La commission examine, pour avis, sur le rapport de Mme Laure de la Raudière, les crédits consacrés au commerce extérieur dans la mission « Économie ».
Mes chers collègues, nous poursuivons l'examen des avis budgétaires sur les missions de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2021. Nous avons débuté, hier, l'examen de la mission « Économie » avec la présentation des avis sur les crédits « Industrie » et « Entreprises ». Nous examinons ce matin les avis sur les crédits « Commerce extérieur », sur le rapport de Mme Laure de la Raudière, « Communications électroniques et économie numérique », sur le rapport de M. Éric Bothorel, et « Économie sociale et solidaire », sur le rapport de Mme Barbara Bessot-Ballot.
Je mettrai aux voix l'ensemble des crédits de la mission « Économie » à la fin de cette réunion. Aucun amendement n'a été déposé et les orateurs des groupes disposent de quatre minutes pour leur intervention dans chacune des discussions générales.
Monsieur le Président, mes chers collègues, beaucoup d'efforts ont été consentis pour structurer l'accompagnement de nos entreprises à l'export, ce dont témoignent les résultats de 2019 et de début 2020. En effet, le solde commercial de biens et de services affichait, en 2019, un déficit de 21,8 milliards d'euros contre 25,4 milliards en 2018.
Hélas, les conséquences de la crise sanitaire sur le commerce extérieur sont déjà très lourdes. Elles tiennent en quelques chiffres : au premier semestre 2020, le commerce extérieur français, biens et services, a connu une chute record avec une baisse de 20,7 % des exportations et de 15,1 % des importations par rapport au premier semestre 2019. Cette baisse est plus marquée que chez nos voisins européens et nos principaux concurrents, qui ne connaissent, en moyenne, qu'une baisse de 13 % des exportations. Ces résultats sont principalement dus à nos secteurs exportateurs, très lourdement affectés par la crise – aéronautique, automobile, tourisme.
Dans ce contexte, le plan de relance gouvernemental prévoit un dispositif destiné à soutenir l'export à hauteur de 247 millions d'euros durant la période 2020-2022.
Les moyens accordés au soutien du commerce extérieur revêtent, dans ce contexte de crise, une importance particulière. Dans le cadre de cet avis budgétaire, je me suis penchée sur les crédits prévus à l'action n° 7 du programme 134, en baisse de 2 %, pour atteindre 140,2 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP). Cette baisse est surtout supportée par l'opérateur Business France, chargé du développement international des entreprises françaises, des investissements internationaux en France et de la promotion économique de la France.
Un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens entre l'État et Business France, pour la période 2018-2022, encadre la subvention pour charge de service public servie à l'opérateur dans le cadre du programme 134. Les moyens de l'agence y ont été inscrits à la baisse et la subvention pour l'année 2021 diminue logiquement pour s'élever à 87,62 millions d'euros contre 90,1 millions en 2020 et de 92,7 millions en 2019. Il faut donc saluer l'effort important de Business France dont la subvention a fléchi de 16 % entre 2015 et 2021 alors qu'il remplissait, voire dépassait, les objectifs qui lui étaient fixés. Il bénéficie, cette année, d'une hausse de trente équivalents temps plein travaillés en rupture avec la diminution progressive du plafond d'emploi de ces dernières années.
S'agissant de la rémunération versée à Bpifrance Assurance Export au titre de la gestion de garanties-export réalisées pour le compte de l'État, elle est stabilisée après plusieurs années consécutives de baisse, à 51,65 millions d'euros en 2021, contre 51,25 millions en 2020.
En tenant compte des moyens prévus par ailleurs dans le cadre du plan de relance pour l'export, soit 247 millions d'euros, dont 60,3 millions sont prévus pour Business France et 6,5 millions en loi de finances rectificative pour 2020, je donne un avis favorable au vote des crédits de la mission « Économie » pour ce qui concerne le commerce extérieur.
J'ai souhaité inscrire mon avis dans la continuité de ceux rendus les années précédentes par mon collègue Antoine Herth , en consacrant la partie thématique de mon rapport à trois enjeux essentiels.
Le premier porte sur l'évaluation et le bilan de la Team France Export et les leçons à tirer pour la Team France Invest, qui tarde à se mettre en place.
Je me suis aussi penchée sur la numérisation des entreprises et les outils numériques publics et privés d'aide à l'exportation, véritables leviers pour la croissance des entreprises françaises.
Enfin, il m'a semblé important de faire le point sur les différents accords commerciaux en cours de négociation ou de ratification par l'Union européenne.
Commençons par un rapide bilan de la mise en place du dispositif Team France Export, lancé en 2018 et destiné à simplifier le parcours des entreprises à l'export par la mise en place, au niveau national, de guichets uniques dans toutes les régions, et au niveau international par la désignation de correspondants uniques, issus d'un acteur privé ou directement de Business France. Toutes les équipes travaillent de manière unifiée, en utilisant les mêmes outils, ce qui a permis de clarifier les rôles de chacun dans l'accompagnement des entreprises à l'export.
De l'avis de toutes les personnes auditionnées, le bilan de la Team France Export est très positif et les résultats sont là : 12 724 petites et moyennes entreprises (PME) et entreprises de taille intermédiaire (ETI) préparées ou projetées à l'export par la Team France Export en 2019, ce qui représente une augmentation de plus de 23 % par rapport à 2018.
Il faut également souligner la grande réactivité de l'opérateur dans le contexte de la crise sanitaire, qui a su identifier les besoins des entreprises et mettre en place très rapidement une offre dématérialisée pour y répondre. Je pense, par exemple, à la création d'une carte interactive baptisée « Info live des marchés », qui permet d'accéder à la situation des marchés étrangers en temps réel.
Notons, en revanche, que le réseau Team France Invest, dont l'objectif est d'améliorer la détection et l'attraction des investisseurs étrangers potentiels en France, lancé en même temps que le dispositif Team France Export, n'est pas opérationnel. Un comité d'orientation et de suivi des projets étrangers a été créé : il s'agit d'une place de marché sur laquelle sont déposés les projets d'investissement détectés par Business France ou la direction générale du Trésor avant d'être transmis aux régions qui communiquent à leur tour des offres correspondant aux cahiers des charges. En dehors de ce dispositif, la Team France Invest demeure embryonnaire et me semble devoir être accélérée. Il pourrait être particulièrement intéressant d'être attentif à ses progrès dans le cadre de l'avis budgétaire de l'année prochaine.
Je me suis également intéressée aux outils numériques publics et privés d'aide à l'exportation. La numérisation des entreprises constitue un véritable levier pour l'export et pour la croissance des entreprises françaises. Les PME qui vendent en ligne représentent 77 % du nombre de transactions réalisées à l'export par les PME françaises et la crise de la covid-19 a mis en lumière la plus grande résilience des entreprises qui recouraient aux solutions numériques.
Le développement d'outils numériques est donc une mission essentielle de la Team France Export. Elle a, à ce titre, développé une plateforme numérique, opérationnelle depuis le 17 juin 2019. Cette plateforme des solutions répertorie l'ensemble des prestataires de services à l'export, publics et privés, et est déclinée en quatorze plateformes régionales.
La plateforme a été le levier majeur de la mobilisation de la Team France Export dans le contexte de crise sanitaire. Elle a été notamment enrichie par de nouveaux outils destinés à améliorer l'information des entreprises à la fois sur l'accompagnement dont elles pouvaient bénéficier et les évolutions de la situation des marchés étrangers en temps réel. D'autres projets devraient être menés à bien d'ici à la fin de l'année, dans le cadre du plan de relance de l'export afin d'enrichir encore le contenu de cette plateforme numérique. Le cap des 200 000 visites a été dépassé à l'été 2020, reflétant le succès et le bilan global positif de cette plateforme de solutions.
Enfin, vous trouverez dans le rapport un état des lieux de tous les accords en cours de négociation avec, en particulier, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la Chine, le Chili, l'Afrique orientale, l'Amérique du Sud (le Mercosur) et le Canada (le CETA). La négociation de ces grands accords internationaux est déléguée à l'Union européenne sur prescription de chacun des pays membres. Nous veillons attentivement à la protection de nos intérêts et à la conformité de ces contrats avec les exigences du développement durable.
Je salue le travail de la rapporteure. L'examen de cet avis budgétaire se déroule dans un climat particulier, au cœur de la crise sanitaire, qui a lourdement pesé sur le commerce extérieur français puisque les exportations ont chuté de 20,7 % au premier semestre 2020 et les importations de 15,1 % par rapport au premier semestre 2019.
Les exportations françaises, principalement orientées vers les secteurs du tourisme, de l'aéronautique et de l'automobile, ont été lourdement touchées et fragilisées par la crise. Elles ont subi une chute de 38,1 % pour l'industrie automobile, de 47,2 % pour l'aéronautique et de 51,9 % pour le tourisme.
Dans ce contexte dégradé, les crédits consacrés au financement et au soutien du commerce extérieur de la France sont indispensables pour accompagner et renforcer les performances à l'export de nos entreprises. Ils complètent les dispositifs du volet export du plan de relance du Gouvernement pour lesquels 247 millions d'euros sont prévus.
Les politiques publiques, financées sur le programme 134 de la mission « Économie », qui rassemble l'essentiel des crédits destinés au soutien du commerce extérieur de la France, visent à développer la compétitivité des entreprises et à favoriser un environnement économique propice à la croissance et à l'emploi.
En 2020, le programme 134 a été au cœur du plan de soutien aux entreprises, en faveur notamment des PME et des ETI. En 2021, l'un des objectifs stratégiques sera de poursuivre et de renforcer le soutien à l'internationalisation des entreprises et à l'export, en particulier grâce au travail de Business France.
En 2021, l'État, via son opérateur, jouera pleinement son rôle contracyclique auprès des entreprises exportatrices françaises par la sécurisation de leur trésorerie grâce aux mesures d'urgence adoptées par le Gouvernement et par l'octroi de conditions financières avantageuses pour les aider à conquérir de nouveaux marchés à l'international. Je salue, au nom du groupe La République en Marche, l'effort poursuivi par le Gouvernement.
Nous prenons acte de la diminution de l'ordre de 2 % des crédits dédiés au développement international des entreprises et à l'attractivité du territoire, avec 140,2 millions d'euros d'AE et de CP au titre du programme 134, mais aussi des efforts consentis par le Gouvernement en faveur du commerce et de l'économie interne à notre pays. Cette mission reste indispensable pour accompagner les performances à l'export des entreprises françaises, essentielles au rebond de l'économie dans son ensemble. À l'heure où le débat sur la souveraineté industrielle de la France s'accentue, et dans le contexte de la crise sanitaire au premier semestre 2020, je reconnais, à la suite de la rapporteure, l'importance de poursuivre la mobilisation du réseau de la Team France Export, pour être aux côtés des entreprises et des entrepreneurs. Elle doit servir de modèle pour le lancement et la réussite opérationnelle de la Team France Invest, qui renforcera l'attractivité de nos territoires. Les performances pour 2021 dépendront naturellement de l'ampleur de la reprise de l'activité économique mondiale.
Mon groupe soutiendra l'action du Gouvernement pour accompagner nos entreprises à l'export. Ces crédits sont d'ailleurs complétés par la mission « Plan de relance » qui engage un ambitieux plan de soutien à l'export et permettra de poursuivre l'accompagnement des PME et ETI, afin d'améliorer la balance commerciale française.
Mon groupe votera naturellement en faveur de ces orientations budgétaires.
Cette mission n'est pas des plus évidentes à examiner car elle est transverse. Nous retrouvons les éléments sur l'état du commerce extérieur, en effet, dans au moins six missions. Le commerce extérieur est très important car, de notre balance commerciale dépend le niveau de vie des Français. Une économie française qui évoluerait vers l'autarcie serait encore plus paupérisée et, de fait, encore moins capable de supporter un modèle social de plus en plus coûteux. Tout est lié.
Nous avons constaté, depuis le quinquennat précédent, une perte de compétitivité de notre économie. Globalement, le déficit commercial a eu tendance à s'aggraver au cours de ce quinquennat. Il s'est nettement creusé en 2017 et 2018 pour avoisiner les 60 milliards d'euros. Il devrait se réduire en 2020 mais cette prévision n'est basée que sur des projections qui ne tiennent pas compte de l'effet récessif de la fin de l'année. Nous savons que notre économie est devenue, au sortir de la crise sanitaire, très dépendante des importations, en particulier chinoises. La stratégie de gestion du confinement, marquée par une mauvaise anticipation – l'affaire des masques en témoigne – aura eu des conséquences pour notre économie, notre capacité à exporter et, partant, notre balance commerciale. D'une certaine manière, la stratégie de gestion du commerce extérieur a été gadgétisée depuis 2017, avec la création d'agences surtout orientées vers le marketing, et le recyclage de crédits. Finalement, cette stratégie, quasiment illisible, est devenue, notamment dans les territoires éloignés des métropoles, celle de la débrouille à l'aide de réseaux, éventuellement personnels. Le Gouvernement est en partie responsable de cette situation puisqu'il a affaibli le réseau des chambres de commerce et d'industrie (CCI) qui, pourtant, fonctionnait très bien. Il faudrait y remédier.
