Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 13 janvier 2021 à 15h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La commission des affaires économiques a auditionné, en application de l'article 13 de la Constitution, Mme Laure de La Raudière, dont la nomination aux fonctions de présidente de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) est envisagée (M. Philippe Bolo, rapporteur).

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La commission des affaires économiques doit aujourd'hui rendre un avis préalable à une nomination envisagée par le Président de la République. Par un courrier en date du 6 janvier 2021, le Premier ministre a informé le Président de l'Assemblée nationale que le Président de la République envisageait de nommer Mme Laure de La Raudière à la présidence de l'Autorité de la régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP).

Il s'agit d'un événement particulièrement heureux pour la commission des affaires économiques – et j'espère qu'il le sera aussi pour vous, Madame de La Raudière. Il nous offre l'occasion d'auditionner l'une de nos collègues, membre de cette commission depuis treize ans et demi, qui n'a pas ménagé ses efforts pour porter la voix du numérique et de la transformation numérique de la France dans les territoires. Lors de la précédente législature, vous formiez avec Corinne Erhel un duo de choc. Sous ma présidence, vous avez mené, avec M. Éric Bothorel, la première de nos missions d'information en 2017 – une mission flash sur la couverture numérique du territoire, préfigurant ce fameux New Deal numérique dont nous espérons que vous suivrez attentivement sa mise en œuvre si vous êtes nommée. Il faut assurer la couverture numérique des territoires, indispensable à la transformation de la France et dont vous avez régulièrement rappelé, lors de nos auditions, qu'elle fait partie de vos priorités. Je ne doute pas que vous continuiez dans cette voie et que la prochaine audition de la présidente de l'ARCEP soit l'occasion d'annoncer de bonnes nouvelles.

Votre nomination constituerait une forme de reconnaissance pour l'Assemblée nationale, car cette autorité administrative indépendante (AAI), créée sous le nom de « Autorité de régulation des télécoms » il y a une vingtaine d'années, n'a jamais été présidée par un député, ni d'ailleurs par une femme – et si ce n'est pas la raison principale pour laquelle votre nomination est envisagée, cela me ferait particulièrement plaisir. Ce serait également une reconnaissance du travail réalisé par notre commission depuis de nombreuses années pour développer la couverture numérique du territoire. Pour ces raisons, ainsi que pour des raisons personnelles, car j'ai beaucoup apprécié la façon dont nous avons travaillé ensemble pendant ces trois années et demie, cette audition me fait particulièrement plaisir.

La présidence de l'ARCEP est un mandat de six ans, non renouvelable. Son précédent titulaire, M. Sébastien Soriano, que je salue, a été auditionné pour la dernière fois par notre commission le 12 février dernier. Il est désormais directeur général de l'Institut national de l'information géographique et forestière, plus connu sous l'acronyme IGN – il est passé, en somme, de la carte des zones blanches aux cartes tout court. Le président de l'ARCEP est nommé par décret du Président de la République dans le cadre prévu à l'article 13 de la Constitution, qui dispose que, pour certains emplois ou fonctions, « le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée », et que « le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions ». La récente réforme de notre Règlement a prévu la nomination d'un rapporteur issu d'un groupe d'opposition ou minoritaire. Pour la présente audition, nous avons désigné M. Philippe Bolo, membre du groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés (MoDem), qui a établi un questionnaire auquel Mme de La Raudière a bien voulu apporter des réponses détaillées. Ce document a été transmis aux membres de la commission lundi dernier, assorti de son CV.

Avant de donner la parole au rapporteur, je rappelle les règles régissant les auditions organisées dans le cadre de l'article 13 de la Constitution. L'audition est publique ; elle est notamment diffusée sur le site internet de l'Assemblée nationale. Le scrutin est secret ; il doit se tenir hors la présence de la personne auditionnée. Excluant les délégations de vote, il est effectué par appel public ; des bulletins seront distribués à cet effet. Il suppose d'être présent, ce qui exige, en cette période de crise sanitaire, une salle suffisamment grande pour pouvoir respecter la distanciation physique. C'est pourquoi nous avons le plaisir de nous retrouver ensemble, non devant un écran, ce dont nous avons un peu trop pris l'habitude, et, en application des décisions de la Conférence des présidents du 30 octobre 2020, salle Colbert, sous les auspices de Jean Jaurès dont un tableau le représentant à la tribune de l'Assemblée orne la salle. Le dépouillement du scrutin doit avoir lieu simultanément à l'Assemblée nationale et au Sénat, conformément à l'article 5 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 et à l'article 29-1 de notre Règlement. Le Sénat auditionnant Mme de La Raudière mercredi 20 janvier 2021 à seize heures trente, après notre scrutin, l'urne sera transportée dans les locaux de la commission, où elle sera conservée pendant une semaine. Les deux scrutateurs qui assureront le bon déroulement du scrutin sont les deux plus jeunes députés présents, appartenant respectivement au groupe La République en Marche et à un groupe de l'opposition. Ils seront invités à me rejoindre le mercredi 20 janvier vers 18 heures pour procéder au dépouillement.

