La commission des affaires économiques auditionne, en visioconférence, Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville.
Mes chers collègues, je vous souhaite la bienvenue pour cette séance qui intervient au milieu d'une semaine particulièrement chargée.
Je tiens tout d'abord à saluer Mme Nadia Hai, ministre déléguée chargée de la ville, qui est une ancienne collègue puisqu'elle était, il y a encore quelques mois, députée des Yvelines. Déjà dans le cadre de ses anciennes attributions, j'avais pu noter qu'elle ne ménageait pas ses efforts en faveur des quartiers prioritaires de la politique de la ville ; elle se consacre désormais pleinement à cette mission au sein de son ministère.
Vous avez eu l'occasion, Madame la ministre déléguée, de communiquer largement ces derniers jours et nous sommes très heureux de vous entendre aujourd'hui. Cette réunion s'inscrit dans une série d'auditions auxquelles tous les ministres dont le mandat intéresse notre commission ont été ou seront conviés.
La situation des quartiers prioritaires de la politique de la ville est difficile en ces temps d'épidémie de Covid-19. Cette audition sera en tout cas l'occasion, pour vous, de nous présenter tout ce qui a été entrepris dans le cadre du plan de relance, mais aussi depuis ces trois dernières années, pour des quartiers qui sont encore trop souvent les parents pauvres de la République.
Vous avez récemment indiqué que 1 % du plan de relance leur serait directement consacré. Je suis très intéressé de savoir comment, concrètement, nous pourrons nous assurer que cet argent parvient bien à ces quartiers et de quelle manière il sera utilisé Vous avez également déclaré que 85 % des mesures préconisées dans le plan Borloo avaient été mises en œuvre. J'aimerais que vous nous en disiez davantage. Je vous laisse la parole pour un propos liminaire avant les questions des membres de la commission, à commencer par celles des orateurs des groupes.
Je suis ravie de vous revoir pour cette audition, même si j'aurais préféré que nous puissions nous retrouver physiquement, dans la salle des affaires économiques. J'ai bien connu celle de la commission des finances, mais je sais que la vôtre compte également dans ses rangs des députés particulièrement engagés. Je tiens à saluer chacun d'entre vous, car je sais que qualité et rigueur président aux travaux de votre commission, particulièrement active depuis le début de la crise sanitaire.
Dans ce contexte qui nous impose de faire face à de lourdes conséquences sociales et économiques, je veux vous assurer de l'entière mobilisation du ministère de la ville pour concilier urgence et relance, en particulier au profit des quartiers prioritaires de la politique de la ville, durement touchés par la crise.
Je dialogue très régulièrement avec les acteurs concernés, parlementaires, élus locaux, associations et acteurs du secteur économique, sans oublier les services de l'État qui sont tous également mobilisés. Nous veillons à ce que les décisions soient prises au plus près du terrain et à ce qu'elles se traduisent très concrètement dans la vie de nos concitoyens.
Vous avez raison, Monsieur le président, de rappeler l'annonce du Premier ministre concernant le plan de relance. Une réunion s'est tenue lundi, à Matignon, en présence de plusieurs membres du Gouvernement, en réponse à une lettre adressée au Président de la République par 101 maires. Ce fut l'occasion de rappeler l'engagement résolu du Gouvernement à gérer l'urgence sanitaire et sociale mais aussi de préparer l'avenir dans le cadre de ce plan de relance. Nous avons également pu échanger autour des recommandations et des propositions des maires, en nous fondant sur un constat évidemment partagé. Du même coup, nous avons rappelé l'action du Gouvernement pour gérer la crise et l'urgence sociale.
Les priorités que ces échanges ont permis de dégager, et qui sont également les nôtres, ont été traduites dans le projet de loi de finances, adopté en première lecture, et qui reviendra en nouvelle lecture devant l'Assemblée nationale d'ici la fin de l'année. Elles suivent trois axes principaux.
Le premier correspond à l'emploi et au développement économique : il convient d'apporter aux habitants des solutions pour faire face aux conséquences socio-économiques de la crise sanitaire et soutenir l'émancipation économique de ces territoires.
Le deuxième traduit l'ambition éducative qui nous anime. Nous avons pour priorité de tenir la promesse républicaine placée au cœur de l'école, en luttant contre le décrochage scolaire et en sortant des logiques de dispositifs, afin de créer un véritable parcours autour du jeune, dès son enfance.
Le troisième axe concerne le renouvellement urbain : il convient de poursuivre et de concrétiser les projets de transformation de nos quartiers afin d'améliorer la cohésion urbaine et de favoriser la mixité sociale.
N'oublions pas une quatrième priorité, dans le contexte d'urgence sociale : celle de faire vivre les solidarités. Le milieu associatif, en première ligne sur le terrain, doit disposer des moyens pour agir. Le lien social est primordial dans nos quartiers, il est un véritable enjeu de proximité. Ces acteurs sont précisément ceux qui assurent le « dernier kilomètre » entre les politiques publiques que nous portons et leur concrétisation.
Pour continuer de traduire nos engagements en actes, le budget politique de la ville pour 2021 augmente de 46 millions d'euros pour être porté à plus d'un demi-milliard d'euros, conformément à la promesse du Président de la République. L'objectif, comme en 2020, sera atteint. Ces moyens nous permettront d'accélérer et d'intensifier l'action du Gouvernement sur les volets prioritaires que je viens de décrire, notamment grâce aux efforts territorialisés prévus par le plan de relance. Cette action devra être déployée en veillant à respecter l'impératif d'équité territoriale, sujet qui me tient particulièrement à cœur et que je portais déjà en tant que parlementaire.
Trois axes d'action sont identifiés comme prioritaires.
Nous devrons tout d'abord soutenir les entrepreneurs des quartiers et mener une politique en faveur de l'emploi pour tous. J'y tiens tout particulièrement tant ces quartiers ont souffert de la crise économique. Le taux de chômage, avant la crise, était déjà plus de deux fois et demie supérieur à la moyenne nationale. L'enjeu de relance est réel. Je suis restée pleinement mobilisée avec mes collègues du Gouvernement pour soutenir les entreprises et les salariés de nos quartiers, dans le cadre d'une action déployée depuis le printemps dernier. En ce sens, nous travaillons à mettre au point un certain nombre de solutions, en plus des mesures que j'ai déjà annoncées.
Nous accroîtrons le nombre de contrats aidés avec 60 000 parcours emploi compétences supplémentaires et un financement par l'État porté de 48 à 80 % au sein des quartiers prioritaires de la politique de la ville. C'est une annonce forte du Premier ministre, dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté.
Nous pérennisons par ailleurs les contrats adultes-relais, pour un coût de 10 millions d'euros supplémentaires inscrits au projet de loi de finances pour 2021, qui permettront de créer 1 500 postes supplémentaires. Nous renforçons également les établissements pour l'insertion dans l'emploi (EPIDE) en relevant la participation du ministère de la ville à 32 millions d'euros, soit une augmentation de 4 millions d'euros. Nous sommes attachés à cette action qui favorise l'insertion professionnelle, celle des jeunes particulièrement.
Nous souhaitons également démultiplier les cités de l'emploi, construites sur le modèle des cités éducatives, afin de développer les synergies. Il s'agit davantage d'une méthode de travail que d'un dispositif supplémentaire, pour rassembler tous les acteurs économiques des territoires et les inviter à chercher ensemble des solutions adaptées au parcours et au profil des uns et des autres. Vingt cités de l'emploi sont expérimentées et nous entendons en porter le nombre à soixante en 2021.
Le plan de relance retient la lutte pour l'emploi des jeunes comme une très grande priorité. Le plan « 1 jeune, 1 solution », porté par ma collègue Élisabeth Borne, a été dévoilé. Nous travaillons à mettre au point le fléchage de ce plan vers les jeunes des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Nous cherchons à déterminer, plus particulièrement, quel pourcentage du milliard d'euros dévolu par le plan de relance sera orienté de cette manière. Les travaux ont commencé et les annonces suivront, dans les jours et semaines à venir. Vous en prendrez ainsi connaissance.