Enfin, je voudrais dénoncer notre naïveté : tant que les échanges en restent au niveau du marché commun, l'Europe peut gérer la situation mais lorsqu'elle se trouve face à des pays comme la Chine ou les États-Unis, qui ont une conscience très aiguë de leurs intérêts et sont capables, en période de repli, de prendre des mesures drastiques, elle devient l' « idiote utile » du libre-échange et se plaît à croire qu'elle pourrait imposer son modèle au monde entier. Hélas, cette conception s'est retournée contre des pans entiers de notre économie.
Nous abordons par conséquent ce budget avec prudence, vigilance, une pointe de scepticisme à l'égard de la politique menée au début du quinquennat, alors que nous bénéficiions encore d'un contexte de reprise qui était porteur. Les mesures qui n'ont pas été prises à cette époque, mais que vous imposez aujourd'hui que l'endettement s'est aggravé, pèseront encore davantage, au cours des prochaines années, sur la compétitivité de nos entreprises.
Les nouvelles structures installées par la « start-up nation » pour aider certains secteurs de notre économie à trouver des marges de développement à l'étranger devront aussi tenir compte de la vieille économie, celle des territoires où nombre d'acteurs continuent, quoi qu'on en dise, à faire vivre notre pays.
La crise que nous traversons depuis plusieurs mois a provoqué un repli sans précédent de l'activité économique internationale et des échanges commerciaux mondiaux. La France, tout comme ses voisins, a subi au premier semestre, une importante dégradation de son commerce extérieur. Pourtant, le nombre d'exportateurs français était au plus haut depuis dix-neuf ans. La France était, en 2019, la première destination en Europe en termes de projets d'investissements étrangers. La réforme lancée par Business France en 2018, saluée par tous, et dont les résultats devenaient extrêmement encourageants, était justement destinée à pallier ces difficultés. La réforme avait pour objectif de simplifier les dispositifs d'accompagnement des entreprises à l'international. Je crains qu'elle ne soit stoppée, compte tenu du contexte sanitaire.
Néanmoins, je salue, au nom du Mouvement Démocrate et apparentés, les mesures prises par le Gouvernement pour soutenir les entreprises exportatrices. Outre les mesures de soutien qui bénéficient à l'ensemble des entreprises comme le prêt garanti par l'État, l'exonération de cotisations, l'activité partielle et le fonds de solidarité, les entreprises exportatrices ont pu bénéficier d'un accompagnement renforcé par la Team France Export et par le dispositif de l'assurance-crédit export.
Au-delà de ces mesures indispensables pour la survie des entreprises, que préconisez‑vous, Madame la rapporteure, et que prévoit le budget pour s'assurer que la crise ne remette pas en cause la récente amélioration de notre commerce extérieur ? Comment pourrons‑nous reconquérir les marchés internationaux et retrouver la tendance positive que nous avions initiée au cours des deux dernières années ? Notre pays dispose de toutes les ressources pour briller sur le réseau mondial – une main-d'œuvre qualifiée, des infrastructures et des produits de qualité, un secteur industriel fort et compétitif qui enregistre des excédents commerciaux importants, même s'ils ont fortement baissé ces dernières années. Les perspectives pour le second semestre et pour 2021 restent incertaines et dépendront de l'évolution de la pandémie. Si elle perdure encore plusieurs mois, voire plusieurs années, nous devrons construire un scénario de reprise de l'activité mondiale afin de contourner les risques de protectionnisme.
S'il est un secteur particulièrement frappé par la crise sanitaire, c'est bien celui du commerce extérieur. Certains économistes anticipent ainsi une chute de 100 milliards des exportations françaises en 2020. Si leurs prévisions se confirment et que le recul est si marqué, c'est parce que la crise touche directement les têtes de gondole françaises : l'aéronautique ainsi que les constructeurs et équipementiers automobiles. Outre le contexte difficile, nos difficultés s'expliquent aussi par la structure même de notre tissu économique. Là où nos voisins allemands s'appuient sur des entreprises de taille intermédiaire, capables de s'illustrer dans un marché globalisé, nos PME et ETI restent trop souvent tournées vers le marché français et peinent parfois à faire valoir leurs atouts à l'international. Ainsi, ce sont les grands groupes français qui portent les chiffres de notre commerce extérieur.
Nous devons repenser le dispositif d'accompagnement des PME à l'export. Le Gouvernement s'est attelé à ce chantier et les préconisations de Business France allaient dans le bon sens. Là où une multiplicité d'acteurs entraient en concurrence, Business France a proposé de clarifier les responsabilités afin d'accroître le volume des exportations et le nombre des exportateurs. Ainsi, il est proposé d'installer un guichet unique dans les régions, réunissant Business France et les chambres de commerce et d'industrie, qui aura pour mission d'identifier et de préparer les entreprises à l'export, en leur offrant des services différenciés. C'était plus que nécessaire.
Je partage cette volonté d'accompagner les entreprises au plus proche du terrain mais je regrette qu'une fois de plus, les moyens ne soient pas à la hauteur. À l'heure où le rôle d'accompagnement des CCI auprès des PME et des ETI dans les régions est consolidé, vous actez la diminution de leurs ressources. Depuis le début du quinquennat, elles ont déjà été réduites de 350 millions d'euros et la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « loi PACTE », a prévu des baisses jusqu'en 2022, dans le cadre de la réforme du réseau des CCI. Pire, vous aviez prévu en première partie de ce PLF pour 2021 une nouvelle diminution, de l'ordre de 100 millions d'euros, des ressources allouées aux CCI. Heureusement, grâce à l'intervention de députés de plusieurs groupes politiques, vous êtes revenus sur cette décision.
Je regrette la nouvelle diminution des ressources de Business France dont le budget sera de 87 millions d'euros, contre 90 millions en 2020. À l'heure où nous devons, plus que jamais, relancer nos exportations, nous avons besoin d'un opérateur fort pour accompagner nos entreprises : la situation de Business France nous inquiète.
C'est décidé, depuis hier : Comatelec ne produira plus les luminaires de ville en France, sur le site de Saint-Florent-sur-Cher. Il était le premier producteur de luminaires de ville. La plupart des lampadaires nouvelle génération qui permettaient d'économiser l'énergie venaient de chez lui. Il employait 128 salariés sur place, depuis les années 1950. L'an dernier encore, il a réalisé 10 millions d'euros de bénéfices sur 90 millions de chiffre d'affaires. La production partira essentiellement en Espagne mais aussi au Portugal et en Ukraine. Qu'a fait Bercy pour ce dossier ? Rien. Personne n'a bougé le petit doigt, pas même un orteil ni un ongle. On a laissé faire le massacre, sans intervenir.
Dans le même temps, toujours dans le Cher, les fours Rosières, rachetés par le groupe chinois Haier, devraient quitter la région pour la Turquie. Et je vous parle d'événements quasi souterrains. Ce qui est plus visible, c'est le départ de l'usine Bridgestone, écrasée par la concurrence asiatique, vers la Pologne, comme l'a dit Mme Pannier-Runacher. Dans ce contexte, comme s'étonner du déficit commercial de la France ?
Les déclarations se sont multipliées durant le temps de l'épidémie, la plus remarquable étant celle de M. Emmanuel Macron qui a considéré qu'il fallait reprendre le contrôle parce que ce serait une folie que de déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner, notre cadre de vie, à d'autres, avant d'ajouter qu'il assumerait les décisions de rupture qu'il faudrait prendre les semaines et les mois suivants. Tous les membres du Gouvernement ont à peu près raconté la même chose. M. Bruno Le Maire a dit que le coronavirus était un « game changer » dans la mondialisation – si tant est que l'on puisse parler de jeu quand certains ont tant perdu. En tout cas, ce n'est pas sans rappeler les déclarations de M. Nicolas Sarkozy, il y a plus de dix ans, au cœur d'une autre crise : « Une certaine idée de la mondialisation s'achève […]. L'idée de la toute-puissance du marché qui ne devait être contrariée par aucune règle, par aucune intervention politique, était une idée folle. L'idée que les marchés ont toujours raison était une idée folle ».
Voilà pour les paroles : souveraineté, relocaliser, souveraineté, relocaliser. Pourtant, parallèlement, tout continue comme avant. Le CETA a été signé avec le Canada. Durant le confinement, un accord a été signé avec le Mexique. L'accord entre le Mercosur et l'Union européenne est en cours de négociations. Un autre a été signé avec Singapour et un dernier, avec le Vietnam, est entré en vigueur en août.
Si on veut vraiment être souverain, il faut être déterminé à utiliser tous les instruments disponibles pour réguler le marché, pour réguler cette folie. Deux Présidents de la République l'ont dit : on ne peut pas laisser le libre-échange suivre son cours sans poser des règles pour tenter de le réguler. Le déficit du commerce extérieur en est la plus petite des conséquences mais la plus grave réside dans l'écrasement des territoires, des emplois, jusqu'au climat puisque Nicolas Hulot nous a alertés sur la responsabilité du libre-échange dans le réchauffement climatique, nous rappelant que ce ne serait pas avec trois éoliennes qu'on s'en sortirait !
Il est temps de passer des paroles aux actes. Plutôt que de se demander, comme notre collègue du MoDem, comment contourner les risques du protectionnisme, nous devons réfléchir aux instruments susceptibles de protéger les Français, le climat, l'industrie et, finalement, la démocratie qui finit par être bafouée, livrée au chantage des multinationales à qui elle doit consentir des cadeaux toujours plus importants.
On peut apprécier les discours des oppositions si on aime les histoires d'épouvante. Nos collègues sont assez talentueux pour agiter les spectres et faire sortir les vieux fantômes de la menace de l'international et de l'abandon des territoires.
Nous avons la responsabilité, en tant que groupe majoritaire, de ne pas raconter de fable et de ne pas nous livrer à des incantations mais de rappeler la réalité. Avant la crise, les emplois industriels repartaient à la hausse, tout comme la création d'emplois. Après la crise, le Gouvernement a fait face à la situation extraordinaire en proposant un plan, « France Relance », composé de différents volets, dont celui des relocalisations. Vous êtes sans doute témoins, dans vos territoires, des efforts de l'État et des régions pour investir dans les relocalisations. Dans ma région, en Côte-d'Or, une production en lien avec des vaccins a été relocalisée dans une entreprise de Dijon. C'est concret.
Décarbonation, innovation, modernisation, tous ces objectifs se retrouvent dans le plan de relance, sans oublier les plans spécifiques à chaque filière – l'automobile, l'aéronautique, le tourisme, qui est un puissant outil d'équilibre de notre balance des paiements même s'il est difficile, en ce moment, d'attirer les touristes. Mais, demain, le tourisme français, s'il parvient à se renouveler autour du développement durable, en particulier, deviendra un puissant levier de développement et d'équilibre de nos exportations.
Enfin, la souveraineté est agitée dans tous les sens mais la souveraineté ne signifie pas qu'il faille tout relocaliser en France. Il suffit d'être leader dans un domaine, y compris dans une chaîne de production qui associe d'autres pays producteurs.
Le déficit du commerce extérieur s'élevait à près de 60 milliards d'euros en 2019. Les exportations devraient chuter, en 2020, de près de 100 milliards, un chiffre symbolique, égal au montant du plan de relance. Cela met en perspective l'importance des efforts engagés pour essayer de reconquérir les parts de marché, dans un contexte extrêmement difficile. L'aéronautique paie un lourd tribut, puisqu'elle représente 10 % du déficit des exportations, soit 10 milliards.
La volatilité des prix agricoles entraîne une variation extrêmement sensible, année après année, de la valeur globale des biens et services échangés. Pour assurer l'équilibre commercial, espérons que nous retrouverons les performances, que nous avons connues il n'y a pas si longtemps, en matière d'exportations de notre production agricole. La baisse de la consommation intérieure chinoise constitue un autre sujet de préoccupation. Enfin, le Brexit n'est pas soldé et continue de nous plonger dans les affres économiques.
La crise sanitaire est, en partie, l'arbre qui cache la forêt, puisque le mal dont souffre l'économie occidentale, en particulier l'économie française, tient à ses difficultés en matière de production. La baisse des impôts de production annoncée est sans doute une bonne façon de maintenir ou de relocaliser un certain nombre d'activités sur le territoire français. Les moyens attribués à Business France, fussent-ils à la hausse, ne peuvent occulter nos problèmes structurels face à la concurrence internationale. Je ne prendrai qu'un exemple : le groupe Michelin, qui est l'un de nos fleurons industriels, ferme deux unités de production, l'une dans l'ouest de la France, l'autre en Bavière. Cela montre que les plus performantes de nos entreprises sont confrontées à des difficultés structurelles.
Beaucoup d'entre vous ont insisté sur l'importance du commerce extérieur pour notre pays, tout en relevant qu'il était profondément affecté par le contexte actuel. Notre commerce extérieur est en effet tiré par des secteurs qui sont touchés de plein fouet par la crise de la Covid-19 : l'aéronautique, qui est sinistrée, l'automobile et le tourisme.
Madame Blanc, je vous remercie pour votre soutien à ce budget.
Monsieur Di Filippo, je rejoins votre analyse sur l'importance du commerce extérieur. Le solde commercial est négatif mais connaît une amélioration si l'on considère les biens et services hors énergie – ce secteur se caractérisant par une forte spécificité.
Vous avez insisté sur le manque de compétitivité de l'économie française, en sous‑entendant que rien n'avait été fait pour y remédier depuis le début du quinquennat. Depuis ma première élection, en 2007, je n'ai jamais vu qu'on en fasse autant pour la compétitivité des entreprises. Je ne peux donc pas vous laisser dire ça ! Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) a été transformé en baisse de charges, le taux de l'impôt sur les sociétés (IS) a été réduit, les impôts de production ont été abaissés et les entreprises françaises n'ont jamais reçu autant de subventions en faveur de l'innovation et de la technologie. Vous pouvez critiquer, mais reconnaissez aussi, de temps en temps, les avancées obtenues.