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Nous sommes réunis aujourd'hui pour auditionner Mme Laure de La Raudière, que le Président de la République envisage de nommer à la présidence de l'ARCEP. L'article 13 de la Constitution dispose que, pour certains emplois ou fonctions, « en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce après un avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée ». Nous allons donc nous livrer à un exercice de transparence, permettant aux députés, et à nos concitoyens, de vérifier le bien-fondé de la nomination de Mme de La Raudière.

L'objet de cette audition est de nous assurer que le cap choisi par Mme de La Raudière pour l'ARCEP est le bon, afin de permettre à cette AAI de poursuivre efficacement son travail de régulation. Je la remercie des réponses étoffées qu'elle a apportées au questionnaire que je lui ai adressé, et que vous avez reçu hier par courriel, chers collègues. Je l'ai élaboré en couvrant le plus largement possible les sujets entrant dans le champ de compétences de l'ARCEP. Je suis conscient de sa densité, et du fait que certaines réponses peuvent s'avérer plus délicates que d'autres. Nous saurons tenir compte de ces difficultés, induites par une interrogation la plus exhaustive possible.

J'aimerais rappeler l'importance de l'action de l'ARCEP dans le déploiement des moyens numériques de communication et d'information, qui sont indispensables à la vie quotidienne des Françaises et des Français. L'ARCEP est chargée de trois missions de régulation essentielles, dans les secteurs des télécoms, des postes et de la distribution de la presse. Dans le secteur des télécoms, l'ARCEP est compétente en matière de déploiement des infrastructures fixes et mobiles et de régulation des marchés concernés. Elle est également chargée, depuis 2016, de la protection de la neutralité du net. S'agissant du secteur des postes, l'ARCEP agit par le biais de la délivrance d'autorisations aux opérateurs postaux. Elle est également chargée du contrôle de la mission du service universel postal, du point de vue de la performance et de la qualité, et du calcul du coût de la mission d'aménagement du territoire confiée à La Poste. Dans le secteur de la distribution de la presse, l'ARCEP applique les dispositions de la loi du 18 octobre 2019 relative à la modernisation de la distribution de la presse, dans un contexte de diminution régulière des volumes distribués et d'attrition du réseau des points de vente.

Outre ses missions de régulation, l'ARCEP présente également un positionnement d'expert sur les sujets numériques, qui l'amène à réfléchir, par exemple, aux caractéristiques de nos réseaux du futur et aux enjeux d'un numérique soutenable. Pour ce faire, elle travaille avec de nombreux acteurs institutionnels, au premier rang desquels l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME).

Enfin, l'ARCEP est un acteur du dialogue international sur les sujets relatifs au numérique. À l'échelon européen, elle travaille avec le BEREC ( Body of the European Regulators of Electronic Communications ), l'organe des régulateurs européens des communications électroniques, dont elle a assuré la présidence en 2017 et la vice-présidence en 2018. À l'échelon international, l'ARCEP travaille avec le réseau francophone de la régulation des télécommunications (FRATEL), dont elle a assuré la présidence en 2019.

J'en viens aux trois domaines qui me semblent essentiels pour l'action de l'ARCEP dans les prochaines années.

Le premier est le déploiement des infrastructures fixes et mobiles. Nous nous sommes donné des objectifs ambitieux, mais chacun d'entre nous peut constater l'existence d'une fracture numérique territoriale et sait les difficultés rencontrées par les citoyens vivant dans des zones blanches de téléphonie mobile. Quel sera le positionnement de l'ARCEP sur les déploiements fixes et mobiles au cours des prochaines années, tandis que la crise de la covid-19 a affecté les objectifs fixés en 2020 et que nos concitoyens, notamment ceux qui habitent en zone blanche, ont des attentes fortes en la matière ? Quel sera le positionnement de l'ARCEP au sujet de la 5G, dont le rejet, selon son ancien président M. Sébastien Soriano, a pris tout le monde de court ?

Deuxième domaine : l'accès des entreprises, notamment des plus petites, à des offres de connectivité adaptées à leurs besoins. Le constat est simple : le marché des télécoms d'entreprise, éclaté, est insuffisamment concurrentiel, au détriment des plus petites entreprises. Comment comptez-vous leur faciliter l'accès à des offres adaptées à leurs besoins et stimuler la concurrence sur ce marché spécifique ?

