Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 27 octobre 2020 à 18h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission des affaires économiques a auditionné M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur.

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Mes chers collègues, nous reprenons ce soir notre cycle d'auditions des ministres et secrétaires d'État relevant du champ des nombreuses compétences de la commission des affaires économiques. Nous avons déjà entendu huit ministres ; la semaine prochaine, nous recevrons M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie. Quant à Mme Olivia Grégoire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable, que nous devions entendre demain matin, elle a repoussé son audition à une date ultérieure. Il nous restera à auditionner Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion, des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville, et Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

Nous recevons aujourd'hui, et c'est une première, M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de l'attractivité – deux sujets extrêmement importants en ces temps de pandémie, de repli sur soi et d'inquiétude quant à la croissance mondiale.

Monsieur le ministre, il y a quelques jours, Mme Laure de La Raudière nous a présenté son avis budgétaire sur les crédits qui vous sont attribués. Elle nous a rappelé qu'au premier semestre de cette année, le commerce extérieur français, biens et services, a connu une chute record – plus de 20 % de baisse des exportations et plus de 15 % de baisse des importations par rapport au premier semestre de l'année précédente ; c'est du jamais vu. Elle nous a précisé que le plan de relance comprend un dispositif destiné à soutenir l'export à hauteur de 247 millions d'euros (M€) durant la période 2020-2022.

Avant de vous laisser la parole, je rappellerai que cette crise sanitaire a aussi des impacts, bien que plus modestes, sur notre fonctionnement : les effectifs ne pouvant dépasser une certaine jauge, les auditions des ministres sont désormais organisées selon une formule mixte, pour partie en présentiel, pour partie en visioconférence.

Je rappellerai, enfin, qu'il revient aux députés, fonctionnaires et collaborateurs contaminés par la covid-19 de se signaler – sans fournir, bien évidemment, d'informations de nature médicale. Les signalements permettent aux services de l'Assemblée, de manière confidentielle, d'évaluer la pression de la covid sur l'Assemblée dans son ensemble et, éventuellement, de régler les enjeux de potentiels cas contact. Une adresse email y est dédiée : signalement@assemblee-nationale.fr. Cette information est indispensable, nous avons tous un rôle à jouer dans la gestion de cette épidémie. Je compte sur vous toutes et tous pour nous aider.

Monsieur le ministre, vous avez la parole.

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Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de l'attractivité

Monsieur le président, je vous remercie de votre accueil. Je suis ravi de pouvoir échanger avec les députés de la commission des affaires économiques, dont j'ai été membre durant quelques semaines, lors de mon premier mandat de député, en 2007, avant de rejoindre, la même année, la commission des affaires culturelles. En tant que chef d'entreprise, je suis très attentif aux questions économiques depuis toujours ; je le suis encore davantage depuis ma nomination au poste de ministre chargé du commerce extérieur et de l'attractivité.

J'ai la conviction, fort de mes échanges avec de nombreuses entreprises et de nombreux ambassadeurs, que, malgré la crise sanitaire et la crise économique, de formidables opportunités pour notre pays existent à l'exportation. C'est parce que la France et ses entreprises – et les femmes et hommes qui y travaillent – sont innovantes, audacieuses, créatives et prennent des risques qu'elles remportent encore des parts de marché, même si, globalement, le contexte est aujourd'hui plus difficile.

Par ailleurs, il existe toujours une envie d'investir en France. Je rappelle qu'en 2019, notre pays était devenu le plus attractif d'Europe pour les investissements étrangers et que, la même année, son déficit commercial était en baisse, notamment parce que les petites et moyennes entreprises (PME) étaient plus nombreuses que jamais à exporter leurs biens, leurs services ou à implanter des filiales à l'étranger. Cela crée, malgré la crise et les difficultés, des opportunités exceptionnelles.

La responsabilité du commerce extérieur et de l'attractivité, que m'ont confiée le Président de la République et le Premier ministre, correspond à l'ambition du Président Macron et des différents gouvernements d'améliorer les conditions générales pro- business des entreprises en France, mais aussi de leur donner la possibilité de se déployer à l'international.

Nous ne reviendrons pas sur les baisses de la fiscalité sur le capital, ni sur l'assouplissement du marché du travail et la fluidification des relations sociales au sein des entreprises. Nous ne reviendrons pas sur la priorité affirmée aux investissements dans l'innovation, la recherche et le développement en France, ni sur notre volonté de baisser les impôts de production – l'un des éléments du plan de relance : nous parlons là de 20 milliards d'euros (Md€), 10 Md€ en 2021 et 10 Md€ en 2022, qui contribueront à améliorer la compétitivité de nos entreprises.

Nous allons continuer à améliorer l'environnement de développement de nos entreprises, ce qui passe aussi par toutes les mesures d'urgence déjà prises et par celles qui le seront pour accompagner le tissu économique et toutes les femmes et les hommes qui travaillent dans ces entreprises pendant la crise sanitaire.

Ainsi, grâce aux efforts structurels de transformation de l'environnement business de notre pays comme aux mesures d'urgence, nos entreprises ont la possibilité, peut-être plus que jamais, de se déployer à l'international.

Dans le plan de relance, nous avons souhaité, en plus des conditions générales de développement des entreprises et d'investissement dans un certain nombre de secteurs – révolution numérique, transition écologique –, allouer des moyens spécifiques à l'export. Nous avons pris cette décision en nous appuyant sur l'expérience et les témoignages des acteurs de l'exportation – ces femmes et ces hommes qui, au sein de la Team France Export, créée en 2018, réalisent un travail remarquable en mutualisant les énergies au service du déploiement des entreprises à l'international. Je pense à Bpifrance, à Business France ainsi qu'aux chambres de commerce et d'industrie (CCI), qui, sous la houlette des régions, jouent leur rôle avec beaucoup de force. Je pense aussi aux conseillers du commerce extérieur de la France, au MEDEF, au MEDEF international, à la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), à toutes les fédérations et organisations professionnelles, aux opérateurs spécialisés du commerce international (OSCI), aux réseaux diplomatiques et à la Chambre de commerce internationale (ICC), qui, dans chaque pays, constituent des soutiens pour les chefs d'entreprise à l'export.