Des progrès ont été accomplis en matière de structuration de l'accompagnement des entreprises par Business France. Avant, c'était un véritable fouillis : il y avait une multitude d'opérateurs, de gens qui « se tiraient dans les pattes », et l'on n'obtenait pas de résultats. Business France a organisé les procédures dans les territoires, en instituant notamment un guichet unique. Le nombre d'entreprises exportatrices a augmenté de plus de 12 000 depuis la création de Team France Export. Cela porte ses fruits, même si, c'est vrai, on ne le voit pas encore beaucoup dans les chiffres. Quand on définit des dispositifs bien structurés, il n'y a aucune raison de ne pas en recueillir les fruits.
Monsieur Corceiro, il me paraît en effet judicieux de se demander comment le commerce extérieur pourra retrouver une tendance positive. Les principaux secteurs touchés sont toujours sinistrés, qu'il s'agisse du tourisme, de l'aéronautique ou même de l'automobile, qui avait connu une amélioration durant l'été mais éprouve à nouveau des difficultés. Le plan de relance, qui vise à transformer nos industries, notre économie, en finançant les nouvelles technologies et la durabilité de nos moyens de production, nous permettra d'être plus compétitifs. Il faut néanmoins reconnaître qu'on va s'engager dans une passe très difficile en matière de commerce extérieur. L'année prochaine, le rapporteur pour avis sur ces crédits n'aura sans doute pas de commentaires très positifs à formuler.
Monsieur Falorni, vous avez raison de souligner que les PME sont moins tournées vers l'export en France que chez nos voisins, notamment en Allemagne. Vous avez relevé à juste titre que Business France a engagé un travail de fond, qui s'est traduit par la création de Team France Export. S'agissant des moyens dévolus aux chambres de commerce et d'industrie (CCI), que vous ne jugez pas à la hauteur des enjeux, il faut rappeler que le budget des CCI n'entre pas en ligne de compte en matière d'exportations, car leur contribution à la Team France export prend la forme de prestations payantes. Je vous rejoins toutefois sur le fait qu'il faut freiner la baisse des dotations aux CCI, comme nous le proposons dans plusieurs amendements. Vous avez regretté, par ailleurs, que le budget de Business France diminue. S'il accuse effectivement une baisse de 2 %, cette évolution sera compensée par l'abondement de 60 millions d'euros octroyé dans le cadre du plan de relance. Business France ne se plaint donc pas de la diminution de crédits au sein du programme 134, car il disposera, in fine, des moyens pour atteindre ses objectifs.
Monsieur Ruffin, l'emploi industriel en France a augmenté, puisqu'il a connu, respectivement, 18 800 et 7 900 créations nettes en 2018 et en 2019. Vous pouvez toujours citer les industries qui ferment – je le regrette comme vous, car cela touche des salariés, des territoires – mais il faut aussi considérer les chiffres dans leur ensemble. Par ailleurs, vous avez évoqué deux accords internationaux. Depuis l'entrée en vigueur à titre provisoire du CETA, on a assisté à une augmentation des exportations de la France vers le Canada de 8 % entre 2018 et 2019. C'est un fait. On peut critiquer les accords commerciaux tout en observant les résultats de leur application. S'agissant du Mercosur, je voudrais vous rassurer : la France a subordonné la ratification de l'accord au respect par le Brésil d'exigences environnementales, notamment l'arrêt des déforestations massives. Il n'est donc pas près d'être ratifié, car cela exige l'unanimité des pays européens.
M. Didier Martin a parlé d'un « film d'épouvante ». L'épouvante, nous l'avons vécue ce printemps lorsqu'en plein milieu d'une crise sanitaire, nous nous sommes retrouvés « à poil ». Je ne pointe pas particulièrement du doigt la majorité en place : c'est une politique qui dure depuis quarante ans. On s'est trouvé à poil sur les denrées alimentaires même si, malgré les craintes, ça a tenu. On s'est trouvé à poil sur les médicaments. Les principes actifs étaient envoyés à l'autre bout du monde, et on s'est trouvés dépendants de la Chine, de l'Inde, en étant incapables de produire des hypnotiques, des sédatifs. Concrètement, on a demandé aux médecins de moins en utiliser, ce qui signifie que des gens sont décédés dans la douleur. Ce serait nier le réel que d'affirmer le contraire. Je ne dis pas que c'était un phénomène massif, mais il a existé. Enfin, nous avons été incapables de produire des masques, des blouses et des surblouses. Pendant des mois, pour reprendre les mots d'une infirmière, le « soldat s'est fabriqué sa propre armure ». Ce n'est ni une fable, ni un film d'épouvante : ça a été la réalité de ce printemps, que le Président de la République, comme à peu près tous les gouvernants, ont reconnue.
La question est de savoir comment on fait aujourd'hui pour se réapproprier cela. Vous donnez une définition orwellienne de la souveraineté, en considérant qu'il faut qu'on soit hypercompétitif dans un secteur et qu'on dispose d'une grande chaîne de production. Ce que vous appelez la souveraineté, c'est la non-souveraineté. Ce sera peut-être un endroit où on fera de l'argent, qui sera bon pour le commerce extérieur, mais ça ne nous apportera pas les leviers industriels pouvant être actionnés en cas de crise, sanitaire ou autre, pour ne plus être à poil.
La commission en vient à l'examen des crédits relatifs aux communications électroniques et à l'économie numérique.
Je voudrais tout d'abord saluer le travail accompli précédemment par Mme Christine Hennion, dont je prends le relais comme rapporteur pour avis sur les crédits des communications électroniques et de l'économie numérique.
La crise sanitaire a montré l'importance des réseaux de communications électroniques dans notre société. Comme Mme Laure de La Raudière et moi-même l'avions souligné, dans notre rapport sur les propositions du groupe de travail sur les communications électroniques, les postes et l'économie numérique concernant la reprise et le plan de relance après l'épidémie de Covid-19, présenté en juillet dernier devant la commission, nos infrastructures numériques se sont montrées résilientes et les acteurs publics et privés à la hauteur de la situation inédite que nous avons connue.
Le budget 2021 en tire les leçons, en intégrant, avec le plan de relance, une forte dimension numérique, ce qu'il faut saluer. Des crédits supplémentaires soutiendront les déploiements fixes dans le cadre du plan France Très Haut débit, mais aussi l'inclusion numérique, ô combien importante, la formation, ainsi que la numérisation des entreprises et de l'État. J'ai étudié, pour ma part, les crédits des programmes 134 « Développement des entreprises et régulations » et 343 « Plan France Très Haut débit » de la mission « Économie ». Je vous propose d'en dire un mot, avant de faire un état des lieux des déploiements fixes et mobiles, et d'évoquer trois priorités pour l'avenir, parmi lesquelles la réforme de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) « mobile ».
Au sein du programme 134 « Développement des entreprises et régulations », deux actions rassemblent des crédits concernant les communications électroniques : l'action n° 4 « Développement des postes, des télécommunications et du numérique », mise en œuvre par la direction générale des entreprises (DGE) et l'action n° 13 « Régulation des communications électroniques et des postes », qui correspond au budget de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP).
L'action n° 4 rassemble un ensemble de crédits affectés au numérique, dont ceux destinés à financer France Num et l'Agence nationale des fréquences (ANFR). Cette action se voit dotée, pour 2021, de 177,4 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), ce qui correspond à une hausse de plus de 6 % par rapport à l'année dernière. Dans le détail, je note une hausse des crédits destinés à France Num (1,98 million d'euros contre 0,7 million d'euros en 2020), auxquels s'ajouteront les crédits de la mission « Plan de relance » et le quasi doublement des crédits destinés au commissariat des communications électroniques de défense (27 millions d'euros en 2021 contre 14,6 millions d'euros en 2020).
La subvention pour charges de service public destinée à l'ANFR reste stable. L'agence se voit dotée de 40,05 millions d'euros en AE et en CP, soit un niveau de crédits identique à celui de l'année dernière, mais avec une dotation financière supplémentaire de 3,9 millions d'euros destinée à la préparation technique des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Au total, 43,9 millions d'euros sont prévus en AE et en CP pour 2021, ce qui marque, là encore, un budget en hausse. L'ANFR perd en revanche deux équivalents temps plein (ETP) dans le cadre du schéma d'emploi 2021, avec un total de 295 ETP sous plafond pour l'année 2021 et 303 personnes employées par l'agence au total pour l'année prochaine. Sur ce dernier point, votre rapporteur veillera à ce que l'établissement dispose des moyens, notamment humains, nécessaires à la réalisation de ses missions.
L'action n° 13 du programme 134, intitulée « Régulation des communications électroniques et des postes », correspond, quant à elle, au budget de l'ARCEP. On observe pour 2021 une hausse de ses crédits, aussi bien en autorisations d'engagement (21,5 millions d'euros pour 2021 contre 20,9 millions d'euros l'année dernière) qu'en crédits de paiement (23,3 millions d'euros contre 22,8 millions d'euros). Le plafond d'emploi de l'organisme augmente également, pour atteindre 183 ETP en 2021. Dans l'ensemble, cette augmentation de crédits devrait permettre à l'ARCEP d'assurer ses missions et de monter en charge pour les deux plus récentes : le contrôle de l'action de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) en matière d'exploitation des sondes sur les réseaux des opérateurs de communications électroniques, d'une part, la régulation de la distribution de la presse, d'autre part.
Enfin, concernant le programme 343, qui rassemble les crédits du plan France très haut débit, on observe une forte hausse des crédits de paiement, avec 622 millions d'euros budgétés contre 440 millions d'euros l'année dernière. Cela correspond à la phase d'exécution renforcée des réseaux d'initiative publique en 2021.
Passons à un rapide bilan de la crise sanitaire, avant de procéder à un état des lieux des déploiements fixes et mobiles. Les acteurs publics et privés ont été exemplaires pendant la crise, leurs efforts ayant permis à la fois d'assurer une maintenance efficace des réseaux et de ne pas interrompre les déploiements. Dans mon rapport, j'ai également mis en lumière les nombreuses actions de solidarité engagées par les opérateurs : dons financiers ou de matériels, partenariats variés, formations proposées à certaines catégories de personnes éloignées du marché du travail. Cet état d'esprit devra continuer à nous animer.
En ce qui concerne les déploiements fixes et mobiles, la crise a eu un impact évident, en ralentissant leur rythme, sans néanmoins les interrompre, ce dont il faut se réjouir. Pour les déploiements fixes, au 30 juin 2020, 91 % des locaux en zone très dense, 77 % des locaux en zone moins dense d'initiative privée et 42 % des locaux en zone moins dense d'initiative publique étaient éligibles au très haut débit. L'objectif d'accès au « bon haut débit » fixé en 2020 est déjà quasi satisfait, grâce au mix technologique, et l'objectif du très haut débit pour tous en 2022 est plutôt en bonne voie, à condition de retrouver rapidement le rythme précédent.
S'agissant de la fibre, qui doit être généralisée d'ici à 2025 sur l'ensemble du territoire, on observe également une forte dynamique, avec 20,8 millions de locaux éligibles à la fibre optique jusqu'au domicile (FttH), soit une hausse de 33 % par rapport à l'année précédente. Le rythme de déploiement du deuxième trimestre 2020 reste supérieur à celui du premier trimestre.
La dynamique est soutenue, en grande partie, par les zones d'appel à manifestation d'intention d'investissement (AMII) : le nombre de locaux rendus éligibles a augmenté de 700 000 au second trimestre 2020. Le rythme est également relativement élevé dans les réseaux d'initiative publique, où l'on note un accroissement de 400 000 locaux au deuxième trimestre. C'est au sein de ces réseaux que les déploiements les plus importants restent à conduire, du fait d'une couverture FttH de 25 % contre 66 % pour les zones AMII et 82 % pour les zones très denses. Une vigilance s'impose néanmoins, en zone AMII, notamment au sujet de la complétude des déploiements. Des inégalités demeurent entre les territoires s'agissant des réseaux d'initiative publique ; pour y remédier, le plan de relance a dégagé des moyens supplémentaires.
Pour la partie mobile, concentrons-nous sur les deux éléments principaux du New Deal mobile que sont la généralisation de la 4G et le dispositif de couverture ciblée.
S'agissant de la 4G, sa généralisation avait continué de progresser pour atteindre, au 30 juin 2020, plus de 90 % en moyenne des sites mobiles des opérateurs. Pour les sites relevant du programme historique « zones blanches-centres bourgs », l'ARCEP indique être particulièrement attentive au rythme d'installation de la 4G. À la fin août 2020, un peu plus de la moitié de ces sites avaient été équipés, contre un peu plus d'un tiers trois mois plus tôt.
S'agissant du dispositif de couverture ciblée, dont la première livraison a été reportée du 27 juin au 9 octobre dernier, 423 sites étaient en service au 18 septembre, dont 410 identifiés en 2018, selon les opérateurs. La Fédération française des télécommunications (FFT) estimait que 95 % des sites étaient en service le 9 octobre. Il convient désormais d'attendre les derniers chiffres de l'ARCEP pour s'en assurer.