Enfin, j'évoquerai l'impact environnemental du numérique. Le constat est simple : une préoccupation forte émerge au sein de la société, qui est consciente du poids du numérique dans l'empreinte carbone de la France. Comment envisagez-vous de poursuivre les travaux engagés en vue de la promotion d'un numérique soutenable ?

Avant de vous laisser la parole, Madame de La Raudière, j'aimerais rappeler le sérieux avec lequel vous exercez, depuis 2007, vos fonctions de députée. Nous connaissons l'important travail que vous avez réalisé, notamment sur les sujets du numérique. Nous avons également pris la mesure de votre capacité fédératrice, sur les bancs de notre assemblée, à propos du numérique comme de bien d'autres sujets.

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Merci, Monsieur le président, de vos propos chaleureux, et merci Monsieur le rapporteur de votre présentation des missions de l'ARCEP et de mes travaux à l'Assemblée nationale.

Chers collègues, c'est avec une grande émotion que je m'adresse à vous, non en tant que rapporteure d'une mission d'information sur le numérique, comme je l'ai si souvent fait en salle 6241, mais en tant que future présidente de l'ARCEP, si les sénateurs et vous-mêmes validez la proposition de nomination du Président de la République. Il s'agit pour moi d'un grand honneur. En prenant la parole devant vous, j'ai à l'esprit les travaux réalisés au sein de la commission des affaires économiques sur les télécommunications et le numérique, d'abord avec Corinne Erhel, à laquelle je ne peux m'empêcher de penser aujourd'hui, puis avec M. Éric Bothorel, qui lui a succédé dans sa circonscription ainsi que comme expert reconnu du numérique au sein de l'Assemblée nationale.

Depuis 2007, j'ai mené neuf missions d'information sur les enjeux du numérique, en toute indépendance d'esprit, sans jamais me demander si ce que je proposais était bon pour un acteur ou pour un autre. Mes choix étaient guidés par l'intérêt général, mes priorités poursuivies en veillant à maintenir l'équilibre entre les objectifs d'aménagement du territoire, de renforcement de la concurrence et de l'innovation et de développement de la filière et de l'emploi. Les neuf rapports publiés au nom de la commission des affaires économiques le démontrent. Par ailleurs, j'ai toujours travaillé dans un esprit transpartisan.

Mon passage chez France Télécom, il y a plus de vingt ans, m'a permis d'acquérir l'expertise nécessaire à la compréhension technique et opérationnelle du secteur des télécommunications. Mes mandats de députée et d'élue locale m'ont apporté une expertise juridique et économique du secteur, ainsi qu'une connaissance fine des attentes des citoyens et des entreprises. Mon passé de chef d'entreprise m'a également façonnée. Ces acquis et ces atouts m'aideront à exercer la fonction de présidente de l'ARCEP.

L'ARCEP a la responsabilité de la régulation de trois secteurs, et je vous demande à ce propos de bien vouloir excuser une lacune dans mes réponses au questionnaire : à la dernière minute, un malheureux « copier » non suivi d'un « coller » a fait disparaître des chantiers à venir les réponses relatives aux secteurs de la poste et de la distribution de la presse. Si cela m'est permis, je compléterai mes réponses, que je vais développer aujourd'hui, avant la mise en ligne du rapport.

Le secteur régulé par l'ARCEP faisant l'objet du plus grand nombre de débats, d'avis et de concertations, ainsi que d'attentes parmi nos concitoyens, est le secteur des télécommunications et du numérique. Des chantiers considérables ont été engagés depuis dix ans en la matière, sous l'égide des deux derniers présidents de l'ARCEP, MM. Jean-Ludovic Silicani et Sébastien Soriano. Le premier a élaboré la réglementation applicable au déploiement de la fibre et procédé au lancement du quatrième opérateur mobile, ainsi que de la 4G. Le second a renouvelé les relations de l'ARCEP et des territoires, initié une politique d' open data, mis à la disposition du public des cartes de couverture numérique, bâti le cadre du New Deal numérique et entamé le déploiement de la 5G. Au cours de cette période, le niveau de l'investissement du secteur n'a cessé de croître, à tel point que les télécommunications sont devenues le premier secteur investisseur de France.

