pas encore parmi les filtres de recherche sur les plateformes de réservation, ils ne permettent pas au consommateur de trouver facilement l'offre qui correspond à ses attentes écologiques ou sociales, ni de donner un avantage concurrentiel au professionnel qui en fait la démarche. Il faut rationaliser l'écosystème des labels pour le rendre plus efficace.

Deuxièmement, les professionnels peinent à trouver les moyens de financer la transition durable. Certes, le plan de relance a créé un fonds dédié au tourisme durable de 50 M€. C'est un bon début, mais ça demeure très largement insuffisant face aux enjeux et au regard de l'ensemble des sommes engagées dans le plan de relance. Les professionnels nous l'ont dit : l'heure est à la reconstruction, mais le soutien à l'investissement devra être au rendez-vous. Les initiatives de Bpifrance et de la Banque des territoires sont significatives et doivent être soulignées, mais elles sont parfois difficiles à identifier ou soumises à des cahiers des charges complexes pour des professionnels dont le métier est l'hôtellerie ou la restauration, et non la banque ou l'administration. Il convient de rendre plus accessible et plus simple le recours aux aides destinées à la transition vers un tourisme durable, et de s'assurer que ces aides soient suffisantes en volume.

Troisièmement, ce sujet ne fait pas l'objet d'un soutien politique suffisamment fort et clair. Certes, plusieurs initiatives ont été prises au cours des dernières années, et le sujet n'est ignoré à aucun des échelons concernés, mais cela ne suffit pas. Il importe aujourd'hui que le pouvoir politique prenne la parole d'une voix ferme pour dire que l'avenir du tourisme en France passe par le tourisme durable : notre offre touristique sera durable ou ne sera pas. Il est indispensable de promouvoir la France dans son ensemble comme la destination touristique durable par excellence, en développant une campagne de promotion claire et forte.

Il en découle plusieurs corollaires. D'abord, il faut refuser de soutenir les pratiques qui s'écartent de notre ambition, tout en tenant compte des contraintes auxquelles sont soumises les entreprises du secteur, au cœur d'une crise économique qui va durer. Il convient, ensuite, de s'assurer que l'on dispose d'une offre qui réponde à la demande à tous les niveaux : l'hébergement, bien sûr, mais également le transport. C'est pourquoi je préconise le renforcement du maillage ferroviaire, en particulier de la desserte en trains de nuit, qui me paraît seule en mesure d'améliorer l'accès peu polluant à des sites préservés et de mieux répartir les flux touristiques sur le territoire. Le transport ferroviaire, comme le reste du transport partagé, devrait également, à mon sens, faire l'objet d'un taux de TVA réduit.

Enfin, cette démarche doit s'accompagner d'une révision des indicateurs de performance. À l'heure de la crise sanitaire, de l'urgence écologique, il n'est plus envisageable d'asseoir la réussite de la France touristique sur le seul nombre de touristes internationaux accueillis. Nous devons repenser notre grille d'évaluation, en valorisant également le nombre de vacanciers français restés en France, l'indice de satisfaction des clientèles, le taux de produits locaux consommés ou encore, le bilan carbone du tourisme.

La France dispose d'atouts majeurs pour devenir pionnière en matière de tourisme durable : c'est dans ce domaine que réside, à nos yeux, l'avenir du tourisme national. Il est donc impératif de faire de cette crise, aussi difficile à vivre soit-elle, un tremplin vers la construction du tourisme de demain, un moyen de se relever plus fort, afin de mieux répondre aux demandes d'une clientèle qui, assurément, aura elle aussi changé.

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