Enfin, concernant la 5G, les enchères se sont finalement tenues entre le 29 septembre et le 1er octobre derniers, dans des conditions satisfaisantes, me semble-t-il, pour les opérateurs et les pouvoirs publics. Orange a obtenu neuf blocs de fréquence, SFR huit, Free et Bouygues Telecom sept chacun, pour un montant total de 2,7 milliards d'euros. Les premières offres commerciales devraient arriver dans les prochains mois, et il faut désormais que les déploiements montent en charge.
En conclusion, je voudrais partager avec vous trois priorités pour les prochains mois. La première concerne évidemment l'accélération des déploiements fixes et mobiles, sur laquelle je ne reviens pas. La deuxième a trait à l'environnement : il est impératif que la dynamique engagée par les acteurs associatifs, les opérateurs et les pouvoirs publics se poursuive en 2021, pour que ce débat soit traité au fond, et de façon globale, dans notre pays. Parmi les pistes à étudier – c'est une réflexion qui pourrait être approfondie – figure l'impact de certains modèles économiques sur la surconsommation de terminaux mobiles. Je pense au subventionnement de smartphones couplé à un forfait mobile, qui semble faiblement inciter les utilisateurs à conserver leur téléphone aussi longtemps qu'ils sont en état de marche. Il est en effet tentant, pour le consommateur, d'accepter l'offre faite par son opérateur, en fin d'engagement, de bénéficier d'un nouveau smartphone dernière génération à petit prix contre un réengagement pour douze ou vingt-quatre mois. Ce n'est qu'une piste de réflexion que je livre à la discussion commune. J'invite d'ailleurs chacun à faire des propositions pour nourrir le débat.
La dernière priorité que je veux partager avec vous concerne la réforme de l'imposition forfaitaire des entreprises de réseaux (IFER) mobile. Cette imposition est payée, chaque année, par les opérateurs, sur chacune de leurs stations radioélectriques présentes sur le territoire. Lorsqu'un opérateur dispose en un même emplacement de plusieurs stations appartenant à des réseaux différents – tels que la 3G et la 4G –, il doit déclarer autant de stations qu'il y a de réseaux. Il me semble nécessaire de réformer cet impôt compte tenu de la forte évolution de son rendement : ce dernier est passé de 121 millions d'euros en 2010 à 222 millions d'euros en 2019, et pourrait atteindre, selon les opérateurs, 317 millions d'euros en 2022, en lien avec les déploiements de la 5G. Nous avons pourtant besoin que ces derniers se développent pour rattraper notre retard. L'IFER relève de la catégorie des impôts de production : il s'agit d'une imposition sur les investissements des opérateurs, qui peut apparaître désincitative. En effet ; plus vous déployez, plus vous êtes taxés. Vous le savez, ces impôts représentent en France le double de la moyenne européenne, soit 3,2 % du PIB contre 1,6 % dans l'ensemble de l'Union européenne. Il existe plusieurs régimes de tarification réduite ou d'exemption pour limiter ses effets négatifs. Il faut rappeler que, si ce marché a été moins affecté par la crise que d'autres secteurs, les prix y restent faibles. Le niveau d'investissement des opérateurs dans les réseaux demeure par ailleurs très élevé, puisqu'il s'élevait à 10 milliards d'euros en 2019.
Si une réforme de l'IFER est souhaitable, il faut garder à l'esprit que c'est une ressource pour les collectivités locales : cette imposition procure en effet 11 millions d'euros aux communes, 141 millions d'euros aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et 69 millions d'euros aux départements. Cela étant, comme l'a indiqué la direction générale des collectivités locales (DGCL), l'IFER mobile ne constitue pas – hormis dans quelques cas particuliers – une part substantielle des ressources des collectivités. Si les très petites communes et les petits EPCI pourraient être davantage affectés, les montants à compenser restent faibles en valeur absolue.
Les résultats de la mission de l'inspection générale des finances (IGF) nourriront nos réflexions. Il me paraîtrait utile qu'ils soient connus rapidement, pour nous permettre de débattre de la réforme de l'IFER mobile dès le projet de loi de finances pour 2021 en toute connaissance de cause.
J'émets un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs aux communications électroniques et à l'économie numérique.
La crise sanitaire a montré l'importance des réseaux de communications électroniques. Face à l'explosion des usages – notamment la voix et la vidéo –, la mobilisation des acteurs de la filière a permis une résilience du réseau. Je souhaite à mon tour, une nouvelle fois, les en remercier. L'importance vitale, sur le plan économique et social, de nos réseaux télécoms a bien été comprise par le pouvoir exécutif. Les crédits du plan France Très Haut débit qui sont demeurés inutilisés l'année dernière ont été à nouveau rendus disponibles en 2020. Par ailleurs, le Gouvernement n'a pas hésité à intégrer des crédits supplémentaires pour la filière dans son plan de relance. Ces investissements – que j'avais proposés dans mes précédents avis budgétaires – nous permettront de respecter les engagements que nous avions pris en début de mandat. Le plan France Très Haut débit paraît aujourd'hui en bonne voie d'achèvement. C'est une victoire politique qui sera à mettre au crédit de ce Gouvernement et de la majorité. Notre groupe votera donc en faveur de ces crédits.
Concernant le mobile, si le New Deal est, de même, en bonne voie, la couverture des zones blanches et des centres bourgs est à accélérer, même si des retards importants dans les travaux sont imputables à la crise sanitaire. Si le problème est financier, il réside aussi dans le dialogue, parfois difficile, entre les acteurs locaux, publics ou privés – notamment Enedis – et les opérateurs. Il nous faut améliorer la prévisibilité des actions entreprises au moyen d'échéanciers et d'une cartographie claire, mais aussi revoir les structures de dialogue entre ces acteurs afin d'éviter que des solutions ne soient imposées. Je voudrais connaître votre position à ce sujet, Monsieur le rapporteur.
S'agissant de l'IFER, j'estime, comme vous, qu'il faut revoir la fiscalité des télécommunications dans le sens d'une lisibilité et d'une équité accrues. L'IFER bénéficie d'un nombre disparate de déductions qui entament son assiette. Une réforme globale paraît nécessaire, alors que les opérateurs investissent dans la 5G.
Enfin, vous avez fait référence aux 250 millions d'euros prévus par le plan de relance pour l'inclusion numérique afin d'organiser le déploiement des médiateurs numériques. Avez‑vous plus de précisions quant au déploiement de ceux-ci ? Qui sont-ils ? Quels liens entretiendront-ils avec les maisons France services et les collectivités locales, notamment les régions ? Savez-vous si le dispositif prévoit le déploiement d'une identité numérique pour chaque Français ?
Le plan France Très Haut débit constitue un enjeu majeur pour notre pays, on l'a constaté lors du confinement. Pour développer le télétravail, le e -commerce, la formation à distance, le très haut débit est indispensable. Si son déploiement est quasiment achevé en milieu urbain, il demeure très insuffisant en zone rurale, où il doit être accéléré. S'agissant du très haut débit fixe, notre pays s'appuie sur deux dispositifs menés quasi simultanément dans les territoires. D'une part, les réseaux d'initiative publique sont portés par les collectivités locales, souvent les conseils départementaux, qui sont pilotes en la matière et sont aidés par les régions ainsi que par l'État, à travers le Fonds national pour la société numérique (FSN). D'autre part, les fonds propres des opérateurs, dans les zones AMII, ainsi que les contrats particuliers sur les territoires doivent permettre d'assurer une couverture rapide.
Le volet financier de ces deux dispositifs ne constitue plus le problème majeur. Même si on peut se réjouir de la rallonge budgétaire de 490 millions d'euros inscrite dans le plan de relance, cela ne permettra pas de faire bénéficier plus vite nos concitoyens du très haut débit. Contrairement à ce que dit le rapporteur, le rythme de déploiement est beaucoup plus lent que prévu, notamment au second semestre. Je ne suis pas certain que nous soyons en mesure de rattraper ce retard.
Parallèlement à la volonté budgétaire louable du Gouvernement, il faut des mesures concrètes pour accélérer le déploiement. Il convient d'insister sur la formation des demandeurs d'emploi en direction des métiers du numérique, pour lesquels on rencontre des problèmes majeurs de recrutement. Alors que le chômage est en nette progression, est-il normal que les opérateurs soient contraints de faire travailler des sous-traitants, qui emploient de la main‑d'œuvre étrangère, pour déployer la fibre sur le territoire ? Plus encore qu'accroître les autorisations d'engagement, il faut fixer davantage de contraintes et adresser plus d'encouragements aux demandeurs d'emploi pour les amener à se former dans ces secteurs.
Le très haut débit, c'est également la téléphonie mobile. Dans ce domaine, également, la problématique n'est pas budgétaire. Le principal enjeu est, ici, d'ordre réglementaire. Le New Deal, que nous avions salué en son temps, est une bonne idée sur le papier. Toutefois, deux ans après, les territoires ruraux ne captent pas mieux. Dans mon département de l'Orne, un seul site a été ouvert depuis deux ans, en raison de la longueur de la procédure, malgré la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN). En outre, les territoires ruraux n'ont pas assez de possibilités annuelles d'implantation, lesquelles dépendent du nombre d'habitants et non de l'existence de zones grises ou blanches. Les opérateurs ont la main et jouent la montre : ils utilisent les deux ans que leur donne la loi pour installer un relais. Il en va de même s'agissant de la desserte des itinéraires routiers et ferroviaires : les opérateurs traînent des pieds, alors que c'est un véritable sujet d'exaspération de nos concitoyens, à l'heure où l'on nous parle de plus de plus de mobilité et de voitures intelligentes.
Nous avons plus de besoin de réglementations de bon sens et d'accélération des procédures que d'un affichage budgétaire volontariste, même s'il est à louer.
Le débat public autour de la cinquième génération des standards de téléphonie mobile bat son plein. L'année 2020 a été décisive pour le secteur des télécommunications en France. Elle a été marquée par les appels d'offres pour la 5G, ainsi que par la poursuite du déploiement de la fibre et la généralisation du télétravail. Le numérique a joué un rôle clé pour assurer la résilience de notre économie et de notre société durant le confinement. Toutefois, si les réseaux ont tenu, si le télétravail a été globalement assuré, la crise a mis en lumière les difficultés de ceux qui sont touchés par la fracture numérique. L'inclusion numérique suscite de nombreuses questions. La crise sanitaire a révélé une fracture numérique d'ordre territorial et social. D'une part, les territoires étaient peu ou pas couverts par la fibre et la 4G. D'autre part, certains publics n'ont pu accéder à ces outils, du fait d'un manque de pouvoir d'achat, et la population âgée peine à maîtriser ces technologies. L'illectronisme est malheureusement encore une réalité qui nous appelle à renforcer nos efforts.
Certaines de nos très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME) ne peuvent accéder à internet, notamment au cœur de nos territoires ruraux, ce qui freine évidemment leur croissance. Nombre d'entre elles n'arrivent même pas à obtenir une ligne fixe. Je suis régulièrement interpellée par des élus locaux, des entrepreneurs et des particuliers qui éprouvent des difficultés à se connecter à un réseau mobile de qualité en l'absence d'antenne 4G. Nombreuses enfin sont les zones où le débit internet n'est pas assez élevé, ce qui entraîne dans la vie quotidienne des difficultés majeures, qui ont été exacerbées durant le confinement. Comment travailler sur un ordinateur quand son conjoint et ses enfants se trouvent dans les pièces voisines, essayant de faire la même chose avec un débit internet peu élevé ? L'accès au numérique est un bien premier, auquel chacun de nos concitoyens et chacune de nos entreprises doivent pouvoir accéder, qui plus est dans le contexte actuel.
Le débat actuel sur la 5G soulève à mon sens plus de questions que de réponses. Notre pays est confronté une nouvelle fois aux enjeux des décisions à prendre quant aux usages collectifs d'une technologie disponible et mature. Pourtant, alors que de nombreux territoires ne sont pas encore pourvus en 4G, le déploiement de la 5G peut sembler prématuré. Monsieur le rapporteur, comment s'organisera le déploiement de la 5G dans les territoires déjà touchés par la fracture numérique territoriale ?
Le débat sur la 5G se décline en trois volets : la dimension industrielle, les objets connectés et les enjeux pour les particuliers. S'agissant du premier volet, certains de nos concitoyens estiment que les opérateurs soutiennent le déploiement du réseau pour que nous remplacions nos téléphones par des appareils de nouvelle génération. Un fournisseur de téléphones a d'ailleurs annoncé, récemment, qu'il vendrait des appareils sans fournir de câble ni d'écouteurs, parce que les clients en disposent déjà sur leur ancien modèle. On ne peut que s'interroger face à ce danger d'obsolescence programmée. Il est impératif que nous y apportions des réponses pour accroître l'acceptabilité sociétale de cette nouvelle technologie. Je souhaiterais vous entendre sur ce point, Monsieur le rapporteur.
Sur le deuxième volet, les apports de la 5G sont incontestables, notamment concernant la télémédecine. Dans ce domaine, nous ne pouvons plus prendre de retard sur nos voisins. La téléconsultation a d'ailleurs montré son potentiel durant le confinement.
Enfin, s'agissant du troisième volet, l'électrosensibilité continue de susciter de très nombreuses craintes. Monsieur le rapporteur, sont-elles, à votre sens, justifiées ? Les risques induits par la 4G et la 5G sont-ils comparables ?
