La commission des affaires économiques a auditionné, en visioconférence, Mme Olivia Grégoire, secrétaire d'État, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable.
Sans que la chaleur et le sérieux qui règnent dans cette commission soient affectés par la visioconférence, nous sommes heureux, Madame la secrétaire d'État, de vous auditionner aujourd'hui, après plusieurs reports. Ce décalage ne tombe pas si mal, puisqu'il va vous permettre, non seulement de nous présenter votre feuille de route, mais aussi de faire le point sur les mesures que vous avez annoncées de soutien au tissu social et solidaire, particulièrement important en France dans cette période extrêmement difficile.
Si l'intitulé de votre secrétariat d'État renvoie à l'économie sociale et solidaire (ESS), qui nous intéresse beaucoup, il y a été ajouté, à votre demande j'imagine, l'adjectif « responsable », ce qui n'est pas anodin. Il me semble essentiel, en effet, de jeter un pont entre l'économie sociale et solidaire et l'économie en général, que nous souhaitons plus responsable, et de veiller à sortir des querelles de chapelles pour que la responsabilité sociale et environnementale s'impose peu à peu dans l'ensemble des entreprises françaises et européennes. Nul doute que votre action y contribuera.
Je suis honorée et très heureuse de voir sur mon écran nombre de visages associés à de très bons souvenirs. Je sais l'importance qui est accordée au sein de cette commission, et plus largement au Parlement, à l'économie sociale et solidaire ainsi qu'à la responsabilisation de l'économie. Nous avions beaucoup travaillé, voire bataillé, durant l'examen du projet de loi relatif au plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) – vous êtes bien placé pour le savoir, Monsieur le président, puisque vous en étiez le rapporteur général. Je dois dire que je suis fière du chemin qui a été parcouru depuis deux ans. La loi a été votée, non sans difficultés d'ailleurs ; c'est une loi importante, qui a permis, notamment par son chapitre III, d'enclencher la responsabilisation de l'économie. Elle continue de vivre et infuse dans l'économie française, engageant un certain nombre d'évolutions.
Vous l'avez souligné, ce secrétariat d'État nouvellement créé associe l'économie sociale et solidaire à l'économie responsable. On pourrait croire qu'il s'agit d'une évolution sémantique ou cosmétique, mais il n'en est rien ; cela ne marque pas non plus une transformation radicale de l'économie sociale et solidaire. Il s'agit bien d'un double portefeuille. D'un côté, il y a l'écosystème de l'économie sociale et solidaire, délimité par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite « loi Hamon ». Quelles que soient les difficultés conceptuelles ou techniques que soulève cette dernière, elle a eu le grand mérite de réunir sous un même toit les cinq familles de l'économie sociale et solidaire. C'est une économie à part, et il était important qu'un département ministériel s'en fasse le relais ; et comme c'est une économie à part entière, il était normal que ce département soit rattaché à Bercy. De l'autre côté, il y a le reste de l'économie, qui est, en quelque sorte, définie par défaut comme ce qui n'appartient pas au secteur de l'économie sociale et solidaire. Beaucoup d'entreprises ont fait preuve, ces dernières années, d'une réelle volonté d'évoluer, voire de changer de modèle, en s'inspirant de ce que fait l'économie sociale et solidaire : évoluer d'une économie de la valeur vers une économie des valeurs.
Cette volonté procède de trois besoins. D'abord, les exigences des consommateurs en matière de traçabilité, de circuits courts et de transparence sont de plus en plus élevées et, oserai-je dire, légitimes. Ensuite, nombreux sont les épargnants et investisseurs en quête, non seulement de rentabilité, mais aussi d'utilité sociale, environnementale et d'implication solidaire. Enfin, les salariés, à la recherche de sens, souhaitent de plus en plus évoluer dans des entreprises engagées, elles-mêmes cherchant à attirer de nouveaux talents. Bref, si je devais présenter cette économie des valeurs qu'est l'économie sociale et solidaire, je dirais qu'elle est dans le sens de l'histoire.
Ce mouvement de fond, auquel nous avons donné ensemble une impulsion décisive dans le cadre de la loi PACTE, il importe de l'entretenir et de le consolider ; ce sera aussi mon rôle. L'économie sociale et solidaire, et le reste de l'économie sont deux univers a priori séparés, mais mon ambition est de jeter des passerelles entre eux. L'ESS, je l'ai dit, est une économie à part, elle n'a pas vocation à se fondre dans le reste de l'économie. Les associations, les coopératives et les entreprises sociales ont leur spécificité, qu'il convient de préserver, voire de renforcer. Néanmoins, ce sont aussi des entreprises à part entière, et elles doivent, à ce titre, pouvoir bénéficier de plein droit des aides disponibles, par exemple celles auxquelles toutes les entreprises ont accès durant cette crise, et travailler étroitement avec les autres acteurs économiques. La spécificité de l'économie sociale et solidaire n'est ni une tare – loin de là – ni une prison, c'est plutôt un supplément d'âme.
La question est d'autant plus importante que, dans la crise actuelle, l'économie sociale et solidaire a fait preuve de résilience, d'une capacité de rebond, et cela précisément parce qu'elle est spécifique. Son indépendance envers les investisseurs, son agilité, les particularités de son organisation lui ont permis de tenir, de traverser un peu mieux la crise. Ne nous voilons pas la face pour autant, si sa spécificité la renforce, elle la fragilise aussi. La faiblesse des fonds propres et de la trésorerie, notamment dans les associations, est plus qu'un sujet d'inquiétude, c'est un mal chronique qu'on observe depuis des années.
Je voudrais rappeler ce qui a été fait pour soutenir les acteurs de l'économie sociale et solidaire. Dès le début de la crise, nous avons veillé à ce que l'ensemble des acteurs de l'ESS, sans exception, soient éligibles aux dispositifs d'urgence. Nous avions noté, lors de l'examen des premiers projets de loi de finances rectificative, des difficultés pour que les acteurs associatifs puissent accéder au fonds de solidarité. Depuis, ces difficultés ont été levées : toutes les aides sont désormais accessibles à l'ensemble des acteurs de l'ESS. Ceux-ci peuvent bénéficier du chômage partiel, des exonérations de cotisations et du soutien procuré par le prêt garanti par l'État (PGE) et les avances directes de l'État – d'un montant de 10 000 à 50 000 euros pour une enveloppe globale de 500 millions d'euros – pour les acteurs économiques qui n'aurait pas eu accès au PGE. Ils sont, en outre, éligibles aux dispositifs d'aides sectorielles spécifiques, par exemple dans le domaine de la culture, du sport ou du tourisme social.
En dehors des mesures de réponse à la crise, 1,3 milliard d'euros sont fléchés vers l'économie sociale et solidaire dans le cadre du plan de relance, en deux grosses masses. L'une est consacrée à soutenir l'emploi dans et pour les structures d'économie sociale et solidaire : 600 millions d'euros sont destinés à l'insertion professionnelle, à raison de 200 millions pour l'insertion par l'activité économique (IAE), 200 millions pour les parcours emploi compétences et 190 millions pour les missions locales, l'accompagnement des jeunes en service civique et les associations sportives. En parallèle, un demi-milliard d'euros environ est consacré à l'investissement direct dans les structures d'économie sociale et solidaire au sein des territoires : 230 millions par l'intermédiaire de Bpifrance, avec notamment 130 millions d'euros de prêts d'honneur solidaires activables depuis plusieurs mois, auxquels s'ajoutent 300 millions prévus par la convention signée début novembre avec la Caisse des dépôts et consignations pour activer la Banque des territoires au service de l'ESS. À cela s'ajoutent des enveloppes sectorielles importantes pour faire face à l'urgence – je pense notamment aux 100 millions d'euros destinés aux associations de lutte contre la pauvreté.
La crise n'est évidemment pas finie, nous en sommes tous conscients. J'ai donc lancé, en liaison avec M. Bruno Le Maire, une cellule de crise avec toutes les têtes de réseau ; je la réunis chaque semaine pour faire le point sur les demandes et souhaits de l'écosystème de l'ESS et diffuser les informations concernant les aides disponibles. Mais j'ai souhaité aller encore plus loin. Comme j'avais anticipé les difficultés que rencontreraient les petites associations employant moins de dix salariés, lesquelles, en raison notamment de la baisse de leur activité, ont vu leur trésorerie fondre comme neige au soleil, il a été créé, par l'intermédiaire d'un amendement du Gouvernement au quatrième projet de loi de finances rectificative (PLFR4) – et je remercie les parlementaires de l'avoir adopté –, un fonds d'urgence de 30 millions d'euros destiné aux petites structures de l'économie sociale et solidaire.
La situation est difficile pour tous les acteurs économiques. Lancer le mois de l'ESS dans ces conditions n'a pas été forcément facile, mais nous avions décidé de ne pas « confiner » l'ESS et, malgré le confinement, pas mal d'actions ont été menées. Notre économie est mise à rude épreuve, et l'économie sociale et solidaire l'est tout autant ; néanmoins, je pense qu'elle trouve là une occasion unique de montrer sa différence et de prouver sa force dans un contexte d'économie déboussolée – parce que s'il y a une économie qui ne perd pas la boussole, c'est bien l'économie sociale et solidaire. Sa vision du profit, du salarié et de la gouvernance est une vision d'avenir. D'ailleurs, le reste de l'économie s'en rend bien compte. Les citoyens, qu'ils soient salariés, actionnaires ou clients, demandent plus à l'entreprise : ils exigent d'elle un engagement dont l'ESS fait la démonstration au quotidien.
Il faut donc à la fois encourager toutes les entreprises à se rapprocher de l'économie sociale et solidaire et inciter celles qui en font déjà partie à y rester et à grandir. L'État peut accompagner ce changement l'échelle. À cette fin, j'ai relancé les contrats à impact, qui permettent notamment de renouveler en partie notre approche en faisant confiance à des porteurs de projets, souvent des associations ou des entreprises agréées « entreprise solidaire d'utilité sociale » (ESUS), qui ont un projet innovant sur le plan social ou environnemental, ayant fait ses preuves au plan local, mais qui a besoin d'un coup de pouce financier pour se développer. Il s'agit donc de mettre en œuvre à grande échelle des solutions qui ont montré leur pertinence et leur utilité sociale ou environnementale sur le terrain, et d'attirer de nouveaux financements issus d'investisseurs privés.
Je souhaite aller plus loin encore et contribuer à la définition de l'impact. Vous aurez peut-être noté qu'il ne se passe pas un jour sans qu'un média, notamment la presse écrite économique, évoque ce terme : le mot « impact » est partout. Toutefois, ce n'est pas parce qu'un mot est à la mode qu'il représente la même chose pour tout le monde ; je pense même qu'il y a presque autant de définitions de l'impact que de projets à impact. Si l'on veut que cette notion dure, il faut se mettre d'accord sur une définition.
La finance à impact représente une troisième voie entre la finance solidaire désintéressée et la finance traditionnelle qui recherche le profit. Elle permet de répondre à la volonté, aussi forte que légitime, chez les épargnants actuels d'investir de façon à la fois durable et rentable. De multiples fonds à impact émergent sur la place de Paris, qui rendent opportun de consolider, dans les prochains mois, une vision française de la finance à impact, qu'il faudra promouvoir dans le dialogue européen – car ce combat doit assurément être mené au plan européen, principalement dans le cadre de la révision de la directive relative à la publication par les entreprises d'informations non financières, dite « directive NFRD », en vue de faire apparaître leur impact environnemental, social et de gouvernance (ESG).
Un référentiel sera disponible en avril 2021. Il faudra travailler en bonne intelligence avec les autres États membres pour bâtir ensemble le E, le S et le G européens. C'est pourquoi je pense qu'il faut prendre garde aux initiatives foisonnantes, même si elles sont extrêmement stimulantes et plutôt malignes, poussant à la définition d'indicateurs d'impact ESG à l'échelon de la seule France, sans prendre en considération les spécificités de chaque secteur, de chaque taille d'entreprise ou de chaque pratique économique dans le cadre européen. Si je me réjouis de l'engouement pour ces outils de scoring, car cela va dans le sens de l'histoire et qu'il existe en France nombre de propositions fort pertinentes, je souhaiterais que nous restions vigilants et que nous n'allions pas trop vite en matière de définition de la norme – non que je n'aime pas la rapidité, bien au contraire, mais parce qu'il me semble que créer une norme française avant de créer une norme européenne, c'est faire les choses à l'envers et, par conséquent, perdre du temps.
