Intervention de Laure de La Raudière

Réunion du mercredi 13 janvier 2021 à 15h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaure de La Raudière :

Le premier champ abordé dans toutes ces questions est celui de la couverture numérique du territoire. À ce propos, je veux dire à M. Ruffin qu'on ne s'affranchit pas du jour au lendemain de treize années en tant que députée d'un territoire rural, qui a une connaissance fine des attentes et des difficultés des citoyens en matière d'accès internet ou mobile. Ce n'est juste pas possible. Il y a vingt ans, j'étais chez France Télécom, certes. J'y ai occupé des postes opérationnels et je sais comment on construit un réseau. Puis j'ai eu une expérience entrepreneuriale, puis j'ai été députée. Je ne peux pas m'en affranchir, je suis un tout et si ma candidature est validée, j'aurai à cœur ces enjeux de couverture du territoire. Je sais ce que les élus vivent tous les jours dans leur territoire.

Je connais aussi le problème de l'acceptabilité des antennes. Il y a une voie de sortie avec le New Deal, qui est un changement de paradigme de régulation. M. Éric Bothorel et moi avions dit, en 2017, qu'il fallait complètement changer la façon dont étaient attribuées les fréquences pour permettre la couverture numérique du territoire. Le Gouvernement nous a entendus, et dans le cadre du New Deal a été organisé un lieu de concertation sur le terrain entre l'État, les collectivités et les opérateurs. Dans chaque département existe, en la présence généralement du sous-préfet, parfois du préfet ou du président de conseil départemental, un comité de pilotage pour l'installation des antennes liées au mobile. Je ne vois pas pourquoi ce lieu de concertation, qui permet à tous les élus de travailler avec les opérateurs en liaison avec l'État, ne s'occuperait pas de l'ensemble des difficultés liées aux antennes. Lorsqu'un opérateur veut installer une antenne, la bonne pratique est quand même la concertation avec la mairie. Ce n'est pas encore systématique : parfois, par exemple avec des sous-traitants, les négociations se font rapidement avec un propriétaire et l'antenne est installée à un mauvais endroit, sans acceptation par la population. Je vois très bien le chemin à prendre pour y remédier. Ce que je ne sais pas encore, pour être honnête, c'est l'étendue du pouvoir du président de l'ARCEP dans ce domaine, mais j'ai bien en tête cette préoccupation.

J'ai aussi bien en tête le problème de la qualité des cartes de couverture. Nous l'avions soulevé avec M. Éric Bothorel : ce que les citoyens veulent savoir, c'est si, lorsque la couverture apparaît comme bonne ou très bonne, ils pourront téléphoner à l'intérieur de la maison ou naviguer sur internet avec un bon débit. La qualité de ces cartes qui reposent aujourd'hui sur les modélisations des opérateurs peut être améliorée. On peut y ajouter, comme l'ARCEP a déjà commencé à le faire, des données réelles remontées du terrain, selon une méthodologie à définir. Certains départements ont demandé à des prestataires de services de mesurer la qualité de service devant toutes les habitations. Je pense que l'ARCEP est capable, si la méthodologie est validée, d'intégrer cela dans sa communication vis-à-vis des citoyens, et de confronter ces données à la modélisation faite par les opérateurs. En tout cas, tout le monde a intérêt à ce que l'information soit fiable. C'est un chantier très important pour l'ARCEP, que ce soit pour le raccordement à internet ou pour la réception mobile. Il faut que la qualité soit perçue par l'utilisateur. Ce n'est pas un enjeu aussi simple que je le pensais en tant que députée mais j'ai vraiment à cœur d'avancer sur ce sujet.

Deuxième attente forte, la prévision : il faut avoir plus de visibilité sur les déploiements à venir, mobile ou fixe. C'est un travail qu'a commencé l'ARCEP, qui n'est pas abouti et qui fait partie de ma feuille de route prioritaire. Cela soulève des enjeux de concurrence entre les acteurs évidents, mais je pense que quand un permis de construire a été déposé pour l'installation d'une antenne, on peut donner de la visibilité sur le fait que dans quelques mois la zone sera couverte. Il faut progresser sur ce sujet.

Vous avez évoqué l'empreinte environnementale du numérique. M. Sébastien Soriano et le collège de l'ARCEP se sont saisis de cet enjeu et un premier rapport a été rendu. Il est essentiel que le secteur des télécommunications s'inscrive dans cette démarche – il en est pleinement conscient et les opérateurs réalisent des travaux dans ce domaine – mais il est également important que le régulateur édite un guide de bonnes pratiques et travaille sur les moyens qui sont à sa disposition pour favoriser une limitation des émissions de gaz à effet de serre du secteur. Je pense à la mutualisation permise par le New Deal : la plupart des antennes déployées aujourd'hui le sont sur des sites communs. Le chantier du basculement du cuivre sur la fibre aura aussi un effet bénéfique. L'ARCEP a intérêt à mettre en avant tous ces travaux, comme elle le fait dans le cadre des discussions qu'elle a avec le BEREC. La France a en effet porté au niveau européen la question de l'empreinte environnementale du numérique et des actions à mener, y compris dans la régulation. Vous connaissez mon attachement à veiller à ce que l'écosystème français soit dynamique et que les normes ou les modes de régulation nécessaires soient d'abord fixés au niveau européen avant d'être appliqués en France.