Le rapporteur pour avis est un rapporteur heureux car il a un budget en hausse, qui est, de plus, bien servi dans le plan de relance. Nous ne pouvons que nous en réjouir car l'attente de la population est forte en matière de qualité de service numérique, en particulier de couverture numérique du territoire.
Le plan de relance prévoit ainsi 240 millions d'euros pour finaliser le déploiement de la fibre. Est-ce suffisant ? On nous a vendu le fait qu'avec ces crédits, on satisfait les demandes des territoires mais tous les territoires ont-ils prévu de déployer la fibre dans l'ensemble des habitations ? Dans le cas contraire, quels montants supplémentaires seront nécessaires à terme pour arriver à l'objectif que le Gouvernement affiche maintenant clairement, d'avoir la fibre pour tous d'ici à 2025.
Nous manquons encore de visibilité quant à la complétude de la couverture du territoire à la fin du New Deal. Nous ne savons pas si toutes les habitations seront couvertes, ni quels seront les manques selon les départements. Les élus souhaiteraient avoir cette visibilité. Nous manquerons toujours d'antennes, selon moi, et il faudra certainement négocier une nouvelle phase de complétude de couverture avec les opérateurs, peut-être avec de la mutualisation obligatoire, ou des financements publics complémentaires pour les zones ultra‑rurales. Sur ce sujet, il faut être imaginatif. Étant donné l'attente de nos concitoyens, nous avons l'obligation de viser la complétude de la couverture mobile et numérique du territoire.
Je salue aussi la persévérance du rapporteur pour avis sur le sujet de l'IFER. Le groupe Agir ensemble vous accompagnera dans votre volonté de rendre plus intelligent ce stupide impôt de production. Alors que tous les élus demandent davantage de couverture numérique du territoire, à chaque fois que l'on installe une antenne, les opérateurs sont obligés d'ouvrir en 2G, en 3G et en 4G et doivent ainsi acquitter 1 636 euros d'imposition, pour chacune des technologies installées sur l'antenne.
L'IFER étant reversé aux collectivités, nous souhaiterions qu'elle soit plafonnée à 200 millions d'euros. Nous ne sommes pas loin de ce chiffre. Donc, plafonnons à 200 millions et n'en parlons plus. Nous vous inviterons à nous soutenir dans cette démarche lors du débat budgétaire.
Pour anticiper une des réponses du rapporteur pour avis, nous soutenons le déploiement de la 5G. Sans lui, nous arriverons à une saturation des réseaux 4G dans les zones denses d'ici à 2022. C'est un élément majeur de pérennité à terme de l'usage de nos réseaux mobiles.
Dans le passé, lorsque nous avons installé la 4G, il n'y a pas eu d'accélération du renouvellement des terminaux. Je dis cela car certains anti-5G prennent pour argument que la 5G conduira à changer les terminaux. Il faut être réaliste : ce ne sera pas le cas.
Le confinement a mis en lumière l'exclusion numérique, dont souffrent encore aujourd'hui de nombreux Français avec l'école à distance, le télétravail, les téléconsultations, les démarches et déclarations en ligne, le commerce électronique ou encore l'accès à la culture sur internet. La République numérique a perdu en route de très nombreux citoyens, faute d'avoir su leur apporter le haut débit à domicile.
Pourtant, le plan France Très Haut débit, lancé dès 2013, avait une ambition forte : couvrir l'ensemble du territoire à l'horizon 2025. À deux ans de cette échéance, la fibre reste une chimère pour environ 60 % des abonnés français, qui sont toujours rattachés à l'ADSL. Les quelques 40 % restant sont branchés à un très haut débit, souvent sans fibre. Dans ce quinquennat, un coup d'accélérateur a été donné, je le reconnais bien volontiers, avec une forte hausse du déploiement de la fibre optique jusqu'à l'abonné, dès 2018. Par ailleurs, 3,2 millions de locaux ont été rendus raccordables.
Le confinement est malheureusement venu ralentir cette dynamique. Ma crainte est que ce budget, bien que renforcé, soit insuffisant pour combler les retards accumulés et permettre à tous les citoyens d'accéder à la fibre d'ici à 2025, comme le prévoyait le plan.
Autre illustration de la fracture numérique : le déploiement de la 4G, sans parler de celui à venir de la 5G. Là aussi, les zones peu denses peinent à attirer les opérateurs privés. À ce jour, les engagements pris par les acteurs de la téléphonie en janvier 2018 dans le cadre du New Deal mobile ne font pas encore sentir leurs effets partout en France – c'est le moins que l'on puisse dire. Près d'un an après les premiers arrêtés pris par le Gouvernement, qui délimitaient les zones devant être couvertes par les opérateurs au titre du dispositif de couverture ciblée, le nombre de sites en travaux reste très faible : environ 15 % des sites seraient à construire. Comment entendez-vous remédier à cette situation inquiétante, qui nécessite une forte mobilisation, et beaucoup de volonté ?
On a un rapporteur heureux, qui insiste pour bien dire que tous les budgets sont en hausse sur le numérique. Vous me voyez assez peu surpris : la start-up nation est fidèle à elle-même. Sur ce point, les budgets ne baisseront pas.
Je me souviens de M. Bruno Le Maire, au printemps : il était interrogé par un journaliste de LCI qui lui demandait si le Gouvernement allait débloquer les milliards dont l'hôpital avait besoin. À la question « va-t-on arrêter de lésiner sur les moyens de l'hôpital ? », le ministre se montrait très circonspect, un peu hésitant : « Je suis plein de reconnaissance et d'admiration pour les soignants. Et si – ah, " si " – cette reconnaissance doit se traduire par du soutien financier – peut-être, en effet –, parce qu'à un moment donné, il y en aurait besoin – au conditionnel – croyez-moi, l'État répondra présent ». Là, c'était très hésitant.
Dans le même temps – « en même temps » –, en revanche, la start-up nation débloquait 4 milliards d'euros d'urgence pour la french tech. Cela dit le sens des priorités.
Et quand on s'est soucié de l'hôpital, avec le plan Ségur, ça a été pour mettre 1,4 milliard d'euros sur le numérique. On me parle des téléconsultations, comme d'un argument en faveur de la 5G. Au passage, pourquoi aurait-on besoin de la 5G pour les téléconsultations et pourquoi ne pourraient-elles pas se faire avec la fibre ?
Quand on parle de l'université, c'est pour dire qu'elle doit aller vers le numérique, le distanciel ! Hier, on a évoqué l'aide à apporter au petit commerce : c'est de passer au numérique ! Et le Comité action publique 2022, recommande aussi 100 % des services publics dématérialisés. Bientôt, quand on aura un problème de prostate, la seule solution sera digitale !
Je tiens à indiquer quand même quelques petits soucis : l'exclusion possible des territoires. On voit là la force du public par rapport au privé. Cela fait plus de vingt ans que cette technologie existe, et elle n'est toujours pas dans nos campagnes, dont bien des coins sont encore en zone blanche ou grise, zéro G. La puissance du public c'est que, quand on a décidé d'installer le gaz et l'électricité, l'installation s'est faite beaucoup plus vite, y compris pour les territoires éloignés, et pour les foyers qui n'en avaient peu ou pas les moyens.
Il y a une autre exclusion par la technologie : aujourd'hui, 11 millions de personnes utilisent mal ou pas du tout internet dans notre pays. Avoir 100 % des services publics en numérique, c'est l'exclusion par la technologie.
Songez enfin qu'aujourd'hui, dans la Silicon Valley, des écoles alternatives n'utilisent ni écran, ni ordinateur, que tous les Bill Gates et compagnie interdisent à leurs enfants d'utiliser des écrans avant 14 ans, alors que nous, nous allons vers de plus en plus d'écrans pour nos enfants
Enfin, je pose la question de la démocratie. Pour la 5G, la Convention citoyenne pour le climat – ce n'est pas moi qui l'ai installée – a conclu – M. Emmanuel Macron avait promis de reprendre ses propositions – : « Nous proposons d'évaluer les avantages de la 5G par rapport à la fibre avant et non après avoir accordé les licences ».
Mme de la Raudière dit que la 5G permettra les téléconsultations, mais n'entraînera pas une hausse de la consommation de téléphones. On voit pourtant les schémas que font les boîtes de télécommunications, qui montrent la recrudescence des achats de téléphones, après une forte baisse. À la limite, je n'en sais rien. Mais toutes ces questions devraient bien être débattues en amont de l'installation de la 5G.
Nous ne sommes plus dans un temps où la technologie apporte obligatoirement le bien. Le slogan de M. Macron, c'était tech for good. Mais ce peut être aussi tech for worst. On le voit avec les produits phytosanitaires, et certaines décisions sur le réchauffement climatique. La technologie n'entraîne pas que le bien. Avant d'installer cette technologie, il devrait y avoir un vaste débat démocratique, qu'aujourd'hui vous contournez.
Monsieur Ruffin, je pense que nous n'avons pas la même vision de l'histoire de France. La puissance publique a mis des décennies avant d'installer l'électricité et le téléphone dans notre pays. Quant au gaz, je ne suis pas certain qu'il soit disponible partout en France.
Monsieur le rapporteur pour avis, je me réjouis de la hausse des crédits. Il est vrai qu'avec les programmes New Deal mobile ou zones blanches -centres bourgs, un véritable déploiement de la couverture en téléphonie mobile s'opère, qui est fondamental pour renforcer l'attractivité de ces territoires.
La 5G est importante, il faut la développer. En revanche, il ne faut pas prendre de retard sur plusieurs points.
Dans le cadre du New Deal et des programmes, d'abord, il faudra s'assurer que les pylônes 2G et 3G existants basculent bien en 4G dans les territoires ruraux et que l'implantation des pylônes 4G est satisfaisante. Une fois que ces programmes seront terminés, l'ensemble du territoire sera-t-il couvert ? Je n'en suis pas certain.
Il faudra également continuer de prévoir des crédits pour le réseau fixe car il existe encore des téléphones fixes, avec des réseaux, des poteaux, des câbles. Leur entretien est lamentable : dans certains territoires, ces poteaux et ces câbles défectueux restent parfois six mois sans être réparés. C'est un problème de sécurité publique car dans ces secteurs, le téléphone portable ne passe pas. Sans téléphone fixe, les habitants peuvent être en danger. Soyez vigilants et allouez des crédits pour accélérer la maintenance de ces réseaux.
Monsieur le rapporteur pour avis, je vous remercie de votre travail. Je souhaiterais mettre en avant l'intérêt de l'engagement concernant en particulier la couverture numérique et mobile, et vous sensibiliser sur la question de l'acceptabilité sociétale et citoyenne, dont a fait part notre collègue Christine Hennion. Lorsqu'il y a plusieurs opérateurs, il faut par exemple faire en sorte qu'ils posent les antennes relais sur le même mât.
Je souhaiterais aussi vous sensibiliser à la question des nuisances, plus particulièrement celles des ondes électromagnétiques sur la santé des animaux et des humains. Certes, l'Agence nationale des fréquences garantit le respect des normes en vigueur par les opérateurs. Mais les élus et les riverains sont de plus en plus nombreux à faire appel à des géobiologues pour s'assurer que les mâts d'antennes relais ne sont pas posés sur des failles du sol, porteuses d'ondes électromagnétiques telluriques, qui sont accentuées par le retour à la terre lors de la pose. Puisque la géobiologie n'est pas reconnue dans le droit français, comment prendre en compte l'avis des géobiologues pour éviter les risques sur la santé des riverains ?
En complément de ce qu'a dit M. Jean-Pierre Vigier, j'insiste sur le fait que l'État prend à sa charge les zones blanches et alloue des sommes importantes au déploiement des réseaux – cela prend le temps que cela prend –, tandis que les opérateurs déploient à leur rythme, de manière très rapide, dans les grandes métropoles. C'est une source d'iniquité, à la fois financière et technologique, qu'il faudrait davantage prendre en compte dans la construction de ces schémas.
Je tenterai de répondre de manière synthétique à toutes ces questions, même si certaines méritent une plus longue réponse : n'hésitez pas à revenir vers moi.
Monsieur Ruffin, je pense que vous croyez ce que vous dites. Je n'arrive pas à comprendre que, dans nos débats, nous ne parvenions pas avoir des arguments qui finissent par vous convaincre. Si nous étions une start-up nation, vous seriez certainement notre chief sadness officer : dans ce que vous dites, tout est noir, rien ne va. Malgré les présentations, vous arrivez même à voir dans un budget en hausse, des éléments en moins pour d'autres.
Puisque, comme nous, vous avez l'œil rivé sur le monde de la santé, je veux signaler que, par voie d'amendement, le ministre des solidarités et la santé a introduit 2,4 milliards d'euros supplémentaires pour l'hôpital, en plus des 10 milliards d'euros accordés dans le cadre de l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM). Il se passe donc aussi des choses pour l'hôpital.
Nous menons aussi des modernisations des systèmes d'information de l'hôpital. Quand on développe le numérique, on ne le fait pas partout, sauf à l'hôpital. Il n'y a pas d'antagonisme, et ce n'est pas parce que l'on fait plus pour le numérique que l'on fera moins pour l'hôpital. Au contraire, plus pour le numérique, c'est parfois aussi un peu plus pour l'hôpital.
