Intervention de Barbara Bessot Ballot

Réunion du mercredi 21 octobre 2020 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBarbara Bessot Ballot, rapporteure pour avis :

L'économie sociale et solidaire (ESS) est une formidable chance de favoriser une relance économique efficace et inclusive. Elle représente, rappelons-le, 10 % du produit intérieur brut (PIB) et 14 % de l'emploi privé, et on peut aller plus loin.

Définie à l'occasion de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire l'ESS témoigne d'une vision de l'économie renouvelée, dans laquelle l'entreprise joue un rôle actif pour la cité. Les structures de l'ESS portent en leur ADN l'enjeu de leur impact non seulement économique mais aussi social et environnemental.

Or la question de l'impact des entreprises, quelles qu'elles soient, est amenée à devenir l'une des normes structurantes de l'économie responsable de demain. L'ESS sera aux premières loges de ce phénomène de responsabilisation de l'économie. Elle peut également apporter une expertise précieuse en la matière. Il s'agit donc, plus que jamais, d'œuvrer en faveur d'un changement d'échelle du secteur, pour diffuser les valeurs de l'ESS à l'ensemble de l'économie dite « classique ».

J'ai consacré une partie de mes travaux à l'analyse de crédits prévus dans le cadre du présent projet de loi de finances (PLF). Avant d'en venir à l'analyse des crédits à proprement parler, j'aimerais dire un mot de la maquette budgétaire et du pilotage de la politique publique en faveur de l'ESS.

J'ai constaté cette année une très nette amélioration de la maquette budgétaire, puisque l'ESS figure désormais dans le programme « Stratégies économiques » de la mission « Économie ». L'année dernière encore, les crédits pour l'ESS figuraient dans le même programme que celui permettant le financement des activités liées à la météorologie. Un pas considérable est donc franchi cette année pour améliorer la lisibilité de la politique publique conduite en faveur de l'ESS.

La nomination de Mme Olivia Grégoire comme secrétaire d'État en charge de l'économie sociale, solidaire et responsable auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance en est également une preuve, à même de renforcer le programme politique de l'ESS.

J'en viens à l'évolution des crédits : avec 19,2 millions d'euros prévus dans le budget pour 2021, les crédits sont stables par rapport à l'année précédente. L'élan en faveur de l'ESS et de l'innovation sociale se poursuit. Il faut aussi souligner que ces 19,2 millions sont loin de représenter l'ensemble de l'effort consenti par le budget 2021 en faveur de l'ESS. Profondément transversale, l'ESS bénéficie de crédits dans de nombreux autres programmes du budget, dans le domaine de l'emploi, du soutien de la vie associative notamment, ainsi que dans le cadre global du plan de relance.

Les 19,2 millions d'euros consacrés spécifiquement à l'ESS se décomposent en deux piliers. Le premier, doté de 8,7 millions, vise à favoriser le développement du secteur ainsi que l'investissement à impact social. Cette somme visera notamment les actions de soutien aux projets socialement innovants puisqu'une augmentation de crédits doit venir appuyer le financement des contrats à impact social.

Pour ce qui est du maillage territorial en matière d'aide au financement de l'innovation sociale, un fonds d'investissement social de deuxième génération (FISO II) doit voir le jour. Cofinancé par l'État et BPIfrance, il a pour ambition de financer l'amorçage d'environ 200 projets innovants au cœur des territoires. Cette montée en puissance est considérable puisque le précédent FISO a permis de financer 50 projets.

Les dispositifs locaux d'accompagnement (DLA) forment le second pilier. Ils font l'objet d'un cofinancement par l'État, la Caisse des dépôts et consignations, le Fonds social européen et les collectivités territoriales. Six mille structures sont accompagnées chaque année. L'État abonde les DLA à hauteur de 10,4 millions d'euros. C'est une subvention capitale pour assurer le bon fonctionnement de ces dispositifs, identifiés sur le terrain comme un maillon essentiel pour accompagner et professionnaliser les structures de l'ESS.

De façon globale, j'émets donc un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Économie » consacrés à l'ESS.

J'en viens à la partie thématique de mon rapport.

Je me suis dans un premier temps intéressée au rôle que pouvait jouer l'ESS comme levier pour la relance de l'économie.

