Les travaux du groupe de suivi, la semaine passée, ont été consacrés aux premiers partenaires privés des entreprises en situation de crise : leurs banquiers, assureurs, experts‑comptables et centres de gestion agréés. Ces derniers ont été entendus comme des témoins privilégiés de la situation des entreprises. Notre présentation d'aujourd'hui se concentrera sur le rôle joué par les deux grands acteurs financiers – banques et assurances – depuis le début de la crise sanitaire, et plus particulièrement dans l'accompagnement des entreprises face au reconfinement.
Lors du premier confinement, la banque et l'assurance françaises ont rapidement pris un certain nombre de mesures de solidarité envers nos entreprises en difficulté – avec, il faut le souligner, une réactivité et une ampleur de réaction spéciales de la part du secteur bancaire. Les banques ont ainsi, dès le 15 mars, décidé de reporter jusqu'à 6 mois les remboursements de crédits des entreprises – et jusqu'à 12 mois pour le secteur touristique et évènementiel. Même si tous les établissements ne l'ont pas mis en œuvre, ce moratoire a concerné 2 millions de contrats et porté sur 20 milliards d'euros d'encours jusqu'en septembre.
Les assurances, quant à elles, se sont engagées devant le Premier ministre, le 15 avril, à apporter des aides à hauteur de 1,75 milliard d'euros en sus de ce qui est prévu par les contrats. Et de fait, 1 756 millions d'euros de mesures « extra-contractuelles » ont été prises individuellement par les compagnies d'assurances : quelques-unes versant des soutiens financiers pour compenser l'exclusion de la pandémie dans leur garantie au titre des pertes d'exploitation ; d'autres supprimant ou réduisant les primes, etc. Le secteur a apporté, par ailleurs, en juin, 400 millions d'euros au fonds de solidarité.
Mais qu'en est-il de l'accomplissement de leurs missions premières : à savoir éviter l'étranglement financier conjoncturel des entreprises pour les uns, couvrir les dommages créés par la crise pour les autres ? S'agissant des banques, on nous a parlé de la prudence exacerbée de certains établissements aux débuts de la distribution des prêts garantis par l'État (PGE) ; et la Banque centrale européenne a relevé un certain durcissement dans notre pays des conditions d'octroi des crédits aux entreprises au troisième trimestre, après le premier confinement. Enfin, certains d'entre nous ont été informés des difficultés de jeunes créateurs d'entreprise à trouver des financements, notamment en perspective de la relance.
Il n'en reste pas moins que la distribution des crédits aux entreprises est restée active pendant le premier confinement et encore après, jusqu'au reconfinement. Enfin, si les données générales sur octobre et début novembre sont indisponibles, le tableau de bord du ministère de l'économie sur les PGE montre que 1,4 milliard d'euros supplémentaires ont été accordés sur le seul mois d'octobre. La Banque de France a elle-même salué la mobilisation des banques françaises, qui ont plus massivement soutenu nos entreprises que leurs homologues dans les autres pays européens, avec, au surplus, les taux d'intérêt les plus bas d'Europe. La Banque de France a relevé, en outre, des taux d'accès aux crédits de trésorerie historiquement élevés au deuxième trimestre, avec 94 % des demandes des petites et moyennes entreprises (PME) et 90 % des demandes des très petites entreprises (TPE) satisfaites. Au troisième trimestre, ces taux demeurent nettement supérieurs aux niveaux antérieurs, avec des ratios de, respectivement, 90 et 87 %. Quant aux crédits d'investissements, le taux de satisfaction des demandes des PME est resté aux excellents niveaux de 95 et 96 %, quand il s'établissait à 92 % au niveau européen sur les premiers mois de l'année. Le taux d'accès des TPE a connu un léger recul, mais s'établissait encore à 86 % au troisième trimestre. Pour autant, ces chiffres honorables ne doivent pas faire oublier que les demandes de crédits d'investissement des TPE comme des PME ont sensiblement diminué depuis le début de la crise.
En pratique, le soutien bancaire est largement lié à la distribution des PGE. Celle‑ci a été étendue, rapide et massive : au 30 octobre, on décompte près de 603 000 entreprises à en avoir bénéficié, en peu de mois, pour un total d'aides cumulées de 123,2 milliards d'euros. Le taux de refus des demandes éligibles s'établit à seulement 2,7 %. 89 % des bénéficiaires sont des TPE. Par secteur, on observe qu'il s'agit pour 22 % de commerçants et pour 15 % des entreprises des secteurs de l'hébergement et de la restauration. Les banques se sont aussi engagées à distribuer les PGE à prix coûtant, c'est-à-dire sans marge ni frais de dossier, mais au prix de la ressource pour la banque. L'inconvénient de ce système est une incertitude sur le prix final pour l'emprunteur ; néanmoins, il devrait être calculé au minimum de ce que permettent des marchés dont les taux devraient être durablement bas. Dans les conditions actuelles, ce coût s'établirait entre 1 600 et 2 200 euros par an pour un montant moyen de 180 000 euros prêtés aux PME et TPE.
Le groupe de travail a été alerté sur une autre source d'inquiétude pour les entreprises : les modalités de sortie des PGE de première génération, attribués au printemps dernier. S'il est possible désormais d'opter pour un amortissement sur une à cinq années supplémentaires, le premier dispositif des PGE prévoyait quant à lui un remboursement au terme d'un an. C'était avant que l'on se rende pleinement compte que cette crise durerait. De nouvelles modalités d'amortissement de ces premières dettes seront sans doute à négocier au premier trimestre 2021. Le secteur bancaire s'engage à trouver des formules adaptées à chaque entreprise, par le dialogue avec son banquier.
Nous recommandons néanmoins au Gouvernement la plus grande vigilance sur les conditions de sortie des PGE distribués à l'occasion du premier confinement. Pour accompagner les entreprises pendant le second confinement, les banques françaises assurent qu'elles maintiennent leur mobilisation et une distribution réactive des PGE. La fédération bancaire française (FBF) affirme que notre système résiste solidement à la crise et pourra faire face aux demandes de crédits. Néanmoins, pour préserver la solvabilité des établissements bancaires, l'Autorité bancaire européenne ne les autorise plus, depuis le 1er octobre, à accorder un report général des paiements. Aujourd'hui, même si la possibilité de moratoires individuels n'est pas écartée de principe, la position du secteur bancaire est de pousser le dialogue avec les entreprises le plus loin possible, afin de trouver ensemble des solutions individualisées. La FBF affirme que les portes des banques sont ouvertes pour ce dialogue et conseille de ne pas attendre les premiers incidents de paiement avant de les alerter.