L'économie sociale est née – on ne le sait pas assez – au XIXe siècle en France. C'est à Lyon qu'a été créée, en 1835, la première épicerie solidaire ; c'est en France que des modes d'organisation alternatifs ont été imaginés face au développement de l'économie de marché – associations, mutuelles, coopératives. L'économie solidaire s'est consolidée et affermie au XXe siècle pour valoriser des modes de production alternatifs à la mondialisation : le commerce équitable, l'insertion par l'activité économique, les circuits courts. Je crois que l'économie responsable sera le défi du XXIe siècle. Il nous faut inventer une nouvelle forme d'entreprendre qui allie performance économique et responsabilité sociale, en considérant que l'on peut faire de l'économie sociale et solidaire, que l'on peut être un acteur de l'économie sociale et solidaire ou que l'on peut être un acteur économique ayant une mission sociale et solidaire. Ce défi – mon défi – est, en d'autres termes, de montrer que l'on peut créer de la valeur tout en renforçant ses valeurs.
Depuis votre prise de fonctions en juillet, nous avons de quoi nous réjouir de la place prise désormais par l'économie sociale et solidaire, avec un secrétariat d'État dédié, l'évolution de la maquette budgétaire et un rattachement à Bercy, qui lui donne symboliquement et concrètement une place complémentaire aux côtés de l'économie plus classique.
L'ESS prend toute sa place aujourd'hui, dans la triple crise, sanitaire, économique et sociale, qui touche les Français, notamment avec le besoin d'accompagnement et de prise en charge qu'ont provoqué la hausse de la pauvreté et l'augmentation du chômage. Par la nature de ses structures autant que par ses champs d'activité, l'économie sociale et solidaire est très sollicitée, mais elle est aussi très touchée, malgré sa résilience réelle, par la conjoncture. Elle prend tout son sens à la fois dans la crise, par le soutien à nos concitoyens, et, demain, dans la relance économique.
Pour permettre à l'ESS de s'engager pleinement dans ces enjeux et de changer d'échelle, son financement est un paramètre important, qui comporte une marge de progression certaine. L'investissement et l'épargne solidaires devront être dynamisés. À cet égard, je salue votre volontarisme qui nous a permis de prolonger le taux majoré à 25 % de la réduction d'impôt au titre des souscriptions en numéraire au capital de petites et moyennes entreprises non cotées ou d'entreprises solidaires d'utilité sociale (IR-PME ESUS) et de relever à 13 000 euros le plafond des avantages fiscaux pour les investissements solidaires.
Comment comptez-vous créer les passerelles dont vous avez parlé dans votre feuille de route, et mieux faire connaître l'ESS ? Pensez-vous pouvoir influencer les préfets à la relance pour chercher une hybridation des projets qui permette le déploiement de synergies dans les territoires ?
Pourriez-vous préciser les perspectives que vous souhaitez donner au dispositif local d'accompagnement (DLA) et aux pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) ainsi que les effets que vous en attendez ?
Dans ma région, l'Alsace, la crise sanitaire a eu de fortes répercussions économiques pour près de 200 000 salariés. Les acteurs de l'économie sociale et solidaire ont été également frappés.
L'ESS, qui place l'humain au cœur de son activité, est un véritable projet de société, très bénéfique pour l'emploi et le développement des territoires. Souvent parmi les plus petites entreprises du secteur, de nombreux acteurs associatifs impliqués dans les secteurs de la culture, de l'animation ou du sport, subissent l'annulation de toutes leurs activités, ou presque, y compris de manifestations et festivités bien nécessaires à leur visibilité comme à leur rentabilité. Celles-ci contribuaient à l'équilibre financier de ces structures, leur permettant de maintenir des emplois ici ou là. Avec ces annulations, c'est toute la vie sociale qui disparaît, laissant les bénévoles désœuvrés.
Les nombreuses mesures prises vont globalement dans le bon sens, notamment le dispositif d'activité partielle. Il faut également saluer la responsabilité des collectivités territoriales, qui ont souvent maintenu des subventions et des fonds d'aide aux associations. C'est le cas du département du Haut-Rhin.
Le fonds d'urgence de 30 millions d'euros dont vous avez annoncé le lancement s'adressera-t-il aux groupements d'employeurs et aux associations, nombreuses dans ma circonscription, qui emploient plusieurs dizaines de salariés dans le secteur de l'animation et des métiers du sport ?
Une réunion s'est tenue hier à l'Élysée sur la thématique du sport, notamment du sport amateur. Avez-vous des informations sur d'éventuelles avancées pour ce secteur important de l'ESS et de l'économie en général ?
Au nom du groupe du Mouvement démocrate (MoDem) et démocrates apparentés, je salue, à mon tour, la création d'un secrétariat d'État à l'économie sociale, solidaire et responsable, et votre nomination à sa tête.
Beaucoup reste à faire pour soutenir les acteurs de terrain de l'ESS, qui ont une connaissance et une expertise uniques des problématiques locales et spécifiques aux territoires. À cet égard, les contrats à impact, qui constituent une forme inédite de partenariats public-privé à finalité sociale et environnementale, représentent un véritable changement d'approche et de perspective dans la conduite de nos politiques publiques. Ces contrats à impact devraient favoriser l'émergence de projets sociaux et environnementaux innovants, afin de faire changer d'échelle des solutions efficaces aux problèmes identifiés sur le terrain : réemploi et réduction des déchets, lutte contre le gaspillage, inclusion sociale ou encore retour à l'emploi.
Comment se fera la sélection des projets ? Les appels à projets sont-ils ouverts à tout type de structures, même les plus petites comme les épiceries solidaires, les ressourceries ou les tiers lieux ? Comment sera fixée la rémunération des investisseurs ? Quels types d'investisseurs attendez-vous ? Par ailleurs, qui procédera à l'évaluation des projets, et sur quels critères ?
En tout cas, nous saluons le dispositif, qui permettra de diversifier les sources de financement des acteurs de l'ESS, et nous espérons qu'il puisse bénéficier aux plus petites structures également, notamment en milieu rural.
Madame la secrétaire d'État, je me réjouis de pouvoir échanger avec vous, comme nous l'avons fait pendant la discussion de la loi PACTE, dans le cadre du continuum législatif – et peut-être idéologique – qui existe sur les questions d'économie sociale depuis une décennie. La question clé est de savoir si ce quinquennat aura été un faux plat ou une période d'avancées et de ruptures. Tout nous y invite : les risques de fracture sociale dans notre pays et la conscience d'une crise écologique majeure nous forcent à reconsidérer notre modèle de développement. C'est le moment, non pas de rester sur un faux plat, mais d'accélérer.
Je salue sincèrement votre engagement et ne discute pas les moyens que France relance met au service de l'économie sociale, pour que celle-ci contribue à la relance économique et à la solidarité sociale sur le terrain. Je reste toutefois dubitatif quant au refus global du Gouvernement d'engager ce qui aurait pu être une passerelle entre une économie plus responsable et le laboratoire grandeur nature que représente l'ESS. Il n'a pas entendu nos propositions de contreparties, alors qu'elles étaient formulées en variantes qui auraient pu être négociées. Nous regrettons profondément que tel n'ait pas été le cas.
Pour ce qui concerne la taxonomie de la responsabilité sociale des entreprises (RSE), l'agrément ESUS est en panne : c'était une belle intuition, mais qui n'a pas prospéré. Le nouvel horizon est plutôt celui d'un label de RSE, qui serait reconnu publiquement. Le groupe Socialistes et apparentés estime, pour sa part, qu'il devrait être un label public.
Vous avez choisi la voie européenne ; je veux vous en dire mon regret. Si vous aviez accepté ce que nous proposions dans PACTE et, dès 2017, dans la proposition de loi Entreprise nouvelle et nouvelles gouvernances, nous aurions déjà un an, voire trois, d'expérimentation. Or la voie européenne laisse espérer un texte pour 2022 au mieux, et une transposition dans les différents États membres vers 2024 ou 2025. Faute d'avoir pris l'initiative d'une expérimentation française en matière de certification RSE, nous avons perdu non seulement du pouvoir d'influence en Europe mais également cinq ans d'initiatives dans notre propre pays. Je le regrette profondément.
Quelle est la nature de votre plaidoyer concernant le critère déterminant de la future taxonomie de la RSE à l'échelle européenne ? Dans les négociations que vous entamez, quelle part comptez-vous donner au partage de la valeur, sans lequel tout le reste est littérature ?
Le groupe Agir ensemble salue la création d'un secrétariat d'État à l'économie sociale, solidaire et responsable, et votre nomination. Nous vous savons très volontaire en cette matière et ne doutons pas, au regard de vos activités antérieures, de votre capacité à faire travailler ensemble les deux mondes de l'économie classique et de l'économie sociale et solidaire.
La loi PACTE a donné un cadre législatif aux entreprises à mission, en leur conférant un objectif statutaire supplémentaire, notamment en matière sociale ou de protection de l'environnement. Avez-vous un recul concernant la dynamique ainsi créée ? Combien d'entreprises ont rajouté une mission à leur statut ? Combien ont été créées sous ce statut ?
La précédente directive sur les informations non financières des entreprises a montré ses limites : aucun indicateur extra-financier n'étant obligatoire, les comparaisons étaient impossibles. Dans le cadre de la révision de cette directive, toutefois, il faut veiller à ne pas alourdir la charge administrative des entreprises françaises, déjà plus importante que celles des entreprises classiques et des autres entreprises européennes. Êtes-vous favorable à une application extraterritoriale des futures normes européennes en la matière ? Comment pourraient-elles s'appliquer ? Cela aurait le mérite de créer un jeu concurrentiel plus équitable. Qu'en pensez-vous ?
Quels autres objectifs la France porte-t-elle dans les négociations européennes ?
Les acteurs de l'économie sociale et solidaire jouent un rôle clé dans la gestion de la crise, en intervenant dans des secteurs aussi divers qu'essentiels – l'accompagnement social, l'aide aux plus âgés, la fourniture de nourriture et d'équipements de prévention. À l'instar des entreprises classiques, elles souffrent des conséquences de la crise. L'arrêt des commandes publiques, l'allongement des délais de paiement, la baisse du chiffre d'affaires et la chute des dons, tout cela risque de remettre en cause leur modèle économique.
Des dispositifs d'accompagnement existent, en particulier le fonds de solidarité, mais force est de constater que les structures de l'ESS n'y ont que faiblement recours, de même qu'aux fonds d'urgence régionaux. Quelles actions menez-vous pour augmenter les taux de recours et faciliter l'accès aux différents dispositifs d'aide ?
S'agissant des contrats à impact social, quel est le calendrier prévisionnel des appels à projets ? Après l'inclusion dans l'emploi et l'accompagnement des personnes sans abri, quelles seront les prochaines thématiques ?
Au niveau européen, où en sont les négociations pour créer un référentiel commun en matière de performance extra-financière ? Quels sont les points de crispation ?
Madame la secrétaire d'État, c'est une question de ma sœur que je vais vous poser – vous avez de la chance, elle est beaucoup plus gentille que moi. Elle a certes fait une école de commerce, mais elle a quand même bien tourné puisqu'elle a été présidente de l'Union régionale des Scop Rhône-Alpes. Elle dirige aujourd'hui une coopérative. Si le monde était bien fait, elle serait secrétaire d'État à votre place, voire ministre à la place de M. Bruno Le Maire – mais nous ne referons pas le Gouvernement aujourd'hui. Je lui prête donc ma voix.
Madame la secrétaire d'État, le Gouvernement et vous-même avez promu les entreprises à mission, qui intègrent une raison d'être dans leurs statuts. On ne peut qu'apprécier cette évolution de l'économie : les entreprises poursuivent des enjeux sociaux et environnementaux, au-delà du profit. Le risque est que les entreprises l'utilisent comme un prétexte, à des fins de marketing et d'image. Car quelles obligations figurent dans la loi ? Aucune. Quelles contraintes, quelles sanctions subiront ces rares entreprises à mission si elles continuent de placer le profit au-dessus de tout le reste ? Aucune. Au pire, elles se verront retirer leur label d'entreprise à mission. Leurs conseils d'administration doivent en trembler d'angoisse – ça, c'est moi qui l'ajoute.
