Intervention de Cédric Villani

Réunion du mercredi 14 octobre 2020 à 15h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCédric Villani, rapporteur pour avis :

La fusion de l'INRA et de l'IRSTEA a été exemplaire. Les coûts annoncés ont été tenus et la réduction de 10 % des effectifs globaux bien gérée. Les consultations internes, organisées autour de la définition d'une perspective à un horizon de dix ans, ont permis de déployer une nouvelle vision pour la suite. L'organisme est ainsi doté d'un programme pertinent. On ne peut que saluer l'action menée par les directions de l'INRA et l'IRSTEA, qui ont très bien collaboré pour atteindre l'objectif.

L'INRAe va se consacrer à des questions majeures, pour lesquelles les attentes sont très importantes, telle la transition agro-écologique, dont nous entendrons de nouveau parler tout à l'heure. Sa collaboration avec d'autres organismes, par exemple le CNRS et INRIA, sera renforcée. L'utilisation des données, notamment à travers les techniques de fouille utilisant l'intelligence artificielle, y compris pour les prévisions météorologiques – on rejoint là les enjeux spatiaux que j'évoquais tout à l'heure –, va jouer un rôle important.

Nous devrions donc renforcer la dotation de cet organisme. Cela permettrait à la fois de le récompenser et de faire en sorte qu'il réponde aux grandes attentes qu'il suscite. Si je comprends que le Gouvernement attende le contrat d'objectifs et de moyens pour réévaluer sa participation, je considère, pour ma part, que les auditions menées ont été particulièrement satisfaisantes.

En ce qui concerne le CNES, la recherche spatiale est un domaine qui évolue de manière extrêmement rapide. Notre commission devrait d'ailleurs s'en saisir spécifiquement, comme je le disais tout à l'heure. On assiste à un chambardement complet, avec l'apparition de nouvelles technologies – je pense en particulier aux lanceurs réutilisables. Certes, Ariane 6 n'en utilisera pas, mais ce sera le cas pour le programme Prometheus. De nouveaux modèles économiques sont également en train d'émerger, avec une grande variété d'applications, bien supérieure à ce que l'on a connu jusqu'à présent. Les géants américains se positionnent dans ce secteur, avec des patrons emblématiques tels que MM. Elon Musk, Jeff Bezos ou, dans une moindre mesure, Mark Zuckerberg.

Le retentissement médiatique des programmes spatiaux a, lui aussi, changé : aux États-Unis, en particulier, ils ont été mis en valeur d'une manière phénoménale. À une époque, en France, la recherche spatiale faisait l'objet d'une grande fierté, ce qui se traduisait aussi sur le plan médiatique ; désormais, elle est fortement minimisée par rapport à ce que l'on observe de l'autre côté de l'Atlantique. En tant que Français et Européens, nous ne saurions nous satisfaire de cet état de fait. Il est très important de ne pas perdre pied, que ce soit dans le domaine des lanceurs, dans celui des satellites ou encore dans celui des diverses applications utilisant la fouille de données. Certes, cela relève des organismes de recherche, mais les choses se jouent aussi du côté de la Banque publique d'investissement (Bpifrance), de l'accompagnement de nos start-ups ou encore du crédit d'impôt recherche : il faut créer un écosystème favorable.

Pour l'instant, les échos que nous avons eus en la matière sont plutôt inquiétants – je le dis sans ambages. Il va falloir, dans les années qui viennent, prendre très au sérieux cet état de fait. L'Europe a pris la mesure de l'urgence : le budget de l'Agence spatiale européenne, tel qu'il se profile, est en progression importante. L'Allemagne est en train de prendre le leadership. Certes, nous devons nous réjouir que l'Europe se développe, mais, historiquement, c'est la France qui a été le pilier et le moteur le plus important de l'Agence spatiale européenne. Il serait bon que nous voyons cela comme un défi important, une source d'émulation pour que nous continuions à occuper cette place importante qui correspond tellement bien à notre histoire.

Pour finir, je ferai quelques brefs commentaires sur ce qu'a dit M. Olivier Falorni s'agissant de la LPPR, même si ce n'est pas l'objet de notre réunion. En termes de masses budgétaires, le gros de l'effort portera sur l'ANR et la revalorisation des carrières, mais l'instauration de nouvelles règles permettra d'abonder l'ensemble de la recherche. D'une part, les taux d'acceptation vont augmenter de façon importante – en tout cas c'est ce qui est prévu –ce qui veut dire que les chercheurs perdront moins de temps avec les candidatures multiples et que les financements seront plus importants, ce qui évitera de devoir chercher des ressources complémentaires. D'autre part, le préciput va augmenter, ce qui est également très important. Le terme désigne, je le rappelle, la part de financement découlant des contrats avec l'ANR qui rejaillit directement sur les établissements et les équipes de recherche. Les discussions avec le ministère autour du dispositif n'ont pas encore fixé le pourcentage, mais il devrait atteindre, à terme, 30 % à 40 %. Il conviendra d'être particulièrement vigilant sur ce point. Le groupe de travail auquel je participais, dans le cadre des travaux préliminaires autour du projet de loi, avait d'ailleurs abordé la question.

Il n'en demeure pas moins que je suis en phase avec ce qu'a dit M. Olivier Falorni : il y a une sorte de paradoxe entre, d'un côté, l'importante montée en gamme de l'ensemble des moyens de la recherche et, de l'autre, la relative stagnation des budgets, en dehors de ceux de l'ANR et du CNRS. Les sommes allouées à des organismes tels que l'INRAe, l'INSERM, IFPEN et INRIA méritent d'être corrigées au vu des évolutions qu'ils connaissent.

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