Je voudrais tout d'abord saluer le travail accompli précédemment par Mme Christine Hennion, dont je prends le relais comme rapporteur pour avis sur les crédits des communications électroniques et de l'économie numérique.
La crise sanitaire a montré l'importance des réseaux de communications électroniques dans notre société. Comme Mme Laure de La Raudière et moi-même l'avions souligné, dans notre rapport sur les propositions du groupe de travail sur les communications électroniques, les postes et l'économie numérique concernant la reprise et le plan de relance après l'épidémie de Covid-19, présenté en juillet dernier devant la commission, nos infrastructures numériques se sont montrées résilientes et les acteurs publics et privés à la hauteur de la situation inédite que nous avons connue.
Le budget 2021 en tire les leçons, en intégrant, avec le plan de relance, une forte dimension numérique, ce qu'il faut saluer. Des crédits supplémentaires soutiendront les déploiements fixes dans le cadre du plan France Très Haut débit, mais aussi l'inclusion numérique, ô combien importante, la formation, ainsi que la numérisation des entreprises et de l'État. J'ai étudié, pour ma part, les crédits des programmes 134 « Développement des entreprises et régulations » et 343 « Plan France Très Haut débit » de la mission « Économie ». Je vous propose d'en dire un mot, avant de faire un état des lieux des déploiements fixes et mobiles, et d'évoquer trois priorités pour l'avenir, parmi lesquelles la réforme de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) « mobile ».
Au sein du programme 134 « Développement des entreprises et régulations », deux actions rassemblent des crédits concernant les communications électroniques : l'action n° 4 « Développement des postes, des télécommunications et du numérique », mise en œuvre par la direction générale des entreprises (DGE) et l'action n° 13 « Régulation des communications électroniques et des postes », qui correspond au budget de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP).
L'action n° 4 rassemble un ensemble de crédits affectés au numérique, dont ceux destinés à financer France Num et l'Agence nationale des fréquences (ANFR). Cette action se voit dotée, pour 2021, de 177,4 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), ce qui correspond à une hausse de plus de 6 % par rapport à l'année dernière. Dans le détail, je note une hausse des crédits destinés à France Num (1,98 million d'euros contre 0,7 million d'euros en 2020), auxquels s'ajouteront les crédits de la mission « Plan de relance » et le quasi doublement des crédits destinés au commissariat des communications électroniques de défense (27 millions d'euros en 2021 contre 14,6 millions d'euros en 2020).
La subvention pour charges de service public destinée à l'ANFR reste stable. L'agence se voit dotée de 40,05 millions d'euros en AE et en CP, soit un niveau de crédits identique à celui de l'année dernière, mais avec une dotation financière supplémentaire de 3,9 millions d'euros destinée à la préparation technique des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Au total, 43,9 millions d'euros sont prévus en AE et en CP pour 2021, ce qui marque, là encore, un budget en hausse. L'ANFR perd en revanche deux équivalents temps plein (ETP) dans le cadre du schéma d'emploi 2021, avec un total de 295 ETP sous plafond pour l'année 2021 et 303 personnes employées par l'agence au total pour l'année prochaine. Sur ce dernier point, votre rapporteur veillera à ce que l'établissement dispose des moyens, notamment humains, nécessaires à la réalisation de ses missions.
L'action n° 13 du programme 134, intitulée « Régulation des communications électroniques et des postes », correspond, quant à elle, au budget de l'ARCEP. On observe pour 2021 une hausse de ses crédits, aussi bien en autorisations d'engagement (21,5 millions d'euros pour 2021 contre 20,9 millions d'euros l'année dernière) qu'en crédits de paiement (23,3 millions d'euros contre 22,8 millions d'euros). Le plafond d'emploi de l'organisme augmente également, pour atteindre 183 ETP en 2021. Dans l'ensemble, cette augmentation de crédits devrait permettre à l'ARCEP d'assurer ses missions et de monter en charge pour les deux plus récentes : le contrôle de l'action de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) en matière d'exploitation des sondes sur les réseaux des opérateurs de communications électroniques, d'une part, la régulation de la distribution de la presse, d'autre part.