À l'image des sociétés coopératives, les entreprises à mission devraient respecter trois principes forts. Premièrement, les parties prenantes du projet devraient être associées majoritaires dans la direction d'entreprise – dans les entreprises traditionnelles et dans les entreprises à mission, les actionnaires détiennent la totalité des voix. Deuxièmement, la richesse créée devrait être partagée équitablement, non engloutie par les seuls actionnaires. Troisièmement, ces entreprises devraient constituer une réserve impartageable – c'est le dada de ma sœur –, et n'être ni revendables, ni délocalisables. Sans ces trois principes, le concept d'entreprise à mission demeure vide.
En même temps, votre Gouvernement ne lance aucun signal fort en direction des coopératives, qui portent tout cela, alors que les idées ne manquent pas. Pourquoi ne pas créer un fonds pour soutenir les transmissions d'entreprises, saines ou en difficulté, aux salariés ? Pourquoi ne pas empêcher les joint ventures afin que les start-ups ne soient pas vendues à des fonds anglo-saxons, pour garder la valeur et les emplois numériques sur le territoire ?
Vous voyez, c'est gentil.
Me montrant tout aussi gentil que M. François Ruffin, je commencerai par vous féliciter, Madame la secrétaire d'État, et vous encourager. C'est un plaisir que de vous voir habitée par la volonté de bien faire, de servir ce secteur de l'économie sociale et solidaire.
Les entreprises de l'économie dite ordinaire, notamment les plus petites d'entre elles, rencontrent des difficultés pour accéder au crédit, aux financements. Dans le contexte que nous connaissons, le Gouvernement a imaginé le plan de relance, dont le plus gros volet a trait à la cohésion sociale, avec 36 milliards d'euros. Vous avez évoqué 1,3 milliard attribué au secteur de l'économie sociale et solidaire. Dans ce foisonnement de dispositifs, comment faciliter et fluidifier l'accès du secteur de l'économie sociale et solidaire aux financements nationaux comme aux fonds européens ? J'imagine que vous nous parlerez des sous-préfets à la relance, qui agissent dans les territoires.
Le Gouvernement a annoncé un pacte de croissance de l'économie sociale et solidaire en novembre 2018, avec la volonté d'améliorer l'éligibilité des entreprises de l'économie sociale et solidaire à la commande publique. Quel bilan en tirez-vous ? Le cadre juridique actuel est-il protecteur, facilitateur, voire avantageux pour les entreprises de l'ESS ?
Dans cette crise sanitaire et économique, les limites du modèle économique se révèlent jour après jour. Après des années à accompagner les délocalisations au nom de la compétitivité, la relocalisation de l'économie semble devenir prioritaire. La préparation de l'après-crise doit donc correspondre à celle de l'après‑capitalisme : nous ne pouvons continuer dans la course folle au profit. L'économie sociale et solidaire est un chemin intéressant pour avancer vers le monde de demain, dans le respect des hommes et de la planète. Elle permet de développer des emplois non délocalisables et qui ont du sens.
À l'heure où les plans de suppression d'emplois se succèdent à une vitesse effrénée, je voudrais vous faire une proposition : un droit de préemption des salariés, à l'instar de ce qui existe pour les locataires.
Concrètement, les salariés seraient prioritaires pour reprendre leur usine ou leur entreprise, sous forme de coopérative. Nous avons en tête l'exemple positif des ex-Fralib, qui, après 1 336 jours de grève, ont pu reprendre leur usine vouée à la fermeture, pour conserver un savoir-faire et des emplois. L'État pourrait être moteur dans ce type de projet, pour accompagner les salariés, pour accorder les fonds nécessaires – aussi utiles qu'aux plans de soutien aux grandes entreprises, dont les contreparties en termes d'emploi se font souvent attendre –, comme pour aider les tribunaux de commerce à prendre en compte l'intérêt de maintenir l'entreprise dans le territoire sous forme de SCOP dans l'étude des projets de reprise. Ce n'est pas le montant du chèque de reprise qui doit primer, mais bien l'intérêt du territoire et de l'emploi.
Permettez-moi, au préalable, de remercier, en toute amitié républicaine, la sœur de M. François Ruffin pour la gentillesse de sa question. Si j'ai bien compris, elle dirige une société coopérative d'intérêt collectif (SCIC) – j'y reviendrai.
Les contrats à impact me paraissent une initiative utile à relancer, moyennant quelques modifications tendant à les simplifier, à les thématiser et à les professionnaliser. J'ai essayé de les rendre plus efficaces, plus souples et plus compréhensibles, mais la tâche est encore ardue, je ne le cache pas.
Je l'ai dit, je souhaite associer tous les parlementaires intéressés, qui désireraient faire remonter les projets éligibles de leur circonscription. Nous avons besoin de votre expertise, de votre vision et de votre connaissance des acteurs de l'ESS dans les territoires. Les retours sur le premier contrat à impact, lancé le 23 septembre, sont plutôt bons. Je donnerai des détails sur le prochain contrat et la cadence actuelle.
S'agissant de l'IR-PME, le débat parlementaire a eu lieu. Je salue la proposition que Mme Petel a fait adopter d'élever de 3 000 euros le plafond des niches fiscales de l'impôt sur le revenu (IR) au bénéfice des ESUS et des foncières solidaires. C'est un pas important pour le financement de l'ESS, auquel les acteurs ont été très sensibles. Prolonger le dispositif fiscal jusqu'en 2023 présenterait certes l'avantage de la stabilité, mais le DLA et les PTCE visent aussi à mobiliser un maximum d'investissements à court terme pour accompagner la relance de l'économie, et de l'économie sociale et solidaire. C'est la raison pour laquelle ils sont bornés jusqu'à la fin de 2021.
Pour ce qui concerne les projets de grande ampleur, au-delà de 1 million d'euros, leur financement entre précisément dans l'objet des contrats à impact. Dans l'écosystème de l'économie sociale et solidaire, un projet de plus de 1 million d'euros n'est pas ordinaire. C'est le rôle de l'État d'encourager les acteurs à se rassembler, à répondre ensemble aux appels à projets des contrats à impact, à former une coalition.
En dessous de la barre symbolique de 1 million d'euros, nous comptons également soutenir des projets d'envergure, avec l'appui de la Banque publique d'investissement (BPIfrance), qui cofinance avec l'État le Fonds d'innovation sociale (FISO), doté de 27 millions d'euros. Je souhaite que le FISO soit réabondé, pour encourager le financement de nouveaux projets porteurs pour le développement de l'ESS.
La nomination des sous-préfets à la relance, que nous suivons de très près avec mon cabinet, sera achevée en décembre. J'enverrai dès cette semaine un courrier à l'ensemble des préfets et j'organiserai des échanges nourris avec les sous-préfets à la relance, ce que j'ai déjà commencé à faire au fil des nominations.
Il s'agit de leur faire savoir, ainsi qu'aux préfets, que l'ensemble des acteurs de l'ESS est éligible aux aides de l'État. Ils doivent connaître certaines spécificités de l'ESS, notamment les structures telles que les coopératives d'activité et d'emploi (CAE) et les SCIC. Les administrations ne se sont pas approprié ces particularités, notamment en matière de gouvernance. J'ai échangé avec M. Benoît Hamon. Quelques précisions doivent être apportées concernant les CAE et les SCIC. Les services déconcentrés doivent savoir que les spécificités des acteurs de l'ESS ne sont en rien bloquantes pour accéder aux aides générales, et encore moins au plan de relance.
Les pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) sont l'un des éléments centraux de la feuille de route. Ce n'est pas parce qu'ils ont été créés en 2014 que je vais dire que ce n'était pas une bonne idée. Je crois aux PTCE. Ils sont au bon niveau pour permettre le brassage, les passerelles, les échanges au niveau local entre les acteurs départementaux et régionaux, ceux de l'économie traditionnelle et ceux de l'ESS. Il faut les soutenir davantage pour les stimuler. C'est pourquoi j'ai missionné le Labo de l'ESS, présidé par M. Hugues Sibille, qui doit nous rendre, d'ici à la fin de l'année, un rapport sur l'état des PTCE, assorti de préconisations pour les renforcer. Nous lancerons, dès le premier trimestre 2021, un appel à projets à destination des PTCE. Ces derniers sont véritablement, selon moi, au cœur de l'organisation territoriale.
Monsieur Hemedinger, l'économie sociale et solidaire est l'un des rares sujets où nous avons plus de points de convergence que de divergences, ce qui est appréciable. Le rôle des associations est absolument essentiel, aussi bien pendant les périodes de crise qu'en dehors. C'est pourquoi je me suis permis d'anticiper en proposant, dans le PLFR4, la création d'un fonds de 30 millions d'euros destiné à soutenir les petites associations employeuses. Elles pourront solliciter une aide allant de 5 000 à 8 000 euros, qui sera disponible dès le début de l'année 2021 et, surtout, très facile à activer. J'ai en effet remarqué, depuis que je suis à la tête de ce secrétariat d'État, que les acteurs de l'économie sociale et solidaire, qui sont très souvent tournés vers les autres, n'ont ni les ressources financières, ni le temps, ni forcément les ressources humaines disponibles pour rechercher des aides. On ne saurait donc se contenter de leur dire qu'elles peuvent disposer de tel ou tel dispositif : il faut s'attacher – et je m'y emploie – à leur indiquer où elles peuvent trouver l'aide, comment l'activer et, si elles n'y arrivent pas, qui contacter pour débloquer la situation. C'est un effort que nous devons aux acteurs de l'économie sociale et solidaire. Nous venons de lancer l'appel d'offres destiné à choisir l'opérateur qui sera chargé de distribuer ce fonds d'urgence de 30 millions d'euros.
Certains groupements d'employeurs associatifs, certaines structures plus grosses ne seront pas forcément couverts par le fonds d'urgence. Celui-ci a pour objet de réparer un « trou dans la raquette » au travers duquel passaient les petites associations employeuses n'ayant pas de fonds propres, ou très peu, ce qui leur rendait très difficile de demander un PGE à leur banque. De nombreux problèmes ont été signalés à cet égard avec le réseau bancaire. Force est de constater que les plus grosses associations ne vivent pas exactement la même réalité : elles sont mieux accompagnées par les acteurs bancaires, car elles ont plus de marges, à savoir davantage de trésorerie, des fonds propres mieux consolidés. Après avoir longuement échangé avec la Banque de France et la Fédération bancaire française (FBF), que j'ai mobilisées il y a quinze jours, j'ai obtenu des acteurs du secteur l'engagement qu'ils feraient preuve, jusqu'à la fin de l'année, d'une bienveillance envers les associations, quelle que soit leur taille. Cela permettra aux petites associations d'attendre que le fonds d'urgence soit déclenché et aux groupements associatifs ou aux plus grosses associations employeuses de bénéficier des enveloppes qui leur sont destinées dans le plan de relance, et qui seront décaissées dès le mois de janvier 2021 – 100 millions d'euros seront ainsi consacrés à l'aide à la pauvreté et 100 millions à l'hébergement d'urgence.
Le président de la FBF et le gouverneur de la Banque de France se sont engagés. Nous avons également mobilisé, avec le gouverneur de la Banque de France, l'ensemble des médiateurs du crédit dans les territoires pour accompagner les acteurs de l'ESS qui auraient besoin d'un moratoire, notamment les associations, le temps qu'elles obtiennent soit une aide au mois de novembre au titre du fonds de solidarité, soit un autre PGE, ou encore qu'elles bénéficient du fonds d'urgence pour les associations. Si, dans votre région, vous avez connaissance de problèmes rencontrés par des groupements d'employeurs, n'hésitez pas à me solliciter. Mes coordonnées sont connues, mais je suis prête à les redonner à tous à la fin de l'audition.
Nous travaillons main dans la main avec le ministère des sports. Dans le plan de relance, l'une des enveloppes pour l'ESS est destinée aux associations sportives. Pour faire face à l'urgence, des échanges approfondis ont eu lieu hier entre les représentants du monde du sport et le Président de la République, en présence notamment de M. Tony Estanguet. Un soutien de 400 millions d'euros a été acté. Enfin, je rencontrerai demain la ministre des sports pour faire le point très précisément sur la situation des associations sportives.
