Intervention de Jean-Baptiste Lemoyne

Réunion du mardi 3 novembre 2020 à 17h15
Commission des affaires économiques

Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État :

Dès que le premier confinement a été décrété, en mars, nous avons vu que les agences de voyages étaient massivement exposées. Il fallait déjà gérer le retour de 300 000 Français bloqués hors de France, toutes les frontières ayant été fermées. Plusieurs agences ont dû faire face à cela, et nous avons dû aider à rapatrier un certain nombre de personnes.

Ensuite, nous avons constaté que de très nombreux voyages avaient été programmés pour les mois à venir, et que la mise en œuvre de la directive européenne qui imposait le remboursement immédiat aurait entraîné une faillite générale, les agences n'étant pas en mesure de procéder de façon immédiate à de tels remboursements. C'est pourquoi nous avons mis en place le dispositif des avoirs, que vous avez voté au printemps. Ces avoirs ont pu être délivrés jusqu'au 15 septembre dernier, et c'est cette disposition, je crois, qui a permis de passer le cap et d'assurer le maintien des agences de voyages. Il est vrai que la situation actuelle demeure très préoccupante. Souvent, les agences ont dû maintenir quelques ressources humaines pour gérer les contrats, les reports, etc., sans enregistrer de recettes. Nous travaillons au quotidien avec « Entreprises du Voyage », avec son président M. Jean-Pierre Mas et sa déléguée générale Mme Valérie Boned, qui préside, par ailleurs, une commission dans le cadre du comité de filière Tourisme. Ce travail est très fluide. Nous allons encore nous montrer très vigilants.

Mme Typhanie Degois a évoqué l'APST, l'une des institutions qui permettent de garantir les charges des agences. Nous avons un œil très attentif car, à la suite de la défaillance de Thomas Cook, l'APST elle-même s'est trouvée très sollicitée. C'est pourquoi nous conduisons un travail chaque semaine avec cette association. Je salue l'action de sa présidente, qui a fait en sorte de céder le siège social pour faire entrer de l'argent et pouvoir faire face à un certain nombre de dépenses. J'ai entendu le cri du cœur lancé par plusieurs entrepreneurs sur les garanties personnelles. Le message est reçu, nous serons très attentifs à cela.

S'agissant de l'activité partielle, nous restons dans le cadre général ; le dispositif a été reconduit jusqu'au 31 décembre 2020 pour le secteur du tourisme, avec une clause de revoyure en décembre. Compte tenu de la situation, à mon sens, ce sujet devra faire l'objet d'un travail interministériel. Je ne vois pas comment nous pourrions éviter la poursuite d'un certain nombre de dispositifs. Il faudra voir quels outils nous utilisons, mais un soutien dans la durée sera nécessaire, et nous sommes crédibles en l'évoquant, compte tenu du soutien déployé depuis le mois de mars.

En ce qui concerne la situation sur la Côte d'Azur, nous avons vu combien la région avait été impactée par l'annulation d'un grand nombre d'événements, de congrès, de salons, y compris en septembre, alors que la reprise pouvait poindre. Nous travaillons avec la région Sud, avec M. Renaud Muselier – je parlerai d'ailleurs ultérieurement de ce travail partenarial avec les collectivités locales.

A été évoquée la transformation en fonds propres des PGE. Nous avons le souhait d'éviter le mur de la dette – d'où le différé de deux ans, l'étalement jusqu'à cinq ans des remboursements. Outre le PGE, nous avons mis en place d'autres outils, comme le prêt tourisme, qui présente l'intérêt d'avoir un différé de deux ans et une maturité pouvant aller jusqu'à dix ou douze ans. J'en parle parce que cette audition peut être l'occasion de mieux faire connaître ce dispositif. Nous avons engagé 1 milliard d'euros sur le prêt tourisme, dont 300 millions ont déjà été consommés, et nous espérons avec Bpifrance atteindre les 500 millions à la fin de l'année. Une maturité de dix ans peut constituer une vraie réponse. Nous avons mis en place d'autres dispositifs de renforcement des fonds propres, qui trouveront à mon avis à s'appliquer.

Sur les assurances, les acteurs ont une attente très forte et relativement fondée.