Cette Team France Export a travaillé avec nous pour bâtir le plan de relance « export ». Dans ce cadre, nous avons décidé de retenir un certain nombre d'outils spécifiques, ou complémentaires de ceux qui préexistaient en en renforçant les moyens, selon cinq axes.

Premièrement, l'information. Il convient que nos entreprises, dans un moment où les marchés bougent, puissent bénéficier du meilleur niveau d'information possible et d'une information personnalisée, secteur par secteur, pays par pays. Pour ce faire, des sites dédiés sont mis à leur disposition.

Deuxièmement, l'accompagnement des entreprises à l'international. Je pense, par exemple, à l'outil d'assurance prospection, dont les moyens sont renforcés, notamment par un dispositif spécifiquement destiné aux PME, ou encore au chèque relance export, disponible depuis le début du mois d'octobre, qui leur permet de se faire financer une partie de leurs coûts à l'international – la création, par exemple, d'une vitrine digitale.

Troisièmement, le financement. À l'international, il joue un rôle essentiel, notamment le financement des créances, par l'intermédiaire des assurances crédit, vis-à-vis desquelles les pouvoirs publics ont un rôle à jouer, ou les financements adaptés à chaque projet d'entreprise – par Bpifrance, par la direction générale du Trésor.

Quatrièmement, les volontaires internationaux en entreprise (VIE). Ils sont concernés par le dispositif « un jeune, une solution » au sein du plan de relance, qui mobilise 6,5 Md€ pour l'apprentissage, la première embauche, les alternances et les VIE. Nous souhaitons permettre à nos jeunes de se déployer à l'international par cette expérience unique – une spécificité française ; 92 % des jeunes décrochent un emploi à l'issue de ces deux ans. Au-delà des avantages fiscaux des VIE, l'État allouera jusqu'à 5 000 € aux PME qui formeront un jeune, donnant ainsi une chance à tous les jeunes de France – je pense notamment aux techniciens qui, avec un niveau « bac plus deux », ne bénéficient pas suffisamment de cette opportunité.

Cinquièmement, la communication, l'image de marque. La France possède des marques exceptionnelles, reflétant son savoir-faire, telles que la French Tech, la French Fab, Taste France, French Healthcare, Choose France et, bien sûr, la marque France elle-même, qui doivent être mieux valorisées, grâce en particulier à des moyens de communication, des plans média, etc.

Tel est le plan de relance global en matière d'export, sachant que ces mesures seront bien entendu déclinées secteur par secteur. Ainsi, dans l'agroalimentaire, nous informons les producteurs, nous accompagnons la préparation des deux grands salons de 2021 que sont le salon international de la restauration, de l'hôtellerie et de l'alimentation (SIRHA) et Wine Paris, nous mettons en avant la marque Taste France.

Par ailleurs, nous agissons dans le cadre des politiques commerciales au sein de l'Union européenne et des organisations multilatérales. Nous persistons ainsi à vouloir réformer l'Organisation mondiale du commerce (OMC) pour la rendre plus opérante, parce que le remède aux tensions commerciales mondiales ne peut être que multilatéral. Je rappelle que l'OMC a donné des moyens à l'Europe pour lutter contre les pratiques états-uniennes déloyales que représentent les aides d'État à Boeing.

Du côté européen, nous sommes en pleine revue des politiques commerciales. Nous devons bâtir une autonomie stratégique, ouverte, relocaliser des chaînes de valeur, diversifier nos approvisionnements et constituer des stocks stratégiques.

Il s'agit aussi de tous les outils de défense contre des pratiques déloyales : des contre-mesures, des mesures de lutte contre les subventions, l'exigence du respect de la réciprocité en matière de marchés publics, de financements. Des outils qui nous permettront de faire face à l'usage de l'extraterritorialité du droit américain – et peut-être, demain, chinois – au détriment des entreprises européennes, a fortiori françaises. Je songe aux affaires Nord Stream 2, Helms-Burton et à ce qui s'est passé avec l'Iran. Le blocage est un bon instrument, mais qui doit encore être amélioré.

Il s'agit en outre du respect des engagements pris par nos partenaires dans le cadre des accords commerciaux. Nous sommes donc ravis que l'Union européenne se soit enfin dotée d'un procureur commercial européen – un Français, qui plus est – M. Denis Redonnet, dont la mission est de s'en assurer.

Par ailleurs, le développement durable doit être intégré dans la politique commerciale. Si le Président de la République défend cette position depuis longtemps, nous avons formalisé, avec nos partenaires néerlandais, une note libre (ou « non-papier ») sur le commerce et ses conséquences en matière socioéconomique et de développement durable qui est en train de faire des émules et nous permettra, outre ce qui a été annoncé par la Présidente de la Commission européenne dans le cadre du Green Deal, de donner plus de place aux outils verts dans le domaine commercial.

Je songe à la mise en œuvre de l'accord de Paris comme clause essentielle de nos accords de libre-échange, à la création d'un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières pour relever les exigences de tous les producteurs au monde – et d'abord ceux d'acier et de ciment –, à la décision que nous avons prise de ne pas signer l'accord avec le Marché commun du Sud (Mercosur) en l'état, étant donné le non-respect de l'accord de Paris par les pays qui le composent et les conséquences sur la déforestation qu'entraînerait la mise en œuvre de cet accord.

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Je vous remercie, Monsieur le ministre.

Pouvez-vous détailler les enjeux des sanctions que les Américains infligent aux producteurs, importateurs et distributeurs de vins français ?

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La pandémie de la covid-19 a donné lieu à une forte contraction du commerce mondial au premier semestre 2020. Des économistes de l'OMC estiment que le volume des échanges devrait enregistrer une baisse brutale, bien que limitée par rapport aux prévisions initiales, du fait des réactions rapides des différents gouvernements.

Ainsi, le volume du commerce des marchandises aurait régressé de 3 % en glissement annuel au premier semestre. Les premières estimations pour le deuxième semestre, période au cours de laquelle le virus et les mesures de confinement associées ont touché une grande partie de la population mondiale, prévoyaient un recul d'environ 18,5 %, en glissement annuel. Il serait finalement de 13 %. Cependant, ce chiffre devra être revu à l'aune de ce que nous vivons actuellement.