Par décret du 21 octobre 2020, nous avons également, d'une part, prorogé le dispositif des emplois francs en 2021 et, d'autre part, créé le dispositif des emplois francs + qui prévoit une majoration de l'aide de l'État quand un jeune de moins de 26 ans est engagé. Cette majoration vaudra pour l'ensemble de la durée d'application de l'aide à l'embauche du plan jeunes. L'aide dévolue aux emplois francs représente 5 000 euros pendant trois ans. Ce montant sera porté à 7 000 euros la première année pour les emplois francs +. Cette mesure concrétise notre volonté de doper le recours aux emplois francs au sein des territoires accompagnés, afin de favoriser la reprise des embauches.
L'action en faveur de l'emploi ne peut se concevoir sans prendre en compte le développement économique des quartiers. Il nous est donc apparu nécessaire de soutenir l'activité des entrepreneurs face aux difficultés qu'ils rencontrent. Sur ce point, j'ai annoncé, voici quelques semaines, le déblocage d'une prime d'urgence de 1 500 euros au profit des entrepreneurs des quartiers. Pas moins de 5 000 d'entre eux devraient être concernés. Cette prime sera distribuée par les réseaux qui accompagnent les entrepreneurs comme l'Association pour le droit à l'initiative économique (ADIE), France Active et Initiative France. Cette aide s'ajoute aux dispositifs déjà déployés par l'État, notamment le fonds de solidarité.
Notre deuxième priorité est l'éducation car elle est au cœur de l'égalité des chances. Notre ambition, là aussi, reste forte, dans un contexte de crise qui a provoqué le décrochage de nombreux jeunes des quartiers prioritaires, particulièrement dans les classes primaires. Nous avons dû nous adapter pour organiser la continuité éducative et pédagogique. Je le répète, au sein de ces quartiers, la réussite éducative est un pilier essentiel sur lequel nous devons nous appuyer. Nous devons aider les plus jeunes à s'émanciper grâce à une politique éducative forte et ambitieuse.
Nous déployons des moyens en conséquence : le budget que nous vous invitons à voter prévoit une augmentation de 17 millions d'euros pour créer 40 cités éducatives en 2021, ce qui portera leur nombre à 120. D'autres mesures visent à favoriser l'égalité des chances, comme le dédoublement des classes, instauré dès la rentrée 2017. Pas moins de 300 000 enfants en bénéficient. Cette mesure est une réussite, notamment grâce aux élus locaux qui en ont assuré la mise en œuvre.
N'oublions pas les cordées de la réussite, programme qui vise à faciliter l'accès des jeunes à l'enseignement supérieur. Là aussi, ces milieux socioculturels doivent en bénéficier. Ce dispositif profite déjà à 100 000 jeunes des quartiers prioritaires.
Il ne me semble pas utile de vous rappeler le programme des internats de la réussite ou le dispositif Devoirs faits. Ces mesures profitent pleinement aux jeunes des quartiers en question.
Par ailleurs, durant la crise sanitaire et plus particulièrement pendant le premier confinement, nous avons déployé des mesures d'accompagnement d'urgence pour assurer la continuité éducative : un plan de 15 millions d'euros a été débloqué pour participer à l'achat et à la distribution de matériel informatique, en lien avec les services de l'État, les collectivités et les associations. Un travail formidable a été réalisé.
À l'issue de la période de confinement, nous avons déployé une opération interministérielle d'envergure, les Vacances apprenantes. Dans ce cadre, le plan Quartiers d'été a profité à 500 000 jeunes qui ont pu participer à des activités sportives, ludiques et culturelles organisées directement dans les quartiers, grâce au soutien des élus locaux et du milieu associatif. Ainsi, l'été 2020 a pu être un été de loisirs, d'apprentissage et de découverte pour les enfants de ces quartiers.
Face aux besoins des élus locaux, des associations et des habitants, et compte tenu du succès du dispositif, j'ai souhaité le reconduire pour les vacances de la Toussaint. Ces Quartiers d'automne ont ainsi profité à 100 000 jeunes, ce qui est une respiration bienvenue après le confinement, l'été et la rentrée scolaire. Sans anticiper sur le deuxième confinement, je pense que ces actions ont été bénéfiques.
Notre troisième priorité reste le renouvellement urbain. La transformation de nos quartiers se poursuit. Je crois profondément au fait que la politique de la ville doit être une politique d'action. L'humain doit revenir au cœur du projet urbain, qui ne peut se concevoir sans bâti. En conséquence, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) a été redynamisée. À l'arrêt depuis quatre ans, comme nous l'avons constaté au cours des réunions de concertation, elle a dû abandonner certaines de ses premières ambitions. Je peux désormais vous l'affirmer : les grues sont de retour, même si les chantiers ont parfois été retardés du fait de la crise, du confinement et des élections municipales. Le budget de l'ANRU a été doublé pour être porté de 5 à 10 milliards d'euros et nous avons déjà engagé 10,2 milliards au total, depuis mai 2018, au profit de la rénovation urbaine. Nous totalisons ainsi 89 100 logements démolis, 65 700 reconstructions et 120 100 réhabilitations.
Les copropriétés dégradées font également l'objet d'un plan d'envergure. Là aussi, nous avons dû intervenir en urgence. Trois milliards d'euros seront mobilisés sur dix ans par l'État pour traiter près de 56 000 logements et MaPrimeRénov' est renforcée dans le cadre du plan de relance. La rénovation énergétique des bâtiments est également un chantier d'envergure, doté d'un budget de 7 milliards d'euros dans le plan de relance, qui pourront profiter aux habitants des quartiers, puisque la rénovation énergétique des équipements publics, des logements sociaux et des copropriétés dégradées est concernée.
Je suis par ailleurs attachée au développement de l'agriculture urbaine. Les habitants des quartiers ont le droit à une alimentation saine et à participer à des activités agricoles. Dans cette perspective, le budget de 20 millions d'euros permettra de créer de nouveaux jardins partagés et de développer, grâce aux 10 millions d'euros dévolus à l'ANRU, le dispositif des quartiers fertiles, que je soutiens avec mon collègue Julien Denormandie.
Le quatrième point que j'évoquerai est le rôle joué par le tissu associatif, fortement impliqué dans le maintien du lien social que la crise peut fragiliser. Au cours du premier confinement, 15 millions d'euros ont été débloqués. Là aussi, nous avons décidé de renforcer notre soutien au tissu associatif, après l'été, grâce au fonds d'urgence Quartiers solidaires. Doté de 20 millions d'euros, il est directement destiné aux associations de proximité pour qu'elles poursuivent les actions déployées au cours du premier confinement. Nous les aiderons également à se structurer au mieux, pour qu'elles puissent s'occuper du plus grand nombre possible d'habitants. Pas moins de 1 800 opérations de proximité ont ainsi pu être menées grâce à Quartiers solidaires, dont 500 en direction des femmes des quartiers. Il s'agit là, à mon sens, d'un autre thème d'action important dans le cadre duquel nous avons pu intervenir grâce au fonds d'urgence.
En dehors du fonds d'urgence, je rappelle que le ministère de la ville est le premier financeur des associations de grande proximité. Ainsi, depuis plus d'un an, notre ministère porte l'opération Tremplin asso qui soutient quarante-quatre associations structurantes à hauteur de 45 millions d'euros, soit 15 millions d'euros par an pour trois ans, pour que ces associations changent d'échelle. Ces sommes seront utilisées pour aider à l'essaimage des projets présentés.
Les enjeux d'aide alimentaire ne sont pas négligés. Le premier confinement nous a montré que nous devions réagir. Nous avons tiré les leçons de cette expérience et, grâce à Quartiers solidaires, nous avons pu toucher directement des associations d'aide et de soutien aux ménages les plus fragiles ; 94 millions d'euros ont été débloqués en urgence pour cette aide alimentaire portée par le Gouvernement.
