Intervention de Nadia Hai

Réunion du mercredi 25 novembre 2020 à 14h30
Commission des affaires économiques

Nadia Hai, ministre déléguée :

Plusieurs questions importantes ont été formulées. Certaines se recoupent. La première, posée par Mme Le Meur, aborde un sujet essentiel de la politique de la ville, sur lequel j'ai travaillé avec elle pendant trois années et qui se révèle déterminant pour l'émancipation, quel que soit le public concerné : l'emploi. Elle a également évoqué l'entrepreneuriat au sein de nos quartiers. J'ai listé un certain nombre de mesures, qu'il s'agisse des emplois francs, des contrats adultes-relais, des actions menées en faveur de l'insertion professionnelle à travers les EPIDE, du plan « 1 jeune, 1 solution » déployé par ma collègue Élisabeth Borne. Un grand plan de formation professionnelle sera mis en œuvre au travers d'un ambitieux plan d'investissement dans les compétences de 15 milliards d'euros, dont 2 milliards seront directement fléchés vers la politique de la ville. Il comporte un volet formation professionnelle, ainsi qu'un volet prépa-apprentissage, destiné à raccrocher tous ceux éloignés de l'emploi en les replaçant dans le parcours de la formation professionnelle classique ou en les intégrant directement dans les entreprises.

Certains dispositifs sont déjà mis en œuvre. D'autres restent à engager, notamment le plan « 1 jeune, 1 solution » ou le parcours emploi compétences qui est une sorte d'emploi relais appelé à remplacer les contrats adultes-relais. Nous souhaitons en augmenter le nombre pour favoriser l'insertion professionnelle des jeunes dans les quartiers de la politique de la ville.

Deuxième axe d'action en matière de développement économique : l'aide à la création d'entreprise et à l'entrepreneuriat. Une prime de 1 500 euros permettra d'accompagner les entrepreneurs durant cette crise sociale et économique. Nous avons également noué un partenariat avec la Banque publique d'investissement (BPI) pour accompagner de jeunes créateurs d'entreprise. Le programme Talents des cités, qui existe depuis plusieurs années, sera prolongé pour aider les jeunes créateurs d'entreprise à rayonner, tant au niveau national qu'international.

Citons encore le renforcement du dispositif Cap Jeunes, mené également par la BPI, qui sera abondé de 20 millions d'euros dans le cadre du plan de relance.

Concernant les commerces de proximité, le plan de relance alloue 60 millions d'euros à la création de 100 foncières territoriales entre 2021 et 2022.

Je saluerai ensuite le travail accompli par M. Rémi Delatte, avec qui j'ai collaboré pendant un peu moins d'un an. Nous avons ainsi pu évaluer le premier programme de rénovation urbaine et commencé à préparer le NPNRU.

Pour le moment, il n'est pas prévu d'augmenter le budget de l'ANRU, même dans le cadre du plan de relance, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, le plan de relance comporte des mesures répondant à différents enjeux, dont la rénovation énergétique des bâtiments, avec 500 millions d'euros affectés aux logements sociaux, dont nous connaissons la localisation. Il prévoit également une enveloppe d'un milliard d'euros allouée au financement de la rénovation énergétique des bâtiments publics communaux et départementaux. Cette enveloppe de 1,5 milliard s'ajoutera aux 10,2 milliards de financement dont dispose déjà l'ANRU.

Il est néanmoins exact que des élus locaux, des parlementaires et des bailleurs représentés au conseil d'administration de l'ANRU sollicitent une augmentation du budget de cette structure de 2 milliards d'euros. Cette demande, relayée par les 101 maires qui ont écrit au Président de la République, a été entendue et, avec la ministre du logement, nous réfléchissons à la manière de financer les 15 % de dossiers restant à valider – 85 % des dossiers présentés au titre du NPNRU ont déjà été traités. Il y a là urgence, du fait de la crise sanitaire. Les discussions déjà engagées avec des partenaires comme Action Logement permettront de progresser. Ce sujet de discussion est bien sur la table.

Monsieur Lagleize, toujours s'agissant de l'ANRU, 449 projets du NPNRU sont répartis entre 480 quartiers et ont été validés, 196 projets sont d'intérêt national, et 253 d'intérêt régional. Au 31 juillet 2020, 383 projets concernaient 396 quartiers et étaient déjà validés. Le reste des validations interviendra dans les prochaines semaines. Les projets portés par le NPNRU sont très ambitieux. J'ai évoqué les chantiers de démolition, de reconstruction et de réhabilitation, mais cela concerne aussi des écoles et des équipements communaux, pour un nombre total de 827 bâtiments municipaux, dont 240 écoles. Le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, a fixé à 300 le nombre de projets devant être lancés d'ici la fin 2021. Nous serons très attentifs en la matière.