Madame Crouzet, nous relançons effectivement les contrats à impact dans une version modernisée et simplifiée, intégrant toutes les recommandations formulées par M. Frédéric Lavenir, président de l'Association pour le droit à l'initiative économique (ADIE), dans son rapport rendu en 2019, soit trois ans après la mise en œuvre des premiers contrats à impact social par Mme Martine Pinville – je n'ai rien inventé à cet égard, vous le savez. D'ailleurs, les Social Impact Bonds ont été inventés au Royaume-Uni, dans les années 2010, pour répondre à des besoins en lien avec la réinsertion des personnes sortant de prison. Dans un premier temps, ils étaient limités au domaine social et visaient à répondre à des besoins que l'État ne couvrait pas ou auxquels il répondait mal, soit par manque d'agilité soit parce que le problème en question était très spécifique ou concernait une cible particulière. Le contrat à impact naît donc avant tout d'une défaillance de l'État, mais il s'agit aussi d'un mode de financement innovant permettant de mieux répondre à certains besoins dans le domaine social et environnemental. Il s'adresse aux acteurs, notamment associatifs ou coopératifs, qui, sur le terrain, développent des idées innovantes, qui fonctionnent et sont utiles – comme des centres de tri ou des recycleries – mais qui ont du mal à trouver des fonds auprès des banques ou d'investisseurs pour accompagner leur développement.
Chaque appel à projets est lancé pour une politique publique spécifique et se voit allouer une enveloppe de 10 millions d'euros minimum par le ministère concerné. Le premier appel à projets, en partenariat avec l'Agence de la transition écologique (ADEME), concerne l'économie circulaire. Il a été lancé le 23 septembre et sera clôturé le 23 décembre. D'autres appels à projets viendront sur les thématiques de l'insertion dans l'emploi, de l'égalité des chances et possiblement de l'aide sociale à l'enfance.
Les appels à projets sont ouverts à tout type de structure – associations, entreprises sociales, ressourceries, épiceries solidaires –, mais il faut que la maille soit suffisante, car un contrat à impact apporte un financement important. L'État est à disposition pour aider les acteurs à répondre à l'appel d'offres : un centre de compétences a été installé pour leur permettre de satisfaire aux critères, notamment en se regroupant en consortiums. Les projets candidats sont examinés par un comité de sélection où siège le ministère de tutelle de l'appel à projets, mon secrétariat d'État coordonnant l'ensemble.
La rémunération des investisseurs, fixée lors de la contractualisation, résulte d'un accord entre l'État, l'opérateur et les investisseurs. L'enjeu est d'attirer ces derniers : ils prennent un risque en finançant un projet social qui peut se révéler peu rentable. Si la performance est au rendez-vous, une prime est versée. Les indicateurs de résultats, qui déterminent son montant, sont également élaborés lors de la contractualisation.
Enfin, l'évaluation, qui constitue un élément très important du fonctionnement des contrats à impact, est réalisée par un organe indépendant, sur la base des indicateurs définis dans le contrat. L'évaluateur accompagne le porteur de projet dès la candidature, en bâtissant avec lui des indicateurs et des moyens de mesure. C'est comme cela que l'État saura si le dispositif a fonctionné et sur quelle base rémunérer l'association ou la structure de l'ESS qui remplit ainsi son contrat.
Une cinquantaine de candidats ont participé au premier appel à projets ; une vingtaine d'entre eux tient la route et est susceptible d'être éligible – je vous le dis, car il est important que vous en soyez informés, mais je n'ai pas encore communiqué sur ce point. Le résultat est plutôt encourageant, même si on doit pouvoir faire mieux. Le deuxième appel à projets sera lancé dans moins de quinze jours, très certainement à Bercy – là aussi, je tenais à en faire l'annonce devant vous. Il concernera l'égalité des chances. Nous continuerons avec un troisième appel à projets, en décembre, qui portera sur l'insertion par l'activité économique. Il impliquera Mmes Élisabeth Borne et Brigitte Klinkert et M. Thibault Guilluy. Nous proposerons certainement de thématiser cette catégorie de contrats à impact autour de la mobilité pendulaire. Il est donc fort probable que, d'ici à la fin de l'année, nous ayons lancé trois séries de contrats à impact. D'autres pourraient suivre au début de l'année prochaine.
Monsieur Potier, ce quinquennat n'est pas un faux plat. Nous pédalons ensemble depuis trois ans et demi. Certes, il arrive que nous n'ayons pas envie d'emprunter les mêmes chemins, mais, dans l'ensemble, nous sommes sur la même route, et nous n'avons pas lâché le vélo. Nous ne sommes pas d'accord parfois, mais c'est aussi ce qui fait le charme de nos échanges. Des avancées concrètes ont été réalisées grâce à la loi PACTE. Sans doute faut-il faire plus, mais j'apprécie de voir que, au bout de trois ans et demi de mon expérience d'élue, l'intégralité des décrets d'application de la loi a été publiée, conformément aux engagements. Qu'on aime le texte ou qu'on ne l'aime pas, il n'en demeure pas moins que la boîte à outils est opérationnelle.
Dans cette loi, nous avons pris des dispositions majeures, en particulier dans les chapitres II et III : sur la raison d'être de l'entreprise, même si ce n'est pas contraignant ; sur les entreprises à mission, statut qui l'est un peu plus ; sur les fondations d'actionnaires, chères au président Roland Lescure, qui permettent de sanctuariser une partie non négligeable du capital de l'entreprise appartenant aux salariés pour éviter des OPA hostiles, mais aussi et surtout, à l'inverse de fonds d'investissement, de s'engager réellement sur des actions de long terme en matière sociale ou environnementale.
Même si nous avons des divergences, je respecte beaucoup votre engagement, Monsieur Potier. Notamment, en ce qui concerne les labels RSE, il n'a échappé à personne que, dans le cadre de l'article 174 de la loi PACTE, une mission a été confiée à trois personnalités qualifiées, dont la députée Coralie Dubost. Au moment de l'examen du texte, vous défendiez l'idée selon laquelle il fallait un label public en matière de RSE, notamment pour s'y retrouver dans la véritable jungle que formaient les différents labels. Je n'étais pas d'accord avec vous, mais l'idée était intéressante. Elle a été analysée par la mission, dont le rapport sera remis officiellement dans quelques semaines à Bercy. Je me permettrai d'ailleurs de vous convier à sa remise, Monsieur Potier.
Il existe plus d'une cinquantaine de labels RSE. Qui plus est, ils ne sont pas du tout du même ordre. Certains sont purement déclaratifs et n'appellent aucune vérification. D'autres portent sur une partie spécifique de la RSE – il s'agit pour ainsi dire de labels thématiques –, mais il existe aussi des labels généraux démontrant l'impact global des actions menées en matière de responsabilité sociale de l'entreprise. Il y a donc une très grande hétérogénéité et un manque de transparence, voire de cohérence – ce qui est plus problématique – quant aux méthodes d'évaluation et aux référentiels utilisés. La mission a reconnu l'intérêt d'une démarche de labellisation pour les PME. Elle plaide aussi pour une vérification des labels par une instance qui disposerait d'une autorité officielle – démarche que nous allons certainement enclencher ; je reviendrai vous en dire plus, dans les prochaines semaines, concernant le format. Nous allons passer en revue les labels pour déterminer lesquels sont valables et lesquels ne le sont pas, et émettre des recommandations.
Vous avez parlé, sans le citer, du scoring et des impact scores qui apparaissent de plus en plus, notamment ceux d'Impact France. Plusieurs amendements, dans le cadre du PLF, portaient sur cette question. C'est un très bon outil pour valoriser l'impact environnemental ou social, mais ma conviction est que, sur ce sujet comme sur d'autres qui nourrissent l'actualité de l'Assemblée, à vouloir aller trop vite et raisonner de manière franco-française, on perd en réalité un temps précieux. Pour de bonnes raisons, on veut faire très vite, mais on ne fait pas bien, et cinq ou huit ans après il faut y revenir. Il me semble que l'on ne peut pas prendre ce risque en ce qui concerne l'évaluation des performances extra-financières des entreprises.
Entendez-moi bien, c'est parce que je crois beaucoup à l'élaboration d'une norme dans ce domaine que je pense qu'on n'a pas le droit de perdre du temps et de rater le coche en travaillant de manière franco-française plutôt qu'en pensant à l'échelle européenne. Décréter unilatéralement une série de critères qui n'ont pas été élaborés en liaison avec les entreprises et les partenaires sociaux, c'est prendre le risque d'imposer des indicateurs qui ne sont pas forcément opérants. Ce faisant, on court le risque de faire l'inverse de ce que l'on veut, c'est-à-dire de ralentir la mise en place de véritables indicateurs des performances extra-financières. Si l'on souhaite qu'ils soient opérants et que les entreprises soient capables de les mettre en œuvre, il faut qu'ils soient établis non pas contre les entreprises, mais avec elles.
En outre, la question se joue à l'échelon européen. La directive NFRD fait en ce moment même l'objet d'un travail extrêmement approfondi. D'ici à la fin du mois de mars 2021, sous l'égide de M. Valdis Dombrovskis, vice-président exécutif de la Commission européenne, nous aurons un référentiel revu concernant les normes d'évaluation des performances extra-financières. Je ne suis pas en train de temporiser en renvoyant à 2022 : ce sera fait d'ici au 31 mars 2021. Après, nous entrerons dans un moment d'échange avec les États membres. Quoi qu'il en soit, l'objectif visé est bien celui-là : avoir un impact score valable en France, mais aussi en Pologne ou en Italie – car si les choses ne sont pas comparables, c'est que le dispositif n'est pas opérant.
La France est très active, voire hyperactive sur la question. Je pense même que nous aurons bientôt l'esquisse d'une première coalition, comprenant notamment les États du nord de l'Europe – le Danemark et la Suède –, mais aussi l'Italie, avec laquelle nous coécrivons un courrier de mobilisation concernant la directive NFRD. Je me rendrai à Bruxelles en décembre. Pas plus tard qu'hier, j'ai eu M. Thierry Breton au téléphone. J'appelle quasiment toutes les semaines MM. Nicolas Schmit et Valdis Dombrovskis et Mme McGuiness, spécifiquement en charge du projet de directive NFRD. La France organisera, le 8 décembre, en visioconférence, un événement avec nos homologues européens pour confirmer l'importance que nous accordons à ce sujet et rappeler qu'il revêt pour nous un caractère d'urgence.
C'est un combat qui me tient à cœur. Créer une norme simple, lisible et française, avant de défendre une norme un peu plus complexe, dont l'élaboration est plus lente précisément parce qu'elle est plus complexe et de portée européenne, l'idée est séduisante, bien sûr, mais je suis intimement convaincue qu'il faut parfois prendre le temps de mettre en place, au niveau européen, des politiques publiques pérennes. À mes yeux, cet enjeu revêt une importance stratégique considérable, et je considère que le chemin européen est le meilleur que l'on puisse emprunter.
Madame de La Raudière, nous attendons en 2021 la première évaluation du comité de suivi de la loi PACTE. Selon France Stratégie, ce ne sont pas des milliers mais, au maximum, quelques centaines d'entreprises françaises qui sont devenues des entreprises à mission ou à raison d'être, ce qui n'est d'ailleurs pas très étonnant puisque la loi a été votée il y a seulement un an. Les décrets relatifs aux attributions ont été publiés mais la loi doit faire son chemin au sein de l'écosystème économique.
Ce qui importe surtout, c'est la dynamique : chaque semaine, chaque mois, des conférences, des « webinaires » ont lieu pour savoir ce qu'est la raison d'être, si elle doit figurer dans les statuts, s'il est préférable de devenir une entreprise à mission, ce qu'est une fondation d'actionnaires… J'attends donc impatiemment la première évaluation du comité de suivi, mais je crois que la dynamique est là.
L'extraterritorialité des normes de performances extra-financières doit être absolument défendue, d'autant plus qu'elle représente un enjeu de souveraineté face aux normes américaines ou asiatiques.
Monsieur Falorni, vous avez raison, le taux de non-recours aux aides au sein de l'économie sociale et solidaire est considérable, ce qui montre d'ailleurs qu'elle est à la fois différente et semblable à l'économie classique. D'après les informations dont M. Olivier Sichel, le directeur de la Banque des territoires, et moi-même disposons, seuls 2 % à 3 % des 400 millions d'euros des fonds régionaux ont été décaissés par des acteurs de ce secteur. Il y a donc urgence dans l'urgence pour faire en sorte que ces derniers recourent à ces fonds.
Je fais tout mon possible pour améliorer le taux de recours aux aides, en commençant par diffuser l'information. J'ai installé une cellule de crise et, toutes les semaines, un guide pratique, très opérationnel, est mis à jour. Une petite association y trouve les liens nécessaires, par exemple vers des formulaires, sans avoir à faire de recherches. Nous avons veillé à nous mettre à la place des acteurs de l'ESS qui, encore une fois, sont plus tournés vers les autres que vers eux-mêmes. J'ai également mobilisé à cette fin la Caisse des dépôts, la Banque des territoires et les chambres régionales de l'économie sociale et solidaire (CRESS).