Les associations sont également soutenues par le déploiement de moyens humains. Le nombre de postes du fonds de coopération de la jeunesse et l'éducation populaire a augmenté en 2020 et cette hausse se prolongera en 2021.
Je terminerai en évoquant un sujet que je refuse personnellement d'associer directement aux quartiers de la politique de la ville, mais dont je ne peux nier l'existence. Le contexte sécuritaire est préoccupant en France, certaines idéologies séparatistes prospèrent, en profitant du recul de la République et de l'insuffisante présence des services publics. J'ai, avec Mme Jacqueline Gourault et M. Joël Giraud, l'ambition de renforcer la présence de ces derniers dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, au travers de France Services. Nous avons innové en transformant les maisons France Services en bus du même nom. Aujourd'hui, trente d'entre eux ont été labellisés et cinquante autres le seront d'ici la fin d'année. Ces bus interviendront dans les quartiers de la politique de la ville et dans les zones rurales. Il importe que la République se manifeste également de cette manière, par le retour des services publics.
Nous avons, de la même manière, renforcé les financements dont bénéficient les formations aux valeurs de la République et de la laïcité au moyen d'un budget de 3 millions d'euros. Je souhaite que nous puissions former davantage de personnes en élargissant le public aux élus et au milieu associatif. L'ambition affichée est de former 40 000 personnes chaque année à partir de 2021.
Voilà ce que je désirais porter à votre connaissance en propos liminaire. Je vous assure à nouveau de ma détermination à agir pour ces quartiers et leurs habitants, en mobilisant tous les moyens de mon administration, mais aussi ceux des autres ministères. En effet, la politique de la ville consiste à faire converger les différentes politiques publiques au profit d'un territoire qui mérite d'être valorisé et dont la jeunesse regorge de dynamisme et d'énergie.
J'ai beaucoup travaillé le thème des politiques de la ville en tant que rapporteure budgétaire pour avis, au début de mon mandat. J'ai alors pu mesurer la nécessité de mener une politique spécifique compte tenu des difficultés qui caractérisent ces quartiers, où j'ai également perçu une source d'énergie et de talents, notamment chez sa jeunesse : autant d'éléments que la République n'a pas toujours su mettre en valeur. Ces énergies qui poussent à créer, à dépasser les écueils et à voir autrement mettent en exergue la nécessité de créer des emplois permettant de s'insérer, de s'émanciper et de se projeter dans ces territoires où un actif sur quatre est au chômage.
Parmi les dispositifs déjà évoqués, citons celui des emplois francs et leur généralisation depuis le 1er janvier dans la quasi-totalité des quartiers de la politique de la ville ainsi que l'expérimentation des cités de l'emploi sous la forme de cités éducatives. Cette dernière expérimentation permet de valoriser les bonnes pratiques qui émergent de l'action des acteurs locaux dans le domaine de la formation et de l'insertion.
N'oublions pas, enfin, nos entreprises. Je pense au bar de Valérie et Enguéran, à Quimper, au traiteur, au fleuriste, au poissonnier, au coiffeur et à la boulangère, dont les commerces sont autant de lieux de vie et de partage, mais également des entreprises à part entière qui génèrent des emplois et des revenus. L'Agence nationale de la cohésion des territoires joue, pour ces entreprises, un rôle de soutien et d'aménagement commercial au travers de la création de foncières. Son action doit être prolongée et amplifiée. La crise sanitaire a eu des effets très négatifs pour l'économie et l'emploi : non-renouvellement des contrats à durée déterminée, chute de l'intérim, baisse de 50 % des créations d'emplois francs et diminution de 60 % du nombre d'emplois aidés au cours du premier confinement.
Les associations sont en souffrance. Pourtant, elles ont rendu possible le succès du dispositif Quartiers d'été. Nos quartiers doivent retrouver le rôle économique et social qu'ils jouent dans le maillage du territoire.
À ce titre, j'espère un plan de relance à la hauteur des enjeux. Pouvez-vous nous détailler votre action, si possible au moyen d'exemples ? Quel accompagnement prévoyez-vous pour ceux qui souhaitent entreprendre et pour redynamiser les entreprises existantes ? Avoir 20 ans en 2020 dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ne doit pas être une fatalité, car nous devons – vous l'avez dit – faire de cette énergie une force.
Cette crise a fortement affecté les quartiers de politique de la ville, au même titre que les territoires moins urbains. Les problématiques comme l'arrêt des emplois temporaires ou intérimaires, l'interruption de certains services, la promiscuité liée au confinement et la disparition au sein de l'espace public des flux qui gênaient jusque-là les activités clandestines et empêchaient certaines situations d'insécurité d'apparaître sont autant d'éléments que vous prenez en compte dans vos réflexions. J'ai bien noté que votre intention était d'apporter des solutions à la hauteur des enjeux.
Il n'en reste pas moins que les actions pragmatiques en faveur de l'emploi et de l'activité économique que vous avez déployées dès votre arrivée au ministère méritent d'être saluées : je pense notamment aux emplois francs et à la prime d'urgence spécifique à l'installation, pour ne citer qu'eux. Nous devons également nous féliciter de l'annonce, certes tardive, mais pertinente, de l'affectation d'une enveloppe d'un milliard d'euros à la politique de la ville dans le cadre du plan de relance.
L'octroi de ces fonds correspond à une demande forte des élus, notamment des villes et des banlieues. Ce 1 % consacré aux quartiers de la politique de la ville sera assurément un investissement opportun rendu possible par le plan de relance. Ce dernier doit également être un plan d'accélération, en particulier au travers de la reconfiguration des formes d'habitat collectif, de la réhabilitation énergétique du bâti et du développement des espaces et des activités favorisant d'une part la cohésion des publics et, d'autre part, le soutien aux parcours résidentiels.
Pour ce faire, nous disposons d'un outil adapté : le Nouveau programme national de la rénovation urbaine (NPNRU) mis en œuvre par l'ANRU. Le rapport de la mission d'évaluation et de contrôle auquel nous avons collaboré ensemble en 2018 avait permis d'alerter votre prédécesseur. Toutefois, je regrette que les crédits supplémentaires prévus par le projet de loi de finances, dans sa version initiale, ne soient pas fléchés spécifiquement au profit de l'ANRU en dehors de la transition énergétique. Cette dernière est nécessaire, mais non suffisante. Ces agences sont en retrait par rapport aux engagements pluriannuels de l'État. Sur un plan plus opérationnel que financier, comment envisagez-vous de fluidifier les processus décisionnels sur le terrain pour valider et mener des projets de rénovation urbaine ? Comment renforcer le tandem préfet-élus locaux pour tous les programmes de rénovation urbaine, qu'ils soient d'intérêt national ou régional, et ainsi concrétiser rapidement et avec pragmatisme la promesse républicaine dans les quartiers de la politique de la ville ?
L'incertitude liée aux élections municipales et à la crise sanitaire a fortement perturbé le NPNRU, lancé en 2014 et piloté par l'ANRU. Le NPNRU prévoit de transformer en profondeur plus de 450 quartiers prioritaires de la politique de la ville en intervenant en priorité sur l'habitat et les équipements publics, afin de favoriser la mixité dans ces territoires, de restaurer la République et ainsi de permettre l'émancipation des habitants. Ce programme important vise des quartiers regroupant trois millions de nos concitoyens. Au cours de sa déclaration de politique générale devant les députés, le 15 juillet dernier, le Premier ministre a spécifiquement appelé à accélérer la mise en œuvre de ces chantiers de renouvellement urbain. L'objectif est clair : les travaux devront effectivement avoir démarré dans 300 de ces 450 quartiers avant la fin d'année.