Sur la 5G, il y a bien plusieurs débats autour de l'environnement et du sanitaire – M. Yves Daniel et d'autres ont évoqué le sujet. Quelques chiffres : d'ici 2021, l'ANFR réalisera 10 000 contrôles des émissions des ondes radioélectriques. Cela dit bien que nous ne sommes pas dans un pays qui ne contrôle pas les émissions. Il faut aussi rappeler que le niveau de normes est bien inférieur aux seuils fixés par l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
La version de la 5G qui sera déployée immédiatement, il faut le dire et le redire, n'ira pas sur les bandes de fréquence millimétrique des 26 gigahertz. Par ailleurs, le niveau d'émission des ondes est très proche, pour ne pas similaire, de celui de la 4G. Certains opérateurs commencent d'ailleurs à déployer sur les parties basses des bandes de fréquences. Cela signifie qu'il y aura bien changement de technologie mais pas changement d'émission des ondes radioélectriques.
S'agissant de la santé, je veux bien que l'on continue de documenter le sujet, mais il l'est très largement. Depuis une cinquantaine d'années, il y a eu quelque 25 000 études sur les incidences des ondes radioélectriques.
Le sujet de l'environnement, beaucoup moins documenté, objectivé, mérite également qu'on s'y attache. Il faut probablement remettre « la science au milieu du village », et avoir ces débats sur l'environnement et le numérique, qui sont nécessaires.
Il ressort des quelques études disponibles que les terminaux sont à l'origine d'une très grande part des impacts environnementaux du numérique, en ce qu'ils puisent d'importantes ressources de la planète – énergie, eau, minerais rares. Je me réfère à une étude, qui n'est pas celle du Gouvernement, même si certaines inspections ont travaillé sur le sujet. Le Sénat l'a creusé, de même que GreenIT. Ces études démontrent que les terminaux et téléviseurs contribuent à hauteur de 60 ou 70 % à l'impact environnemental du numérique. Viennent ensuite les data centers et, en dernier lieu, les infrastructures.
Cibler la 5G pour tenter de résoudre l'équation d'une moindre contribution à l'épuisement de la planète par le numérique, c'est regarder par le petit bout de la lorgnette.
Revenons donc aux terminaux, que certains d'entre vous ont évoqués – Mme Crouzet a notamment parlé du remplacement des téléphones. Je l'écris dans mon rapport, il y a probablement des choses à faire sur l'obsolescence et le recyclage des terminaux, même si des filières existent déjà dans le domaine.
On peut se demander collectivement si l'on change de téléphone parce que la 5G arrive ou parce que l'on change aussi d'appareil photo. Le smartphone que nous avons aujourd'hui dans nos poches a d'autres fonctions que de transporter de la voix. Il n'est pas surprenant que l'on en change pour se mettre à jour ou bénéficier de certaines avancées technologiques, non pas des gadgets, mais des fonctionnalités supplémentaires, qui viennent se greffer sur un téléphone.
Les zones blanches sont un sujet récurrent. Les chiffres sont têtus : entre 2003 et 2018, 600 pylônes ont été déployés en zone blanche ; 2 000 de plus l'auront été entre 2018 et 2020. Certes, le déploiement ne s'effectue pas partout en même temps, mais il y a une accélération, vous le savez, nos collègues du Sénat aussi. La doctrine a changé : le programme New Deal a eu des incidences dans tous les territoires, dans toutes les circonscriptions, y compris dans les zones de montagne. Les chiffres des inaugurations le prouvent, avec 60 ou 70 pylônes par semaine.
Cela rejoint la question de Mme Hennion sur la structure de dialogue local nécessaire pour piloter cette intensité et cette accélération des déploiements. Même si nous avons changé de doctrine avec le New Deal, le marché où les opérateurs s'affrontent demeure très concurrentiel. Certains éléments sont obligatoirement discutés localement, dans des instances de dialogue de niveau départemental. En même temps, une partie revient aux opérateurs, dans la libre concurrence qu'ils se livrent. C'est une difficulté.
Je me fais l'écho de la Fédération française des télécoms, qui dit être bien en peine de savoir quels sont les plans de déploiement prévus par les opérateurs car cela entre dans le champ de la libre concurrence. Hormis les dispositifs communs, tels ceux de zones blanches ou de mutualisation, les acteurs sont dans le cadre du libre accès au marché. Localement, nous l'avons mesuré avec Mme Laure de La Raudière dans son département, il est compliqué d'avoir autour de la table des acteurs qui, pour partie, disent ce qu'ils vont faire et, pour une autre partie, cachent leurs intentions. Pourtant, ce qu'ils veulent bâtir pourrait être très utile à la construction plus systémique de la couverture du territoire.
L'inclusion numérique a été évoquée à de nombreuses reprises, avec les 250 millions d'euros qui apparaissent dans le plan de relance, et les quelques milliers d'emplois affectés à cette médiation. Nous n'en avons jamais fini avec la lutte contre l'exclusion numérique.
Certains ont demandé si les crédits supplémentaires alloués à la fibre seront suffisants. L'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (AVICCA) évoquait un montant d'environ 600 millions d'euros pour la complétude des réseaux. Les crédits font état de 550 millions d'euros. Nous nous approchons donc de l'appréciation de l'AVICCA. Nous avons toutes les raisons d'être confiants dans l'idée qui nous habitait, vous, moi, et bien d'autres encore au sein de l'Assemblée nationale, de l'impérieuse nécessité d'avoir pour ambition un territoire où la fibre soit généralisée en 2025.
Pour l'IFER mobile, je serai très favorable, à ce que, à l'occasion de l'examen du présent projet de loi de finances, nous puissions sortir de ces accumulations d'exceptions et d'exemptions, qui rendent peu lisibles un impôt assimilable à un impôt de production.
La France est probablement le pays du monde où les forfaits sont les moins chers. Nous avons une équation à résoudre avec les opérateurs car nous leur demandons une intensité et une accélération des déploiements tout en exerçant sur eux une contrainte sur les revenus. Monsieur Ruffin, vous serez peut-être d'accord avec moi pour alléger leur part d'impôts de production…
(Sourires.)
Je ne répondrai pas, mais je redemande un éclaircissement sur la question que j'ai posée : en quoi y a-t-il besoin de la 5G pour effectuer des téléconsultations ? Pourquoi ne sont-elles pas possibles avec la fibre ?
Il peut exister une confusion entre le terme de télémédecine et les téléconsultations. La 5G, à défaut d'être strictement nécessaire pour la téléconsultation, l'est pour désengorger les réseaux 4G.
Je serai cohérent dans ma réponse : en termes de fréquences et des usages, la 5G qui sera déployée est très proche de la 4G actuelle. Le triptyque latence, rapidité, vitesse, ne viendra que dans une version ultérieure, d'ici à quelques mois, en exploitation pleine et entière des ondes millimétriques qui ne sont pas disponibles aujourd'hui.
Avec la 5G, à la fin de l'année ou au début de l'année prochaine, vous désengorgez le réseau 4G et assurez une meilleure couverture de l'ensemble du pays.
La 5G, elle, servira bien évidemment à des usages qui mobilisent le triptyque que j'évoquais, mais que vous ne pourriez pas conduire en 4G. Je pense notamment à la télémédecine. Vous faites déjà des téléconsultations avec la 4G mais vous aurez besoin de la 5G pour alléger des réseaux 4G qui sont saturés.
La différence entre la fibre et la 5G vient des usages mobiles. Vous pouvez même faire une téléconsultation sans être chez vous.
La commission examine, pour avis, les crédits consacrés à l'économie sociale, solidaire et responsable dans la mission « Économie ».
L'économie sociale et solidaire (ESS) est une formidable chance de favoriser une relance économique efficace et inclusive. Elle représente, rappelons-le, 10 % du produit intérieur brut (PIB) et 14 % de l'emploi privé, et on peut aller plus loin.
Définie à l'occasion de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire l'ESS témoigne d'une vision de l'économie renouvelée, dans laquelle l'entreprise joue un rôle actif pour la cité. Les structures de l'ESS portent en leur ADN l'enjeu de leur impact non seulement économique mais aussi social et environnemental.
Or la question de l'impact des entreprises, quelles qu'elles soient, est amenée à devenir l'une des normes structurantes de l'économie responsable de demain. L'ESS sera aux premières loges de ce phénomène de responsabilisation de l'économie. Elle peut également apporter une expertise précieuse en la matière. Il s'agit donc, plus que jamais, d'œuvrer en faveur d'un changement d'échelle du secteur, pour diffuser les valeurs de l'ESS à l'ensemble de l'économie dite « classique ».
J'ai consacré une partie de mes travaux à l'analyse de crédits prévus dans le cadre du présent projet de loi de finances (PLF). Avant d'en venir à l'analyse des crédits à proprement parler, j'aimerais dire un mot de la maquette budgétaire et du pilotage de la politique publique en faveur de l'ESS.
J'ai constaté cette année une très nette amélioration de la maquette budgétaire, puisque l'ESS figure désormais dans le programme « Stratégies économiques » de la mission « Économie ». L'année dernière encore, les crédits pour l'ESS figuraient dans le même programme que celui permettant le financement des activités liées à la météorologie. Un pas considérable est donc franchi cette année pour améliorer la lisibilité de la politique publique conduite en faveur de l'ESS.
La nomination de Mme Olivia Grégoire comme secrétaire d'État en charge de l'économie sociale, solidaire et responsable auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance en est également une preuve, à même de renforcer le programme politique de l'ESS.
J'en viens à l'évolution des crédits : avec 19,2 millions d'euros prévus dans le budget pour 2021, les crédits sont stables par rapport à l'année précédente. L'élan en faveur de l'ESS et de l'innovation sociale se poursuit. Il faut aussi souligner que ces 19,2 millions sont loin de représenter l'ensemble de l'effort consenti par le budget 2021 en faveur de l'ESS. Profondément transversale, l'ESS bénéficie de crédits dans de nombreux autres programmes du budget, dans le domaine de l'emploi, du soutien de la vie associative notamment, ainsi que dans le cadre global du plan de relance.
Les 19,2 millions d'euros consacrés spécifiquement à l'ESS se décomposent en deux piliers. Le premier, doté de 8,7 millions, vise à favoriser le développement du secteur ainsi que l'investissement à impact social. Cette somme visera notamment les actions de soutien aux projets socialement innovants puisqu'une augmentation de crédits doit venir appuyer le financement des contrats à impact social.
Pour ce qui est du maillage territorial en matière d'aide au financement de l'innovation sociale, un fonds d'investissement social de deuxième génération (FISO II) doit voir le jour. Cofinancé par l'État et BPIfrance, il a pour ambition de financer l'amorçage d'environ 200 projets innovants au cœur des territoires. Cette montée en puissance est considérable puisque le précédent FISO a permis de financer 50 projets.
Les dispositifs locaux d'accompagnement (DLA) forment le second pilier. Ils font l'objet d'un cofinancement par l'État, la Caisse des dépôts et consignations, le Fonds social européen et les collectivités territoriales. Six mille structures sont accompagnées chaque année. L'État abonde les DLA à hauteur de 10,4 millions d'euros. C'est une subvention capitale pour assurer le bon fonctionnement de ces dispositifs, identifiés sur le terrain comme un maillon essentiel pour accompagner et professionnaliser les structures de l'ESS.
De façon globale, j'émets donc un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Économie » consacrés à l'ESS.
J'en viens à la partie thématique de mon rapport.
Je me suis dans un premier temps intéressée au rôle que pouvait jouer l'ESS comme levier pour la relance de l'économie.
Les entreprises de l'ESS ont été particulièrement touchées par la crise sanitaire. Elles ont parfois rencontré des difficultés d'accès aux aides de droit commun, et leurs attentes sont fortes à l'égard du plan de relance. Celui-ci devrait leur apporter un soutien à travers les mesures en faveur de l'insertion par l'activité économique, la revalorisation des parcours emploi compétences, les actions de lutte contre la pauvreté ou encore les dispositions sectorielles destinées à la transition agro-écologique, à l'économie circulaire, au soutien à l'emploi des personnes en situation de handicap, ainsi qu'au tourisme durable.
L'ESS est créatrice d'emplois non délocalisables et favorise l'émergence sur le long terme de projets économiquement soutenables et socialement innovants. Elle dispose de toutes les qualités pour devenir l'un des fers de lance de l'économie du monde d'après et dynamiser les territoires, y compris les plus ruraux. J'identifie dans mon rapport plusieurs leviers pouvant être utilisés à cette fin.
D'abord, nous devons impérativement mobiliser la commande publique : représentant 10 % du PIB, elle doit contribuer à valoriser le secteur et encourager son changement d'échelle. Alors que le droit offre de nombreux outils permettant d'orienter la commande publique, les résultats sont pour l'heure plus que mitigés, puisque seulement 8 % des contrats intègrent une clause sociale et 10 % une clause environnementale. Les obligations fixées par la loi du 31 juillet 2014 relative à l'ESS concernant l'élaboration de schémas responsables sont très peu respectées. Je formule dans mon rapport plusieurs propositions en vue de sensibiliser les acheteurs publics à la commande publique responsable.
Nous devons en outre soutenir les initiatives locales assurant la diffusion de l'ESS dans les territoires. Un effort particulier doit être fourni en vue de favoriser le développement des tiers-lieux, ces espaces de travail collaboratif, essentiels notamment pour la transition numérique. On en compte aujourd'hui 1 800, dont 46 % en dehors des métropoles. Leur essaimage doit être encouragé, car ce modèle est susceptible d'apporter des réponses innovantes à des problématiques qui prennent une place croissante, comme le développement du télétravail ou la mutualisation des moyens des petites et moyennes entreprises (PME) et très petites entreprises (TPE) dans les territoires. Historiquement engagés dans la transition écologique, les tiers-lieux seront des vecteurs clés du déploiement des politiques vertes favorisant les circuits courts.