Enfin, concernant le programme 343, qui rassemble les crédits du plan France très haut débit, on observe une forte hausse des crédits de paiement, avec 622 millions d'euros budgétés contre 440 millions d'euros l'année dernière. Cela correspond à la phase d'exécution renforcée des réseaux d'initiative publique en 2021.
Passons à un rapide bilan de la crise sanitaire, avant de procéder à un état des lieux des déploiements fixes et mobiles. Les acteurs publics et privés ont été exemplaires pendant la crise, leurs efforts ayant permis à la fois d'assurer une maintenance efficace des réseaux et de ne pas interrompre les déploiements. Dans mon rapport, j'ai également mis en lumière les nombreuses actions de solidarité engagées par les opérateurs : dons financiers ou de matériels, partenariats variés, formations proposées à certaines catégories de personnes éloignées du marché du travail. Cet état d'esprit devra continuer à nous animer.
En ce qui concerne les déploiements fixes et mobiles, la crise a eu un impact évident, en ralentissant leur rythme, sans néanmoins les interrompre, ce dont il faut se réjouir. Pour les déploiements fixes, au 30 juin 2020, 91 % des locaux en zone très dense, 77 % des locaux en zone moins dense d'initiative privée et 42 % des locaux en zone moins dense d'initiative publique étaient éligibles au très haut débit. L'objectif d'accès au « bon haut débit » fixé en 2020 est déjà quasi satisfait, grâce au mix technologique, et l'objectif du très haut débit pour tous en 2022 est plutôt en bonne voie, à condition de retrouver rapidement le rythme précédent.
S'agissant de la fibre, qui doit être généralisée d'ici à 2025 sur l'ensemble du territoire, on observe également une forte dynamique, avec 20,8 millions de locaux éligibles à la fibre optique jusqu'au domicile (FttH), soit une hausse de 33 % par rapport à l'année précédente. Le rythme de déploiement du deuxième trimestre 2020 reste supérieur à celui du premier trimestre.
La dynamique est soutenue, en grande partie, par les zones d'appel à manifestation d'intention d'investissement (AMII) : le nombre de locaux rendus éligibles a augmenté de 700 000 au second trimestre 2020. Le rythme est également relativement élevé dans les réseaux d'initiative publique, où l'on note un accroissement de 400 000 locaux au deuxième trimestre. C'est au sein de ces réseaux que les déploiements les plus importants restent à conduire, du fait d'une couverture FttH de 25 % contre 66 % pour les zones AMII et 82 % pour les zones très denses. Une vigilance s'impose néanmoins, en zone AMII, notamment au sujet de la complétude des déploiements. Des inégalités demeurent entre les territoires s'agissant des réseaux d'initiative publique ; pour y remédier, le plan de relance a dégagé des moyens supplémentaires.
Pour la partie mobile, concentrons-nous sur les deux éléments principaux du New Deal mobile que sont la généralisation de la 4G et le dispositif de couverture ciblée.
S'agissant de la 4G, sa généralisation avait continué de progresser pour atteindre, au 30 juin 2020, plus de 90 % en moyenne des sites mobiles des opérateurs. Pour les sites relevant du programme historique « zones blanches-centres bourgs », l'ARCEP indique être particulièrement attentive au rythme d'installation de la 4G. À la fin août 2020, un peu plus de la moitié de ces sites avaient été équipés, contre un peu plus d'un tiers trois mois plus tôt.
S'agissant du dispositif de couverture ciblée, dont la première livraison a été reportée du 27 juin au 9 octobre dernier, 423 sites étaient en service au 18 septembre, dont 410 identifiés en 2018, selon les opérateurs. La Fédération française des télécommunications (FFT) estimait que 95 % des sites étaient en service le 9 octobre. Il convient désormais d'attendre les derniers chiffres de l'ARCEP pour s'en assurer.