Madame la ministre déléguée, pouvez-vous nous livrer un premier état des lieux de l'avancement de ces chantiers et des éventuels blocages qui persisteraient ? Au-delà de cet objectif, de nombreux acteurs s'inquiètent de constater que les budgets alloués par l'État au renouvellement urbain demeurent en deçà de la trajectoire annoncée en 2017. Alors que la situation dans ces quartiers se dégrade, il s'agit là d'un signal négatif envoyé à nos partenaires qui fragilise la crédibilité de l'engagement de l'État de déployer un milliard d'euros à l'horizon 2030.
Ces remarques valent d'autant plus que le doublement prévu des ressources de l'ANRU pour la conduite du NPNRU repose sur une participation plus active du Groupe Action Logement dont les statuts et le niveau de ressources à venir sont actuellement en discussion – notamment s'agissant de la participation des employeurs à l'effort de construction. Il semble donc nécessaire de stabiliser dans les meilleurs délais l'avenir de cette contribution et du groupe afin d'améliorer la visibilité dont jouissent les acteurs, et de lever toutes les craintes sur les projets de renouvellement urbain.
Nous ne pouvons que saluer votre énergie et votre engagement, Madame la ministre déléguée. À écouter le catalogue de vos propositions, qui vont des murs à l'humain et de l'éducation à l'emploi, nous pourrions être impressionnés. Or, j'ai un peu d'expérience et j'ai déjà pu constater que toutes les ambitions en la matière, même déployées par des acteurs majeurs comme M. Jean-Louis Borloo, par la droite ou la gauche, se sont soldées par autant d'échecs, parfois fracassants. Nous pourrions même parler d'un échec de longue durée dans ces quartiers.
Ma question ne sera pas experte, car aucune des mesures annoncées n'est critiquable en tant que telle. D'autres, plus experts que moi, pourront mesurer leur effectivité, qu'il s'agisse du plan de rénovation urbaine ou des dotations en moyens humains que vous prévoyez. En fait, ma question est très simple : que représentent ces moyens, que vous entendez déployer au nom de la République, par rapport à l'enjeu même de consolidation ou de fragilisation de la République dans la vie de ces quartiers ? Les efforts sont-ils à la hauteur de l'enjeu de cohésion nationale qui se pose pour ces quartiers ? De quels moyens disposerons-nous pour évaluer ces actions ? Vous nous avez livré un catalogue de moyens, mais avez-vous prévu un indicateur de mesure qui permettrait, sur le temps long – pas sur celui de ce mandat qui est presque parvenu à son terme –, de vérifier que nous avons progressé ? Je pense à un bouquet d'indicateurs, qu'il s'agisse de la qualité du logement, du taux de retour à l'emploi, du niveau de vie ou encore du degré d'engagement civique. Il ne s'agit pas de monter une usine à gaz mais de nous assurer que la France sort bel et bien de l'ornière, parce qu'elle a fait de ces quartiers des espaces où règne l'esprit de la République, au même titre que dans d'autres lieux.
Ne voyez dans mes propos aucune mise en cause personnelle ni même du Gouvernement. Je m'interroge simplement quant à l'effectivité des politiques publiques en la matière.
Merci, Madame la ministre déléguée, pour votre exposé extrêmement complet sur le beau secteur dont vous avez la charge. Je me réjouis que vous ayez, avec le Premier ministre, entendu l'appel au secours des élus des quartiers de la politique de la ville en faveur des quartiers défavorisés. Le Premier ministre a pris l'engagement, lundi dernier, d'affecter 1 % des 100 milliards d'euros du plan de relance aux territoires en décrochage. Or, ce plan de relance ne prévoit pas de cibler spécifiquement ces territoires fragiles. Dès lors, comment garantirez-vous que les crédits seront effectivement déployés sur le terrain ? Comment les élus de ces territoires seront-ils associés au suivi des moyens mobilisés et à l'évaluation des dispositifs de soutien ?
Le logement est un autre sujet majeur. Il importe que les deux ministères compétents, celui de la ville et celui du logement, coordonnent leurs actions et leurs politiques. L'enveloppe du programme de renouvellement urbain a été portée à 10 milliards d'euros, ce qui représente un effort substantiel, mais l'ANRU ne finance les opérations qu'à hauteur de 25 ou 30 %, le reste étant pris en charge par les collectivités pour 20 % et, pour plus de la moitié, par les organismes publics d'habitations à loyer modéré. Or, la baisse de l'aide personnelle au logement (APL) et la réduction du loyer de solidarité, bien que tempérée par le pacte d'investissement, pèsent sur les comptes des bailleurs sociaux à raison de 1,3 milliard d'euros. Dans ces conditions, ces derniers seront-ils encore en mesure d'apporter les moyens financiers complémentaires nécessaires pour financer les projets à venir ?
Je m'inquiète par ailleurs de constater que les moyens sont fléchés vers la rénovation et pas assez, à mon sens, vers les constructions neuves, alors que celles-ci sont nécessaires. Avez-vous par ailleurs évalué l'impact des ponctions répétées de la trésorerie d'Action Logement sur le financement des opérations de renouvellement urbain ?
La question financière est certes importante, mais il convient de ne pas oublier celle de la mixité sociale, qui nous tient tous à cœur.
Enfin, s'agissant de l'accompagnement des associations dont l'action est cruciale en cette période de crise, vous avez annoncé en septembre la mise en œuvre d'un fonds d'urgence Quartiers solidaires, doté de 20 millions d'euros. Les associations ont-elles effectivement recours à ces fonds et vous ont-elles fait part de difficultés pour y accéder ? Concernant le volet économique, le Gouvernement a indiqué qu'une prime exceptionnelle de 1 500 euros serait allouée à 5 000 entrepreneurs installés dans les quartiers de la politique de la ville : cela suffira‑t-il pour faire face à la demande ?
Une hausse de l'aide aux emplois francs a été actée et le dispositif est prorogé pour un an, mais quelles autres mesures prévoyez-vous pour favoriser l'emploi des habitants des quartiers défavorisés ?
Je suis né dans une zone d'éducation prioritaire d'une extrême pauvreté. Très tôt, j'ai compris, avant même de lire Pierre Bourdieu, que les chances de chacun diffèrent selon son patrimoine culturel, relationnel, social. D'ailleurs, la politique de la ville a été fondée sur ce constat, avec le souhait de renforcer les moyens déployés au profit des populations qui en ont le plus besoin.
En tant que maire, j'ai pu constater l'efficacité des contrats de ville de la première et de la deuxième génération et nous sommes aujourd'hui réunis pour évaluer les contrats d'avenir et les politiques de la ville pour le présent et le futur.
J'aurai plusieurs questions.
Vous avez reçu en délégation les 101 maires venus vous dire qu'ils souhaitent que la relance concerne d'abord les quartiers les plus précarisés, les plus paupérisés, ceux pour qui le chômage lié à la crise sanitaire a transformé cette dernière en crise sociale. Je m'interroge quant à la lisibilité de l'affectation du milliard d'euros promis : j'aimerais être certain que nous ne sommes pas en train de mobiliser des crédits de droit commun en les habillant du label « politique de la ville ». En somme, pouvez-vous nous préciser comment, en moyens sonnants et trébuchants, un milliard d'euros sera déployé dans les quartiers de la politique de la ville ?
Mon deuxième sujet de préoccupation, déjà évoqué par Mme Pinel, concerne le logement. La réforme de la loi Évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) a bousculé les bailleurs ayant une taille à dimension humaine. Or, je sais à quel point il est important de pouvoir compter sur un tel bailleur pour mener des opérations de renouvellement urbain qui prennent en compte la réalité concrète des quartiers de la politique de la ville et y associent les populations. Comment allez-vous accompagner et renforcer les bailleurs sociaux pour qu'ils n'abandonnent pas les quartiers de la politique de la ville ?