S'agissant des Outre-mer, j'aimerais mentionner quelques chiffres éloquents. Les territoires d'Outre-mer ont bénéficié des dispositifs de soutien. Au titre du PGE, près de 400 millions d'euros ont été accordés, pour un montant moyen de 180 000 euros par entreprise, ce qui est très supérieur au montant moyen constaté en métropole, qui se situe entre 95 000 et 100 000 euros. Les PGE Outre-mer représentent environ 4 % du total national. Le volet 1 du fonds de solidarité s'est monté à environ 35 millions d'euros, pour 23 000 entreprises en Outre‑mer. Si l'on ajoute au secteur « hébergement et restauration » celui des activités récréatives et culturelles, nous montons à 45 millions d'euros.

Par ailleurs, près de 100 000 salariés ont été pris en compte dans le dispositif de chômage partiel, pour 8,7 millions d'heures chômées. Les dispositifs ont donc trouvé à s'appliquer, mais notre souhait est d'aller plus loin ; c'est pourquoi nous avons récupéré les projets de feuilles de route élaborées dans les différents territoires, la situation étant très différente d'un bassin à l'autre (Polynésie, océan Indien,Antilles-Guyane). Il faudra que l'on travaille sur des contrats avec chaque territoire, avec des ajustements qui ne seront pas identiques, au regard des spécificités.

La francophonie s'est mobilisée pendant cette période de la covid. Une plateforme collaborative, « Solidarité covid-19 », a été mise en place par l'OIF. Elle a permis de faire connaître les projets innovants. Près de 200 projets y ont été mis en ligne : par exemple, sur des techniques pour réussir à fabriquer des respirateurs. Cette plateforme de partage a si bien fonctionné que l'OIF a décidé de la pérenniser. Un travail a également été initié sur la continuité pédagogique, entre l'OIF, le ministère français de l'éducation mais aussi d'autres ministères de l'éducation, afin d'établir une déclinaison francophone du dispositif « ma classe à la maison ».

Par ailleurs, un certain nombre d'opérateurs de la francophonie ont mis en place leur propre projet. L'Agence universitaire de la francophonie a lancé un appel à projets international pour soutenir les initiatives d'étudiants et de jeunes chercheurs liées à la pandémie. L'Association internationale des maires francophones a mis en place un fonds d'urgence en soutien à des villes.

La stratégie économique, qui datait de 2014, est en train d'être actualisée et sera discutée lors de la prochaine conférence ministérielle de la francophonie à la fin du mois. L'idée est de pouvoir recentrer l'activité de l'OIF sur ses actions à forte valeur ajoutée en matière d'économie. La francophonie économique est un secteur dans lequel il y a encore beaucoup à faire. Nous sommes en deçà du potentiel, par rapport à l'espace économique que représente l'ensemble des pays membres de l'organisation. Je sais qu'une structuration du réseau des patronats est en train de se faire, qu'une plateforme de mise en relation des entrepreneurs, innovateurs et investisseurs, est en cours de réflexion. Tout cela progresse grâce à la dynamique de la secrétaire générale de l'OIF, Mme Louise Mushikiwabo.

Il m'est difficile de m'exprimer sur le Royaume-Uni car nous sommes dans le « money time ». Vous avez suivi tous les épisodes. La situation est très volatile. Je me garderai bien de faire des prévisions sur le contenu d'un accord, sur la possibilité même de l'accord, car cela reste toujours très complexe, même si l'échéance se rapproche. Je prends bien note de votre préoccupation liée au statut des Britanniques ayant une résidence secondaire en France. Nous allons creuser ce point. Nous avons déjà ressenti une moindre présence de cette clientèle britannique sur nos territoires cet été. Cela était surtout lié à la pandémie, mais l'impact a été très fort pour certains établissements bretons. s.

Depuis le début de la pandémie, un travail a été mené avec les départements, les communes, les territoires. J'ai d'ailleurs souhaité qu'au sein du comité de filière Tourisme, une vice-présidence soit confiée aux territoires à travers Mme Marie-Reine Fischer, qui est elle‑même vice-présidente d'ADN Tourisme, qui fédère les offices de tourisme, les comités départementaux de tourisme, les comités régionaux de tourisme. Mme Marie-Reine Fischer participait toutes les semaines à nos travaux au sein de l'équipe de direction. Nous avons très bien travaillé pour mettre en place, avec les régions volontaires, des chèques-vacances pour lesquels l'État abondait l'effort réalisé par les régions. Un certain nombre de départements ont pris des initiatives pour mettre en place des séjours pour les soignants, ou pour des publics ayant des difficultés à partir en vacances. Nous avons bien fonctionné tous ensemble.