Le non-recours au fonds de solidarité constitue une deuxième faiblesse : sur les 6 milliards d'euros qui ont été décaissés ces six derniers mois, seulement 67 millions ont été sollicités par les acteurs de l'économie sociale et solidaire.
Par ailleurs, je suis en train de finaliser la construction d'un site exclusivement réservé aux acteurs de l'ESS, ce qui s'impose en raison de la masse d'informations que contient le site de Bercy. Là encore, je me mets à leur place afin de leur proposer quelque chose de plus simple.
Enfin, j'ai octroyé une formation d'un mois à la totalité des répondants de la plateforme téléphonique 0806 000 245 pour qu'ils puissent répondre aux associations, aux coopératives, aux sociétés coopératives d'intérêt collectif ou à d'autres mutuelles.
Nous avons donc un numéro de téléphone, un site web, un cabinet joignable sept jours sur sept mais, de crainte que cela ne suffise pas, nous irons plus loin en « faisant des plateaux », en répondant aux invitations de la presse, en nous répétant comme des perroquets s'il le faut !
Le prochain contrat à impact sera lancé à Bercy, je l'espère la semaine prochaine.
La révision de la directive extra-financière est, quant à elle, absolument stratégique pour la responsabilisation du capitalisme. C'est tout sauf une matière de taxonomie : c'est une question d'opinion, de politique, car il s'agit pour les Européens de se mettre d'accord sur les critères permettant de mesurer la performance extra-financière des entreprises. Le texte actuel a montré ses limites, comme l'a dit Mme de La Raudière, faute de contenir un indicateur harmonisé et, surtout, en n'imposant aucune thématique sur laquelle la déclaration de performance extra-financière doit être rendue. C'est une figure possible mais non imposée de la norme comptable. Dès lors, l'information fournie par les entreprises n'est pas forcément de bonne qualité et rarement comparable. Si les Européens ne choisissent pas ensemble les indicateurs dont les entreprises doivent rendre compte, d'autres le feront pour nous sans prendre en compte les valeurs européennes.
Mme de La Raudière, comme toujours, veille à ce que cela ne représente pas une charge supplémentaire pour les entreprises. Nombre d'entre elles faisant déjà pas mal de choses en matière de responsabilité sociale et environnementale, l'idée est plutôt d'harmoniser, de faire converger toutes ces actions. J'irai même jusqu'à dire que la performance extra-financière n'est pas une tâche supplémentaire ou une contrainte, mais une opportunité pour les entreprises françaises, notamment sur le versant social et solidaire.
Nous devrons nous battre tous ensemble – je suis sûre que vous serez à mes côtés – pour que ces données d'intérêt général sur l'environnement, la société, la qualité de la gouvernance soient publiques, gratuites et facilement accessibles. C'est l'un des nerfs de la guerre à venir sur les informations non financières (NFRD). La France, l'Europe sont de grands espaces de l'open source : nous, Européens, ne pouvons envisager que ces données d'intérêt général ne soient pas publiques, gratuites et accessibles à tous, notamment aux ONG, aux citoyens, aux médias. C'est, à mes yeux, une condition indispensable afin de garantir l'effectivité de cette réglementation.
En réponse à M. Ruffin et à sa sœur, nous n'avons pas voulu faire de toutes les entreprises à mission des coopératives bis. Ces dernières ont leur propre modèle de fonctionnement, notamment en matière de gouvernance. J'ai voulu faire en sorte que les entreprises classiques, traditionnelles, qui n'ont pas un statut ESS, puissent s'engager sur le chemin plus ou moins contraignant, par étapes, de la responsabilisation. Nous n'allons pas nous mentir : la raison d'être n'est pas engageante, mais c'est un premier pas. Je recommande surtout de l'inscrire dans les statuts. En revanche, les entreprises à mission sont plus contraintes. L'instauration en leur sein d'un comité interne, et surtout d'un comité externe composé d'observateurs et d'évaluateurs tiers de la mission de l'entreprise, n'est pas anodine.
La possibilité de sanctions, toutefois, ne serait pas dans l'esprit de la loi PACTE, qui vise à encourager les entreprises à suivre ce chemin-là. Celles qui, parmi elles, souhaitent aller plus loin, peuvent être incluses dans l'ESS mais, aujourd'hui, lorsque la mission inscrite dans les statuts n'est pas remplie, l'entreprise n'est pas sanctionnée : elle perd son statut, ce qui peut d'ailleurs créer des dommages réputationnels.
La transmission des coopératives est un sujet important et qui le sera de plus en plus dans la crise que nous traversons. C'est pourquoi je travaille avec la Confédération générale des SCOP, la CGSCOP, que je vais missionner pour formuler des propositions sur la facilitation et l'amélioration de la transmission, notamment aux salariés.
Monsieur Benoit, nous n'allons pas nous mentir, la commande publique n'est pas au rendez-vous. On nous explique depuis des années que c'est une question compliquée, ce qui est vrai, mais je vais essayer de la déverrouiller afin que nous puissions avancer. Le droit européen, souvent accusé de nous interdire de faire bouger les lignes en matière d'achats responsables, est mal connu. J'attends que la direction juridique me fournisse quelques éléments mais il me semble que le problème est moins juridique que culturel. Le droit européen autorise, en effet, l'intégration de critères environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance dans les objets des marchés. Il permet même de réserver certains d'entre eux à des entreprises d'insertion professionnelle.
Nous sommes plutôt confrontés à un problème important de manque de formation et, parfois, de vigilance de la part des acteurs publics, qui connaissent peu ou mal ce qui est possible. Pendant des années, également, les acteurs se sont uniquement concentrés sur la compétitivité-prix et renouvellent parfois les marchés sans les remettre en question. Nous devons les amener à se poser les bonnes questions.
Les objectifs nationaux, par ailleurs, ne sont pas assez efficaces en ne responsabilisant pas assez les donneurs d'ordres. Nous devons définir des objectifs par collectivité, un reporting par acteur et, possiblement, par ministère. J'ai donc missionné le médiateur du crédit, M. Pierre Pelouzet, qui a travaillé pendant des années sur les achats durables, afin de déployer plus largement le label « Relations fournisseurs et achats responsables ». Nous verrons alors que faire pour entraîner la majeure partie des ministères avant 2022.
Monsieur Bruneel, votre proposition de préemption fait écho à une réelle avancée de la loi de 2014 instaurant un droit d'information des salariés en cas de cession de leur entreprise. Cela me semble un bon équilibre : le propriétaire doit pouvoir choisir le repreneur et les salariés doivent pouvoir faire jeu égal avec d'autres offres potentielles.
Plus qu'un secteur, l'ESS est une façon tangible d'entreprendre et de créer de la valeur. En priorisant l'impact social et environnemental, ces entreprises rendent possibles les innovations dont nous avons besoin et donnent le la à travers leur participation à l'économie générale.
Saluons, bien sûr, la création d'un secrétariat d'État à l'ESS, hébergé désormais à Bercy, là même où se conçoit notre stratégie économique, ainsi que votre nomination à sa tête, qui permet d'espérer le développement d'une économie plus sociale, solidaire et responsable.
Les coopératives d'activités et d'emploi, alliances d'entrepreneurs qui ont fait le choix de la solidarité et leur permet de bénéficier de la protection du salariat, constituent un modèle audacieux. Ce statut original et sécurisant recèle un potentiel inexploité pour redynamiser les territoires – je pense en particulier à nos artisans et, pourquoi pas, à certains de nos commerçants.
Ce modèle comporte également une dimension européenne certaine, comme en témoigne le succès de la coopérative d'artistes née en Belgique, SMART, bien qu'elle ait rencontré quelques difficultés en France, sur lesquelles je souhaiterais vous entendre.
En créant des emplois non délocalisables et en encourageant la cohésion sociale, l'économie sociale et solidaire est particulièrement précieuse pour nos zones rurales. Ainsi, à Bagnères-de-Bigorre, une recyclerie offre une seconde vie aux objets de la déchetterie locale. L'ESS est donc un secteur d'avenir pour diffuser partout la transition écologique et solidaire, et répondre aux enjeux liés à la pauvreté et au vieillissement ainsi qu'aux nouvelles aspirations citoyennes, notamment écologiques.
Comment faciliter la création de structures sur un modèle simple et à statut particulier face aux difficultés logistiques, au millefeuille administratif ? Ce secteur est bien souvent prisonnier de l'image d'organisations subventionnées et peu florissantes. Or intérêt général ne rime pas forcément avec absence de rentabilité. Comment favoriser les partenariats avec les collectivités et l'État sur nos territoires ruraux ? Ne conviendrait-il pas, par exemple, de conditionner les contrats de partenariats public-privé afin d'encourager les entreprises à faire travailler ces structures ? Serait-il pertinent d'envisager des paiements pour services environnementaux ou sociaux en proportion de l'impact positif de ces dernières, afin de reconnaître et de valoriser leur potentiel ?
Depuis juillet dernier, avec mon collègue Dominique Potier, nous menons une mission d'information relative au partage de la valeur au sein des entreprises et ses conséquences sur leur gouvernance, leur compétitivité et la consommation des ménages. Nous avons auditionné plusieurs acteurs du monde de l'économie sociale et solidaire, qui nous ont fait part de leurs interrogations sur les dispositifs d'intéressement et de participation. Pour nombre d'employeurs de l'ESS, le déploiement de l'intéressement se heurte à plusieurs obstacles.
La législation permet à l'entreprise de déduire des bases retenues pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés (IS) ou de l'IR le montant des sommes versées aux salariés en application de l'accord d'intéressement. Or cette disposition ne concerne pas les associations puisque celles-ci ne sont pas redevables de l'IS ou de l'IR. Dès lors, la plupart des structures de l'ESS, majoritairement composées d'associations, ne sont pas fiscalement incitées à promouvoir un système d'intéressement.
De plus, les branches de l'ESS ont des difficultés à déterminer les critères de performance extra-financière relevant de la responsabilité sociale des entreprises. Les employeurs de l'ESS se trouvent donc démunis pour parvenir à appliquer un dispositif qui leur paraît complexe et peu lisible.
Quel regard portez-vous sur ces difficultés ? Est-il envisageable de lever ces obstacles afin d'inciter les employeurs de l'ESS à déployer un dispositif d'intéressement ?
Je m'associe au satisfecit de mes collègues relatif à la création de votre portefeuille et je me félicite que vous en soyez la titulaire.
J'ai depuis longtemps acquis la conviction que l'économie sociale, solidaire et responsable est une réponse à la crise que nous vivons : satisfaire les besoins au-delà des profits en est l'une des promesses. Les modèles économiques sont divers. Au moment où l'on s'interroge sur le modèle dominant, alors même que les comportements d'achats de nos concitoyens évoluent, en quoi l'ESS peut-elle contribuer à inventer de nouvelles formes d'échanges ?
Les structures de l'économie sociale et solidaire sont durement touchées par la crise économique. Le Gouvernement a confirmé, dans le plan France, relance sa volonté de faire de l'ESS un secteur fondamental pour l'avenir économique de notre pays qui, à ce titre, bénéficiera de plus de 1 milliard d'euros. En consacrant une partie aussi conséquente du budget de relance à ce secteur, nous faisons le choix responsable de construire les fondations d'une économie plus durable et plus inclusive.
Je souhaite vous interroger sur le rôle du livret de développement durable et solidaire (LDDS) dans le financement des structures de l'ESS. L'encours de ce livret, plafonné à 12 000 euros par personne, est considérable puisqu'il s'élève à près de 120 milliards d'euros. Le Gouvernement a récemment ouvert la possibilité aux épargnants de faire un don aux acteurs de l'économie sociale et solidaire afin de donner un sens particulier à leur épargne. Nous saluons ce pas supplémentaire qui permettra de financer plus de projets en faveur de la transition écologique et solidaire. Un tel don pourrait-il être néanmoins fiscalement incitatif, comme l'est celui qui est effectué à l'endroit des associations ?
Peut-être pourrions-nous aller encore plus loin. Que pensez-vous d'augmenter le plafond du LDDS à 15 000 euros ou au niveau du Livret A, plafonné à 22 950 euros ?
La part minimale des ressources collectées par les banques sur les livrets A et les LDDS et devant être affectée au financement de l'ESS est aujourd'hui fixée à 5 %. Bien que ce mécanisme garantisse qu'au moins 9 milliards d'euros soient fléchés en direction de l'ESS, que pensez-vous d'un éventuel rehaussement de ce taux afin de soutenir plus encore ces structures ?