Enfin, il a été question des cités éducatives. Je ne mets pas en doute la bonne foi de la ministre, qui fait preuve d'une grande énergie, mais j'espère qu'elle viendra visiter les trois quartiers de la politique de la ville de Dieppe, où a été menée une opération ANRU 1 et pour lesquels nous mobilisons une opération ANRU 2. Je la recevrai quand elle le souhaitera. J'espère que les cités éducatives irrigueront l'ensemble du territoire, villes moyennes comprises, mais je veux l'interroger sur la réforme de l'éducation prioritaire. Le ministre a indiqué qu'il était nécessaire de remettre ce dispositif à plat pour prendre en compte la situation des territoires ruraux, dont les publics subissent un empêchement. Je partage cette préoccupation, mais quelles garanties avons-nous que vous ne déshabillerez pas Pierre pour habiller Paul ? Comment œuvrerons-nous pour que les écoles des zones urbaines sensibles soient, demain, prises en compte dans les réseaux d'éducation prioritaire ?
Nous laisserons Mme la ministre répondre à ces premières questions avant de poser les suivantes.
Plusieurs questions importantes ont été formulées. Certaines se recoupent. La première, posée par Mme Le Meur, aborde un sujet essentiel de la politique de la ville, sur lequel j'ai travaillé avec elle pendant trois années et qui se révèle déterminant pour l'émancipation, quel que soit le public concerné : l'emploi. Elle a également évoqué l'entrepreneuriat au sein de nos quartiers. J'ai listé un certain nombre de mesures, qu'il s'agisse des emplois francs, des contrats adultes-relais, des actions menées en faveur de l'insertion professionnelle à travers les EPIDE, du plan « 1 jeune, 1 solution » déployé par ma collègue Élisabeth Borne. Un grand plan de formation professionnelle sera mis en œuvre au travers d'un ambitieux plan d'investissement dans les compétences de 15 milliards d'euros, dont 2 milliards seront directement fléchés vers la politique de la ville. Il comporte un volet formation professionnelle, ainsi qu'un volet prépa-apprentissage, destiné à raccrocher tous ceux éloignés de l'emploi en les replaçant dans le parcours de la formation professionnelle classique ou en les intégrant directement dans les entreprises.
Certains dispositifs sont déjà mis en œuvre. D'autres restent à engager, notamment le plan « 1 jeune, 1 solution » ou le parcours emploi compétences qui est une sorte d'emploi relais appelé à remplacer les contrats adultes-relais. Nous souhaitons en augmenter le nombre pour favoriser l'insertion professionnelle des jeunes dans les quartiers de la politique de la ville.
Deuxième axe d'action en matière de développement économique : l'aide à la création d'entreprise et à l'entrepreneuriat. Une prime de 1 500 euros permettra d'accompagner les entrepreneurs durant cette crise sociale et économique. Nous avons également noué un partenariat avec la Banque publique d'investissement (BPI) pour accompagner de jeunes créateurs d'entreprise. Le programme Talents des cités, qui existe depuis plusieurs années, sera prolongé pour aider les jeunes créateurs d'entreprise à rayonner, tant au niveau national qu'international.
Citons encore le renforcement du dispositif Cap Jeunes, mené également par la BPI, qui sera abondé de 20 millions d'euros dans le cadre du plan de relance.
Concernant les commerces de proximité, le plan de relance alloue 60 millions d'euros à la création de 100 foncières territoriales entre 2021 et 2022.
Je saluerai ensuite le travail accompli par M. Rémi Delatte, avec qui j'ai collaboré pendant un peu moins d'un an. Nous avons ainsi pu évaluer le premier programme de rénovation urbaine et commencé à préparer le NPNRU.
Pour le moment, il n'est pas prévu d'augmenter le budget de l'ANRU, même dans le cadre du plan de relance, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, le plan de relance comporte des mesures répondant à différents enjeux, dont la rénovation énergétique des bâtiments, avec 500 millions d'euros affectés aux logements sociaux, dont nous connaissons la localisation. Il prévoit également une enveloppe d'un milliard d'euros allouée au financement de la rénovation énergétique des bâtiments publics communaux et départementaux. Cette enveloppe de 1,5 milliard s'ajoutera aux 10,2 milliards de financement dont dispose déjà l'ANRU.
Il est néanmoins exact que des élus locaux, des parlementaires et des bailleurs représentés au conseil d'administration de l'ANRU sollicitent une augmentation du budget de cette structure de 2 milliards d'euros. Cette demande, relayée par les 101 maires qui ont écrit au Président de la République, a été entendue et, avec la ministre du logement, nous réfléchissons à la manière de financer les 15 % de dossiers restant à valider – 85 % des dossiers présentés au titre du NPNRU ont déjà été traités. Il y a là urgence, du fait de la crise sanitaire. Les discussions déjà engagées avec des partenaires comme Action Logement permettront de progresser. Ce sujet de discussion est bien sur la table.
Monsieur Lagleize, toujours s'agissant de l'ANRU, 449 projets du NPNRU sont répartis entre 480 quartiers et ont été validés, 196 projets sont d'intérêt national, et 253 d'intérêt régional. Au 31 juillet 2020, 383 projets concernaient 396 quartiers et étaient déjà validés. Le reste des validations interviendra dans les prochaines semaines. Les projets portés par le NPNRU sont très ambitieux. J'ai évoqué les chantiers de démolition, de reconstruction et de réhabilitation, mais cela concerne aussi des écoles et des équipements communaux, pour un nombre total de 827 bâtiments municipaux, dont 240 écoles. Le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, a fixé à 300 le nombre de projets devant être lancés d'ici la fin 2021. Nous serons très attentifs en la matière.
Quant au financement de l'ANRU et à la trajectoire budgétaire de la participation de l'État au budget de l'ANRU, je dois rappeler que la trésorerie de cette dernière lui suffit pour faire face aux projets dont elle est en charge. En conséquence, le Gouvernement a pour l'instant préféré orienter les fonds disponibles vers d'autres priorités imposées par l'urgence budgétaire, sanitaire et sociale. L'ANRU n'a, pour l'heure, pas besoin de fonds supplémentaires pour 2021. Le Gouvernement a tenu à maintenir son engagement et son soutien au profit de l'ANRU. Le budget que nous vous invitons à voter en nouvelle lecture d'ici la fin d'année prévoit une participation de 15 millions d'euros en autorisations d'engagement au profit du programme national de rénovation urbaine de l'ANRU.
J'espère que vous voterez ce budget en nouvelle lecture tant il rend compte de la volonté du Gouvernement de s'engager aux côtés des partenaires du programme national de rénovation urbaine.
J'ai ainsi également répondu à Mme Sylvia Pinel.
Une question de M. Potier m'impose de rappeler que ma présence devant vous ce jour montre que la politique de la ville n'est pas un échec intégral. Moi-même enfant d'un tel quartier, où j'ai passé une grande partie de ma vie, je peux témoigner que ces quartiers sont le cadre de véritables réussites et comptent des talents en leur sein. Il est regrettable qu'il n'en soit que trop rarement question. Des créateurs d'entreprise y innovent quotidiennement. Certains sont en difficulté mais d'autres se battent et luttent contre les inégalités et les difficultés qu'ils rencontrent, contre la pauvreté, mais je ne saurais résumer les difficultés de la politique de la ville à cette pauvreté ou à ces difficultés.
Dans l'ensemble, l'ANRU a été une réussite. Dans certains quartiers, elle a transformé la ville et son image, pas uniquement au travers du bâti. Cette agence a renforcé la mobilité, dynamisé l'économie par l'installation de commerces de proximité, renforcé la mixité sociale, grâce à la construction de logements neufs et de logements en accession à la propriété. Des programmes ambitieux ont été couronnés de succès, comme le dédoublement des classes en élémentaire. Cette mesure est une réussite et les évaluations que nous pouvons maintenant mener de ce dispositif déployé en 2017 en témoignent. Tous les observateurs s'accordent à dire que le niveau des élèves a augmenté. Nous souhaitons prolonger ce programme avec celui des Devoirs faits, pour le collège. Les cités éducatives permettront d'impliquer de manière convergente les acteurs du milieu éducatif et associatif. Des élus nous signalent que le niveau scolaire des élèves s'en ressent positivement. Il n'est donc pas possible, aujourd'hui, d'évoquer un échec total.