Un plan d'urgence visant à soutenir les entreprises exportatrices face aux conséquences immédiates de la crise a été mis en œuvre à partir de mars 2020. Il complétait les mesures d'urgence prises par le Gouvernement, en s'adressant plus particulièrement aux PME et aux entreprises de taille intermédiaire (ETI). Il a pour objectif de les aider à sécuriser leur trésorerie et d'assurer leur rebond à l'international après la crise.

Le plan de relance, annoncé le 3 septembre dernier, marque un nouveau temps dans la réponse gouvernementale à la crise, après les mesures d'urgence. Il vise à apporter une nouvelle impulsion à l'économie française, dont 30 % dépendent des échanges internationaux. Il comprend donc des mesures spécifiques dont l'objectif est d'aider notre économie à être plus attractive et plus compétitive.

Dans la continuité du plan d'urgence, le plan « export » vise à repositionner les PME et les ETI françaises à l'export, dans un contexte de reprise de l'activité sur certains marchés internationaux. Vous indiquiez que les entreprises françaises continuaient à être compétitives et à acquérir des parts de marché à l'étranger.

L'issue de l'élection américaine peut-elle, selon vous, changer la donne par rapport à cette grande question du commerce international et du positionnement des entreprises françaises ?

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Face à l'urgence de la situation, deux questions, d'abord : est-il vrai que la principale option sur laquelle travaille le Gouvernement soit un nouveau confinement de quatre semaines ? Il ne serait pas sans conséquence sur notre commerce extérieur. Vous avez évoqué l'importance des PME pour nos exportations et votre volonté de mieux les informer. Quelles mesures seront prévues, si le confinement est confirmé, pour éviter que les entreprises exportatrices ne mettent la clé sous la porte, alors que nous sentons une vague de dépôts de bilan, à effet rétroactif, commencer à poindre dans nos territoires ?

Nous sortons de la première vague plus dépendants des exportations, notamment chinoises et allemandes. Il s'agit d'un échec de notre stratégie de confinement. Quelles leçons en seront tirées pour la seconde vague ?

Enfin, vous avez évoqué le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, une idée que Les Républicains ont défendue pendant la campagne européenne et qui a été très critiquée – alors qu'elle est inéluctable face aux asymétries de concurrence que créent aujourd'hui les normes environnementales qui pleuvent sur nos entreprises et nos agriculteurs. De quel montant sera la taxe carbone ? Quel en sera le mécanisme ? Les pays européens sont-ils tous favorables à cette idée – l'unanimité étant nécessaire pour avancer dans cette voie ?

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Monsieur le ministre, je vous remercie au nom du groupe MoDem et Démocrates apparentés de votre présence parmi nous aujourd'hui.

Avant la crise de mars 2020, notre commerce extérieur était en forte progression : le nombre d'exportateurs français était au plus haut depuis dix-neuf ans et la France était, en 2019, la première destination des investissements étrangers en Europe.

Depuis, notre pays, tout comme ses voisins, a subi une importante dégradation de son commerce extérieur. La fermeture des frontières a ébranlé la mondialisation et replacé au centre des préoccupations la question du modèle multilatéraliste. La perspective d'une relocalisation nationale s'est rapidement immiscée dans le débat public. Je félicite d'ailleurs l'exécutif pour sa décision de relocaliser les industries de la santé, conforme à sa volonté plus générale d'accompagner le made in France.

Dans le souci de concilier souveraineté économique et mondialisation, il est indispensable d'accompagner et de protéger les entreprises exportatrices françaises. Je me réjouis ainsi des 247 M€ consacrés au commerce extérieur pour la période 2020-2022 dans le cadre du plan de relance.

Outre les nombreuses mesures de soutien indispensables à la survie de nos entreprises, ainsi que le soutien de la Team France Export, que préconisez-vous pour accompagner les entreprises exportatrices vers la transition écologique ? La crise a, en effet, placé l'écologie au cœur des préoccupations de nombreux Français ; elle est l'occasion d'une restructuration économique française, mais aussi de faire de la transition écologique une priorité pour la France dans le secteur du commerce international.

Comment concilier les aides allouées à notre commerce extérieur et le respect des engagements climatiques de la France ?

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Ma première question concerne les chaînes de valeur. Si vous avez évoqué le développement durable dans les modes de production des produits français, vous n'avez pas parlé de la question du respect des droits humains. Je souhaite appeler votre attention sur l'agenda du commissaire européen à la justice, M. Didier Reynders, qui propose à l'Union européenne d'étendre le devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre prévu en droit français et d'en faire l'objet d'une directive européenne, ce qui pourrait armer le commerce français et européen dans la mondialisation.

Ma deuxième question concerne les paradis fiscaux. Nous avons été nombreux à demander que, à l'occasion des négociations sur le Brexit, l'Europe condamne le fait que la première place financière européenne, la Grande-Bretagne, soit également le premier paradis fiscal au monde. Des engagements avaient été pris par le Gouvernement pour que cette question soit abordée et, parallèlement, pour que soit révisée la situation des paradis fiscaux du continent européen. Où en sommes-nous, à quelques semaines d'une étape importante des négociations, fin 2020 ?

Enfin, les tentatives de boycott de la France par certains pays peuvent fortement pénaliser les entreprises agroalimentaires. Quels dispositifs l'État et l'Europe – dont je souligne l'engagement aux côtés de la France – ont-ils imaginés pour aider nos producteurs, afin que notre diplomatie et l'affirmation de nos valeurs ne soient pas en contradiction avec la survie d'un secteur économique déjà fragilisé ?

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Si je souhaite saluer le soutien du Gouvernement à l'export, à hauteur de 247 M€, dans le cadre du plan de relance, je dois vous faire part de mon inquiétude face aux conséquences très lourdes de la crise de la covid-19 sur le commerce extérieur.