D'autres initiatives sont intéressantes, comme l'opération 1 000 cafés, lancée par le groupe SOS et soutenue par les pouvoirs publics, ou les monnaies locales, que j'avais eu l'occasion d'étudier dans mon rapport pour avis l'année dernière.
J'ai ensuite porté une attention particulière au modèle des coopératives d'activités et d'emplois (CAE), qui devrait favoriser la revitalisation des territoires ruraux grâce à l'entrepreneuriat social et solidaire.
Consacré par la loi du 31 juillet 2014 relative à l'ESS, ce modèle offre un cadre propice au développement de l'entrepreneuriat. Les CAE ont l'avantage d'assurer un accompagnement individuel et collectif, tout en permettant la mutualisation des tâches administratives, fiscales et comptables.
Au sein des CAE, les entrepreneurs sont aussi des salariés. Ce statut original a fait preuve de sa résilience durant la crise sanitaire, ce qui me conduit à proposer un certain nombre de dispositifs visant à soutenir le développement des CAE. On pourrait par exemple généraliser l'accès aux prêts d'honneur pour les CAE ou encourager l'abondement de leur capital social. Ce modèle particulièrement innovant, alliant entrepreneuriat et solidarité, est appelé à devenir un outil clé pour sécuriser les parcours des indépendants et revitaliser les territoires.
Pour conclure, je veux insister sur le formidable défi qui s'offre à nous. L'ESS peut et doit être l'un des jalons de la relance économique française. Elle est l'un des rares modèles susceptibles d'offrir, dans les années à venir, des solutions concrètes aux enjeux de l'entrepreneuriat social, de l'économie responsable et de la transition écologique. Ces thématiques ont trouvé un écho à l'échelon européen, la Commission européenne ayant annoncé pour 2021 un plan d'action visant à mobiliser l'ensemble des institutions européennes en vue d'intégrer l'ESS aux stratégies de relance économique. La France peut tirer parti de ce virage et travailler conjointement avec la Commission européenne sur ces sujets.
Commençons par les bonnes nouvelles. L'économie sociale et solidaire dispose enfin de sa propre ligne budgétaire : une action du programme 305 « Stratégies économiques », de la mission « Économie », dotée de plus de 19 millions d'euros. Cette évolution de la maquette budgétaire va de pair avec la création d'un secrétaire d'État dédié, poste occupé par Mme Olivia Gregoire. Je m'en réjouis car cela montre que l'économie sociale et solidaire gagne en importance dans le champ politique, même si son influence est encore bien inférieure à son apport à notre économie, puisqu'elle représente 10 % du PIB, occupe 2,3 millions de salariés et regroupe plus de 220 000 établissements. Si le rattachement de l'ESS au ministère de la transition écologique et solidaire avait un sens, son arrivée au sein du ministère de l'économie renforce la crédibilité des politiques publiques tendant à opérer un changement d'échelle, en considérant l'ESS comme une économie à part entière, complémentaire du secteur marchand et fortement créatrice de valeur ajoutée et d'emplois non délocalisables. Ce changement d'échelle dans les mentalités et au cœur de l'État représente un grand pas en avant pour l'économie sociale et solidaire ; c'est un signal fort.
Vous notez, Madame la rapporteure pour avis, que les lignes budgétaires consacrées à l'ESS dans d'autres programmes budgétaires bénéficient elles aussi d'une hausse de leurs crédits, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter. Cette transversalité est une qualité intrinsèque de l'économie sociale et solidaire. Sport, culture, insertion, environnement, mobilité : tous les champs de l'action publique et des besoins humains sont couverts, au plus près des territoires, par l'ESS. Il est donc normal de retrouver cette transversalité dans le budget.
La hausse se note en particulier dans le programme 102, « Accès et retour à l'emploi », de la mission « Travail et emploi ». Comme le reste de la majorité, le groupe LaREM a toujours considéré que l'emploi était la mère des batailles et le retour à l'emploi, la clé de l'émancipation et l'un des fondements de toute politique de lutte durable contre la pauvreté et la précarité ; l'ESS a un rôle important à jouer en la matière. L'année dernière, nous avions crédité ce programme de près de 1 milliard d'euros ; cette année, il le sera de plus de 2,3 milliards. Ce doublement concrétise notre engagement à faire en sorte que la relance bénéficie à chaque Français.
Au plus fort de la crise sanitaire, des dispositifs spécifiques ont été mis en place pour permettre au secteur de l'économie sociale et solidaire de traverser cette épreuve ; ces outils, tels que le prêt relève solidaire ou le dispositif de secours ESS, avaient pour objectif de répondre aux besoins immédiats en liquidité. Les acteurs de l'ESS étaient parallèlement éligibles aux mesures de soutien destinées à l'ensemble des entreprises. Cela a permis au secteur de tenir le choc.
Il est néanmoins nécessaire de poursuivre cet effort, en aidant ces structures à se stabiliser et en leur donnant les moyens de répondre aux défis économiques et sociaux engendrés par la crise, car elles auront en la matière un rôle particulier à jouer. C'est pourquoi le groupe LaREM se félicite de l'annonce de l'allocation, dans le cadre du plan France Relance, d'un soutien financier supplémentaire de 1,3 milliard d'euros à l'ESS, ce qui témoigne de la place que nous souhaitons attribuer à ce secteur dans la relance de notre pays.
Le budget pour 2021 prévoit en outre une augmentation des crédits au soutien à l'investissement pour l'innovation sociale, à travers notamment le financement des contrats à impact. Ces partenariats public-privé se concrétisent par des appels à projets dont le financement, innovant, est objectivé en fonction du résultat. Leur développement est la concrétisation de la volonté de la majorité et du Gouvernement de faire émerger des projets partout dans les territoires, en mobilisant les énergies locales autour des besoins sociaux ou environnementaux.
Enfin, vous notez, Madame la rapporteure pour avis, que les crédits des dispositifs locaux d'accompagnement sont stables, après deux années de hausse. C'est une bonne nouvelle, car les DLA font partie des leviers à utiliser pour sortir de la crise. En effet, pour atteindre l'efficacité, il ne suffit pas d'un projet et de son financement ; l'ingénierie de projet, l'accompagnement et le suivi par des experts sont essentiels. Je vous rejoins sur la nécessité de renforcer encore ce dispositif à l'avenir.
Pour toutes ces raisons, le groupe La République en Marche est favorable à l'adoption de ces crédits.
S'il est un secteur économique qui prend de l'ampleur, c'est bien celui de l'économie sociale et solidaire ! On parle désormais de 2,4 millions d'emplois, et cela malgré la crise et le taux de chômage élevé – 6 millions de Français étant, d'une manière ou d'une autre, durablement éloignés de l'emploi. Pour ma part, je préférerais qu'on valorise le travail dans notre société et qu'on facilite l'accès à un emploi en mettant l'accent, notamment à travers l'économie sociale et solidaire, sur l'accompagnement socioprofessionnel et l'à-côté du travail – car c'est souvent ce qui bloque l'accès durable à l'emploi –, plutôt qu'on octroie aux gens des bonifications de l'allocation de rentrée scolaire ou du revenu de solidarité active (RSA), mesures bien plus coûteuses et dont on ne comprend pas très bien l'objectif. Malheureusement, ce n'est pas ce qui a été fait depuis le début de ce quinquennat. De fait, la ligne budgétaire que nous examinons ce matin est très symbolique, tout comme la présence de l'économie sociale et solidaire dans le plan de relance.
Le président de l'Union des employeurs de l'économie sociale et solidaire (UDES) évoque ainsi un climat « mortifère » – on va encore nous accuser de jouer les Cassandre, mais en l'occurrence, ce sont les acteurs qui disent cela. C'est en particulier le cas dans le secteur associatif, où se trouvent 75 % des 2,4 millions d'emplois que j'évoquais tout à l'heure. Les mesures d'accompagnement de la crise sanitaire ont-elles été suffisantes ? Pour ces structures, l'année 2019 a souvent été très bonne et elles ont encore bien du mal à se projeter sur l'année 2020. C'est donc l'année 2021 qui risque d'être mortifère – pour reprendre ce terme.
Vous dites, Madame la rapporteure pour avis, que la commande publique doit jouer son rôle dans le développement de l'économie sociale et solidaire, mais ce serait à l'État de montrer l'exemple, vu les contraintes budgétaires de plus en plus fortes qui pèsent sur les collectivités territoriales ! Certains articles de presse prédisent même une flambée des taxes foncières, faute d'autre solution, étant donné qu'on leur a supprimé nombre de ressources.
Les structures de l'économie sociale et solidaire sont, comme beaucoup d'autres, durement touchées par la crise qui s'installe dans notre pays. Dans ce contexte, le Gouvernement a confirmé dans le plan France Relance sa volonté de faire de l'économie sociale et solidaire un secteur majeur pour l'avenir économique de notre pays. À ce titre, il bénéficiera directement d'une enveloppe de plus de 1 milliard d'euros. En consacrant une part aussi importante du budget de relance à l'économie sociale et solidaire, nous faisons le choix responsable de construire les fondations d'une économie plus durable et plus inclusive pour la France de demain.
Je tiens à souligner le rôle singulier que joue l'ESS en milieu rural, sa part dans l'emploi y étant plus importante que dans le reste du territoire. Je pense que cela est lié, historiquement, à la volonté de nos concitoyens ruraux de travailler main dans la main afin de pallier l'isolement, dynamiser le territoire, tisser de nouveaux liens et valoriser les ressources locales. L'ESS dans la ruralité, c'est une grande diversité de structures : des commerces de proximité promouvant des circuits courts, des épiceries solidaires, des ressourceries, des recycleries, des associations, des tiers lieux…
Toutes ces structures, qu'elles soient sous statut associatif, coopératif, mutualiste, de fondation ou d'entreprise solidaire d'utilité sociale, apportent à leur échelle des solutions innovantes pour répondre aux nombreux défis auxquels sont confrontés nos concitoyens ruraux : l'emploi et l'insertion professionnelle, en particulier des jeunes, qui peuvent être accompagnés grâce aux parcours emploi compétence ou au service civique ; la vie culturelle et sportive, à travers l'action d'associations souvent soutenues par des missions locales ; l'inclusion des personnes en situation de handicap ; la promotion du tourisme durable ; l'accélération de la transition agroécologique, engagée par les coopératives agricoles ; la lutte contre la pauvreté, emmenée par le tissu associatif et dont l'urgence s'accroît en raison de la crise économique et sociale. Nous nous réjouissons que les tiers lieux, espaces de rencontres, d'interactions sociales, d'émancipation et de partage des bonnes pratiques, voient leur budget renforcé à hauteur de 30 millions d'euros afin d'y développer l'inclusion numérique, qui est un enjeu majeur pour les territoires, les habitants les plus isolés souffrant parfois d'illectronisme. Toutes ces initiatives méritent d'être pleinement encouragées en raison des nombreuses retombées positives qu'elles ont sur les territoires, et c'est pourquoi le groupe MoDem et démocrates apparentés est favorable à l'adoption de ces crédits.
Je souhaiterais, pour conclure, appeler votre attention sur le rôle joué par le livret de développement durable et solidaire (LDDS) dans le financement de ces structures. L'encours de ce livret s'élève à près de 120 milliards d'euros, ce qui est considérable. Le Gouvernement a récemment ouvert la possibilité pour ses détenteurs de faire un don aux acteurs de l'économie sociale et solidaire afin de donner un sens à leur épargne. Cela permettra de financer un plus grand nombre de projets en faveur de la transition écologique et solidaire, notamment en milieu rural. Peut-être pourrions-nous aller encore plus loin. À l'heure actuelle, 5 % au moins des ressources collectées par les banques au titre du livret A et du LDDS doivent être affectées au financement de l'ESS, ce mécanisme garantissant qu'au moins 9 milliards d'euros sont fléchés de manière pérenne vers l'ESS. Que diriez-vous d'un éventuel rehaussement de ce taux, afin de soutenir davantage encore l'ESS ?
Si je félicite Mme Barbara Bessot Ballot pour son engagement en faveur de l'ESS, je voudrais exprimer un léger désappointement, non sur le fond, mais quant à la forme : du fait de la ventilation des crédits destinés à l'ESS entre différentes thématiques, on finit par s'y perdre. Je salue néanmoins, dans ce maquis budgétaire, les innovations signalées, notamment concernant les coopératives d'activité et d'emplois.
Je voudrais vous faire part de deux préoccupations.
D'abord, il est nécessaire d'apporter un soutien au secteur associatif, qui est aujourd'hui l'une des sentinelles de la cohésion sociale, voire de la République. Partout où il y a besoin de renforcer le lien social, de tendre la main aux plus précaires ou à ceux qui perdent pied, les associations jouent un rôle fondamental. Or, qu'il s'agisse des clubs de sport, des associations culturelles ou des œuvres de charité, toute sont très durement affectées par la crise. Restrictions budgétaires, capacités d'autofinancement réduites, manifestations annulées… Nous devons être très vigilants quant à la survie économique du tissu associatif. Un euro investi dans le secteur, c'est l'équivalent de neuf sous forme de bénévolat : il ne faudrait pas que cet euro manque aujourd'hui.