Nous vous transmettrons les indicateurs dont nous disposons en matière de retour à l'emploi, sujet sur lequel l'Institut national des statistiques et des études économiques a beaucoup travaillé.
Avec le recul dont je dispose depuis quelques mois, je peux dire que, au-delà des dispositifs de création d'entreprise et de retour à l'emploi, nous devons avant tout veiller à déployer la bonne méthode. Ainsi, les emplois francs, destinés aux quartiers de la politique de la ville, ne fonctionneront pas s'ils n'atteignent pas la population visée. Là où les emplois francs n'ont démarré que timidement, nous relevons que l'offre et la demande d'emplois ne se rencontrent pas.
À l'instar de ce que nous avons fait avec les cités éducatives, nous entendons intervenir dans le champ de l'emploi pour permettre aux publics et aux dispositifs de se rencontrer, grâce aux cités de l'emploi. Tous les acteurs doivent communiquer ; les missions locales doivent échanger avec Pôle emploi, lequel doit parler aux associations locales, aux médiateurs ainsi qu'aux élus locaux, pour placer tous les outils existants au service des habitants. Nous y travaillons.
Je ne pense donc pas que la politique de la ville ait été un échec. Simplement, des territoires d'exception ont été créés voici quarante ans. C'est précisément mon âge. Volontairement ou non, des poches de pauvreté sont apparues. Ces quartiers de la politique de la ville méritent une attention particulière. Si nous n'avons pas jusque-là réduit les effets de la ghettoïsation ni le taux de chômage, c'est peut-être parce que la méthode n'était pas la bonne. Nous changeons donc de méthode au travers des nouveaux dispositifs que nous portons. Certaines associations de proximité avec lesquelles j'échange régulièrement nous expliquent sans faillir que les indicateurs de l'emploi étaient positifs juste avant la crise sanitaire. Ceci s'explique justement parce que, au-delà des dispositifs, nous avons revu le mode de collaboration et de communication des différents acteurs entre eux.
J'espère avoir répondu à votre question sur le retour de la République dans ces quartiers et les efforts qu'elle consent. Nous n'avons pas ménagé notre peine pour renforcer la sécurité puisque le budget spécifique alloué à la police et à la gendarmerie devrait permettre la reconquête républicaine. Cette mesure est prise pour les habitants de ces quartiers où la question de la sécurité se pose avec une particulière acuité. Je ne le répéterai jamais assez : lorsque je rentre chez moi à Trappes et que j'entends des rodéos à moto à deux heures du matin, ce sont les riverains qui souffrent de ces nuisances, pas les personnes qui œuvrent dans les ministères ou sur les plateaux de télévision. Toutes les familles sont réveillées par ces bruits. Il convient donc d'augmenter les moyens de la police et de la gendarmerie, en faveur des quartiers prioritaires.
Je ne détaillerai pas tout ce qui est prévu pour la justice, dont le budget augmente de 8 % dans le projet de loi de finances. Nous ne saurions tolérer le sentiment d'impunité dont jouissent certains.
Mme Sylvia Pinel m'a interrogée sur la méthode. Cette question a été abordée lors d'une réunion avec les élus. Jusque-là, notre action a manqué de lisibilité et de transparence. Il faut le reconnaître ; c'est ce que je fais ici. Nous devons accompagner les élus et les informer de tout ce qui est mis en place.
Ainsi, existent à l'échelle locale des comités de la relance. Nous avons demandé que les élus des quartiers de la politique de la ville y soient pleinement associés afin qu'ils puissent bénéficier du plan de relance à l'échelle locale. Ils seront ensuite accompagnés et le plan de relance sera décliné dans ces quartiers. L'Agence nationale de la cohésion des territoires déploiera ses moyens d'ingénierie pour aider les quartiers de la politique de la ville à porter leurs projets.
À l'échelle nationale, j'annoncerai prochainement une nouvelle méthode de travail, avec les élus signataires du courrier précédemment évoqué. Ces élus sont pleinement engagés dans la déclinaison du plan de relance. J'y associerai le Conseil national des villes, ce très bel outil qui réunit les élus, les acteurs économiques, les habitants et les associations. Nous pourrons ainsi étudier comment faire pleinement bénéficier du plan de relance les quartiers de la politique de la ville.
Sans entrer dans le détail des mesures prévues, que nous examinerons avec les élus et le Conseil national des villes, rappelons simplement deux axes d'action majeurs : l'emploi et le renforcement du développement économique d'une part, l'amélioration du cadre de vie au travers du renouvellement urbain d'autre part. Tout ne passe pas forcément par l'ANRU. Le plan de rénovation énergétique des logements sociaux et du bloc communal profitera aux quartiers de la politique de la ville. Nous intervenons également au travers de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), dont le budget augmente d'un milliard d'euros. La part des quartiers de la politique de la ville dans cette enveloppe sera au minimum proportionnée à leur poids démographique. Une instruction claire a été adressée aux préfets par voie de circulaire, la semaine dernière, à ce sujet. Les fonds de la DSIL seront donc fléchés en priorité vers les quartiers de la politique de la ville et nous veillerons à leur bonne mise en œuvre.
Je serai ravie de me rendre dans votre circonscription, Monsieur Jumel. Vous avez évoqué la question de la réforme de l'éducation prioritaire. C'est un chantier d'envergure, mené par Mme Nathalie Élimas, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et des sports, chargée de l'éducation prioritaire. Nous sommes animés par la volonté, au travers de cette réforme, non pas de pénaliser, mais au contraire de soutenir et accompagner ces quartiers. Ce faisant, nous les tirerons vers l'excellence. Nous ne toucherons pas au dispositif Réseau d'éducation prioritaire plus – REP+. Cela a déjà été dit. Une réflexion sur les zones prioritaires est à l'œuvre. Certes, les quartiers de la politique de la ville sont concernés, mais il existe également des zones rurales qui ne bénéficient pas d'une attention particulière alors que leurs difficultés sont comparables à celles des quartiers de la politique de la ville. Le zonage sera donc remis à plat.
Une réflexion sera menée sur la base des résultats des expérimentations menées dans trois départements, pour mobiliser les différents dispositifs de politique éducative. Nous devons répondre à l'urgence qui prévaut en la matière et toucher le plus grand nombre d'enfants possible. Il n'est cependant pas question de remettre en question l'éducation prioritaire au sein des quartiers de la politique de la ville. J'y serai attentive.
M. Laurent Saint-Martin, dans son rapport de 2020 sur l'approbation des comptes de 2019, souligne la sous-exécution des crédits du dispositif adultes‑relais, puisque 3 694 contrats d'insertion ont été signés en 2019 contre 5 000 équivalents temps plein (ETP) prévus. Pourriez-vous nous expliquer un tel résultat et dresser un état des lieux du dispositif en 2020, compte tenu des retards liés à la crise sanitaire ?
Enfin, vous avez annoncé une hausse de 1 500 ETP pour le dispositif des adultes‑relais, afin d'atteindre les 6 514 contrats d'insertion. Pensez-vous vraiment pouvoir atteindre cet objectif ?
L'exonération d'une partie de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) sur les logements sociaux des quartiers prioritaires de la politique de la ville permet de mener des opérations pour améliorer le cadre de vie. Souvent portées par des associations de locataires ou de quartier, elles contribuent à renforcer le lien social de proximité, ce qui est très important au moment où nous devons lutter contre l'isolement.