Par ailleurs, il va de soi que les fermes pédagogiques ou les fermes-auberges entrent pleinement dans le secteur du tourisme. Il faut s'assurer que les listes S1 et S1 bis les prennent en compte. Aucun dossier concret ne m'a été remonté. Quand les gens ne sont pas pris en compte, d'habitude, j'en entends parler de façon directe ou indirecte. Si certains d'entre vous entendent parler de problèmes sur leurs territoires, qu'ils n'hésitent pas à m'en parler pour que l'on puisse trouver les meilleures solutions. Nous allons surtout nous assurer qu'ils sont bien pris en compte dans les listes S1 et S1 bis.

S'agissant du fonds « tourisme durable », c'est l'ADEME qui est chargée de décliner et de porter le projet. Nous sommes en train de lancer l'appel à projets sur le volet « restaurants ». Cela se fera dans les prochaines semaines. Je propose que nous communiquions auprès de vous par mail au fur et à mesure que les appels à projets se lancent, afin que vous en ayez connaissance et que vous puissiez inciter des entreprises que vous connaîtriez et qui pourraient être intéressées.

Je suis très attaché au dispositif des classes « découverte ». Naturellement, nous avons des difficultés à avoir de la visibilité en raison de la situation sanitaire. Je plaide auprès de M. Jean-Michel Blanquer pour que, le moment venu, il puisse passer un message fort. Il est acquis à la cause, lui aussi, mais parfois les décisions des rectorats ou des départements ne sont pas dans l'esprit de l'engagement du ministre de l'éducation nationale. Ce hiatus est un peu dommage. Sa parole doit être forte urbi et orbi, car c'est sa conviction intime.

J'insiste sur les outils particuliers mis en place pour le tourisme. Le prêt tourisme peut être une solution ; c'est un outil financier à utiliser. Il ne faut pas hésiter à faire en sorte que les porteurs de projets éventuels que vous connaîtriez se rendent sur la plateforme plantourisme.fr et se rapprochent de Bpifrance, parce que nous pourrons leur donner toute la palette des différents outils mis en place, parfois avec les régions d'ailleurs, pour leur apporter des réponses financières ou des réponses en matière d'investissement.

La situation de Colmar a été évoquée. Cette ville a fait l'objet d'une enquête il y a peu dans un grand journal du soir. Il y a quelques mois, nous nous préoccupions d'un éventuel « sur-tourisme » ici et là, et aujourd'hui nous touchons du doigt les dangers du « sous-tourisme », avec tout l'impact que cela entraîne sur nos territoires.

La mesure stipulant que les entreprises ayant enregistré plus de 60 000 euros de bénéfices ne pouvaient pas entrer dans le fonds de solidarité a été supprimée. Davantage d'entreprises peuvent donc y entrer, parmi lesquelles des agences de voyages. Le nouveau décret en tient compte.

En ce qui concerne les dirigeants mandataires non-salariés, nous allons regarder de près ce qu'il en est.

Puisque le tourisme d'affaires a été évoqué, j'ajouterai que nous avons un groupe consacré au sujet, avec un certain nombre d'acteurs, afin de préparer la reprise, avec l'objectif de faciliter la reprise des salons professionnels le moment venu. Les salons grand public, en revanche, ne pourront se tenir que dans un second temps. Nous devons être attentifs et contrer la concurrence de certains voisins qui restent très dynamiques. S'agissant des salons professionnels, nous avons des actions à mener pour être au rendez-vous le moment venu.

Les perspectives sont difficiles à tracer dans le temps. Tout dépend du reflux de l'épidémie, de cette deuxième vague. Je constate qu'il y a eu une forte résilience pendant la première vague. Nous ferons tout pour que cette résilience soit encore au rendez-vous. Nous avons besoin de préserver les talents, les emplois, les entreprises, parce que si nous étions sur la première place du podium – même si c'est en fréquentation et non en recettes – c'est grâce à l'engagement de ces territoires, de ces salariés et de ces entreprises.

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