Lors de la présentation de mon avis budgétaire sur la mission « Commerce extérieur », j'ai rappelé que les résultats de 2019 et ceux du début de l'année 2020 étaient plutôt encourageants. Ils sont les fruits du dispositif Team France Export, que je veux saluer. Malheureusement, la crise sanitaire et son impact planétaire auront gommé ces quelques progrès pour laisser place à une baisse inédite de 20,7 % des exportations. C'est plus que la moyenne de nos voisins européens. Quelles mesures sont prévues pour aider les secteurs touchés et notre commerce extérieur ?

J'évoquerai deux autres sujets. D'abord, les conclusions préoccupantes du rapport de la commission d'experts sur l'accord entre l'Union européenne et le Mercosur. Alors que nous souhaitons construire un modèle agricole plus durable qui soutienne davantage nos agriculteurs, nous ne pouvons pas laisser entrer sur notre territoire des produits qui ne respectent pas les normes sanitaires. Confirmez-vous l'intention du Gouvernement de s'opposer à l'adoption de cet accord par le Conseil européen ?

Ensuite, dans un climat de tension avec certains pays musulmans tels que la Turquie, mais aussi l'Iran, la Jordanie ou encore le Koweït, le boycott des produits français est préoccupant. Nous condamnons avec vigueur les méthodes insupportables du président Erdoğan, d'autant que l'impact financier est important pour le secteur de l'agroalimentaire français, en particulier des entreprises telles que Bel, Lactalis ou encore Danone. Existe-t-il une estimation du coût prévisible du boycott ? Quelles peuvent être les mesures d'accompagnement des entreprises ?

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Les mesures de confinement, la fermeture des frontières et, plus globalement, le ralentissement de l'économie mondiale ont porté un coup d'arrêt au commerce international. Ce ralentissement a été particulièrement abrupt en France, en raison de la structure de notre tissu économique : les secteurs de l'aéronautique et de l'automobile, qui tirent habituellement nos exportations, fonctionnent au ralenti ; quant à nos PME et ETI, elles restent tournées vers le marché français et peinent à faire valoir leurs atouts à l'international – plus encore en temps de crise.

Aussi me semble-t-il plus que jamais nécessaire de mobiliser l'ensemble de la Team France Export afin d'accompagner les entreprises au plus près du terrain. Or, à rebours de ces ambitions, il a été prévu une diminution des dotations aux principaux organismes. Les ressources des CCI, qui ont déjà diminué de 350 M€ depuis le début du quinquennat, devraient poursuivre sur cette lancée jusqu'en 2022. Quant à Business France, son budget est réduit pour la seconde année consécutive. Comment comptez-vous faire plus avec moins de moyens ?

Par ailleurs, certains économistes relèvent que les mesures comprises dans le plan de relance pourraient s'accompagner d'un creusement du déficit de notre balance commerciale. Quelle stratégie comptez-vous employer pour limiter cet effet ? Et comment allez-vous accompagner les entreprises françaises pour qu'elles puissent également tirer parti des mesures des plans de relance de nos voisins européens et de leurs projets d'investissement ?

Enfin, s'agissant des appels au boycott des produits français, qui se propagent au Qatar, en Jordanie, au Koweït, en Turquie ou encore en Iran, avez-vous évalué leurs conséquences sur nos exportations ? Que prévoyez-vous de faire pour accompagner les entreprises visées, notamment celles du secteur agroalimentaire ?

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De nombreux sous-traitants, notamment l'entreprise MKAD, qui propose l'usinage de pièces aéronautiques en titane, ont vu leurs contrats annulés au profit d'entreprises basées aux États-Unis. Par ailleurs, nous nous questionnons sur le choix de l'envoi de copeaux de titane pour le recyclage dans ce même pays, alors que nous avons, sur notre sol, ÉcoTitanium, un leader du recyclage des avions en fin de vie. Quelles mesures pouvez-vous prendre pour favoriser le fonctionnement des entreprises sur notre sol plutôt que de laisser des éléments partir à l'étranger pour ensuite nous revenir sous forme d'importations ?

S'agissant de l'avion vert et de l'hydrogène, vous auriez indiqué que le Maroc, la France et l'Europe ont des intérêts communs en la matière et gagneraient à œuvrer ensemble à la préparation des sites de production et à la fourniture de moyens de transport, de stockage et d'équipement en vue d'optimiser l'utilisation de l'hydrogène énergétique. Auriez-vous des éléments complémentaires à nous livrer à ce sujet ?

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Franck Riester, ministre

La baisse de l'activité internationale est effectivement très nette. La crise de la covid a réduit la production dans un grand nombre de pays, ainsi que la consommation, et a perturbé les structures et les flux logistiques. L'OMC anticipe une baisse de 12 % des exportations et de 10 % des importations en 2020 ; c'est historique. Il existe cependant des différences en fonction des filières.

Vous l'avez rappelé, la France a été particulièrement touchée, à travers un certain nombre de ses filières économiques, des fleurons à l'export : l'aéronautique, le tourisme, etc. Néanmoins, je l'ai dit, grâce à l'accompagnement de la Team France Export, qui effectue un travail remarquable, des opportunités existent pour les mois à venir. Je salue à cet égard le travail de Mme Laure de La Raudière, qui a souligné dans son avis budgétaire la complémentarité des différents outils mis à disposition de la Team France Export – des outils de nature à amplifier le rebond de notre déploiement à l'international.

Nous aurons, je l'ai dit, une approche sectorielle, indispensable outre les dispositifs généraux. Elle supposera un gros travail interministériel, entre les ministères de l'Europe et des affaires étrangères, de l'économie, des finances et de la relance, de l'agriculture et de l'alimentation, de la transition écologique et solidaire.

Nous mettons également tout le réseau diplomatique au service des entreprises et de leur déploiement international. Nous leur fournirons par exemple, par l'intermédiaire d'un outil informatique numérique, les dernières données, secteur par secteur, pays par pays – et les plans de relance mis en œuvre par ces derniers – afin qu'elles puissent identifier les opportunités de marché, les appels à projets et les appels d'offres qu'elles pourraient satisfaire ou solliciter.

S'agissant des CCI, si nous leur avons demandé un certain nombre d'efforts depuis 2017 – la dimension internationale fait partie de leurs objectifs –, nous sommes convaincus qu'elles sont des partenaires essentiels pour la Team France Export. Elles réalisent un travail remarquable, en lien avec les autres parties prenantes que j'ai citées et avec les CCI implantées dans d'autres pays.