Néanmoins, la réforme de la fiscalité locale, annoncée pour janvier 2021, nous inquiète. La suppression de la taxe d'habitation et sa compensation n'auront-elles pas pour conséquence de remettre en cause le fonctionnement actuel de la TFPB ?
Ainsi, la ville de Saint-Denis de La Réunion, où je suis né, investit chaque année 695 000 euros sous forme de subventions aux associations et 565 000 euros dans des travaux au sein des quartiers prioritaires. En contrepartie, la commune perçoit 1,1 million d'euros de l'État au titre du contrat de ville et 1,7 million au titre de la TFPB, valorisés sous forme de projets. La somme totale approche les 3 millions d'euros, soit un rendement de 45 % par rapport aux sommes investies. Nous sommes inquiets : si la TFPB devait baisser en 2021 et en 2022, serait-elle compensée ?
Deux maires de ma circonscription ont signé l'appel de la semaine dernière. Les quartiers prioritaires de la politique de la ville sont nés du manque de mixité sociale dans les communes périphériques de la ville centre. La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain, dite loi SRU, vise à rééquilibrer la composition et à briser les ghettos. Son article 55 dispose que les communes doivent afficher un total de logements locatifs sociaux représentant au moins 25 % du nombre des résidences principales. Une exemption n'est possible que dans trois cas. Pour les communes non concernées par cette exemption, la non-réalisation de l'objectif n'est pas toujours le fait d'un manque de volonté : nombre de maires doivent composer avec des difficultés liées au manque de surfaces constructibles dans le territoire de leur commune. Ne serait-il pas opportun, pour débloquer la situation et progresser dans la construction de logements sociaux, d'asseoir les calculs de la loi SRU sur des bassins de vie réels et non sur des frontières administratives abstraites, voire absconses, en introduisant la possibilité d'intercommunaliser l'exigence du seuil de 25 % de logements sociaux ? Seriez-vous favorable à une telle mesure ?
Par ailleurs, les nouveaux dispositifs relatifs à l'aide à l'emploi s'ajouteront-ils à ceux déjà existants ? La lisibilité de la politique de l'emploi gagnerait à ce que vous procédiez à une certaine rationalisation, qui prendrait la forme d'un regroupement des dispositifs déjà existants.
Vous avez abordé la question de la sécurité. C'est vrai, il s'agit d'une des conditions préalables à la mixité sociale, avec l'éducation, le logement et l'emploi. Depuis le début du quinquennat, l'effort en faveur de la sécurité s'est concrétisé, dès 2018, par la création d'une police de sécurité du quotidien et la labellisation de soixante quartiers de reconquête républicaine, qui recoupent tous des zones de quartiers prioritaires. Malgré l'augmentation des personnels dans certains territoires et le changement de doctrine des forces de sécurité chargées de la prévention et de la délinquance, l'insécurité perdure et mine le quotidien des citoyens qui y résident. Tel est le cas dans mon département, l'Yonne, en particulier dans certaines communes comme Sens. Malgré l'inlassable travail des délégués à la cohésion police-population, le renforcement des patrouilles pédestres et l'instauration de patrouilles VTT, la tranquillité publique ne s'est pas améliorée et la défiance de certains habitants envers les forces de l'ordre perdure.
M. Jean-Luc Lagleize note, dans son récent rapport budgétaire pour avis sur la politique de la ville, qu'il est devenu urgent d'intervenir pour sécuriser les logements des quartiers prioritaires. Les gestionnaires des offices HLM doivent parfois recourir à des organismes de sécurité privés pour pallier le manque de policiers capables d'intervenir dans les quartiers. Or, il est inacceptable que les habitants des quartiers prioritaires assument le coût de leur propre sécurité par l'intermédiaire de leurs charges locatives. Finalement, on donne d'un côté pour reprendre de l'autre.
Quelles mesures comptez-vous prendre ? Plus globalement, comment les forces de l'ordre pourraient-elles renforcer leurs partenariats de terrain avec les acteurs de la politique de la ville, qu'il s'agisse des bailleurs sociaux, des élus locaux ou des associations ? Prévoyez‑vous de labelliser de nouveaux quartiers de reconquête républicaine, dans les prochains mois, y compris dans l'Yonne ? Enfin, quelle évolution prévoyez-vous pour le dispositif des délégués à la cohésion police-population, en lien avec le ministère de l'intérieur ?
Dans mon rapport budgétaire pour avis relatif au logement, j'ai proposé de relever le budget de l'ANRU – j'ai également défendu un amendement en ce sens en séance publique. Je me réjouis d'apprendre que vous prévoyez d'allouer des moyens supplémentaires à l'ANRU, dans le cadre du plan de relance, afin qu'elle puisse valider les 15 % de dossiers restants. Or, la crise sanitaire a mis en évidence des disparités dans le domaine de la santé, au détriment des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Il n'en est que peu question alors que le rapport annuel de l'Observatoire national de la politique de la ville pour 2019 souligne que la santé des habitants des quartiers prioritaires est dégradée par rapport à celle de l'ensemble de la population de leur agglomération. Plus de la moitié des habitants y sont en surpoids. Ils sont plus souvent atteints de pathologies comme le diabète, l'asthme, la dépression ou l'hypertension artérielle, autant de facteurs de comorbidité qui ont aggravé le taux de mortalité dû à la covid–19.
Ainsi, quelles mesures comptez-vous prendre pour améliorer l'état de santé général de ces populations en luttant contre l'obésité, le diabète et d'autres pathologies liées à la malnutrition ?
Je laisse Mme la ministre répondre à vos questions et conclure nos travaux. J'en profite pour relayer la demande de M. Sébastien Jumel qui souhaite obtenir une note de présentation des différents dispositifs évoqués dans votre propos liminaire. Un tel document serait très utile à la commission.
Nous sommes décidément en phase avec M. Sébastien Jumel. Nous travaillons précisément à mettre au point un document référençant tous les dispositifs existants et ceux créés depuis mon arrivée. Nous vous le transmettrons.
Les contrats d'adultes-relais sont essentiels car ce sont des postes d'insertion destinés aux demandeurs d'emploi âgés de plus de trente ans et résidant dans les quartiers prioritaires. Par ailleurs, ce sont des postes de médiateurs qui renforcent l'information et l'accès au droit des populations de ces quartiers. Ils interviennent aussi dans les écoles. Nous comptons recourir à eux pour animer les cités de l'emploi qui seront développées en 2021.
Les difficultés sont cependant réelles. La sous-exécution que vous relevez est liée à deux problématiques, à commencer par celle de l'âge. Le seuil de 30 ans est trop élevé par rapport aux salaires proposés et au niveau de qualification requis. Nous souhaitons donc abaisser l'âge à 26 ans. Reste l'obstacle du niveau de salaire, qui ne permet pas d'attirer les profils recherchés mais, en jouant sur le seuil d'âge, il est possible que les postes soient plus facilement pourvus, du fait de la crise économique qui s'est ajoutée à la crise sanitaire. Nous répondrons mieux, ainsi, aux besoins en emplois de ces quartiers.
Ce dispositif finira par rencontrer son public. Surtout, la pertinence de ces postes a été reconnue par toutes les associations qui en ont bénéficié. Les élus eux-mêmes saluent leur succès. Ceux qui intègrent ces parcours professionnels sont satisfaits. Nous souhaitons donc renforcer le dispositif pour faire face à la crise économique qui s'annonce.
Concernant l'exonération de la TFPB, elle est prolongée jusqu'en 2022, mais une réflexion de fond est menée avec les bailleurs sociaux pour que ce dispositif puisse être utilisé à bon escient et profite à leur action sociale et locale. J'ai rencontré la nouvelle présidente de l'Union sociale pour l'habitat, Mme Emmanuelle Cosse. Nous travaillerons toutes les deux pour que le dispositif puisse remplir ses promesses.