L'ARCEP a été chargée par le Gouvernement, avec l'ADEME, d'une étude sur l'empreinte environnementale du numérique et doit rendre ses conclusions d'ici la fin de l'année 2021. Selon la feuille de route qu'a fixée le Gouvernement, nous prendrons en considération l'ensemble des données disponibles s'agissant de l'empreinte non seulement du numérique lui-même mais aussi des usages qui en sont faits, avec les externalités aussi bien négatives que positives. Ainsi nous pourrons mesurer ce qu'apportera par exemple la 5G en externalités positives pour l'ensemble des secteurs, en termes de réduction de leur empreinte environnementale. Quand j'ai défendu la 5G, quand j'ai salué son lancement, ce n'était pas du point de vue du seul secteur des télécommunications mais dans l'objectif de la modernisation et de la numérisation de l'ensemble des secteurs de l'économie française. Cela étant dit, l'Autorité doit garder un regard neutre sur ces sujets, c'est-à-dire en rester aux données scientifiques sans verser dans le débat politique. Les choix de société, ensuite, appartiennent au Parlement. Il existe différents choix de société, qui sont tout à fait respectables. C'est dans le débat public. Certains craignent que le déploiement de la 5G ne conduise à développer toujours plus les usages et la consommation. Tout le monde connaît ma pensée à ce sujet, mais je pense que ce débat politique doit avoir lieu ici, pas à l'ARCEP. Voilà comment je vois cette question de la 5G et de l'environnement.

Pour ce qui est de la fiscalité, l'ARCEP peut constituer un observatoire économique des conditions d'exercice sur le marché, mais ne l'a pas fait autant que je sache. Je ne sais pas si ce sera sa priorité. Je pense que le débat doit plutôt se poursuivre à l'Assemblée nationale et au Sénat.

Parmi les autorités qui interviennent dans le secteur du numérique, les principales sont la CNIL, le CSA et l'ARCEP, et un peu l'Autorité de la concurrence. Le CSA et l'ARCEP ont lancé cette année un service en commun dans le domaine du numérique. C'est comme cela qu'il faut travailler, et c'est possible aussi avec la CNIL. Certaines gens de l'internet ont des pratiques qui créent parfois des désordres et la mise en commun des connaissances et de l'expérience dans la sphère des autorités indépendantes, le partage des informations et des ressources pour monter en compétence me paraissent permettre à chacun de mieux exercer ses activités de régulateur dans son domaine. Je serai favorable à la poursuite de cette méthode de travail.

Pour ce qui est du site J'alerte l'ARCEP et de la façon d'intégrer ses données dans les cartes de couverture, je regarderai si une évolution est possible. L'important est que tout soit bien normé pour que toutes les informations qui remontent soient équivalentes.

Un mot sur la qualité de service du réseau cuivre, dont parle Mme Célia de Lavergne dans une récente tribune. Je suis bien consciente des difficultés. J'habite un département rural, je vois comme vous les poteaux endommagés qui ne sont pas remplacés et les habitants qui n'ont plus de téléphone ou d'internet depuis deux semaines. C'est un sujet délicat pour l'ARCEP, parce que le nombre de raccordements au réseau cuivre diminue parallèlement à l'augmentation des raccordements à la fibre, diminuant ainsi les recettes des services opérés sur la boucle locale cuivre, réseau vieillissant dont les coûts de maintenance augmentent. Les obligations liées au service universel, qui s'appuyait sur ce réseau cuivre dans sa forme actuelle, ont vocation à s'arrêter. Le cahier des charges du nouveau service universel n'a pas encore été établi par le Gouvernement. Le contexte est donc un peu compliqué mais il faudra de toute façon trouver une solution car la situation actuelle est source de grandes difficultés. Je ne peux pas prendre d'engagement sur une solution précise, mais ce sujet doit être à l'ordre du jour des travaux de l'ARCEP dès 2021.

Enfin, s'agissant du plan France très haut débit et de la réouverture du guichet unique, les 500 millions dégagés entre le plan de relance et la loi de finances permettront de finaliser ce qui était prévu pour les réseaux d'initiative publique. En revanche, il faudra des discussions pour organiser le passage du plan France très haut débit, qui ne concerne pas que la fibre, au souhait du Gouvernement d'avoir la fibre dans 100 % du territoire.

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