Les chantiers à venir sont tout aussi considérables et passionnants. C'est donc le premier grand axe de travail de l'ARCEP que je vous présenterai. Depuis plusieurs années, l'usage du numérique est incontournable. Chacun en a conscience et la crise sanitaire en a fait la démonstration, accélérant même l'évolution des pratiques dans bon nombre de domaines, dont la e -éducation, la vente en ligne, la vente à emporter des commerces de proximité et la généralisation des visioconférences ou du télétravail. « Heureusement que le numérique était là ! » : tel était le titre de l'avant-propos du rapport d'information que M. Éric Bothorel et moi avons rendu sur l'impact de la crise sanitaire sur les secteurs du numérique et de la poste J'aimerais saluer aussi l'action des acteurs concernés, notamment ceux du secteur des télécommunications, qui ont assuré la résilience de leurs réseaux à un moment crucial pour notre pays. On comprend mieux, à l'aune de l'augmentation des usages du numérique dans tous les domaines, que citoyens et entreprises exigent des réseaux fixes et mobiles de qualité, accessibles partout à des prix compétitifs. Ces attentes sont plus que légitimes. Elles sont au cœur des enjeux de la régulation du secteur des télécommunications.

Trois priorités s'imposent : maintenir un environnement concurrentiel et innovant ; aménager le territoire, en offrant des solutions de régulation adaptées à la situation spécifique de certaines zones, comme cela a été fait dans le cadre du New Deal numérique ; développer une filière compétitive tout en intégrant la réflexion plus récente sur l'empreinte environnementale du numérique. Bien entendu, les priorités fixées par le futur président de l'ARCEP feront l'objet de débats avec les membres du collège, susceptibles de les faire évoluer et de les enrichir. Dans ce cadre, j'aimerais évoquer plusieurs enjeux stratégiques du secteur des télécommunications.

Le premier enjeu est certainement l'aménagement du territoire. Cet objectif doit être poursuivi en veillant notamment au respect des engagements pris par les opérateurs dans le cadre du New Deal, ainsi qu'au déploiement de la fibre dans les zones d'appels à manifestation d'intention d'investissement (AMII), dans les zones d'appel à manifestation d'engagements locaux (AMEL) et dans le cadre des réseaux d'initiative publique (RIP). L'ARCEP devra poursuivent ses démarches de transparence vis-à-vis des consommateurs, en y ajoutant un certain degré de prévision des déploiements fixes et mobiles, des mesures de qualité de service des réseaux mobiles plus fiables et plus conformes aux conditions de réception des utilisateurs, et des données d'éligibilité de la fibre fiabilisées. Plusieurs questions se posent sur le respect des délais de déploiement de la fibre ou sur la couverture mobile obtenue grâce au New Deal. Je propose d'y revenir en répondant à vos questions.

L'ARCEP devra aussi veiller au maintien d'un marché concurrentiel pour conserver des offres à un prix attractif et favoriser l'innovation. Nous avons la chance d'avoir un marché dynamique, dans lequel le secteur investit beaucoup, innove et maintient des prix bas, au bénéfice des consommateurs. Je veux poursuivre dans cette voie. Le New Deal numérique a démontré que l'on peut travailler à une régulation spécifique pour favoriser l'aménagement du territoire là où c'est nécessaire, tout en rendant le marché dynamique grâce au maintien de la concurrence à chaque lancement de nouveaux services. Je porterai une attention particulière au marché du numérique d'entreprise, qui est faiblement concurrentiel, ce qui réduit l'accès à la fibre des PME. Or le Gouvernement a fait de leur numérisation un objectif prioritaire pour la France. L'ARCEP a fixé un cadre de régulation pour développer les offres à qualité de service renforcée sur les réseaux FTTH ( fiber to the home ). Je porterai avec le collège de l'ARCEP une attention particulière à ce marché, afin de déterminer si le cadre de régulation en vigueur, qui est assez récent, commence à porter ses fruits – ce qui peut prendre du temps – ou s'il faut le faire évoluer.

Ma troisième priorité sera la réflexion sur l'empreinte environnementale du numérique. Le numérique est partout, dans tous les secteurs. Il est facteur d'innovation, de simplification de la vie et de nouveaux modes de fonctionnement. Il représente 2 % des émissions de gaz à effet de serre en France, mais devrait atteindre 6,7 % en 2040, d'après le rapport des sénateurs Patrick Chaize, Guillaume Chevrollier, Jean-Michel Houllegatte et Hervé Maurey, dont la proposition de loi a été adoptée hier au Sénat. Notons que les réseaux de télécommunications proprement dits ne représentent que 5 % du total. Je souhaite que l'ARCEP détermine, au fil de tous ses chantiers, comment la régulation peut contribuer à intégrer l'objectif du développement durable dans les choix des acteurs tout en conservant des objectifs ambitieux d'aménagement du territoire, d'innovation et de développement de la filière.

