La prochaine loi de finances sera, à bien des égards, hors norme et les investissements d'avenir en sont une illustration intéressante. Pour tirer les leçons de la crise sanitaire, soutenir la relance et préparer notre pays aux enjeux de demain, un quatrième programme d'investissements d'avenir (PIA4) a été présenté par le Premier ministre, le 3 septembre dernier. Je commencerai par vous présenter les principales caractéristiques de la mission « Investissements d'avenir », qui intègre ce nouveau programme, avant d'aborder trois domaines technologiques qui me semblent stratégiques pour la France, puisqu'ils sont cruciaux pour notre souveraineté et que nous y avons des intérêts économiques : l'intelligence artificielle, la microélectronique et la blockchain.
La mission « Investissements d'avenir » est le véhicule budgétaire du PIA3, doté de 10,3 milliards d'euros intégralement engagés en 2017. Il se décline sous la forme de trois programmes séquencés de l'amont vers l'aval du processus d'innovation : le programme 421, « Soutien des progrès de l'enseignement supérieur et de la recherche », doté de 380 millions d'euros en crédits de paiement (CP) pour 2021 ; le programme 422, « Valorisation de la recherche », qui fait le pont entre la recherche et l'industrialisation et qui est doté de 660 millions d'euros de CP pour 2021, contre 620 millions d'euros en 2020 ; le programme 423, « Accélération de la modernisation des entreprises », doté de 874 millions d'euros en CP, contre un peu plus de 1 milliard d'euros l'année précédente. Le rythme de décaissement des crédits du PIA3 restera soutenu en 2021, à hauteur de 1,9 milliard d'euros en CP. À la fin de l'année 2020, les 10,3 milliards d'euros d'autorisations d'engagement (AE) du PIA3 auront été couverts par 4,7 milliards d'euros de crédits de paiement ; un montant de 5,6 milliards d'euros de crédits de paiement restera donc à ouvrir sur les exercices 2021 et suivants.
Le PIA4 sera pleinement intégré dans la mission « Investissements d'avenir » sous la forme de deux nouveaux programmes budgétaires, dotés de 20 milliards d'euros sur cinq ans, dont 11 milliards seront rattachés au plan de relance. Il permettra de concrétiser notre volonté de renforcer notre souveraineté technologique.
Le premier volet du PIA4, dit « dirigé », se trouve dans le programme 424, « Financement des investissements stratégiques », et vise à financer, pour un montant total de 12,5 milliards d'euros sur cinq ans, des investissements exceptionnels dans l'ensemble du continuum de l'innovation afin d'accompagner les transformations économiques et sociétales de notre pays et d'augmenter son potentiel d'innovation. Pour 2021, l'intégralité des autorisations de ce premier programme est engagée et 1,5 milliard d'euros sont prévus en crédits de paiement.
Le second volet du PIA4, dit « structurel », correspondant au programme 425, a pour objectif de garantir un financement pérenne et prévisible aux écosystèmes d'enseignement supérieur de recherche et d'innovation mis en place dans le cadre des précédents programmes d'investissements d'avenir. Ce volet est doté de 7,5 milliards d'euros sur cinq ans et comprend notamment les aides à l'innovation de Bpifrance. Pour 2021, 4 milliards d'euros d'autorisations sont engagés et 562 millions d'euros sont prévus en crédits de paiement.
En tenant compte de l'intégration du PIA4, la mission « Investissements d'avenir » voit donc ses crédits presque doubler par rapport à l'année dernière, avec 3,9 milliards d'euros de crédits de paiement pour l'année 2021. Nous ne pouvons que nous en réjouir.
J'en viens maintenant à mon focus sur les trois secteurs stratégiques.
L'intelligence artificielle est une technologie transversale ayant vocation à se déployer dans tous les secteurs de notre économie, notamment la mobilité, la santé et l'agriculture. Elle assurera des gains importants de productivité et de compétitivité aux entreprises qui sauront s'en saisir et va révolutionner l'ensemble des services. À la suite du rapport de notre collègue Cédric Villani, la France s'est dotée en 2018 d'une stratégie nationale de recherche en intelligence artificielle, qui a notamment conduit à la création de quatre instituts interdisciplinaires d'intelligence artificielle, à Paris, Grenoble, Nice et Toulouse.