Les entreprises de l'ESS ont été particulièrement touchées par la crise sanitaire. Elles ont parfois rencontré des difficultés d'accès aux aides de droit commun, et leurs attentes sont fortes à l'égard du plan de relance. Celui-ci devrait leur apporter un soutien à travers les mesures en faveur de l'insertion par l'activité économique, la revalorisation des parcours emploi compétences, les actions de lutte contre la pauvreté ou encore les dispositions sectorielles destinées à la transition agro-écologique, à l'économie circulaire, au soutien à l'emploi des personnes en situation de handicap, ainsi qu'au tourisme durable.

L'ESS est créatrice d'emplois non délocalisables et favorise l'émergence sur le long terme de projets économiquement soutenables et socialement innovants. Elle dispose de toutes les qualités pour devenir l'un des fers de lance de l'économie du monde d'après et dynamiser les territoires, y compris les plus ruraux. J'identifie dans mon rapport plusieurs leviers pouvant être utilisés à cette fin.

D'abord, nous devons impérativement mobiliser la commande publique : représentant 10 % du PIB, elle doit contribuer à valoriser le secteur et encourager son changement d'échelle. Alors que le droit offre de nombreux outils permettant d'orienter la commande publique, les résultats sont pour l'heure plus que mitigés, puisque seulement 8 % des contrats intègrent une clause sociale et 10 % une clause environnementale. Les obligations fixées par la loi du 31 juillet 2014 relative à l'ESS concernant l'élaboration de schémas responsables sont très peu respectées. Je formule dans mon rapport plusieurs propositions en vue de sensibiliser les acheteurs publics à la commande publique responsable.

Nous devons en outre soutenir les initiatives locales assurant la diffusion de l'ESS dans les territoires. Un effort particulier doit être fourni en vue de favoriser le développement des tiers-lieux, ces espaces de travail collaboratif, essentiels notamment pour la transition numérique. On en compte aujourd'hui 1 800, dont 46 % en dehors des métropoles. Leur essaimage doit être encouragé, car ce modèle est susceptible d'apporter des réponses innovantes à des problématiques qui prennent une place croissante, comme le développement du télétravail ou la mutualisation des moyens des petites et moyennes entreprises (PME) et très petites entreprises (TPE) dans les territoires. Historiquement engagés dans la transition écologique, les tiers-lieux seront des vecteurs clés du déploiement des politiques vertes favorisant les circuits courts.

D'autres initiatives sont intéressantes, comme l'opération 1 000 cafés, lancée par le groupe SOS et soutenue par les pouvoirs publics, ou les monnaies locales, que j'avais eu l'occasion d'étudier dans mon rapport pour avis l'année dernière.

J'ai ensuite porté une attention particulière au modèle des coopératives d'activités et d'emplois (CAE), qui devrait favoriser la revitalisation des territoires ruraux grâce à l'entrepreneuriat social et solidaire.

Consacré par la loi du 31 juillet 2014 relative à l'ESS, ce modèle offre un cadre propice au développement de l'entrepreneuriat. Les CAE ont l'avantage d'assurer un accompagnement individuel et collectif, tout en permettant la mutualisation des tâches administratives, fiscales et comptables.

Au sein des CAE, les entrepreneurs sont aussi des salariés. Ce statut original a fait preuve de sa résilience durant la crise sanitaire, ce qui me conduit à proposer un certain nombre de dispositifs visant à soutenir le développement des CAE. On pourrait par exemple généraliser l'accès aux prêts d'honneur pour les CAE ou encourager l'abondement de leur capital social. Ce modèle particulièrement innovant, alliant entrepreneuriat et solidarité, est appelé à devenir un outil clé pour sécuriser les parcours des indépendants et revitaliser les territoires.

Pour conclure, je veux insister sur le formidable défi qui s'offre à nous. L'ESS peut et doit être l'un des jalons de la relance économique française. Elle est l'un des rares modèles susceptibles d'offrir, dans les années à venir, des solutions concrètes aux enjeux de l'entrepreneuriat social, de l'économie responsable et de la transition écologique. Ces thématiques ont trouvé un écho à l'échelon européen, la Commission européenne ayant annoncé pour 2021 un plan d'action visant à mobiliser l'ensemble des institutions européennes en vue d'intégrer l'ESS aux stratégies de relance économique. La France peut tirer parti de ce virage et travailler conjointement avec la Commission européenne sur ces sujets.

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