Deuxième préoccupation : il convient de distinguer l'ESS de l'économie que vous avez appelée avec pudeur, Madame la rapporteure pour avis, « classique ». J'appelle de mes vœux un monde où l'économie capitaliste traditionnelle sera l'exception et l'économie sociale la règle. Celle-ci est tout aussi performante ; simplement, elle s'attache au partage de la valeur et, dans ses processus de fabrication, au respect de l'environnement et de la société. C'est pourquoi elle doit devenir demain le modèle de référence.
Pour ce faire, on peut bricoler – c'est ce qu'on fait depuis des années. On peut aussi engager de grandes réformes. Il y en a eu, et l'on observe une sorte de continuum législatif en la matière. Il me semble ainsi que le rendez-vous que nous avons à honorer aujourd'hui s'inscrit dans la dynamique des lois Hamon ; il s'agit de promouvoir la démocratie interne dans l'ensemble de l'économie – et les statuts des structures d'ESS ne répondent pas toujours à cette exigence. L'ESS doit être exemplaire en matière de codétermination et de participation des salariés et des actionnaires.
L'autre forme de démocratisation réside dans le dialogue de l'entreprise avec les autres acteurs sociaux que sont notamment le consommateur, l'épargnant ou le collaborateur. Au sein du groupe Socialistes et apparentés, nous promouvons une certification en matière de responsabilité sociétale des entreprises (RSE), afin que chaque citoyen puisse, en toute transparence, privilégier le modèle économique de son choix. Nous souhaitons notamment, rejoints en cela par M. Roland Lescure et d'autres députés issus de diverses familles politiques, faire écho aux travaux du Mouvement impact France, qui a organisé une sorte de contre-congrès du MEDEF en vue de promouvoir un autre modèle économique. Que pensez‑vous, Madame la rapporteure pour avis, de l'idée de mettre en place, sur le modèle du Nutri-Score, un « score » de la RSE, qui serait fondé sur une centaine de critères et permettrait à tout un chacun de se positionner en tant qu'épargnant, consommateur ou collaborateur ? Associée à une réforme des marchés publics et à l'instauration d'une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) circulaire, une telle mesure contribuerait à transformer l'économie à la source et à faciliter les transitions attendues.
Je félicite moi aussi Mme Bessot Ballot pour sa constance et le cœur qu'elle met à soutenir le secteur de l'économie sociale et solidaire, qui représente aujourd'hui 10 % du produit intérieur brut et 14 % de l'emploi privé dans notre pays. Je suis convaincu que celui-ci peut et doit jouer un rôle d'amortisseur social dans la tourmente que nous subissons depuis mars à cause de ce fichu virus, la crise sanitaire s'accompagnant d'une crise économique.
J'entendais ce matin le président de l'Association des départements de France, M. Dominique Bussereau, évoquer le nombre grandissant de demandeurs du RSA. Or l'économie sociale et solidaire, ce sont des emplois dans les territoires, qu'ils soient urbains ou ruraux, ce sont des emplois de proximité et ce sont des emplois non délocalisables.
Je voudrais mettre en rapport le budget plutôt stable qui nous est soumis avec le contenu du plan de relance, qui mobilise à la fois des crédits européens et des crédits nationaux. Chacun a en tête que l'enveloppe la plus importante du plan de relance est consacrée à la cohésion sociale, à hauteur de 36 milliards d'euros, aux côtés de la compétitivité des entreprises et de la transition écologique. De fait, je suis convaincu que ce dont nous avons besoin depuis le début de cette législature, c'est de cohésion parmi la population, et le secteur de l'économie sociale et solidaire peut y contribuer.
Ce qui se joue en ce moment, c'est la mise en application du plan de relance. Il y a d'un côté les ministères qui lanceront des appels à projets, comme celui de la transition écologique ou de l'industrie, d'un autre les crédits qui seront à la main des préfets dans les territoires, et peut-être y aura-t-il aussi d'autres crédits qui seront à la disposition conjointe des préfets et des présidents de région au titre de leurs compétences en matière de développement économique. Comment faire pour assurer l'éligibilité des projets de l'économie sociale et solidaire aux différents dispositifs du plan de relance, afin que ce secteur joue pleinement son rôle d'amortisseur social ? Ce secteur pourrait en effet être une alternative crédible et humaine aux excès du gigantisme financier engendré par l'économie dite « classique ».
Outre l'investissement de la rapporteure pour avis, je salue la création d'un secrétariat d'État chargé de l'économie sociale, solidaire et responsable, qui marque la reconnaissance du rôle central joué par ce secteur et permet d'assurer un meilleur pilotage de l'action publique menée en sa faveur. Je reste toutefois convaincu que la maquette budgétaire gagnerait en lisibilité s'il existait un programme budgétaire dédié ou, à défaut, un document de politique transversale.
Les acteurs de l'économie sociale et solidaire jouent dans notre société un rôle clé, tout particulièrement en cette période de crise sanitaire. Ainsi participent-ils activement à l'accompagnement des plus âgés, avec près de 170 000 salariés travaillant en tant qu'aides à domicile dans le secteur privé, notamment dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). C'est pourquoi je regrette que le plan de relance, qui prévoit seulement 1,3 milliard d'euros sur deux ans pour le secteur, ne se montre pas à la hauteur des besoins. Je pense que le Gouvernement aurait pu être plus ambitieux, par exemple en renforçant le soutien aux têtes de réseaux de l'ESS dans les territoires ou en augmentant le budget consacré au dispositif local d'accompagnement – deux demandes émises par les acteurs de l'économie sociale et solidaire.
Je regrette aussi que le Gouvernement soit revenu, de surcroît en demandant une seconde délibération, sur l'application du taux réduit de TVA à 5,5 % aux prestations relatives à la réparation, au réemploi et à la réutilisation. Cette mesure, que nous avions défendue avec vigueur lors de la discussion du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, aurait donné un coup de pouce aux ressourceries, touchées de plein fouet par l'arrêt des ventes et la forte baisse des dons pendant le confinement.
Enfin, si les mesures de soutien à l'insertion professionnelle des jeunes, comme le fléchage de 40 000 parcours emploi compétences vers les acteurs de l'ESS, vont dans le bon sens, le groupe Libertés et Territoires estime qu'elles ne sont pas assez ambitieuses.
« Il est temps de se demander si ceux qui créent la richesse n'ont aucun droit aux bienfaits et splendeurs qu'elle procure » : voilà ce que déclarait Jean‑Baptiste Godin, fondateur au XIXe siècle du familistère de Guise, en Picardie, et qui peut être considéré comme l'un des fondateurs de l'économie sociale et solidaire. Et c'est ainsi qu'il décida de redistribuer largement les énormes bénéfices qu'il tirait de la fabrication de son poêle et qu'il aurait pu accaparer, en construisant un Versailles pour les ouvriers, un palais social avec une piscine pour que tout le monde, y compris les enfants, apprenne à nager, un théâtre, des écoles – car l'école laïque et obligatoire n'existait pas encore –, et en partageant son entreprise avec tous ses salariés dans une association du capital, du travail et du talent, à une époque où les autres patrons faisaient construire, y compris le long de la Somme, d'immenses châteaux qui étaient la conversion en pierre de leur capital tiré de l'industrie textile, entretenaient des danseuses à Paris et avaient des chevaux à ne plus savoir qu'en faire.
C'est la même situation qui prévaut aujourd'hui : les milliardaires français sont ceux qui, en une décennie, se sont le plus enrichis dans le monde après les Chinois – la France a la médaille d'argent, bravo ! Leur fortune a été multipliée par cinq – plus 439 % – en dix ans. Je doute que leurs salariés aient vu semblable explosion de leur compte en banque. Et comment cela se traduit-il ? Par des yachts et des châteaux ; le Financial Times publie même un supplément intitulé How to spend it – « Comment le dépenser ». Et ce sont ces gens-là qu'on aide à traverser la crise grâce aux dispositifs de chômage partiel et de soutien aux filières ?
Dans un tel contexte, on ne peut que saluer les efforts des acteurs de l'économie sociale et solidaire – et je veux bien vous compter parmi eux, Madame la rapporteure pour avis – pour promouvoir, en dignes héritiers de Jean-Baptiste Godin, une économie qui respecte les hommes et la nature et se fixe d'autres buts que le profit, d'autres espérances que les dividendes.
Maintenant, comment faire en sorte que l'économie sociale et solidaire, qui devrait être la norme, soit davantage que le supplément d'âme de Bridgestone et d'Amazon, qu'un petit à-côté gentillet, qu'elle interroge le système dominant et vienne transformer une économie qui écrase bien souvent et l'homme et la nature ? Ma conviction est que l'on ne pourra pas développer l'économie sociale et solidaire sans entraver les fauves.
L'économie sociale et solidaire pose deux questions essentielles. Premièrement, à qui est le pouvoir ? À ceux qui font, répond l'ESS : le pouvoir est partagé au sein de l'entreprise et non réservé au capital. En ce qui concerne l'économie dominante, j'accepterais que les représentants du capital siègent au conseil d'administration aux côtés des salariés et d'autres acteurs comme les associations environnementales et de consommateurs.
Seconde question : à qui vont les bénéfices ? Dans l'économie sociale et solidaire, ils sont redistribués, après investissement dans l'outil de travail, non au capital mais aux salariés ou aux membres de la coopérative, selon la nature de la structure.
Ces deux enjeux peuvent être dévoyés, mais ils relèvent du bon sens et devraient guider même l'économie dominante ; les réponses que l'économie sociale et solidaire apporte à ces deux questions devraient devenir la règle pour tous.
On a parlé des bienfaits de l'économie sociale et solidaire, moins de la reconnaissance – je ne parle pas de l'aspect financier – due aux bénévoles qui animent les associations gérant l'ESS. Ils donnent de leur temps pour donner du travail à plus de 2 millions de personnes. Comment leur témoigner cette reconnaissance ?
Madame Petel, le changement d'échelle dont vous parlez est très manifeste depuis l'année dernière, et nous devons prendre ce virage.
Monsieur Di Filippo, il faut bien sûr favoriser l'accès à l'emploi, ce qui coûte toujours moins cher que de payer les gens à rester chez eux. Quant à la commande publique, tout le monde doit effectivement faire des efforts, et la volonté est bien celle-là, même si l'on ne balaie pas d'un revers de main des pratiques vieilles de plusieurs années.
Madame Crouzet, je suis persuadée que les lieux d'implantation de l'ESS dans les territoires ruraux, dont les fameux tiers-lieux, sont nos futurs lieux de vie, nos futurs centres commerciaux. De nombreux exemples en France donnent à penser que l'avenir est là. En ce qui concerne l'idée de donner du sens à notre épargne par le biais du livret de développement durable et solidaire, il faut œuvrer dans cette direction ; nos concitoyens souhaitent investir dans cette forme d'épargne.
Monsieur Potier, je vois qu'en fin de compte, nous rêvons du même monde ! Nous voulons travailler au « Nutri-Score de l'économie ». Mme Olivia Grégoire vous le confirmera, mais il me semble qu'elle a la même vision, ainsi qu'une idée des moyens techniques à employer pour y parvenir, ce qui est une tout autre affaire – raison pour laquelle nous avons de la chance de l'avoir au poste de secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable. Les perspectives européennes dans le secteur au premier trimestre pourraient nous donner l'occasion de nous exprimer en ce sens dans le cadre de l'Union.
Monsieur Benoit, il est bienvenu de souligner comme vous l'avez fait le caractère non délocalisable des emplois de l'ESS, aujourd'hui que nous voyons l'envers du décor du marché international.
Monsieur Falorni, il est exact que la maquette budgétaire peut encore gagner en visibilité et en lisibilité, mais voyez l'évolution opérée en quelques mois ! On ne parlait pas du tout de la même façon de l'ESS lorsque je suis devenue députée. Il est vrai que les crédits alloués au dispositif local d'accompagnement n'augmentent pas cette année, mais ils ont été en hausse pendant deux ans. Du reste, les représentants de l'ESS nous ont bien dit lors des auditions que l'enjeu n'était pas seulement l'argent, mais aussi l'organisation et le repérage mutuel des acteurs afin d'aller ensemble vers le monde dont nous rêvons tous.
Monsieur Ruffin, votre référence à Jean-Baptiste Godin nous convient bien. Mais les châteaux dont vous parlez pourraient faire plus tard partie du patrimoine qu'il nous faudra conserver. J'ai dit il y a un instant qu'il fallait remettre sur la table l'outil du « Nutri-Score de l'économie » ; en effet, l'approche de l'économie par le seul capital doit être remplacée, et nous sommes nombreux à être conscients qu'il faut le faire maintenant, tous ensemble. Le critère du seul chiffre d'affaires d'une entreprise doit devenir très vite obsolète.
Monsieur Therry, c'est aussi grâce aux bénévoles que l'ESS réussit. Or on parle trop rarement d'eux, un peu comme des électeurs qui votent blanc. Votre intervention nous donne l'occasion de leur rendre hommage.
Avant de mettre aux voix l'ensemble des crédits de la mission « Économie », je rappelle que, parmi les rapporteurs pour avis et pour les crédits qui les concernent, Mme Laure de La Raudière, M. Éric Bothorel et Mme Barbara Bessot Ballot se sont déclarés favorables à l'adoption, tandis qu'hier, Mme Bénédicte Taurine et M. Rémi Delatte ont émis un avis défavorable.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.