Quant au financement de l'ANRU et à la trajectoire budgétaire de la participation de l'État au budget de l'ANRU, je dois rappeler que la trésorerie de cette dernière lui suffit pour faire face aux projets dont elle est en charge. En conséquence, le Gouvernement a pour l'instant préféré orienter les fonds disponibles vers d'autres priorités imposées par l'urgence budgétaire, sanitaire et sociale. L'ANRU n'a, pour l'heure, pas besoin de fonds supplémentaires pour 2021. Le Gouvernement a tenu à maintenir son engagement et son soutien au profit de l'ANRU. Le budget que nous vous invitons à voter en nouvelle lecture d'ici la fin d'année prévoit une participation de 15 millions d'euros en autorisations d'engagement au profit du programme national de rénovation urbaine de l'ANRU.

J'espère que vous voterez ce budget en nouvelle lecture tant il rend compte de la volonté du Gouvernement de s'engager aux côtés des partenaires du programme national de rénovation urbaine.

J'ai ainsi également répondu à Mme Sylvia Pinel.

Une question de M. Potier m'impose de rappeler que ma présence devant vous ce jour montre que la politique de la ville n'est pas un échec intégral. Moi-même enfant d'un tel quartier, où j'ai passé une grande partie de ma vie, je peux témoigner que ces quartiers sont le cadre de véritables réussites et comptent des talents en leur sein. Il est regrettable qu'il n'en soit que trop rarement question. Des créateurs d'entreprise y innovent quotidiennement. Certains sont en difficulté mais d'autres se battent et luttent contre les inégalités et les difficultés qu'ils rencontrent, contre la pauvreté, mais je ne saurais résumer les difficultés de la politique de la ville à cette pauvreté ou à ces difficultés.

Dans l'ensemble, l'ANRU a été une réussite. Dans certains quartiers, elle a transformé la ville et son image, pas uniquement au travers du bâti. Cette agence a renforcé la mobilité, dynamisé l'économie par l'installation de commerces de proximité, renforcé la mixité sociale, grâce à la construction de logements neufs et de logements en accession à la propriété. Des programmes ambitieux ont été couronnés de succès, comme le dédoublement des classes en élémentaire. Cette mesure est une réussite et les évaluations que nous pouvons maintenant mener de ce dispositif déployé en 2017 en témoignent. Tous les observateurs s'accordent à dire que le niveau des élèves a augmenté. Nous souhaitons prolonger ce programme avec celui des Devoirs faits, pour le collège. Les cités éducatives permettront d'impliquer de manière convergente les acteurs du milieu éducatif et associatif. Des élus nous signalent que le niveau scolaire des élèves s'en ressent positivement. Il n'est donc pas possible, aujourd'hui, d'évoquer un échec total.

Nous vous transmettrons les indicateurs dont nous disposons en matière de retour à l'emploi, sujet sur lequel l'Institut national des statistiques et des études économiques a beaucoup travaillé.

Avec le recul dont je dispose depuis quelques mois, je peux dire que, au-delà des dispositifs de création d'entreprise et de retour à l'emploi, nous devons avant tout veiller à déployer la bonne méthode. Ainsi, les emplois francs, destinés aux quartiers de la politique de la ville, ne fonctionneront pas s'ils n'atteignent pas la population visée. Là où les emplois francs n'ont démarré que timidement, nous relevons que l'offre et la demande d'emplois ne se rencontrent pas.

À l'instar de ce que nous avons fait avec les cités éducatives, nous entendons intervenir dans le champ de l'emploi pour permettre aux publics et aux dispositifs de se rencontrer, grâce aux cités de l'emploi. Tous les acteurs doivent communiquer ; les missions locales doivent échanger avec Pôle emploi, lequel doit parler aux associations locales, aux médiateurs ainsi qu'aux élus locaux, pour placer tous les outils existants au service des habitants. Nous y travaillons.

Je ne pense donc pas que la politique de la ville ait été un échec. Simplement, des territoires d'exception ont été créés voici quarante ans. C'est précisément mon âge. Volontairement ou non, des poches de pauvreté sont apparues. Ces quartiers de la politique de la ville méritent une attention particulière. Si nous n'avons pas jusque-là réduit les effets de la ghettoïsation ni le taux de chômage, c'est peut-être parce que la méthode n'était pas la bonne. Nous changeons donc de méthode au travers des nouveaux dispositifs que nous portons. Certaines associations de proximité avec lesquelles j'échange régulièrement nous expliquent sans faillir que les indicateurs de l'emploi étaient positifs juste avant la crise sanitaire. Ceci s'explique justement parce que, au-delà des dispositifs, nous avons revu le mode de collaboration et de communication des différents acteurs entre eux.