Il me semble important d'aborder dès à présent un sujet qui préoccupe les élus et les citoyens : la qualité de service des réseaux. Le réseau cuivre est vieillissant. Or il assure encore la majorité des raccordements au téléphone ou à l'internet de nos concitoyens, notamment dans les zones rurales. La qualité de service sur le réseau cuivre est préoccupante à certains endroits, et doit faire l'objet d'une attention particulière de l'ARCEP. Mais la qualité de service est également sujette à des difficultés sur les réseaux de fibre en cours de déploiement. En effet, les relations entre l'opérateur d'infrastructures, qui déploie le réseau, et l'opérateur commercial, qui vend un accès au client et opère le raccordement, sont insatisfaisantes, ce qui entraîne des difficultés importantes en matière de qualité de service globale. Il est urgent de rappeler aux acteurs concernés leurs responsabilités et de faire en sorte que les procédures de déploiement n'induisent plus des situations tendues sur le terrain.

La régulation du numérique hors du secteur des télécommunications fait l'objet de nombreux débats, en France et ailleurs en Europe. Je souhaite que l'ARCEP continue à y contribuer, non seulement dans le cadre de ses compétences relatives à l'internet ouvert, qui doit être garanti sur les réseaux et sur les plateformes structurantes afin d'assurer le libre choix des consommateurs, mais aussi dans tous les débats portant sur ces enjeux, qu'ils se tiennent en France, à l'échelon européen ou à l'échelle mondiale. L'ARCEP est très présente, et même influente, au sein du BEREC et je souhaite qu'elle le reste. Elle devra notamment accompagner la mise en œuvre des propositions de règlement de la Commission européenne sur la réglementation des services et des marchés numériques, le Digital Services Act (DSA) et le Digital Markets Act (DMA). L'un de nos chantiers majeurs est la régulation des acteurs structurants de l'économie numérique, dont la taille et la part de marché sont telles qu'ils créent des désordres en matière de concurrence et de libre choix du consommateur. Elle pourra s'inspirer de celle pratiquée par l'ARCEP, fondée sur l'obligation d'ouverture, l'interopérabilité réelle des plateformes et la transportabilité des données. L'expertise de régulation économique ex ante de l'ARCEP peut s'avérer utile pour bâtir cette nouvelle régulation, sans exclusive des hautes autorités chargées du numérique. Je compte bien m'investir pleinement dans le traitement de ces enjeux cruciaux pour notre économie et pour notre société, notamment au sein du BEREC.

J'évoquerai plus brièvement les autres priorités du secteur des télécommunications, afin d'avoir le temps de répondre à vos questions. Deux grands chantiers techniques attendent l'ARCEP. Le premier est le déploiement de la 5G. L'Autorité devra veiller au suivi des obligations, préparer l'appel à candidatures sur la bande 26 gigahertz et lancer des appels à candidatures pour le déploiement de la 5G dans les territoires ultramarins. Le second concerne la préparation et le suivi de la fermeture du réseau cuivre confié à Orange.

S'agissant des autres secteurs régulés par l'ARCEP, je porterai une attention particulière à la qualité du service universel postal. Comme chacun le constate dans sa circonscription, la période du premier confinement a révélé des fragilités importantes sur ce point. Outre son rôle de contrôle des objectifs du service universel postal, l'ARCEP pourrait demander à disposer en temps réel des informations relatives à la situation du service dans chaque territoire. Une réflexion conjointe avec La Poste doit être menée à ce sujet. Le marché du colis présente un réel intérêt, mais il s'agit d'un marché concurrentiel échappant à la régulation. Toutefois, dans un contexte de développement accéléré du e -commerce, il serait intéressant que l'ARCEP publie des informations générales sur le fonctionnement de ce marché, relatives notamment au taux de satisfaction des utilisateurs, à la qualité du service rendu, à l'identification des problèmes du secteur, à l'émergence des nouvelles formes de distribution et à leurs conséquences en matière d'accessibilité. Enfin, l'ARCEP a été chargée par la loi, il y a un peu plus d'un an, de la régulation de la distribution de la presse. Sa priorité est d'édifier un système de régulation. Il est certain que la prise en charge de ce nouveau secteur constitue pour l'ARCEP un défi.

Ce futur poste, si ma candidature est validée par les sénateurs et par vous-mêmes, sera la continuité logique de ma carrière professionnelle. C'est un défi qui me motive énormément. À ce poste passionnant, je saurai parfaitement faire la différence entre le rôle politique du député et le rôle neutre du régulateur, se fondant sur des données scientifiques et dialoguant naturellement avec les élus au sujet des attentes de nos concitoyens.

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J'aimerais inaugurer la séquence de questions avec deux sujets qui préoccupent nos concitoyens.

