Intervention de Olivia Gregoire

Réunion du mercredi 18 novembre 2020 à 9h30
Commission des affaires économiques

Olivia Gregoire, secrétaire d'État :

Madame Bessot-Ballot, les coopératives d'activités et d'emploi sont de véritables catalyseurs d'une ESS dynamique et territorialisée. Ces structures d'avant-garde en matière de gouvernance sont fondées sur le principe « une personne, une voix ». Dans la nouvelle phase qui s'ouvre pour notre économie, la performance d'une entreprise ne pourra se réduire à sa seule dimension économique et financière. Ce mode d'entreprendre, qui intègre donc une gouvernance spécifique, génère également des innovations indispensables pour la relance de notre économie.

Selon un sondage récent, 85 % des salariés et des dirigeants pensent que les coopératives comme les SCOP sont des entreprises d'avenir et doivent prendre de l'importance. Ce mode d'entreprendre est donc de plus en plus connu et les attentes des salariés évoluent. La coopération est l'une des réponses à ces attentes.

SMART-La Nouvelle Aventure a en effet connu quelques déboires. Mon cabinet a demandé que soit organisée une conciliation avec le ministère du travail. La société SMART et sa filiale La Nouvelle Aventure avaient un compte employeur actif auprès du Centre national de recouvrement cinéma-spectacle et, à ce titre, produisaient des attestations employeurs mensuelles (AEM) permettant aux salariés dits intermittents de bénéficier d'ouvertures de droits au titre de l'assurance chômage. À la suite d'une enquête de l'Inspection du travail, il est apparu à Pôle emploi que la société SMART et sa filiale n'étaient pas habilitées à disposer d'un compte employeur auprès du Centre national de recouvrement cinéma-spectacle et ne pouvaient donc plus produire les AEM. D'un point de vue juridique, cela ne fait aucun doute, La Nouvelle Aventure ne répondant pas à la définition juridique d'un producteur de spectacles. Néanmoins, la décision de l'Inspection du travail était lourde de conséquences pour des entrepreneurs salariés qui, en toute bonne foi, avaient rejoint cette coopérative d'activités et d'emploi en espérant y gagner une plus grande protection et entraide. Dans ces conditions, je n'ai pu que constater, au nom du Gouvernement, les relatives insuffisances du statut de coopérative d'activités et d'emploi créé par la loi de juillet 2014. Si ce texte, dont je me réjouis, a permis de légaliser ces organisations, il comporte quelques lacunes qu'il nous faut pallier.

C'est pourquoi, à la suite de mes échanges avec le ministère du travail et Pôle emploi, le Gouvernement a fait en sorte qu'à compter du 1er octobre 2020, les 4 000 intermittents du spectacle concernés par cette coopérative disposent de leurs droits acquis ouverts.

Par ailleurs, avec la ministre du travail, Mme Élisabeth Borne, j'ai missionné l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l'Inspection générale des finances (IGF) afin qu'elles rendent rapidement un travail sur les possibles aménagements et améliorations qu'il conviendrait d'apporter au statut des coopératives d'activités et d'emploi, qui sont, je le crois, un modèle d'avenir à consolider et à mieux faire connaître au sein de l'appareil d'État, de l'administration, d'opérateurs comme Pôle emploi. J'informerai les parlementaires des conclusions de cette mission qui, je le précise, concerne également les SCIC.

Madame Melchior, l'intéressement est fondé sur la performance des salariés pour améliorer la rentabilité et la productivité de l'entreprise. Entre nous, ces notions semblent contradictoires avec le principe même de lucrativité limitée qui anime toutes les structures de l'ESS, dont chacun sait combien elles se préoccupent d'abord de leurs performances sociales, non financières, environnementales, et combien la juste répartition des salaires est dans leur ADN. Dans une SCOP, le profit est ainsi partagé en trois : pour les réserves de l'entreprise, pour les associés sous forme de dividendes, pour les salariés sous forme de participation et d'intéressement.

De mon point de vue, l'intéressement n'est peut-être pas le meilleur outil pour aborder la question du partage de la valeur dans l'ESS. En revanche, je suis ouverte aux différents moyens permettant de mieux valoriser et récompenser les performances des salariés dans les associations et, plus largement, dans les structures de l'ESS. Vous y travaillez dans le cadre de votre mission avec M. Potier, mais c'est aussi le cas d'autres parlementaires comme Mme Motin, notamment sur le volet intéressement et actionnariat salarié. Je serais ravie d'en parler avec vous.