En ce qui concerne les paradis fiscaux, l'Union européenne négocie, y compris dans le cadre du Brexit, dans le but d'arriver à conclure avec la Grande-Bretagne un accord « zéro tarif » et « zéro quota », mais aussi « zéro dumping », « zéro pratique déloyale ». Il s'agit des avantages fiscaux, mais aussi du respect des règles d'origine, de la concurrence loyale – le fameux level playing field – et de la gouvernance de la mise en œuvre du futur accord, qui doit nous doter d'outils pour réagir en cas de comportements en contradiction avec les termes de ce dernier.

Concernant le développement durable, je l'ai dit, nous menons avec nos partenaires une revue des politiques commerciales. Parmi les propositions françaises reprises par la Commission européenne figure le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, que soutiennent aujourd'hui un certain nombre de pays membres et qui est l'un des grands enjeux pour l'Union européenne dans les mois à venir.

Nous en avons longuement discuté avec les Néerlandais. J'ai évoqué la note libre de la France et des Pays-Bas sur le commerce et ses conséquences en matière socioéconomique et de développement durable, en vue des accords futurs de libre-échange. Nous souhaitons que les politiques commerciales jouent un rôle positif dans la lutte contre le réchauffement climatique, pour la préservation de la biodiversité ou encore contre la déforestation.

Par ailleurs, la France est opposée au projet d'accord entre l'UE et le Mercosur, dans lequel l'accord de Paris n'est pas respecté. Un rapport récent, élaboré par des experts indépendants mandatés par le Gouvernement, souligne les risques environnementaux qu'implique ce projet, en particulier en matière de déforestation de l'Amazonie.

Concernant les droits de l'homme, je suis entièrement d'accord avec M. Potier. D'ailleurs, vous trouverez des éléments à ce sujet dans la note libre à laquelle je viens de faire référence. La France s'est engagée à promouvoir le respect des droits de l'homme, notamment par une meilleure application des critères de développement durable dans les accords commerciaux – M. Denis Redonnet, le procureur commercial, aura là un rôle à jouer. En outre, nous attendons pour 2021 une proposition de la Commission européenne relative à la diligence raisonnable en matière des droits de l'homme ; c'est M. Didier Reynders, commissaire européen à la justice, qui en sera chargé.

Nous veillons par ailleurs à protéger nos entreprises de pratiques déloyales ou de l'abus d'outils mis à disposition de partenaires commerciaux de l'Union européenne, comme dans le cas des tarifs douaniers instaurés par les États-Unis à la suite de la décision de l'OMC concernant Airbus. Nous voulons trouver un accord avec les Américains. Nous sommes favorables à une baisse des droits de douane entre les États-Unis et la France, et nous souhaitons qu'ils reviennent sur ces tarifs douaniers. D'autant que, Airbus s'étant mis en conformité avec la décision de l'OMC, ces derniers ne sont plus légitimes, et qu'ils sont de nature à limiter le développement des échanges au service de la relance. De fait, tant que les Américains n'auront pas retiré leurs tarifs douaniers, nous appliquerons les nôtres à leurs produits – comme l'OMC nous y autorise à hauteur de 4 milliards de dollars (Md$) par an. Nous travaillons actuellement avec la Commission européenne et les États membres au détail de l'application de cette autorisation, qu'il s'agisse des produits ou du montant des tarifs ; il en résultera une décision européenne dans quelques jours.

Nous veillons aussi à défendre nos entreprises face au boycott auquel elles font face. Sachez cependant que celui-ci est très circonscrit : seuls quelques produits agroalimentaires sont touchés et seulement pour un volume donné. Je ne dispose pas des chiffres exacts, mais nous sommes en contact avec les entreprises concernées. J'ai créé une cellule de crise au sein du ministère de l'Europe et des affaires étrangères afin de réunir les informations qui nous parviennent des postes diplomatiques, des entreprises, des fédérations et des organisations professionnelles.

Nous appelons par ailleurs les responsables des pays concernés à faire cesser cette pratique et menons un travail de pédagogie sur ce qu'est la politique de la France en matière de laïcité. Nous expliquons que, bien entendu, les musulmans de France peuvent croire et pratiquer leur culte librement, qu'ils sont des citoyens à part entière, et qu'il s'agit d'une manipulation grossière des prises de parole du Président de la République et de la politique de la France, notamment de la part de la Turquie, qui manipule et qui utilise les réseaux sociaux pour répandre un message de haine.

Je l'ai dit tout à l'heure dans l'hémicycle : avec nos partenaires européens, qui nous soutiennent lorsque nous faisons respecter notre souveraineté, nous serons vraisemblablement amenés à durcir le rapport de forces avec la Turquie pour faire cesser ce type de propos et de pratiques lors du prochain Conseil européen, au mois de décembre.

Nous sommes, en outre, vigilants quant à la sécurité de nos ressortissants et de celles et ceux qui travaillent dans les entreprises françaises dans les pays concernés.

Concernant le confinement, je n'ai aucune réponse à vous apporter. Un conseil de défense et un conseil des ministres se tiendront demain. Je puis simplement vous dire que nous sommes très vigilants vis-à-vis de l'évolution du virus et de ses conséquences sur l'hôpital, les soignants et, plus généralement, sur la population, tout comme nous veillons à préserver et à protéger notre outil économique et les femmes et les hommes qui travaillent dans nos entreprises et nos administrations. Comme depuis le début de la crise, tout sera fait pour accompagner les entreprises en difficulté, à la fois par des mesures d'ordre général – prêt garanti par l'État, fonds de solidarité, report de charges, chômage partiel – et par des dispositions sectorielles.

Enfin, nous sommes mobilisés pour réfléchir, avec nos partenaires européens, mais aussi avec ceux qui sont situés en marge de l'Europe, notamment les pays du Maghreb, sur la question des chaînes de valeur : comment diversifier les approvisionnements pour assurer notre indépendance dans le cadre de l'autonomie stratégique européenne et pour faire face à l'éventuelle pénurie de certains produits ? Comment constituer des stocks stratégiques ? Mais aussi, comment relocaliser tout ou partie des chaînes de valeur à proximité de l'Europe, dans le cadre d'une complémentarité pertinente entre ce qui pourrait être réalisé en Europe, en France et aux frontières de l'Europe ?