Les aides du PLF, des PLFR et du plan de relance sont bienvenues.
Je souhaite que les termes « sociale et solidaire » s'appliquent aussi à des filières industrielles françaises fragiles dont certaines, malheureusement, sont appelées à disparaître. Si on ne fait rien, toute l'industrie du carrelage disparaîtra, comme toutes celles qui subissent une très forte concurrence de la part des pays européens. Comment donc accompagner ces industries créatrices d'emplois, notamment en milieu rural ?
Madame Bessot-Ballot, les coopératives d'activités et d'emploi sont de véritables catalyseurs d'une ESS dynamique et territorialisée. Ces structures d'avant-garde en matière de gouvernance sont fondées sur le principe « une personne, une voix ». Dans la nouvelle phase qui s'ouvre pour notre économie, la performance d'une entreprise ne pourra se réduire à sa seule dimension économique et financière. Ce mode d'entreprendre, qui intègre donc une gouvernance spécifique, génère également des innovations indispensables pour la relance de notre économie.
Selon un sondage récent, 85 % des salariés et des dirigeants pensent que les coopératives comme les SCOP sont des entreprises d'avenir et doivent prendre de l'importance. Ce mode d'entreprendre est donc de plus en plus connu et les attentes des salariés évoluent. La coopération est l'une des réponses à ces attentes.
SMART-La Nouvelle Aventure a en effet connu quelques déboires. Mon cabinet a demandé que soit organisée une conciliation avec le ministère du travail. La société SMART et sa filiale La Nouvelle Aventure avaient un compte employeur actif auprès du Centre national de recouvrement cinéma-spectacle et, à ce titre, produisaient des attestations employeurs mensuelles (AEM) permettant aux salariés dits intermittents de bénéficier d'ouvertures de droits au titre de l'assurance chômage. À la suite d'une enquête de l'Inspection du travail, il est apparu à Pôle emploi que la société SMART et sa filiale n'étaient pas habilitées à disposer d'un compte employeur auprès du Centre national de recouvrement cinéma-spectacle et ne pouvaient donc plus produire les AEM. D'un point de vue juridique, cela ne fait aucun doute, La Nouvelle Aventure ne répondant pas à la définition juridique d'un producteur de spectacles. Néanmoins, la décision de l'Inspection du travail était lourde de conséquences pour des entrepreneurs salariés qui, en toute bonne foi, avaient rejoint cette coopérative d'activités et d'emploi en espérant y gagner une plus grande protection et entraide. Dans ces conditions, je n'ai pu que constater, au nom du Gouvernement, les relatives insuffisances du statut de coopérative d'activités et d'emploi créé par la loi de juillet 2014. Si ce texte, dont je me réjouis, a permis de légaliser ces organisations, il comporte quelques lacunes qu'il nous faut pallier.
C'est pourquoi, à la suite de mes échanges avec le ministère du travail et Pôle emploi, le Gouvernement a fait en sorte qu'à compter du 1er octobre 2020, les 4 000 intermittents du spectacle concernés par cette coopérative disposent de leurs droits acquis ouverts.
Par ailleurs, avec la ministre du travail, Mme Élisabeth Borne, j'ai missionné l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l'Inspection générale des finances (IGF) afin qu'elles rendent rapidement un travail sur les possibles aménagements et améliorations qu'il conviendrait d'apporter au statut des coopératives d'activités et d'emploi, qui sont, je le crois, un modèle d'avenir à consolider et à mieux faire connaître au sein de l'appareil d'État, de l'administration, d'opérateurs comme Pôle emploi. J'informerai les parlementaires des conclusions de cette mission qui, je le précise, concerne également les SCIC.
Madame Melchior, l'intéressement est fondé sur la performance des salariés pour améliorer la rentabilité et la productivité de l'entreprise. Entre nous, ces notions semblent contradictoires avec le principe même de lucrativité limitée qui anime toutes les structures de l'ESS, dont chacun sait combien elles se préoccupent d'abord de leurs performances sociales, non financières, environnementales, et combien la juste répartition des salaires est dans leur ADN. Dans une SCOP, le profit est ainsi partagé en trois : pour les réserves de l'entreprise, pour les associés sous forme de dividendes, pour les salariés sous forme de participation et d'intéressement.
De mon point de vue, l'intéressement n'est peut-être pas le meilleur outil pour aborder la question du partage de la valeur dans l'ESS. En revanche, je suis ouverte aux différents moyens permettant de mieux valoriser et récompenser les performances des salariés dans les associations et, plus largement, dans les structures de l'ESS. Vous y travaillez dans le cadre de votre mission avec M. Potier, mais c'est aussi le cas d'autres parlementaires comme Mme Motin, notamment sur le volet intéressement et actionnariat salarié. Je serais ravie d'en parler avec vous.
Monsieur Sempastous, comment conclure des partenariats plus « costauds » entre les collectivités locales, l'État et les financeurs afin que les porteurs de projets de l'ESS puissent changer d'échelle ? Eh bien, c'est précisément la vocation des contrats à impact !
S'agissant de la place et du rôle de l'ESS en milieu rural, on compte 162 000 personnes salariées dans un peu plus de 22 000 établissements, ce qui représente environ 18 % des emplois privés ruraux. La moitié des emplois ont trait à l'action sociale, dans des territoires qui sont à la fois exposés à l'isolement des seniors et confrontés au défi de l'accueil de populations jeunes ou précaires. L'ESS est surreprésentée dans l'aide à domicile, l'hébergement social et médico‑social ; elle est indispensable pour le maintien du lien social et des solidarités. Par son ancrage territorial, les valeurs qu'elle porte et les dynamiques de coopération qu'elle impulse, elle propose un modèle économique viable en milieu rural – je signale d'ailleurs que l'emploi a augmenté de 5 % entre la crise de 2008 et aujourd'hui dans l'ESS en milieu rural. L'ESS invente des solutions pertinentes pour relever les défis du développement local. J'étais, il y a quelques semaines, en visite dans la magnifique vallée de la Drôme, chez votre collègue Célia de Lavergne. J'ai vérifié, à cette occasion, combien l'économie sociale et solidaire était indispensable pour revitaliser et animer les territoires ruraux, avec des initiatives comme Villages vivants, les organismes de foncier solidaire, la foncière agricole Terre de liens, les tiers lieux ou encore les épiceries associatives et SCIC de centre-ville.
Et donc oui, Monsieur Travert, l'ESS est une réponse à la crise – j'ai évoqué sa résilience – et oui, elle est susceptible d'inventer de nouvelles formes d'échanges, parce qu'elle est toujours à la pointe de l'innovation sociale. L'essor des tiers-lieux durant ces dernières années en est un bon exemple. Le Gouvernement soutient ce mouvement. Un peu moins de 2 000 tiers-lieux ont été recensés par France tiers lieux ; une enveloppe de 45 millions d'euros est affectée à leur développement dans le plan de relance, dont 30 millions destinés aux acteurs de l'ESS. S'il existe dans vos circonscriptions des projets de tiers-lieu ayant une dimension environnementale, sociale ou solidaire, n'hésitez donc pas à me le faire savoir – je dois rencontrer Mme Jacqueline Gourault dans quelques jours pour travailler sur ce dossier. Aujourd'hui, les candidats aux appels à manifestation d'intérêt (AMI) du Gouvernement pour financer des tiers-lieux sont en grande majorité des associations, des entreprises de l'ESS – pour un peu moins de 10 % – et quelques ESUS. Les deux tiers des tiers-lieux se revendiquant de l'ESS sont portés par des associations ; ils comptent parmi les meilleures initiatives sociales liées à l'ESS.
Je vous signale au passage que nous allons prochainement rassembler, pour une meilleure information, l'ensemble des appels à projets sur le site de Bercy, voire sur un site dédié, afin que les acteurs de l'ESS n'aient pas à consulter l'ensemble des sites ministériels pour trouver les appels à projets. Dès que ce sera fait, je vous en informerai.
Monsieur Lagleize, je soutiens fortement la dynamique qui permet d'affecter une partie des fonds du LDDS au financement des entreprises de l'ESS, soit directement, soit par le truchement de fonds solidaires. Un arrêté de 2020 prévoit que la quote-part minimale est de 5 % de l'épargne non centralisée à la Caisse des dépôts et consignations, c'est-à-dire incluse dans le bilan des banques. Faut-il faire davantage ? Je le pense, mais ce n'est pas parce que je suis à Bercy que je ne suis pas contrainte de documenter mes demandes – je le suis même trois fois plus ! C'est ce que nous sommes en train de faire. M. Bruno Le Maire et moi avions d'ailleurs répondu à une question écrite du député Éric Alauzet que nous allions faire établir par la Banque de France des statistiques précises pour dresser un premier bilan dans cette perspective. Ce travail est en cours. Soyons clairs : si ce bilan montre que le seuil de 5 % n'est plus adapté aux besoins de financement de l'ESS, j'échangerai avec les représentants du secteur bancaire et je saisirai le Conseil supérieur de l'économie sociale et solidaire pour qu'il propose des mesures en vue d'un rehaussement du seuil jusqu'à éventuellement 10 %. Bien que je sois plutôt pessimiste de nature, je pense que nous avons de bonnes marges de manœuvre sur ce dossier, si tant est que nous soyons capables de le documenter.
Pour terminer sur la question de la fiscalité, le don est défiscalisé dès lors qu'il va à une association.
L'économie sociale et solidaire représente 10 % du PIB et 2,4 millions de salariés en France. Le numérique est une opportunité à saisir pour elle, car il est un levier d'innovation sociale ; on peut citer des exemples comme le site de commerce en ligne d'Emmaüs ou le mouvement Singa, qui a développé une plateforme de mise en relation entre particuliers et réfugiés à la recherche d'une solution temporaire d'habitation. De plus, comme pour les autres entreprises, le numérique peut transformer l'organisation du travail, tout particulièrement en cette période où le télétravail devient presque la norme. Or on a besoin d'accompagnement pour réussir la transition numérique, notamment dans des circonscriptions ou départements difficiles, comme la Seine-Saint-Denis, où la fracture numérique est flagrante ; nous rencontrons sur ce plan des difficultés de financement récurrentes. Quelles actions envisagez-vous pour favoriser le développement numérique des organisations et structures de l'ESS, qui se trouvent partout en France, et notamment en Seine-Saint-Denis ?
Dans la région Sud Provence-Alpes-Côte-d'Azur, il n'existe qu'une seule union départementale de l'économie sociale et solidaire, celle des Hautes-Alpes. Même si la loi Hamon a officialisé les chambres régionales, les unions départementales jouent un rôle essentiel dans l'accompagnement des entreprises. Ce sont en particulier des relais d'information pour des petites structures qui n'ont pas forcément les moyens d'aller chercher tous les soutiens dont elles pourraient bénéficier. Les unions départementales dépendent pour l'essentiel des subventions des collectivités territoriales et, comme vous pouvez l'imaginer, le traitement n'est pas du tout égal d'un territoire à l'autre. Faute de moyens, leur fonctionnement repose essentiellement sur du bénévolat, dont on connaît les limites. Les responsables de l'union départementale des Hautes-Alpes sont ainsi inquiets quant au renouvellement de leurs instances. Comment pourrait-on assurer un financement pérenne à ces unions départementales ?
Je le répète, l'ensemble des aides activées pour les entreprises traditionnelles est valable pour les acteurs de l'économie sociale et solidaire. Il en va ainsi du financement du chèque numérique de 500 euros – l'aide sera versée en début d'année prochaine à plus de 120 000 entreprises – comme du soutien immédiat de 20 000 euros à certaines communes.
Des mesures d'accompagnement, qui comprennent des solutions numériques gratuites, sont également disponibles pour permettre le déploiement d'une activité en ligne pendant le confinement. Elles figurent sur la plateforme « Clique-mon-commerce », avec un guide pratique sur le numérique. D'autres actions, que je ne peux pas encore dévoiler, seront également lancées en faveur du secteur de l'ESS en matière numérique.
Les tiers-lieux numériques, dont j'ai déjà parlé, seront développés dans le cadre de France relance, avec un budget non négligeable : 30 millions d'euros sur les 45 que leur consacre l'État seront directement consacrés à des tiers-lieux numériques qui ont un impact environnemental, social ou de gouvernance. Cela est valable pour la Seine-Saint-Denis, dont M. Anato est un ambassadeur engagé. Parlons-en, venez-me voir : je lancerai l'appel à projets la semaine prochaine avec Mme Jacqueline Gourault. Il est indispensable que des territoires comme les vôtres puissent bénéficier de France relance.