Madame Deprez-Audebert, la loi SRU arrivera à échéance en 2025. Il sera temps de la revoir à l'aune des nouveaux indicateurs dont nous disposerons. Il serait cependant prématuré de prévoir aujourd'hui l'orientation qui pourrait être donnée au futur texte. La concertation apparaît comme un préalable indispensable, particulièrement pour ce qui concerne la mixité sociale qui impose d'agir sur deux leviers. Le premier est la politique d'attribution. La loi Égalité et citoyenneté et la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi ELAN, ont renforcé les règles afin de favoriser l'accès au logement des publics les plus précaires et qu'ils ne soient plus systématiquement logés au sein des quartiers prioritaires, lesquels pourraient accueillir davantage de ménages à revenus moyens, voire supérieurs. Les conférences intercommunales du logement, chargées d'appliquer ces nouvelles règles, se mettent en place, tandis que le Gouvernement travaille avec les élus locaux pour accélérer la mise en œuvre des nouvelles règles d'attribution.
Le deuxième levier concerne l'offre : le nombre de logements à attribuer est largement inférieur à la demande, ce qui réduit l'effet des politiques d'attribution. Il convient, non seulement de construire des logements abordables, mais aussi de les construire ailleurs que dans les quartiers prioritaires, afin de ne pas reconstituer des poches de pauvreté. Détruire des logements PLAI, c'est-à-dire financés par un prêt locatif aidé d'intégration, pour en reconstruire de nouveaux au même endroit permettra peut-être d'offrir des logements neufs mais ne favorisa pas la mixité sociale. Si l'on détruit des logements PLAI dans un quartier, il faut les reconstruire, pour répondre à la demande, mais surtout les reconstruire dans un autre quartier, éventuellement résidentiel, voire dans une autre commune de la même intercommunalité. Nous sommes en pleine réflexion sur la manière de renforcer la mixité sociale. Le dialogue qui s'ouvre autour de la loi SRU permettra de répondre à ces enjeux.
Quant à la proposition d'apprécier le taux de logements sociaux au niveau intercommunal, je suis très réservée. En effet, je fais partie de ceux qui pensent que les communes qui n'atteignent pas leur « quota SRU » doivent poursuivre leurs efforts. Or, assigner l'objectif à l'échelle intercommunale risque de se traduire par un renforcement des déséquilibres déjà existants entre les communes, même si l'objectif est atteint, car certaines communes auront accentué leurs efforts pour compenser la faiblesse des autres qui, du coup, se dédouaneront de leur responsabilité. Si nous souhaitons aller au bout de la logique de la mixité sociale, il faut contraindre les communes qui ne respectent pas la loi SRU à entreprendre les efforts nécessaires pour construire des logements sociaux. Votre proposition est néanmoins à l'étude.
Mme Michèle Crouzet m'a interrogée au sujet de la sécurité. Les premières victimes sont les habitants de ces quartiers et j'ai à cœur de ramener un peu de sérénité chez eux. Nous avons plusieurs projets, en particulier celui des quartiers de reconquête républicaine. L'objectif de soixante quartiers a, semble-t-il, été dépassé, mais il faudrait que le ministère de l'intérieur nous le confirme. Ce dispositif consiste à renforcer les effectifs des commissariats dans ces territoires, afin de permettre le retour, dans les quartiers prioritaires, de la police de proximité. Les brigades pédestres permettront de restaurer le lien avec la population et de prévenir des actes de délinquance.
Par ailleurs, les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance permettent de coordonner l'action des forces de sécurité locale et des élus, afin de prévenir les actes délictueux et de répondre aux enjeux de sécurité des communes.
Enfin, le Premier ministre a annoncé voici quelques semaines le déploiement des contrats de sécurité intégrée, dispositif qui vise à mieux coordonner l'action des forces de sécurité et celle de la justice. Certains délinquants tirent en effet un sentiment d'impunité du fait de ne pas être condamnés et n'hésitent pas à commettre d'autres délits. Le garde des Sceaux, en lien avec le ministre de l'intérieur, a donc créé ces contrats pour renforcer les liens entre la police et la justice et tenter de mettre fin à l'insécurité permanente dans ces quartiers.
J'ai été frappée par une récente discussion, lors d'un déplacement en Seine‑Saint‑Denis avec le Premier ministre, certains membres du Gouvernement et des élus locaux, au sujet de la vidéosurveillance. Cet outil est formidable pour lutter, non seulement contre l'insécurité, mais aussi contre le sentiment d'insécurité, très répandu dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Or, j'ai appris que le budget régional destiné à financer cette vidéosurveillance n'était pas pleinement utilisé par les élus locaux. Les leviers de financement existent mais ils ne sont pas actionnés. La lutte contre l'insécurité doit, certes, être prise en charge au niveau de l'État, mais aussi des collectivités locales et des services déconcentrés des ministères. Nous disposons visiblement d'une marge de progrès pour ce qui est de la bonne connaissance des budgets susceptibles d'être mobilisés par les élus dans ce domaine.
Enfin, Mme Stéphanie Do a évoqué le sujet de la santé. Il s'agit d'une priorité que je n'ai pas citée, car mon ministère ne porte pas directement la politique de la santé, mais il appuie, au travers du plan santé et de la feuille de route gouvernementale, l'intention de développer les maisons de santé. Nous voulons aller beaucoup plus loin mais ce travail doit être mené en concertation avec les élus. Nous entendons bien impulser une forte dynamique pour développer les maisons de santé et, du même coup, les centres de protection maternelle et infantile ainsi que les dispensaires, tout en développant la prévention. Le ministère de la ville soutient les associations qui assurent ce travail de prévention. Je citerai l'association Banlieues santé, mise à l'honneur dernièrement, qui a été très active pendant la crise sanitaire et le confinement, notamment en Seine-Saint-Denis. Lors du premier confinement, mon ministère a alloué 320 000 euros à cette association pour assurer ce travail de prévention, le travail du « dernier kilomètre » pour tous ces habitants qui ne vont pas dans les hôpitaux et ne consultent pas les généralistes, parfois faute d'une offre médicale à proximité de leur domicile. Cette association qui regroupe des professionnels de santé, en particulier des infirmiers, est régulièrement intervenue sur le terrain. Mon ministère soutient bien évidemment ces initiatives.
Le premier confinement a mis en lumière un autre problème, celui de la prise en charge de la santé mentale. Toutes les tranches d'âge ont été touchées, mais plus particulièrement les seniors qui ont très mal vécu le confinement, ainsi que les plus jeunes dont les liens sociaux ont été rompus durant plusieurs mois. Là aussi, je lance des travaux, de manière concertée avec mes collègues Mme Brigitte Bourguignon et M. Adrien Taquet, autour de la prévention et du déploiement de soins adaptés aux pathologies mentales. Nous devons aller beaucoup plus loin, plus vite, mais vous pouvez compter sur mon entière détermination.
La commission et tous ses membres vous remercient. Le sujet est difficile. Nous nous y sommes attelés de longue date. J'ai moi-même, modestement, grandi dans un de ces quartiers, avant que soit instaurée une politique de la ville, à une époque où il était peut-être plus facile d'y réussir, notamment parce que la crise économique et sociale n'avait pas encore frappé.
Permettez-moi une dernière précision. Lorsque j'étais parlementaire, vous nous aviez permis de rencontrer des associations et des personnes, venues nous expliquer les actions qu'elles menaient aux États-Unis pour transformer des quartiers entiers. Dans le même ordre d'idées, le ministère de la ville s'est porté candidat au programme URBACT IV, qui met à disposition des fonds à l'échelle de l'Union européenne et organise un partage d'expérience entre les États membres. Votre commission est concernée au premier chef par de tels programmes. La France a été reconnue comme autorité de gestion de ce programme, ce qui nous permettra de développer un grand nombre d'actions à l'échelle européenne. J'invite tous les parlementaires intéressés à se joindre à moi. De la sorte, nous pourrions bénéficier d'un appréciable partage d'expérience.