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Notre balance commerciale sera déficitaire cette année. Le contexte économique a renforcé l'un des traits structurels de notre économie : son déficit de compétitivité à l'exportation. Il est donc plus que jamais nécessaire, si nous voulons réellement soutenir nos entreprises et préserver le pouvoir d'achat des ménages, d'accroître notre compétitivité par une baisse des impôts de production et un soutien à l'innovation.

L'impôt de production le plus injuste est la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), une taxe assise sur des facteurs qui n'ont rien à voir avec la création de valeur ou la performance de l'entreprise et qui vient pénaliser les exportations des biens produits en France en se répercutant sur les prix à toutes les étapes de production. La C3S encourage donc les importations et les délocalisations, à savoir ce que nous cherchons précisément à éviter.

Concernant le soutien à l'innovation, l'outil productif français souffre d'une incapacité chronique ; or, selon différentes données, il est à craindre une contraction de notre investissement dans les entreprises en France de 35 à 50 % cette année. Ce manque d'investissements va limiter encore davantage notre capacité productive et entraîner un défaut de création de valeur à long terme qui empêchera toute reprise d'activité dynamique.

Je prendrai l'exemple de l'industrie micro-électronique, un secteur stratégique pour notre souveraineté technologique, qui représente 80 000 emplois directs et 170 000 emplois indirects, qui exporte jusqu'à 85 % de ses produits, et qui fait face à une rude concurrence internationale avec la Chine et les États-Unis.

Comment entendez-vous soutenir les exportations françaises en levant ces deux freins à notre économie – les taxes, avec le cycle de délocalisations et d'importations qu'elles entraînent, et le manque d'investissement dans notre outil productif ? Comment comptez-vous soutenir le développement à l'international des technologies de pointe ?

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Dans le contexte actuel, la filière agroalimentaire est frappée de plein fouet, d'une part sur le marché intérieur et, d'autre part, dans son activité à l'export.

Vous avez présenté les dispositions du plan de relance pour l'export qui concernent l'agroalimentaire, mais nous ne trouvons dans le document du ministère que quelques bribes d'information : il est fait mention de vitrines numériques supplémentaires et de l'annonce d'un Livre blanc. Pouvez-vous nous donner plus de détails ? Par ailleurs, comment ces mesures vont-elles s'articuler aux initiatives prises localement, notamment pour la valorisation des filières à l'international ?

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Je souhaiterais revenir sur l'accord entre l'Union européenne et le Mercosur, récemment négocié mais non formellement conclu.

Dès le mois d'août 2019, le Président de la République avait indiqué que la France ne pouvait pas soutenir cet accord d'association, compte tenu de la politique environnementale du Brésil, contraire à l'accord de Paris. Vous avez rappelé que le Gouvernement a mandaté une commission d'experts indépendants chargée d'analyser l'ensemble des dispositions de l'accord pouvant avoir un impact sur le développement durable, les émissions de gaz à effet de serre, la déforestation ou encore la biodiversité. Ses conclusions sont extrêmement préoccupantes : cet accord ne respecte ni le principe de précaution, ni l'accord de Paris, ni les normes environnementales, sanitaires et de travail, que ce soit en matière d'alimentation, de déforestation ou de bien-être animal.

Dans ce contexte, je souhaiterais connaître l'état des discussions que mène la France avec ses partenaires européens et la Commission européenne, souveraine en matière d'accords commerciaux internationaux.

Cette situation tranche avec celle de l'accord économique et commercial global (AECG) de libre-échange – Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA) – entre l'Union européenne et le Canada, appliqué à titre provisoire depuis 2017 et qui procure d'excellents résultats économiques à la France. Je m'en réjouis en tant que président du groupe d'amitié France-Canada de notre Assemblée.

Nos exportations à destination du Canada ont ainsi augmenté ces dernières années sous l'impulsion de cet accord, dans les secteurs agroalimentaire et des vins, mais aussi des équipements de transport, des matériels électriques, électroniques et informatiques, de la chimie et des produits pharmaceutiques. Et, contrairement aux craintes compréhensibles de certains, les importations de produits agricoles sensibles, qui font d'ailleurs l'objet d'un suivi spécifique par le Gouvernement, demeurent limitées, voire nulles. L'AECG-CETA n'a donc, à ce stade, pas eu d'effet sur ces filières, ni au niveau national ni au niveau régional.

Quel bilan établissez-vous pour votre part de l'application provisoire de l'AECG-CETA ? À la suite de l'adoption du projet de loi de ratification de cet accord par l'Assemblée, le 23 juillet 2019, quand prévoyez-vous de l'inscrire à l'ordre du jour du Sénat ?

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La viticulture souffre énormément, tant du Brexit que de la taxe « Trump » – qui lui a fait perdre près de 500 M€ – et, désormais, du coronavirus. Que pourrait faire le Gouvernement, outre l'application d'une taxe aux États-Unis, pour soutenir ce secteur, dont les exportations ont déjà chuté, en valeur, de 18 %, et même de 28 % pour le champagne ?

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Monsieur le ministre, vous avez chiffré un déficit à venir de 80 Md€ en 2020. Selon l'enquête réalisée par la CCI de Seine-et-Marne, 61 % des établissements exportateurs de ce département estiment que la crise sanitaire a des conséquences négatives sur l'exportation. Le soutien au commerce extérieur des entreprises exportatrices sera essentiel afin de réduire notre déficit et d'aider notre économie.

Vous vous êtes récemment rendu en Seine-et-Marne, avec MM. Bruno Le Maire et Alain Griset, pour un déplacement consacré au volet « export » du plan de relance. Le choix de ce département était loin d'être anodin : ancien maire et ancien député dans ce département, vous connaissez les entreprises et leur savoir-faire unique, ainsi que leur grande capacité d'innovation. Ces qualités, que vous souteniez déjà comme député, sont autant d'atouts pour conquérir des parts de marché à l'international et rester compétitifs.