Enfin, concernant la 5G, les enchères se sont finalement tenues entre le 29 septembre et le 1er octobre derniers, dans des conditions satisfaisantes, me semble-t-il, pour les opérateurs et les pouvoirs publics. Orange a obtenu neuf blocs de fréquence, SFR huit, Free et Bouygues Telecom sept chacun, pour un montant total de 2,7 milliards d'euros. Les premières offres commerciales devraient arriver dans les prochains mois, et il faut désormais que les déploiements montent en charge.
En conclusion, je voudrais partager avec vous trois priorités pour les prochains mois. La première concerne évidemment l'accélération des déploiements fixes et mobiles, sur laquelle je ne reviens pas. La deuxième a trait à l'environnement : il est impératif que la dynamique engagée par les acteurs associatifs, les opérateurs et les pouvoirs publics se poursuive en 2021, pour que ce débat soit traité au fond, et de façon globale, dans notre pays. Parmi les pistes à étudier – c'est une réflexion qui pourrait être approfondie – figure l'impact de certains modèles économiques sur la surconsommation de terminaux mobiles. Je pense au subventionnement de smartphones couplé à un forfait mobile, qui semble faiblement inciter les utilisateurs à conserver leur téléphone aussi longtemps qu'ils sont en état de marche. Il est en effet tentant, pour le consommateur, d'accepter l'offre faite par son opérateur, en fin d'engagement, de bénéficier d'un nouveau smartphone dernière génération à petit prix contre un réengagement pour douze ou vingt-quatre mois. Ce n'est qu'une piste de réflexion que je livre à la discussion commune. J'invite d'ailleurs chacun à faire des propositions pour nourrir le débat.
La dernière priorité que je veux partager avec vous concerne la réforme de l'imposition forfaitaire des entreprises de réseaux (IFER) mobile. Cette imposition est payée, chaque année, par les opérateurs, sur chacune de leurs stations radioélectriques présentes sur le territoire. Lorsqu'un opérateur dispose en un même emplacement de plusieurs stations appartenant à des réseaux différents – tels que la 3G et la 4G –, il doit déclarer autant de stations qu'il y a de réseaux. Il me semble nécessaire de réformer cet impôt compte tenu de la forte évolution de son rendement : ce dernier est passé de 121 millions d'euros en 2010 à 222 millions d'euros en 2019, et pourrait atteindre, selon les opérateurs, 317 millions d'euros en 2022, en lien avec les déploiements de la 5G. Nous avons pourtant besoin que ces derniers se développent pour rattraper notre retard. L'IFER relève de la catégorie des impôts de production : il s'agit d'une imposition sur les investissements des opérateurs, qui peut apparaître désincitative. En effet ; plus vous déployez, plus vous êtes taxés. Vous le savez, ces impôts représentent en France le double de la moyenne européenne, soit 3,2 % du PIB contre 1,6 % dans l'ensemble de l'Union européenne. Il existe plusieurs régimes de tarification réduite ou d'exemption pour limiter ses effets négatifs. Il faut rappeler que, si ce marché a été moins affecté par la crise que d'autres secteurs, les prix y restent faibles. Le niveau d'investissement des opérateurs dans les réseaux demeure par ailleurs très élevé, puisqu'il s'élevait à 10 milliards d'euros en 2019.
Si une réforme de l'IFER est souhaitable, il faut garder à l'esprit que c'est une ressource pour les collectivités locales : cette imposition procure en effet 11 millions d'euros aux communes, 141 millions d'euros aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et 69 millions d'euros aux départements. Cela étant, comme l'a indiqué la direction générale des collectivités locales (DGCL), l'IFER mobile ne constitue pas – hormis dans quelques cas particuliers – une part substantielle des ressources des collectivités. Si les très petites communes et les petits EPCI pourraient être davantage affectés, les montants à compenser restent faibles en valeur absolue.
Les résultats de la mission de l'inspection générale des finances (IGF) nourriront nos réflexions. Il me paraîtrait utile qu'ils soient connus rapidement, pour nous permettre de débattre de la réforme de l'IFER mobile dès le projet de loi de finances pour 2021 en toute connaissance de cause.
J'émets un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs aux communications électroniques et à l'économie numérique.