À la lumière des auditions que j'ai conduites, le bilan de la France dans ce domaine apparaît bon : les investissements d'avenir ont permis à notre pays de commencer à rattraper le retard accumulé durant ces dernières décennies, de renforcer notre visibilité dans ce secteur ultra-compétitif, de soutenir sa valorisation, enfin de faciliter l'accès des deeptech à des financements tant publics que privés en France. C'est au total près de 1,5 milliard d'euros qui sera consacré à l'intelligence artificielle pendant le quinquennat. Notre pays compte désormais six groupes parmi les quatorze premiers investisseurs en intelligence artificielle en Europe, ainsi que 80 entreprises de taille intermédiaire (ETI) et plus de 500 start-ups spécialisées dans ce domaine.
Il n'en demeure pas moins que nous conservons quelques faiblesses, auxquelles nous ne pourrons remédier que grâce à une stratégie sur le long terme. Je pense en particulier au niveau insuffisant de la rémunération de nos chercheurs, à la complexité administrative parfois excessive pour trouver des financements, au faible niveau de digitalisation de nos TPE-PME, qui ralentit leur mise à niveau technologique, ou encore à l'absence de champions français, et même européens, dans le secteur de l'hébergement dans le cloud, essentiel pour l'intelligence artificielle. Vous trouverez dans le rapport une vingtaine de propositions visant à lever ces difficultés. J'encourage notamment les pouvoirs publics à soutenir davantage deux secteurs qui me semblent stratégiques pour la France : d'une part, l'intelligence artificielle embarquée, qui concerne l'internet des objets, la voiture autonome ou encore les plateformes décisionnelles ; d'autre part, le traitement automatique du langage naturel, qui offrira toutes sortes d'usages dans les prochaines années.
La microélectronique, secteur au chiffre d'affaires de 4 milliards d'euros en France, concerne la production de composants électroniques de haute technologie, comme les puces, indispensables à l'utilisation de tout produit électronique, notamment le téléphone mobile. Les différentes auditions que j'ai menées m'ont conduite à conclure que le soutien apporté par les investissements d'avenir à la microélectronique était satisfaisant et s'inscrivait dans un temps assez long, assurant à ce secteur extrêmement concurrentiel la visibilité qui lui est indispensable. Les crédits du plan Nano 2017 ont d'ores et déjà été intégralement décaissés. Le plan Nano 2022, qui comprend, au titre des investissements d'avenir, pour 368 millions d'euros de subventions et 200 millions d'euros de prêts, devrait voir sa mise en œuvre s'accélérer en 2021 et 2022. En matière d'emplois, au titre de l'année 2019, les travaux de Nano 2022 ont mobilisé près de 1 849 personnes et suscité depuis deux ans la création de 230 emplois en moyenne parmi les chefs de file et au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Ces acteurs ont déposé 287 brevets en 2018 et 315 en 2019, et rédigé plus de 300 publications scientifiques. Les seuls sujets de préoccupation concernent la définition de la notion de première industrialisation dans le cadre européen, qui apparaît encore trop restreinte, et la nécessité d'anticiper d'ores et déjà le prochain plan Nano 2027.
La blockchain est une technologie beaucoup plus récente, donc moins mature, mais au fort potentiel économique. Force est de constater qu'aucun dispositif spécifique n'est prévu pour ce secteur dans le cadre des investissements d'avenir. Les seules actions de soutien passent par les outils de droit commun de Bpifrance, pour un montant total assez faible, de l'ordre de 5,5 millions d'euros en 2019, et pour un nombre de projets inférieurs à cent.
Tout en étant consciente de l'état actuel de structuration de l'offre et de la demande dans ce secteur, je crois qu'il nous faut accroître notre soutien pour ne pas manquer les occasions qui vont se présenter à nous. C'est pourquoi j'invite les pouvoirs publics à renforcer les financements attribués à la technologie de la blockchain, notamment dans le cadre des investissements d'avenir.
Plus en amont encore, au cours des auditions, les acteurs ont régulièrement évoqué les enjeux stratégiques de l'informatique quantique et de la filière optique-photonique – je vous invite à lire la partie du rapport consacrée au sujet.
En conclusion, je me prononce en faveur de l'adoption des crédits de la mission « Investissements d'avenir ».