Intervention de Franck Riester

Réunion du mardi 27 octobre 2020 à 18h00
Commission des affaires économiques

Franck Riester, ministre :

La baisse de l'activité internationale est effectivement très nette. La crise de la covid a réduit la production dans un grand nombre de pays, ainsi que la consommation, et a perturbé les structures et les flux logistiques. L'OMC anticipe une baisse de 12 % des exportations et de 10 % des importations en 2020 ; c'est historique. Il existe cependant des différences en fonction des filières.

Vous l'avez rappelé, la France a été particulièrement touchée, à travers un certain nombre de ses filières économiques, des fleurons à l'export : l'aéronautique, le tourisme, etc. Néanmoins, je l'ai dit, grâce à l'accompagnement de la Team France Export, qui effectue un travail remarquable, des opportunités existent pour les mois à venir. Je salue à cet égard le travail de Mme Laure de La Raudière, qui a souligné dans son avis budgétaire la complémentarité des différents outils mis à disposition de la Team France Export – des outils de nature à amplifier le rebond de notre déploiement à l'international.

Nous aurons, je l'ai dit, une approche sectorielle, indispensable outre les dispositifs généraux. Elle supposera un gros travail interministériel, entre les ministères de l'Europe et des affaires étrangères, de l'économie, des finances et de la relance, de l'agriculture et de l'alimentation, de la transition écologique et solidaire.

Nous mettons également tout le réseau diplomatique au service des entreprises et de leur déploiement international. Nous leur fournirons par exemple, par l'intermédiaire d'un outil informatique numérique, les dernières données, secteur par secteur, pays par pays – et les plans de relance mis en œuvre par ces derniers – afin qu'elles puissent identifier les opportunités de marché, les appels à projets et les appels d'offres qu'elles pourraient satisfaire ou solliciter.

S'agissant des CCI, si nous leur avons demandé un certain nombre d'efforts depuis 2017 – la dimension internationale fait partie de leurs objectifs –, nous sommes convaincus qu'elles sont des partenaires essentiels pour la Team France Export. Elles réalisent un travail remarquable, en lien avec les autres parties prenantes que j'ai citées et avec les CCI implantées dans d'autres pays.

En ce qui concerne les paradis fiscaux, l'Union européenne négocie, y compris dans le cadre du Brexit, dans le but d'arriver à conclure avec la Grande-Bretagne un accord « zéro tarif » et « zéro quota », mais aussi « zéro dumping », « zéro pratique déloyale ». Il s'agit des avantages fiscaux, mais aussi du respect des règles d'origine, de la concurrence loyale – le fameux level playing field – et de la gouvernance de la mise en œuvre du futur accord, qui doit nous doter d'outils pour réagir en cas de comportements en contradiction avec les termes de ce dernier.

Concernant le développement durable, je l'ai dit, nous menons avec nos partenaires une revue des politiques commerciales. Parmi les propositions françaises reprises par la Commission européenne figure le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, que soutiennent aujourd'hui un certain nombre de pays membres et qui est l'un des grands enjeux pour l'Union européenne dans les mois à venir.

Nous en avons longuement discuté avec les Néerlandais. J'ai évoqué la note libre de la France et des Pays-Bas sur le commerce et ses conséquences en matière socioéconomique et de développement durable, en vue des accords futurs de libre-échange. Nous souhaitons que les politiques commerciales jouent un rôle positif dans la lutte contre le réchauffement climatique, pour la préservation de la biodiversité ou encore contre la déforestation.

Par ailleurs, la France est opposée au projet d'accord entre l'UE et le Mercosur, dans lequel l'accord de Paris n'est pas respecté. Un rapport récent, élaboré par des experts indépendants mandatés par le Gouvernement, souligne les risques environnementaux qu'implique ce projet, en particulier en matière de déforestation de l'Amazonie.

Concernant les droits de l'homme, je suis entièrement d'accord avec M. Potier. D'ailleurs, vous trouverez des éléments à ce sujet dans la note libre à laquelle je viens de faire référence. La France s'est engagée à promouvoir le respect des droits de l'homme, notamment par une meilleure application des critères de développement durable dans les accords commerciaux – M. Denis Redonnet, le procureur commercial, aura là un rôle à jouer. En outre, nous attendons pour 2021 une proposition de la Commission européenne relative à la diligence raisonnable en matière des droits de l'homme ; c'est M. Didier Reynders, commissaire européen à la justice, qui en sera chargé.