Je crois aux tiers lieux numériques. J'en ai visité de nombreux, notamment en Seine-Maritime, près de Rouen, à Petit-Quevilly. Ces endroits sont l'économie sociale et solidaire : au-delà du numérique, de la connexion, de l'apprentissage, on y trouve de l'humain, de l'échange, de l'entraide, et cela crée une émulation non seulement pour des personnes en galère, mais aussi pour de jeunes diplômés, de jeunes retraités motivés et dynamiques. Je crois beaucoup à ces lieux. À nous de savoir décaisser ces 30 millions d'euros, au service de l'ESS. Je suis entièrement à votre disposition pour en discuter.
Au-delà, je réfléchis à la façon de mettre en avant les plateformes numériques de l'ESS. Je travaille notamment à l'élaboration d'une stratégie de déploiement du numérique dans l'ESS, notamment avec M. Jérémiasz, du Mouvement Impact France, qui rassemble les têtes de réseau de l'ESS au sein d'ESS France.
S'agissant de la pérennisation des soutiens publics, je partage votre opinion, Madame Boyer, que ce n'est certainement pas pendant la crise qu'il faut supprimer des subventions essentielles. J'ai lancé une concertation avec les élus locaux, à commencer par les vice-présidents de région chargés de l'ESS. Le sujet sera abordé sans faute avec eux, et je ne manquerai pas de revenir vers vous à ce propos.
De manière générale, durant la crise, j'organise une réunion hebdomadaire avec les têtes de réseau, et une autre avec les parlementaires – dont certains sont membres de la commission des affaires économiques, et notamment de groupes d'études qui fournissent des travaux sur l'ESS depuis maintenant trois ans. Je n'en oublie pas les régions pour autant : le Conseil national des chambres régionales de l'économie sociale et solidaire (CNCRESS) ayant rejoint ESS France, avec laquelle je parle toutes les semaines dans le cadre de ma réunion de crise, je participerai prochainement à une conférence avec les vice-présidents de région chargés de l'ESS. Je ne manquerai pas de vous transmettre les réponses qui auront été trouvées.
La commission des affaires économiques s'est réunie, en visioconférence, pour entendre le groupe de suivi sur les conséquences économiques du confinement (MM. Stéphane Travert et Julien Dive, co-rapporteurs). La réunion était consacrée aux partenaires privés des entreprises.
Chers collègues, nous abordons maintenant les travaux du groupe de suivi des conséquences économiques du confinement. Je laisse la parole à M. Julien Dive, co-rapporteur.
Les travaux du groupe de suivi, la semaine passée, ont été consacrés aux premiers partenaires privés des entreprises en situation de crise : leurs banquiers, assureurs, experts‑comptables et centres de gestion agréés. Ces derniers ont été entendus comme des témoins privilégiés de la situation des entreprises. Notre présentation d'aujourd'hui se concentrera sur le rôle joué par les deux grands acteurs financiers – banques et assurances – depuis le début de la crise sanitaire, et plus particulièrement dans l'accompagnement des entreprises face au reconfinement.
Lors du premier confinement, la banque et l'assurance françaises ont rapidement pris un certain nombre de mesures de solidarité envers nos entreprises en difficulté – avec, il faut le souligner, une réactivité et une ampleur de réaction spéciales de la part du secteur bancaire. Les banques ont ainsi, dès le 15 mars, décidé de reporter jusqu'à 6 mois les remboursements de crédits des entreprises – et jusqu'à 12 mois pour le secteur touristique et évènementiel. Même si tous les établissements ne l'ont pas mis en œuvre, ce moratoire a concerné 2 millions de contrats et porté sur 20 milliards d'euros d'encours jusqu'en septembre.
Les assurances, quant à elles, se sont engagées devant le Premier ministre, le 15 avril, à apporter des aides à hauteur de 1,75 milliard d'euros en sus de ce qui est prévu par les contrats. Et de fait, 1 756 millions d'euros de mesures « extra-contractuelles » ont été prises individuellement par les compagnies d'assurances : quelques-unes versant des soutiens financiers pour compenser l'exclusion de la pandémie dans leur garantie au titre des pertes d'exploitation ; d'autres supprimant ou réduisant les primes, etc. Le secteur a apporté, par ailleurs, en juin, 400 millions d'euros au fonds de solidarité.
Mais qu'en est-il de l'accomplissement de leurs missions premières : à savoir éviter l'étranglement financier conjoncturel des entreprises pour les uns, couvrir les dommages créés par la crise pour les autres ? S'agissant des banques, on nous a parlé de la prudence exacerbée de certains établissements aux débuts de la distribution des prêts garantis par l'État (PGE) ; et la Banque centrale européenne a relevé un certain durcissement dans notre pays des conditions d'octroi des crédits aux entreprises au troisième trimestre, après le premier confinement. Enfin, certains d'entre nous ont été informés des difficultés de jeunes créateurs d'entreprise à trouver des financements, notamment en perspective de la relance.
Il n'en reste pas moins que la distribution des crédits aux entreprises est restée active pendant le premier confinement et encore après, jusqu'au reconfinement. Enfin, si les données générales sur octobre et début novembre sont indisponibles, le tableau de bord du ministère de l'économie sur les PGE montre que 1,4 milliard d'euros supplémentaires ont été accordés sur le seul mois d'octobre. La Banque de France a elle-même salué la mobilisation des banques françaises, qui ont plus massivement soutenu nos entreprises que leurs homologues dans les autres pays européens, avec, au surplus, les taux d'intérêt les plus bas d'Europe. La Banque de France a relevé, en outre, des taux d'accès aux crédits de trésorerie historiquement élevés au deuxième trimestre, avec 94 % des demandes des petites et moyennes entreprises (PME) et 90 % des demandes des très petites entreprises (TPE) satisfaites. Au troisième trimestre, ces taux demeurent nettement supérieurs aux niveaux antérieurs, avec des ratios de, respectivement, 90 et 87 %. Quant aux crédits d'investissements, le taux de satisfaction des demandes des PME est resté aux excellents niveaux de 95 et 96 %, quand il s'établissait à 92 % au niveau européen sur les premiers mois de l'année. Le taux d'accès des TPE a connu un léger recul, mais s'établissait encore à 86 % au troisième trimestre. Pour autant, ces chiffres honorables ne doivent pas faire oublier que les demandes de crédits d'investissement des TPE comme des PME ont sensiblement diminué depuis le début de la crise.
En pratique, le soutien bancaire est largement lié à la distribution des PGE. Celle‑ci a été étendue, rapide et massive : au 30 octobre, on décompte près de 603 000 entreprises à en avoir bénéficié, en peu de mois, pour un total d'aides cumulées de 123,2 milliards d'euros. Le taux de refus des demandes éligibles s'établit à seulement 2,7 %. 89 % des bénéficiaires sont des TPE. Par secteur, on observe qu'il s'agit pour 22 % de commerçants et pour 15 % des entreprises des secteurs de l'hébergement et de la restauration. Les banques se sont aussi engagées à distribuer les PGE à prix coûtant, c'est-à-dire sans marge ni frais de dossier, mais au prix de la ressource pour la banque. L'inconvénient de ce système est une incertitude sur le prix final pour l'emprunteur ; néanmoins, il devrait être calculé au minimum de ce que permettent des marchés dont les taux devraient être durablement bas. Dans les conditions actuelles, ce coût s'établirait entre 1 600 et 2 200 euros par an pour un montant moyen de 180 000 euros prêtés aux PME et TPE.
Le groupe de travail a été alerté sur une autre source d'inquiétude pour les entreprises : les modalités de sortie des PGE de première génération, attribués au printemps dernier. S'il est possible désormais d'opter pour un amortissement sur une à cinq années supplémentaires, le premier dispositif des PGE prévoyait quant à lui un remboursement au terme d'un an. C'était avant que l'on se rende pleinement compte que cette crise durerait. De nouvelles modalités d'amortissement de ces premières dettes seront sans doute à négocier au premier trimestre 2021. Le secteur bancaire s'engage à trouver des formules adaptées à chaque entreprise, par le dialogue avec son banquier.
Nous recommandons néanmoins au Gouvernement la plus grande vigilance sur les conditions de sortie des PGE distribués à l'occasion du premier confinement. Pour accompagner les entreprises pendant le second confinement, les banques françaises assurent qu'elles maintiennent leur mobilisation et une distribution réactive des PGE. La fédération bancaire française (FBF) affirme que notre système résiste solidement à la crise et pourra faire face aux demandes de crédits. Néanmoins, pour préserver la solvabilité des établissements bancaires, l'Autorité bancaire européenne ne les autorise plus, depuis le 1er octobre, à accorder un report général des paiements. Aujourd'hui, même si la possibilité de moratoires individuels n'est pas écartée de principe, la position du secteur bancaire est de pousser le dialogue avec les entreprises le plus loin possible, afin de trouver ensemble des solutions individualisées. La FBF affirme que les portes des banques sont ouvertes pour ce dialogue et conseille de ne pas attendre les premiers incidents de paiement avant de les alerter.
Le groupe de travail a interrogé les acteurs auditionnés cette semaine sur l'intérêt d'une plus grande coordination des accompagnements apportés sur le terrain aux entreprises en difficulté : entre leurs banques, leurs experts-comptables et même les organisations d'action économique, comme les agences de développement économique, les chambres de commerces et les chambres de métier. La réponse de la fédération bancaire française fut que les banques ne sont sans doute pas autorisées à partager les données individuelles de leurs clients entreprises avec les autres intervenants. La fédération des centres de gestions agréés reconnaît de son côté que les divers partenaires des entreprises ne se concertent pas facilement. Pourtant, plus de coordination permettrait de simplifier l'information apportée aux entreprises ; et de trouver ensemble les solutions les plus adaptées.
Pour améliorer l'efficacité des aides et la cohérence des accompagnements proposés aux entreprises, nous recommandons donc, premièrement, que soit étudiée la légalisation des échanges d'informations entre les partenaires des entreprises en période de crise et, deuxièmement, pour aller plus loin, que soient étudiées les pistes possibles pour favoriser le rapprochement des différents partenaires professionnels, voire institutionnels, au chevet des entreprises les plus impactées par la crise : dispositif organisé de coordination, intermédiation…
Quant aux assurances, elles ont su décider, dès le 30 octobre, pour 275 millions d'euros de mesures collectives de solidarité en direction des entreprises bousculées par le second confinement : qu'il s'agisse de la suppression d'un à trois mois de loyer pour les TPE et PME contraintes de fermer administrativement, du maintien, même en cas de non-paiement de primes, de la garantie des contrats dommages, santé et prévoyance souscrits par les TPE obligées de fermer et de plusieurs autres gestes « extra-contractuels ». Cependant, ni au premier confinement, ni au second, il n'a été question de suspension générale des primes. Par ailleurs, le secteur des assurances a rappelé que 93 % des contrats de garantie des pertes d'exploitation excluent clairement la prise en charge de la situation actuelle ; sur les autres contrats, 3 % peuvent être interprétés comme couvrant ce risque, même si les signataires ne l'avaient pas anticipé ; enfin, 4 % donnent lieu à une interprétation ambiguë, à l'origine de contentieux très médiatisés. La fédération française de l'assurance (FFA) explique que les compagnies privées ne peuvent assumer toutes les pertes liées à la pandémie. Leurs situations financières se sont dégradées avec la crise : en termes de sinistralité, la branche Automobile a certes fait des économies, mais la branche Santé a connu un rebond de ses dépenses avec le rattrapage constaté sur les soins après le premier confinement et l'indemnisation des arrêts de travail couverts par les contrats de prévoyance des entreprises est déjà volumineuse. Toutes branches confondues, le secteur s'attend à un alourdissement accéléré de la charge des sinistres dans les mois à venir. Côté revenus, les assurances ont vendu moins de contrats d'assurance-vie pendant le premier confinement ; les marchés qui financent normalement la branche Automobile sont déprimés ; mais, surtout, les assureurs craignent l'explosion des impayés sur les contrats de prévoyance des entreprises : le secteur estime que près d'un milliard d'euros de primes pourraient ne pas être pas encaissées alors que la garantie correspondante a été activée.
