C'est décidé, depuis hier : Comatelec ne produira plus les luminaires de ville en France, sur le site de Saint-Florent-sur-Cher. Il était le premier producteur de luminaires de ville. La plupart des lampadaires nouvelle génération qui permettaient d'économiser l'énergie venaient de chez lui. Il employait 128 salariés sur place, depuis les années 1950. L'an dernier encore, il a réalisé 10 millions d'euros de bénéfices sur 90 millions de chiffre d'affaires. La production partira essentiellement en Espagne mais aussi au Portugal et en Ukraine. Qu'a fait Bercy pour ce dossier ? Rien. Personne n'a bougé le petit doigt, pas même un orteil ni un ongle. On a laissé faire le massacre, sans intervenir.
Dans le même temps, toujours dans le Cher, les fours Rosières, rachetés par le groupe chinois Haier, devraient quitter la région pour la Turquie. Et je vous parle d'événements quasi souterrains. Ce qui est plus visible, c'est le départ de l'usine Bridgestone, écrasée par la concurrence asiatique, vers la Pologne, comme l'a dit Mme Pannier-Runacher. Dans ce contexte, comme s'étonner du déficit commercial de la France ?
Les déclarations se sont multipliées durant le temps de l'épidémie, la plus remarquable étant celle de M. Emmanuel Macron qui a considéré qu'il fallait reprendre le contrôle parce que ce serait une folie que de déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner, notre cadre de vie, à d'autres, avant d'ajouter qu'il assumerait les décisions de rupture qu'il faudrait prendre les semaines et les mois suivants. Tous les membres du Gouvernement ont à peu près raconté la même chose. M. Bruno Le Maire a dit que le coronavirus était un « game changer » dans la mondialisation – si tant est que l'on puisse parler de jeu quand certains ont tant perdu. En tout cas, ce n'est pas sans rappeler les déclarations de M. Nicolas Sarkozy, il y a plus de dix ans, au cœur d'une autre crise : « Une certaine idée de la mondialisation s'achève […]. L'idée de la toute-puissance du marché qui ne devait être contrariée par aucune règle, par aucune intervention politique, était une idée folle. L'idée que les marchés ont toujours raison était une idée folle ».
Voilà pour les paroles : souveraineté, relocaliser, souveraineté, relocaliser. Pourtant, parallèlement, tout continue comme avant. Le CETA a été signé avec le Canada. Durant le confinement, un accord a été signé avec le Mexique. L'accord entre le Mercosur et l'Union européenne est en cours de négociations. Un autre a été signé avec Singapour et un dernier, avec le Vietnam, est entré en vigueur en août.
Si on veut vraiment être souverain, il faut être déterminé à utiliser tous les instruments disponibles pour réguler le marché, pour réguler cette folie. Deux Présidents de la République l'ont dit : on ne peut pas laisser le libre-échange suivre son cours sans poser des règles pour tenter de le réguler. Le déficit du commerce extérieur en est la plus petite des conséquences mais la plus grave réside dans l'écrasement des territoires, des emplois, jusqu'au climat puisque Nicolas Hulot nous a alertés sur la responsabilité du libre-échange dans le réchauffement climatique, nous rappelant que ce ne serait pas avec trois éoliennes qu'on s'en sortirait !
Il est temps de passer des paroles aux actes. Plutôt que de se demander, comme notre collègue du MoDem, comment contourner les risques du protectionnisme, nous devons réfléchir aux instruments susceptibles de protéger les Français, le climat, l'industrie et, finalement, la démocratie qui finit par être bafouée, livrée au chantage des multinationales à qui elle doit consentir des cadeaux toujours plus importants.