Le dispositif chèque relance export pour les entreprises, lancé le 1er octobre dernier, est une mesure phare de ce plan. Pouvez-vous nous expliquer concrètement quels en seront les bénéfices pour les entreprises de nos territoires ?

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La crise que nous vivons a profondément bouleversé le commerce extérieur du fait d'une chute record des exportations et des importations. Même si les performances à venir en matière d'échanges internationaux dépendront naturellement de l'ampleur de la reprise de l'activité économique mondiale, nous devons nous tenir prêts à accompagner les entreprises dans la prospection et l'export.

C'est la vocation de la Team France Export, qui rassemble les solutions publiques proposées par les régions, les services de l'État, Business France, les CCI et Bpifrance. Ce dispositif, lancé en 2018, est à saluer, car il a permis de réorganiser et de rationaliser les différents dispositifs et acteurs contribuant à l'accompagnement des entreprises à l'international, en substituant un interlocuteur unique et un parcours lisible à l'offre foisonnante proposée jusqu'alors.

Même si des progrès importants ont été effectués ces deux dernières années, force est de constater que des améliorations peuvent encore être apportées à ce dispositif innovant.

Tout d'abord, en matière de visibilité pour les entreprises et leurs dirigeants. Aujourd'hui, les collaborateurs internationaux des CCI sont plutôt positionnés dans les CCI régionales. Or l'interlocuteur premier de l'entreprise est en général la CCI départementale. Il y a peut-être là un travail à mener afin que les entreprises puissent être plus rapidement redirigées vers les interlocuteurs adéquats.

Ensuite, en matière de partage d'informations, car une concurrence qui n'est pas toujours saine perdure entre certains acteurs, notamment entre les CCI et Business France. Il arrive encore, par exemple, qu'un manque de communication entraîne des doublons dans l'organisation de missions de prospection ou la réalisation d'études de marché.

L'accord récent passé entre l'État et les réseaux des CCI prévoit-il des contreparties particulières quant aux missions des CCI à l'international ?

Comment comptez-vous améliorer le partage d'informations qui fait parfois défaut entre Business France et les CCI ?

Plus généralement, quelles améliorations comptez-vous éventuellement apporter aux dispositifs de la Team France Export ?

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Je reviendrai sur le déficit du commerce extérieur, continu depuis 2004. Ce déficit conditionne tous les autres : ceux du budget, de la sécurité sociale, du chômage et des retraites. S'attaquer aux difficultés du commerce extérieur doit donc être une priorité nationale.

À cet égard, j'aimerais, Monsieur le ministre, que vous puissiez nous détailler la performance de la France depuis le déconfinement par rapport à celle de ses voisins directs d'Europe de l'Ouest.

Le Gouvernement, et nous nous en réjouissons, a annoncé une baisse de 10 Md€ des impôts de production dès l'année prochaine. Avez-vous une idée de l'impact de cette mesure sur le commerce extérieur ?

La ville de Rouen, dans ma circonscription, a accueilli en 2019 la première convention nationale de la Team France Export. Un an après, pouvez-vous dresser un bilan de l'efficacité de ce service, même si, bien évidemment, la crise sanitaire a perturbé la donne ? Disposez-vous d'enquêtes de satisfaction des utilisateurs du service de la Team France Export ?

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Le déficit du commerce extérieur va être abyssal. L'une des façons de le juguler est de tenter de limiter les importations.

La filière de l'industrie du papier, si elle n'a jamais exporté, était jadis prospère, mais nous avons laissé fermer nos usines, et, aujourd'hui, elle se délite. Alors que la consommation totale baisse, nous importons les deux tiers de nos besoins en papier à usage graphique. Cela représente 50 % de la valeur pour les utilisateurs que sont les imprimeurs, complique leur processus de fabrication et a des conséquences environnementales très graves.

L'industrie du papier n'est-elle pas l'exemple même d'une filière qui mérite une réflexion stratégique à l'échelle européenne afin de relocaliser les sites de production plus près des lieux de consommation – d'autant plus que, de nos jours, nous recyclons le papier ? Nous pourrions ainsi avoir un modèle économique circulaire. Quelle est votre position à ce sujet ?

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Monsieur le ministre, depuis le début de la crise de la covid, la filière événementielle et communication, qui permet à tout le tissu économique français d'exporter, est en pleine crise alors qu'elle connaissait déjà des problèmes structurels auparavant.

Un tiers de son chiffre d'affaires français, soit 12 Md€, est réalisé dans les Hauts-de-Seine. Depuis le mois de juillet, nous avons créé, sur mon impulsion, un groupe de travail pour qu'elle puisse proposer des événements virtuels et venir en aide aux entreprises, en France et à l'étranger. Un certain nombre d'événements sont ainsi prévus, en lien avec la CCI, au niveau des établissements publics territoriaux (EPT). Vous avez vous-même évoqué le lancement de salons virtuels. Comment pourrions-nous servir à la fois nos entreprises qui ont besoin d'exporter et cette filière qui a besoin d'être aidée ?

Enfin, nous pourrions peut-être créer un champion français ou européen de la virtualisation des salons, car nos entreprises dans ce secteur sont très petites et un géant américain risque de s'emparer du secteur.

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Franck Riester, ministre

De nombreuses questions concernent le dispositif d'accompagnement à l'export. Force est de constater que, depuis la création de la Team France Export, les résultats sont positifs : les acteurs de l'international travaillent mieux ensemble, communiquent mieux, notamment grâce à la base de données CRM – Customer Relationship Management – partagée dont parle Mme Laure de La Raudière dans son avis budgétaire. Ces atouts seront très utiles en France – où le partenariat entre l'État, les régions et les différents acteurs de la Team France Export est très satisfaisant – comme à l'étranger, où la Team France Export est également présente sous la houlette de l'ambassadeur, qui joue un rôle essentiel de coordination de son travail.