Le premier concerne la régulation par la data et la fiabilité des cartes de couverture mobile. Chacun ici, à un moment ou un autre, s'est vu signaler par des concitoyens un écart important entre la couverture mobile indiquée sur les cartes des opérateurs ou de l'ARCEP et la réalité du terrain, bien moins avantageuse. L'ARCEP a déjà travaillé sur le sujet, forgeant de nombreux outils permettant de connaître la qualité de la couverture d'un territoire donné, grâce à des portails, tels que Carte des déploiements fibre, Mon Réseau Mobile et Ma connexion internet. De quelle façon comptez-vous poursuivre ces travaux ? Comment renforcer la fiabilité des cartes de couverture mobile ?

Second sujet : nos concitoyens se plaignent d'un manque de lisibilité sur le délai dans lequel ils auront accès à la téléphonie mobile, à l'internet, à la fibre. Les attentes sont fortes. Comment améliorer le pilotage et la transparence de ces déploiements pour répondre aux demandes légitimes des élus locaux et des citoyens ?

Enfin, reviendrez-vous, si votre nomination est validée, devant la commission des affaires économiques pour répondre à nos questions et rendre compte de vos activités ?

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Chère Laure, au nom du groupe La République en Marche, je te félicite pour cette proposition de nomination à la présidence de l'ARCEP, qui est pour nous riche de symboles. Certes, tu as une formation d'ingénieure et une expérience professionnelle dans les télécoms, mais c'est aussi la preuve que l'engagement, les compétences et le travail des députés sont reconnus par l'écosystème et ouvrent l'accès à la présidence d'une des principales autorités de la régulation en France. En tant que présidente de la fondation Femmes@Numérique, qui travaille sur des sujets qui te tiennent à cœur, je pense également que la nomination pour la première fois d'une femme à ce poste est un message positif pour l'inclusion des femmes dans le monde du numérique et surtout des télécoms, où l'on en voit encore moins.

Ce secteur des télécoms connaît par ailleurs énormément de transformations, et je salue M. Sébastien Soriano, qui a été un excellent président de l'ARCEP. Ma première question a trait à la fiscalité, sujet qui pourrait gagner en importance si l'on commence à parler de concurrence au niveau européen. Fait-elle partie du domaine de travail de l'Autorité ? Et qu'en est-il de la consolidation du secteur au niveau européen ? Ensuite, s'agissant de l'empreinte carbone, jusqu'où peut-on aller sans entrer en contradiction avec la neutralité de l'internet ? Enfin, dans le secteur audiovisuel, différentes autorités comme la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés), l'ARCEP ou le CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel) doivent de plus en plus souvent travailler ensemble. Faut-il envisager de fusionner ou de créer des services communs à ces acteurs ?

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Je vous félicite pour cette proposition de nomination, qui me paraît au nom du groupe Les Républicains tout à fait légitime. Comment, concrètement, comptez-vous rendre l'ARCEP plus opérationnelle, plus fiable et plus performante ? Dans le cadre du New Deal mobile par exemple, l'ARCEP diffuse des cartes de couverture en temps réel erronées, basées sur des calculs théoriques de diffusion des ondes à partir des relais. À voir ces cartes, tout va bien, notamment pour l'Orne, en termes de couverture mobile, alors qu'il y a encore de nombreuses zones blanches ou grises. À quand de vrais outils fiables ?

L'ARCEP gère également une application, J'alerte l'ARCEP, qui doit référencer toutes les remontées de terrain, de la part des élus et des habitants, concernant un défaut de couverture mobile. Or elle ne s'en sert pas. Jamais, depuis trois ans que ce site a été lancé, nous n'avons eu de résultats par territoire ou par département, éléments qui pourraient pourtant être intéressants pour les comités de priorisation du New Deal.

Ces deux exemples, et il y en a d'autres, font apparaître un problème de communication entre l'ARCEP et les acteurs de terrain. Comment comptez-vous les rapprocher ?

L'ARCEP est aussi le gendarme des télécoms. Or le déploiement de la 5G donne lieu à des dérives commerciales : on abuse allègrement du nom de 5G en offrant au client à peine plus que de la 4G, sur des fréquences en 700 mégahertz. La technologie dite DSS, qui permet cet ersatz de 5G, est utilisée notamment par un opérateur dirigé par quelqu'un qui ne vous veut pas que du bien, Madame de La Raudière. Comment l'ARCEP va-t-elle clarifier les choses afin qu'on cesse d'abuser les clients avec cette technologie au rabais ?

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Les députés du groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés vous félicitent, Madame de La Raudière, pour cette proposition de nomination à la présidence de l'ARCEP. Nous connaissons, comme tous les membres de l'Assemblée, vos qualités, votre sérieux et vos compétences en matière de communications électroniques et de numérique, et même si vos précédentes fonctions chez France Télécom ont pu susciter une contestation, nous sommes évidemment confiants dans votre pleine intégrité et votre neutralité, et voterons en faveur de votre nomination.