J'espère avoir répondu à votre question sur le retour de la République dans ces quartiers et les efforts qu'elle consent. Nous n'avons pas ménagé notre peine pour renforcer la sécurité puisque le budget spécifique alloué à la police et à la gendarmerie devrait permettre la reconquête républicaine. Cette mesure est prise pour les habitants de ces quartiers où la question de la sécurité se pose avec une particulière acuité. Je ne le répéterai jamais assez : lorsque je rentre chez moi à Trappes et que j'entends des rodéos à moto à deux heures du matin, ce sont les riverains qui souffrent de ces nuisances, pas les personnes qui œuvrent dans les ministères ou sur les plateaux de télévision. Toutes les familles sont réveillées par ces bruits. Il convient donc d'augmenter les moyens de la police et de la gendarmerie, en faveur des quartiers prioritaires.

Je ne détaillerai pas tout ce qui est prévu pour la justice, dont le budget augmente de 8 % dans le projet de loi de finances. Nous ne saurions tolérer le sentiment d'impunité dont jouissent certains.

Mme Sylvia Pinel m'a interrogée sur la méthode. Cette question a été abordée lors d'une réunion avec les élus. Jusque-là, notre action a manqué de lisibilité et de transparence. Il faut le reconnaître ; c'est ce que je fais ici. Nous devons accompagner les élus et les informer de tout ce qui est mis en place.

Ainsi, existent à l'échelle locale des comités de la relance. Nous avons demandé que les élus des quartiers de la politique de la ville y soient pleinement associés afin qu'ils puissent bénéficier du plan de relance à l'échelle locale. Ils seront ensuite accompagnés et le plan de relance sera décliné dans ces quartiers. L'Agence nationale de la cohésion des territoires déploiera ses moyens d'ingénierie pour aider les quartiers de la politique de la ville à porter leurs projets.

À l'échelle nationale, j'annoncerai prochainement une nouvelle méthode de travail, avec les élus signataires du courrier précédemment évoqué. Ces élus sont pleinement engagés dans la déclinaison du plan de relance. J'y associerai le Conseil national des villes, ce très bel outil qui réunit les élus, les acteurs économiques, les habitants et les associations. Nous pourrons ainsi étudier comment faire pleinement bénéficier du plan de relance les quartiers de la politique de la ville.

Sans entrer dans le détail des mesures prévues, que nous examinerons avec les élus et le Conseil national des villes, rappelons simplement deux axes d'action majeurs : l'emploi et le renforcement du développement économique d'une part, l'amélioration du cadre de vie au travers du renouvellement urbain d'autre part. Tout ne passe pas forcément par l'ANRU. Le plan de rénovation énergétique des logements sociaux et du bloc communal profitera aux quartiers de la politique de la ville. Nous intervenons également au travers de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), dont le budget augmente d'un milliard d'euros. La part des quartiers de la politique de la ville dans cette enveloppe sera au minimum proportionnée à leur poids démographique. Une instruction claire a été adressée aux préfets par voie de circulaire, la semaine dernière, à ce sujet. Les fonds de la DSIL seront donc fléchés en priorité vers les quartiers de la politique de la ville et nous veillerons à leur bonne mise en œuvre.

Je serai ravie de me rendre dans votre circonscription, Monsieur Jumel. Vous avez évoqué la question de la réforme de l'éducation prioritaire. C'est un chantier d'envergure, mené par Mme Nathalie Élimas, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et des sports, chargée de l'éducation prioritaire. Nous sommes animés par la volonté, au travers de cette réforme, non pas de pénaliser, mais au contraire de soutenir et accompagner ces quartiers. Ce faisant, nous les tirerons vers l'excellence. Nous ne toucherons pas au dispositif Réseau d'éducation prioritaire plus – REP+. Cela a déjà été dit. Une réflexion sur les zones prioritaires est à l'œuvre. Certes, les quartiers de la politique de la ville sont concernés, mais il existe également des zones rurales qui ne bénéficient pas d'une attention particulière alors que leurs difficultés sont comparables à celles des quartiers de la politique de la ville. Le zonage sera donc remis à plat.

Une réflexion sera menée sur la base des résultats des expérimentations menées dans trois départements, pour mobiliser les différents dispositifs de politique éducative. Nous devons répondre à l'urgence qui prévaut en la matière et toucher le plus grand nombre d'enfants possible. Il n'est cependant pas question de remettre en question l'éducation prioritaire au sein des quartiers de la politique de la ville. J'y serai attentive.

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