Face à ces menaces sur leur solvabilité, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (APCR) leur a interdit de verser des dividendes le temps de la crise et imposé de refuser l'indemnisation des risques non prévus par leurs contrats. L'APCR leur aurait aussi, semble‑t‑il, demandé de clarifier les dispositions contractuelles floues. Un point que le groupe de travail n'a pas été mesure de vérifier car c'est après l'audition que nous avons été informés de la campagne, en cours, pour réviser les contrats de garantie de pertes d'exploitations qui arrivent à échéance en fin d'année : plusieurs compagnies obligent ainsi leurs assurés entreprises à accepter un avenant excluant explicitement de leurs garanties, pour le futur, les pandémies, et donc la covid-19, sous peine de résiliation de leur couverture.
Quoi qu'il en soit, selon l'assurance française, la nature systémique d'une pandémie ne serait pas assumable par l'assurance privée : touchant tout le monde en même temps, elle interdit toute mutualisation des sinistres et représente une charge dépassant largement les revenus et disponibilités financières des compagnies concernées. La fédération française de l'assurance travaille donc, avec d'autres acteurs, sur un projet de partenariat public-privé, un dispositif s'inspirant du CATNAT couvrant les catastrophes naturelles. La dernière version, adressée au ministère de l'économie il y a quelques jours, prévoit la création d'un dispositif d'assurance simple et forfaitisé permettant aux entreprises non pas d'éponger toutes leurs pertes mais de passer le cap d'une crise majeure. Sans préjuger de la pertinence du système proposé, nous recommandons d'accélérer la mise au point de ce nouveau régime, afin de minimiser notamment les dégâts causés par la campagne de révision des contrats d'assurance. Mais en tout état de cause, la FFA a indiqué que, ne s'appliquant pas aux contrats en cours, le nouveau dispositif ne résoudra pas les difficultés causées par la covid-19.
Enfin, au-delà de la gestion des pics de la crise, les deux grands acteurs financiers que nous avons auditionnés s'apprêtent aussi à accompagner la résilience de nos entreprises et à investir pour accélérer la reprise. Le 19 octobre, avant le reconfinement, le secteur bancaire annonçait la co‑construction avec le ministère de l'économie d'un dispositif exceptionnel de prêts participatifs, également soutenus par l'État : des quasi fonds propres qui seraient accordés aux PME et ETI à potentiel mais dont la structure a été affaiblie par la crise, afin de faciliter leurs investissements. Ils seraient disponibles à partir du premier trimestre 2021 et jusqu'en 2022, distribués à un coût abordable dans les réseaux bancaires de proximité. On n'en connaît pas encore les volumes prévisionnels. De leur côté, les assureurs français se sont engagés à investir collectivement 1,5 milliard d'euros dans la relance de l'économie après la crise liée à la covid-19, en particulier dans les entreprises de tailler intermédiaire (ETI) et les PME françaises, avec une cible d'investissements en fonds propres à hauteur de 65 % du programme. 600 millions d'euros seront consacrés au secteur de la santé, dans le but notamment de renforcer la souveraineté sanitaire de la France et de soutenir la « BioTech » française, et 150 millions au secteur du tourisme.
Voilà pour le rendu des travaux du groupe de suivi depuis notre précédente réunion. Nous vous informons que cette semaine les auditions seront consacrées aux difficultés du tourisme de montagne et que la semaine suivante, nous entendrons quelques grands acteurs du e -commerce. Ultérieurement nous avons aussi prévu de travailler sur la question de l'alimentation et des évènements festifs.
Je remercie les rapporteurs pour leurs explications et leurs travaux. Depuis le début de la crise sanitaire, les banques ont été des acteurs majeurs du financement de l'économie et leur accompagnement a été vital pour protéger les entreprises françaises. Le secteur bancaire a montré sa solidarité avec 120 milliards d'euros de prêts, essentiellement vers les TPE et PME, aux taux les plus bas d'Europe. C'est trois fois plus qu'en Allemagne. Malgré la crise, les taux d'accès aux crédits de trésorerie sont restés élevés, avec 94 % de demandes de crédits des PME et 90 % des demandes de crédits des TPE satisfaites. Le secteur a également répondu présent à l'octroi de financements d'investissement, les taux d'accès aux demandes de crédits en ce sens sont restés excellents, avec 95 à 96 % des demandes satisfaites.
Les PGE ont été essentiels. Ils ont été rapidement et massivement déployés. En quelques mois, près de 603 000 entreprises en ont bénéficié, pour un total de 123,2 milliards d'euros, avec des taux d'intérêt compris entre 1 à 2,25 % en fonction du nombre d'années de remboursement. Le système bancaire a démontré sa résistance face à la crise, mais il reste l'inquiétude des banques de ne pouvoir accorder à nouveau un report général des paiements sans mettre en péril leur solvabilité. Si des moratoires restent possibles, cette question reste à approfondir.
De son côté, l'assurance française a joué un rôle important dans la gestion de la crise ; mais des enjeux substantiels en matière de couverture des risques demeurent. À cet égard, un partenariat public-privé, à l'image de ce qui existe pour les catastrophes naturelles, semble être une solution pour offrir une couverture « catastrophe extérieure » adaptée à une crise du type de celle provoquée par la covid-19. Ce travail de réflexion est en cours et prévoit la création d'un dispositif d'assurance simple, rapide et forfaitisé, permettant aux entreprises non pas d'éponger toutes leurs pertes mais de passer le cap d'une crise majeure. Pour entrer en vigueur, ce régime nécessitera un changement législatif.
Par ailleurs, même si le plan de relance cible le numérique, la transition écologique et la relocalisation des industries, la fédération bancaire française a indiqué qu'une modulation des tarifications en fonction des secteurs n'était pas à l'étude. Pour la fédération française de l'assurance, cette question reste également en suspens. Il faut donc approfondir la réflexion au niveau national et européen, quant à la solvabilité des banques et à la contribution des assurances dans le cas où cette crise sanitaire serait amenée à durer dans le temps.
Je voudrais concentrer mon propos sur l'activité des banques. Je veux féliciter les rapporteurs pour leur travail, fourni et objectif. Je veux aussi saluer les efforts locaux du secteur bancaire, assurantiel et de l'expertise comptable, bien que certains besoins ou attentes ne soient pas encore satisfaits, ou du moins que partiellement.
On le sait, cette crise est partie pour durer : après les drames économiques, et parfois humains imputables aux confinements et à l'arrêt total de certaines activités, nous devrons faire face à une crise sociale, mais aussi à une menace de longue durée sur le financement de notre économie. Avant même cette crise sanitaire de 2020, les banques françaises, selon le Gouverneur de la Banque de France, bien qu'ayant consolidé leur structure financière par rapport à la période précédant la défaillance de Lehman Brothers, demeuraient celles enregistrant l'un des taux de rentabilité les plus bas en Europe. Or, on le sait, la durée entre le retournement d'un marché et la défaillance d'une institution financière peut atteindre 12 à 18 mois, nous l'avons malheureusement connu en 2008 avec la crise de l'immobilier.
Si nous regardons le premier confinement, la dette des entreprises a augmenté davantage que le montant des PGE accordés et davantage encore que leur chiffre d'affaires précédent. Une fois les PGE consommés au mois de juin 2021, une fois le soutien financier du chômage partiel, certes essentiel mais nécessairement temporaire, achevé, que restera-t-il de la capacité de financement de nos entreprises ? Et surtout, qu'adviendra-t-il des prêts antérieurs, non garantis pas l'État, qui ne pourront être remboursés en raison des faillites de ce que certains appellent les entreprises « zombies » ? Ne craignez-vous pas, d'ici 18 à 24 mois, une « réplique » tout aussi probable que brutale de la crise actuelle, à savoir l'augmentation du chômage, donc des faillites, donc des difficultés supportées par les institutions financières et bancaires ?
Je voulais poser deux questions aux rapporteurs.
S'agissant des centres de gestion agréés, un constat souvent fait par les petites et moyennes entreprises et les très petites entreprises (PME-TPE) est celui de la difficulté de diffusion de l'information relative aux aides publiques. Ne faudrait-il pas avoir une relation régulière avec la fédération des centres de gestion agréés pour qu'elle nous serve de thermomètre de l'ambiance économique générale du pays ? Il serait intéressant d'avoir un suivi régulier de l'état des PME-TPE, d'autant qu'un constat surprenant est fait : celui de la baisse des défaillances d'entreprises parce que les tribunaux de commerce ont vu leur fonctionnement perturbé par la crise de la covid-19. En conséquence de quoi, un certain nombre de démarches n'ont pas été faites en temps et en heure.
Deuxièmement, constate-t-on une différence d'approche entre les assureurs « purs » et les banques également assureurs qui ont peut-être intérêt à avoir une approche différente sur les produits d'assurance étant donné les enjeux du point de vue des crédits accordés ?
J'apporte une précision s'agissant du programme de travail de notre groupe de suivi : vos deux rapporteurs seront reçus mercredi prochain par M. le ministre Alain Griset pour faire remonter les remarques de nos collègues et celles formulées lors des auditions.
Je retiens un fonds commun dans vos propos : la crainte légitime qu'une crise financière succède à la crise sanitaire. On vit une crise sanitaire, une crise probablement économique à court terme en raison du ralentissement de la croissance, une crise sociale avec l'explosion du nombre de Français qui s'inscrivent auprès des associations alimentaires et, effectivement, la grande crainte que l'on pourrait aussi avoir, dans les dix-huit à vingt-quatre mois, une crise financière. Les banques aujourd'hui prennent des engagements, du mieux qu'elles peuvent. Des emprunts ont été contractés avant les prêts garantis par l'État (PGE) et qu'il faudra rembourser. Il y a aussi une dette qui s'accroît plus rapidement chez les entreprises que ce qui a été accordé au travers du PGE. Cela peut amener à une fragilisation générale de l'ensemble du secteur économique. Il faudra que nous soyons vigilants à ce que l'État – même s'il est trop tôt pour le dire – soutienne le secteur bancaire, comme par le passé lors de la crise de 2008 et même auparavant. L'épargne des Français est un levier important de la reprise économique. Ce sera à nous, parlementaires, de peser pour que l'État joue son rôle aux côtés du secteur bancaire qui est le principal levier du monde économique. J'ajoute que l'épargne des Français a gonflé de manière importante ; elle devra participer à la relance économique – M. Bruno Le Maire s'est engagé dans cette réflexion – pour préserver à terme l'ensemble de notre modèle.
Je souscris à ce qui vient d'être dit : on a tous le souvenir de la crise de 2008 où l'État a pris sa responsabilité et sauvé le système bancaire. Ce sont d'ailleurs les Français et leur épargne qui ont sauvé le système bancaire. Aujourd'hui, la légitime attente des citoyens et des entreprises est que les banques jouent à leur tour leur rôle dans la sauvegarde de l'emploi et de l'économie. Les acteurs du système bancaire et du système assurantiel l'ont bien compris et la mise en œuvre se fera à des degrés différents.
En réponse à M. Herth, je précise que les banques commercialisant des assurances ont traité les choses de manière un peu différente. Ce sont souvent des banques de proximité. Mais ces banques n'ont souhaité s'exprimer que sur ce qui relevait du secteur bancaire.
On va avoir enfin à imaginer, dans les semaines ou les mois à venir, des dispositifs qui permettront de faire en sorte que les PGE contractés auprès des banques puissent être facilement résolus. Certains départements connaissent aujourd'hui un taux de chômage plus faible grâce aux PGE ; mais l'on craint que la crise ne soit reportée au printemps voire au deuxième semestre 2021. Ce sera à ce moment- qu'il faudra trouver des dispositifs pour que soient pris en charge les PGE des entreprises qui auront fermé. Peut-être par l'allocation des remboursements des autres PGE à un fonds de solidarité ?
Je partage aussi l'idée que l'on puisse avoir un dialogue régulier avec les centres de gestion agréés. On avait le choix d'auditionner l'ordre des experts-comptables ou les centres de gestion agréés ; auditionner ces derniers nous a permis de comprendre qu'il y avait peu d'interactions entre les centres de gestion agréés, les experts-comptables, les banques et les assurances. Il y a peu de transversalité entre ces différents interlocuteurs. Il faudrait qu'ils se parlent pour anticiper un certain nombre de crises. D'où la proposition pertinente de M. Antoine Herth : poursuivre un dialogue avec les centres de gestion agréés qui sont au plus près du terrain et ont une connaissance approfondie de la comptabilité des entreprises.
S'agissant de la différence d'approche entre les assurances « pures » et les banques-assurances, on cherchera des compléments d'information.
N'hésitez pas à communiquer largement sur les travaux du groupe de suivi, ils le méritent.