Cependant, des points peuvent encore être améliorés. Je suis attentif à vos remarques à ce sujet, comme aux propositions formulées par Mme Laure de La Raudière dans son rapport. Nous en avons discuté avec les membres de la Team France Export : les 247 M€ consacrés au commerce international doivent être bien employés et utiles aux entreprises. Nous suivrons de près la mise en œuvre du plan de relance et ajusterons les mesures si besoin. Nous veillerons, par exemple, à bien informer les entreprises sur le dispositif d'accompagnement. Un message radio est d'ailleurs diffusé à ce sujet et je fais personnellement le tour des régions – de manière désormais dématérialisée – pour présenter les différentes mesures dans le cadre de l'opération « Relance Export Tour ».

Concernant la capacité des entreprises à se projeter à l'international, j'ai évoqué différents outils dont le chèque relance export, qui permet concrètement de réduire les coûts de prospection et de déploiement à l'international pour les PME et les ETI de droit français, en leur permettant par exemple de participer à un salon ou à une foire – en présentiel ou en virtuel. Nous espérons ainsi participer, jusqu'à 50 % – moyennant un plafond –, aux frais de prospection de près de 15 000 entreprises. Pour connaître toutes ces mesures, les entreprises doivent se rapprocher de Business France par l'intermédiaire des CCI ou des membres de la Team France Export dans les régions.

Je l'ai évoqué également, nous allons continuer à donner à nos entreprises les moyens d'être plus compétitives sur les marchés mondiaux. Pour ce faire, nous baisserons les impôts de production, nous mènerons une réflexion sur la C3S, ainsi que sur l'assouplissement du marché du travail et celui des négociations, à mener plutôt au niveau des entreprises – c'est le sens des ordonnances dites « Pénicaud », de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) et de la loi d'accélération et de simplification de l'action publique (ASAP), qui vient d'être votée.

En matière d'attractivité et de compétitivité, il ressort de mes échanges avec les entreprises, mes interlocuteurs diplomatiques et mes homologues que l'image de la France a changé. Les entreprises étrangères comme les pays étrangers se rendent compte qu'un travail important a été réalisé depuis 2017, ce qui incite les entreprises à venir investir en France et les entreprises françaises à se déployer à l'international.

Bien évidemment, la crise de la covid ne nous aide pas dans nos échanges internationaux, car nos grandes filières exportatrices sont touchées, au premier rang desquelles l'aéronautique. Cependant, le fait d'avoir misé depuis quelques années sur nos PME et nos ETI, qui font preuve de capacités d'adaptation et d'audace, nous permet d'être optimistes pour l'avenir.

La viticulture est un secteur particulièrement affecté, non seulement par la crise, qui a entraîné une baisse de 23 % des exportations de vins et spiritueux pendant le premier semestre 2020, mais aussi par les mesures américaines concernant les vins tranquilles. Nous devons donc à la fois négocier avec les États-Unis et nous montrer fermes pour nous faire respecter.

Mais nous usons également d'autres leviers, d'abord en cherchant de nouveaux marchés. Les exportations de vin vers le Canada ont augmenté de plus de 10 % en deux ans grâce au CETA et celles vers le Japon ont augmenté de 12 % en 2019 grâce à un accord commercial européen. Nous avons également signé un accord européen avec la Chine, dans lequel vingt-six indications géographiques protégées (IGP) françaises – pas uniquement concernant des vins – sont prises en compte. Le plan de relance à l'export est bien évidemment accessible aux viticulteurs. Enfin, avec le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, nous allouons des aides exceptionnelles à la filière, notamment à la distillation et au stockage, pour lesquels près de 250 M€ sont mobilisés. S'y ajoutent les mesures gouvernementales de portée générale, passées ou à venir.

Le secteur de l'événementiel est également touché de plein fouet, les événements étant quasiment tous à l'arrêt. Toutefois, il a reçu des aides spécifiques que nous continuons à mettre en œuvre. Nous cherchons également, avec M. Jean-Baptiste Lemoyne et mes homologues du ministère de l'économie, des finances et de la relance, les moyens de réorganiser un certain nombre d'événements, physiques ou virtuels, et de faire repartir le plus rapidement possible les salons et les foires professionnels, essentiels aussi à d'autres secteurs économiques. Nous allons également accompagner encore davantage l'événementiel dans la digitalisation de ses activités.

Concernant le Mercosur, nous ne signerons pas l'accord en l'état. Quoi qu'il en soit, la Commission européenne n'est pas souveraine : l'unanimité du Conseil est nécessaire et le Parlement européen s'est prononcé contre. En outre, étant donné la dimension mixte de l'accord, les parlements nationaux devront éventuellement se prononcer. Nous sommes en discussion avec l'Union européenne, et l'Union est en discussion avec le Mercosur, afin d'obtenir des garanties quant au respect de l'accord de Paris, l'absence de conséquences sur la déforestation et la protection de notre secteur agroalimentaire.

S'agissant du CETA, entré en vigueur en 2017, même s'il n'a pas encore été ratifié, il a déjà permis d'obtenir des résultats positifs. Nos exportations sont en augmentation de 11 % et nos importations de 6 %. Aucun effet négatif sur les filières agricoles sensibles n'a été identifié.

Par ailleurs, nous veillons à ce que les produits entrant dans l'Union européenne respectent toutes les normes sanitaires et phytosanitaires. Pour ce faire, des audits ont été réalisés et ont démontré qu'un certain nombre de procédures n'avaient pas été suivies – sans effet sur la santé. Avec M. Julien Denormandie, nous avons, dès cet été, signifié à la Commission européenne que nous souhaitions recevoir les résultats plus rapidement, de façon transparente, et que de nouveaux audits devraient être effectués. La Commission nous a assuré qu'ils seront réalisés et qu'elle nous tiendrait au courant de la suite des procédures.

Enfin, s'agissant de la filière papier, je n'ai pas de réponse à vous apporter, Madame Deprez-Audebert. Je vous propose de me rapprocher de ma collègue Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l'industrie, pour l'interroger, et de vous transmettre les informations dès que possible.

Je reste, ainsi que mes équipes, à votre disposition pour toute question complémentaire. Sachez que, malgré la crise et les inquiétudes, je sens chez nos chefs d'entreprise l'envie de se déployer à l'international. Cet esprit de conquête français et cette audace font plaisir à voir, et je suis persuadé que nous aurons des résultats bien meilleurs dans le futur.

Le président M. Roland Lescure. Monsieur le ministre, je vous remercie.