L'impact des réseaux de communication, des terminaux et des usages sur l'environnement est un sujet d'attention croissant puisque le numérique représente aujourd'hui 3 à 4 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde, et 2 % au niveau national. Cette part demeure modeste comparativement à d'autres secteurs, mais si rien n'est fait, compte tenu de la croissance annuelle de la consommation de numérique, ces émissions pourraient atteindre presque 7 % des émissions nationales d'ici à 2040. Au-delà, il semble aussi nécessaire d'élargir la question de l'empreinte environnementale du numérique à l'ensemble du cycle de vie des réseaux, équipements et terminaux. Sans renoncer aux possibilités d'échange et d'innovation que procure la technologie, nous souhaitons que le numérique contribue à l'effort national en matière de transition écologique. Sous l'égide de son ancien président, M. Sébastien Soriano, l'ARCEP a d'ailleurs nourri l'ambition de faire de cet enjeu un nouveau chapitre de la régulation, afin de mieux conjuguer développement des usages et réduction de l'empreinte environnementale du numérique. Comment comptez-vous poursuivre et approfondir cet axe de travail ? Quels partenariats souhaitez-vous développer avec les institutions œuvrant dans ce domaine, notamment l'ADEME ? Comment comptez-vous promouvoir la nécessaire transition écologique du secteur numérique au sein des instances européennes de régulation ?

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Chère Laure, au siècle de l'internet, des télécommunications, de la dématérialisation et de la transition écologique, et à l'heure du très haut débit, de la 5G et de l'arrêt du réseau cuivre, les défis de l'ARCEP sont nombreux. Nous savons à l'Assemblée, et plus particulièrement dans cette commission, votre intérêt et votre connaissance de ces secteurs, surtout du numérique. Cette proposition de nomination en est une reconnaissance et je tiens, au nom du groupe Socialistes et apparentés, à vous en féliciter.

Nous souhaitons aujourd'hui savoir ce que sera votre ambition, votre vision à la tête du gendarme des télécommunications. Vous vous préoccupez de longue date de la fracture numérique, qui touche notamment les territoires ruraux, et connaissez les difficultés que l'on relève à chacune des auditions sur ce sujet. J'y ajouterai volontiers les problèmes de téléphonie mobile et fixe. La qualité du réseau cuivre est préoccupante dans de nombreux endroits. Pas une semaine ne passe sans qu'un maire ne nous appelle pour une rupture de réseau qui dure quelquefois des jours et des semaines. Ce n'est évidemment pas acceptable.

Élue d'une circonscription de montagne en partie rurale, je constate sur le terrain que nos concitoyens se plaignent à la fois de la fracture numérique et de ce que la loi ELAN (évolution du logement, de l'aménagement et du numérique) facilite l'implantation d'antennes relais en zone blanche. Comment trouver un équilibre entre le nécessaire développement des réseaux et la non moins nécessaire acceptation des équipements par les habitants ? Cela aussi fait partie du travail de l'ARCEP. Un exemple : un projet d'implantation d'une antenne de 42 mètres dans une petite commune de montagne a soulevé l'indignation des habitants ; après moult interventions, une autre implantation a pu être trouvée sur un relais juste à côté. Comment se fait-il que cette solution n'ait pas été retenue du premier coup ? En d'autres termes, comment comptez-vous réguler sans freiner ?

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Le groupe Agir ensemble est évidemment très heureux que le Président de la République ait choisi l'un de ses membres pour cette belle fonction. C'est dans cette salle, Laure, que nous nous sommes croisés pour la première fois, il y a treize ans et demi, alors que tu étais jeune députée. Tes qualités de service, ton engagement, les travaux que tu as menés dans cette maison te valent fort logiquement d'avoir été désignée pour présider l'ARCEP. Je t'ai souvent sollicitée pour essayer de comprendre quelque chose au numérique : moi qui ai plus vécu au XXe siècle qu'au XXIe, c'est un monde qui m'a été imposé. D'où l'intérêt d'une autorité de régulation pour tous ceux de nos concitoyens qui, comme moi, se sentent démunis face à cette obligation de se mettre à l'heure du numérique, et encore plus avec la pandémie qui nous impose le téléachat, le télétravail, la visioconférence comme outils incontournables de la poursuite de nos activités professionnelles et personnelles.

Une nouvelle fois donc, je m'adresse à la pédagogue : le New Deal, concrètement, c'est quoi ? Comment se traduit-il ? Étant membre de l'assemblée parlementaire franco-allemande, je te signale qu'un des premiers groupes de travail constitués s'est penché sur la question du numérique. Vas-tu t'inspirer de ces travaux ? Comment l'ARCEP va-t-elle jouer son rôle dans le concert des autorités de régulation européennes, dont les choix ont parfois des conséquences très lourdes sur le quotidien de nos concitoyens ?