Monsieur Sempastous, comment conclure des partenariats plus « costauds » entre les collectivités locales, l'État et les financeurs afin que les porteurs de projets de l'ESS puissent changer d'échelle ? Eh bien, c'est précisément la vocation des contrats à impact !

S'agissant de la place et du rôle de l'ESS en milieu rural, on compte 162 000 personnes salariées dans un peu plus de 22 000 établissements, ce qui représente environ 18 % des emplois privés ruraux. La moitié des emplois ont trait à l'action sociale, dans des territoires qui sont à la fois exposés à l'isolement des seniors et confrontés au défi de l'accueil de populations jeunes ou précaires. L'ESS est surreprésentée dans l'aide à domicile, l'hébergement social et médico‑social ; elle est indispensable pour le maintien du lien social et des solidarités. Par son ancrage territorial, les valeurs qu'elle porte et les dynamiques de coopération qu'elle impulse, elle propose un modèle économique viable en milieu rural – je signale d'ailleurs que l'emploi a augmenté de 5 % entre la crise de 2008 et aujourd'hui dans l'ESS en milieu rural. L'ESS invente des solutions pertinentes pour relever les défis du développement local. J'étais, il y a quelques semaines, en visite dans la magnifique vallée de la Drôme, chez votre collègue Célia de Lavergne. J'ai vérifié, à cette occasion, combien l'économie sociale et solidaire était indispensable pour revitaliser et animer les territoires ruraux, avec des initiatives comme Villages vivants, les organismes de foncier solidaire, la foncière agricole Terre de liens, les tiers lieux ou encore les épiceries associatives et SCIC de centre-ville.

Et donc oui, Monsieur Travert, l'ESS est une réponse à la crise – j'ai évoqué sa résilience – et oui, elle est susceptible d'inventer de nouvelles formes d'échanges, parce qu'elle est toujours à la pointe de l'innovation sociale. L'essor des tiers-lieux durant ces dernières années en est un bon exemple. Le Gouvernement soutient ce mouvement. Un peu moins de 2 000 tiers-lieux ont été recensés par France tiers lieux ; une enveloppe de 45 millions d'euros est affectée à leur développement dans le plan de relance, dont 30 millions destinés aux acteurs de l'ESS. S'il existe dans vos circonscriptions des projets de tiers-lieu ayant une dimension environnementale, sociale ou solidaire, n'hésitez donc pas à me le faire savoir – je dois rencontrer Mme Jacqueline Gourault dans quelques jours pour travailler sur ce dossier. Aujourd'hui, les candidats aux appels à manifestation d'intérêt (AMI) du Gouvernement pour financer des tiers-lieux sont en grande majorité des associations, des entreprises de l'ESS – pour un peu moins de 10 % – et quelques ESUS. Les deux tiers des tiers-lieux se revendiquant de l'ESS sont portés par des associations ; ils comptent parmi les meilleures initiatives sociales liées à l'ESS.

Je vous signale au passage que nous allons prochainement rassembler, pour une meilleure information, l'ensemble des appels à projets sur le site de Bercy, voire sur un site dédié, afin que les acteurs de l'ESS n'aient pas à consulter l'ensemble des sites ministériels pour trouver les appels à projets. Dès que ce sera fait, je vous en informerai.

Monsieur Lagleize, je soutiens fortement la dynamique qui permet d'affecter une partie des fonds du LDDS au financement des entreprises de l'ESS, soit directement, soit par le truchement de fonds solidaires. Un arrêté de 2020 prévoit que la quote-part minimale est de 5 % de l'épargne non centralisée à la Caisse des dépôts et consignations, c'est-à-dire incluse dans le bilan des banques. Faut-il faire davantage ? Je le pense, mais ce n'est pas parce que je suis à Bercy que je ne suis pas contrainte de documenter mes demandes – je le suis même trois fois plus ! C'est ce que nous sommes en train de faire. M. Bruno Le Maire et moi avions d'ailleurs répondu à une question écrite du député Éric Alauzet que nous allions faire établir par la Banque de France des statistiques précises pour dresser un premier bilan dans cette perspective. Ce travail est en cours. Soyons clairs : si ce bilan montre que le seuil de 5 % n'est plus adapté aux besoins de financement de l'ESS, j'échangerai avec les représentants du secteur bancaire et je saisirai le Conseil supérieur de l'économie sociale et solidaire pour qu'il propose des mesures en vue d'un rehaussement du seuil jusqu'à éventuellement 10 %. Bien que je sois plutôt pessimiste de nature, je pense que nous avons de bonnes marges de manœuvre sur ce dossier, si tant est que nous soyons capables de le documenter.

Pour terminer sur la question de la fiscalité, le don est défiscalisé dès lors qu'il va à une association.

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