On a un rapporteur heureux, qui insiste pour bien dire que tous les budgets sont en hausse sur le numérique. Vous me voyez assez peu surpris : la start-up nation est fidèle à elle-même. Sur ce point, les budgets ne baisseront pas.
Je me souviens de M. Bruno Le Maire, au printemps : il était interrogé par un journaliste de LCI qui lui demandait si le Gouvernement allait débloquer les milliards dont l'hôpital avait besoin. À la question « va-t-on arrêter de lésiner sur les moyens de l'hôpital ? », le ministre se montrait très circonspect, un peu hésitant : « Je suis plein de reconnaissance et d'admiration pour les soignants. Et si – ah, " si " – cette reconnaissance doit se traduire par du soutien financier – peut-être, en effet –, parce qu'à un moment donné, il y en aurait besoin – au conditionnel – croyez-moi, l'État répondra présent ». Là, c'était très hésitant.
Dans le même temps – « en même temps » –, en revanche, la start-up nation débloquait 4 milliards d'euros d'urgence pour la french tech. Cela dit le sens des priorités.
Et quand on s'est soucié de l'hôpital, avec le plan Ségur, ça a été pour mettre 1,4 milliard d'euros sur le numérique. On me parle des téléconsultations, comme d'un argument en faveur de la 5G. Au passage, pourquoi aurait-on besoin de la 5G pour les téléconsultations et pourquoi ne pourraient-elles pas se faire avec la fibre ?
Quand on parle de l'université, c'est pour dire qu'elle doit aller vers le numérique, le distanciel ! Hier, on a évoqué l'aide à apporter au petit commerce : c'est de passer au numérique ! Et le Comité action publique 2022, recommande aussi 100 % des services publics dématérialisés. Bientôt, quand on aura un problème de prostate, la seule solution sera digitale !
Je tiens à indiquer quand même quelques petits soucis : l'exclusion possible des territoires. On voit là la force du public par rapport au privé. Cela fait plus de vingt ans que cette technologie existe, et elle n'est toujours pas dans nos campagnes, dont bien des coins sont encore en zone blanche ou grise, zéro G. La puissance du public c'est que, quand on a décidé d'installer le gaz et l'électricité, l'installation s'est faite beaucoup plus vite, y compris pour les territoires éloignés, et pour les foyers qui n'en avaient peu ou pas les moyens.
Il y a une autre exclusion par la technologie : aujourd'hui, 11 millions de personnes utilisent mal ou pas du tout internet dans notre pays. Avoir 100 % des services publics en numérique, c'est l'exclusion par la technologie.
Songez enfin qu'aujourd'hui, dans la Silicon Valley, des écoles alternatives n'utilisent ni écran, ni ordinateur, que tous les Bill Gates et compagnie interdisent à leurs enfants d'utiliser des écrans avant 14 ans, alors que nous, nous allons vers de plus en plus d'écrans pour nos enfants
Enfin, je pose la question de la démocratie. Pour la 5G, la Convention citoyenne pour le climat – ce n'est pas moi qui l'ai installée – a conclu – M. Emmanuel Macron avait promis de reprendre ses propositions – : « Nous proposons d'évaluer les avantages de la 5G par rapport à la fibre avant et non après avoir accordé les licences ».
Mme de la Raudière dit que la 5G permettra les téléconsultations, mais n'entraînera pas une hausse de la consommation de téléphones. On voit pourtant les schémas que font les boîtes de télécommunications, qui montrent la recrudescence des achats de téléphones, après une forte baisse. À la limite, je n'en sais rien. Mais toutes ces questions devraient bien être débattues en amont de l'installation de la 5G.
Nous ne sommes plus dans un temps où la technologie apporte obligatoirement le bien. Le slogan de M. Macron, c'était tech for good. Mais ce peut être aussi tech for worst. On le voit avec les produits phytosanitaires, et certaines décisions sur le réchauffement climatique. La technologie n'entraîne pas que le bien. Avant d'installer cette technologie, il devrait y avoir un vaste débat démocratique, qu'aujourd'hui vous contournez.