Nous veillons par ailleurs à protéger nos entreprises de pratiques déloyales ou de l'abus d'outils mis à disposition de partenaires commerciaux de l'Union européenne, comme dans le cas des tarifs douaniers instaurés par les États-Unis à la suite de la décision de l'OMC concernant Airbus. Nous voulons trouver un accord avec les Américains. Nous sommes favorables à une baisse des droits de douane entre les États-Unis et la France, et nous souhaitons qu'ils reviennent sur ces tarifs douaniers. D'autant que, Airbus s'étant mis en conformité avec la décision de l'OMC, ces derniers ne sont plus légitimes, et qu'ils sont de nature à limiter le développement des échanges au service de la relance. De fait, tant que les Américains n'auront pas retiré leurs tarifs douaniers, nous appliquerons les nôtres à leurs produits – comme l'OMC nous y autorise à hauteur de 4 milliards de dollars (Md$) par an. Nous travaillons actuellement avec la Commission européenne et les États membres au détail de l'application de cette autorisation, qu'il s'agisse des produits ou du montant des tarifs ; il en résultera une décision européenne dans quelques jours.

Nous veillons aussi à défendre nos entreprises face au boycott auquel elles font face. Sachez cependant que celui-ci est très circonscrit : seuls quelques produits agroalimentaires sont touchés et seulement pour un volume donné. Je ne dispose pas des chiffres exacts, mais nous sommes en contact avec les entreprises concernées. J'ai créé une cellule de crise au sein du ministère de l'Europe et des affaires étrangères afin de réunir les informations qui nous parviennent des postes diplomatiques, des entreprises, des fédérations et des organisations professionnelles.

Nous appelons par ailleurs les responsables des pays concernés à faire cesser cette pratique et menons un travail de pédagogie sur ce qu'est la politique de la France en matière de laïcité. Nous expliquons que, bien entendu, les musulmans de France peuvent croire et pratiquer leur culte librement, qu'ils sont des citoyens à part entière, et qu'il s'agit d'une manipulation grossière des prises de parole du Président de la République et de la politique de la France, notamment de la part de la Turquie, qui manipule et qui utilise les réseaux sociaux pour répandre un message de haine.

Je l'ai dit tout à l'heure dans l'hémicycle : avec nos partenaires européens, qui nous soutiennent lorsque nous faisons respecter notre souveraineté, nous serons vraisemblablement amenés à durcir le rapport de forces avec la Turquie pour faire cesser ce type de propos et de pratiques lors du prochain Conseil européen, au mois de décembre.

Nous sommes, en outre, vigilants quant à la sécurité de nos ressortissants et de celles et ceux qui travaillent dans les entreprises françaises dans les pays concernés.

Concernant le confinement, je n'ai aucune réponse à vous apporter. Un conseil de défense et un conseil des ministres se tiendront demain. Je puis simplement vous dire que nous sommes très vigilants vis-à-vis de l'évolution du virus et de ses conséquences sur l'hôpital, les soignants et, plus généralement, sur la population, tout comme nous veillons à préserver et à protéger notre outil économique et les femmes et les hommes qui travaillent dans nos entreprises et nos administrations. Comme depuis le début de la crise, tout sera fait pour accompagner les entreprises en difficulté, à la fois par des mesures d'ordre général – prêt garanti par l'État, fonds de solidarité, report de charges, chômage partiel – et par des dispositions sectorielles.

Enfin, nous sommes mobilisés pour réfléchir, avec nos partenaires européens, mais aussi avec ceux qui sont situés en marge de l'Europe, notamment les pays du Maghreb, sur la question des chaînes de valeur : comment diversifier les approvisionnements pour assurer notre indépendance dans le cadre de l'autonomie stratégique européenne et pour faire face à l'éventuelle pénurie de certains produits ? Comment constituer des stocks stratégiques ? Mais aussi, comment relocaliser tout ou partie des chaînes de valeur à proximité de l'Europe, dans le cadre d'une complémentarité pertinente entre ce qui pourrait être réalisé en Europe, en France et aux frontières de l'Europe ?

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