J'entends aussi parler du service universel de La Poste, ce qui me rappelle un précédent président de la commission des affaires économique, M. François Brottes. La Poste devient un acteur incontournable de la livraison du colis. Tu as parlé d'une sorte de tableau de bord. Peux-tu préciser les contours de la contribution que pourrait apporter l'ARCEP à la visibilité de ce secteur ?

Enfin, oui, les élus locaux ont des soucis avec un certain nombre d'opérateurs. Je connais une commune où Free, faisant la sourde oreille face à l'équipe nouvellement élue, après des démêlés avec la précédente majorité, veut implanter de force un pylône dans un endroit refusé par tout le monde… Cette commune peut-elle saisir l'ARCEP pour retrouver enfin la voie du dialogue ?

Quoi qu'il en soit, le groupe Agir ensemble t'apporte tout son soutien pour cette très belle aventure qui s'ouvre à toi.

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Chère Laure, nous connaissons tous ici votre implication sur les questions d'aménagement numérique du territoire et de couverture mobile. On ne compte plus les missions et rapports de grande qualité que vous avez conduits. Cette proposition de nomination est la reconnaissance de vos compétences professionnelles, personnelles et aussi d'élue. Au nom du groupe Libertés et territoires, je la salue.

L'ARCEP a des responsabilités dans deux autres secteurs que le numérique : la poste et la distribution de la presse. Si vous ne deviez citer qu'un chantier prioritaire pour chacun d'eux, quels seraient-ils ?

S'agissant du déploiement du très haut débit, les craintes se portent particulièrement sur les réseaux d'initiative publique (RIP). Estimez-vous que la réouverture du guichet du Fonds national pour la société numérique (FSN) a permis une accélération du déploiement dans ces territoires ? Concernant la couverture mobile, les engagements des opérateurs se font-ils enfin sentir dans les territoires concernés par le dispositif de couverture ciblée ? Sur la 5G, que préconisez-vous pour éviter les écueils du déploiement de la 4G en termes d'aménagement du territoire ? Quant aux cartes de simulation de couverture proposées par l'ARCEP, nombreux sont les élus et les citoyens à s'étonner des écarts observés avec les réalités du terrain. Allez-vous mener un chantier sur ce sujet, comme vous le préconisiez dans un de vos rapports ?

Enfin, quelle sera la méthode de la présidente de l'ARCEP pour travailler avec l'ensemble des acteurs et mieux associer les élus locaux, sachant que les attentes sont nombreuses ? Bref, que souhaitez-vous lancer comme chantier prioritaire au-delà des missions obligatoires de l'ARCEP ?

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Au plan personnel, Madame de La Raudière, vous qui êtes respectée et dont les compétences sont reconnues sur tous les bancs, votre candidature réunit toutes les qualités – si l'on excepte le fait qu'elle soit proposée par le Président de la République. La question, de mon point de vue, est que la libéralisation du secteur ne permet pas la régulation, et que l'Autorité que vous avez vocation à incarner n'est au bout du compte qu'une institution de laisser faire et de laisser passer. On sait à quel point la libéralisation du secteur du numérique, des télécoms, de la poste a contribué, même si ses tenants jouent les vierges effarouchées lorsqu'ils sont sur le terrain, au déménagement du territoire, à l'atteinte au principe de continuité du service, à la mise en cause de ce que je considère comme un élément consubstantiel de l'égalité sociale et territoriale, la péréquation tarifaire. Tout cela a volé en éclats parce que le faux gendarme que vous allez incarner veille à une seule chose : le respect de la concurrence libre et non faussée, qui est incompatible avec la couverture numérique ou même postale des territoires oubliés de la République.

Il en est de même pour ce qui est du déploiement de la 5G. Au-delà des questions industrielles, environnementales ou sanitaires qui se posent, c'est le sens même qui est donné au projet de société qui nous heurte. L'approche idéologique qui est à l'œuvre, la feuille de route qui vous a été fixée nous semble aller à l'encontre de tout ce qui est souhaitable. Au moment où tout le monde a besoin de lien, on nous encourage à fabriquer une société numérique. Ce sont ces orientations que le groupe de la Gauche démocrate et républicaine conteste.

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Madame de La Raudière, voilà quatre ans que nous nous fréquentons. Vous êtes toujours courtoise et souriante et il me semble que nous entretenons des rapports peut-être distants, mais cordiaux. Cependant, autant à l'Assemblée qu'ailleurs, je vous ai toujours entendue défendre le secteur des télécommunications ou, dernièrement, la 5G. Sur Twitter, vous écrivez « La 5G est devenue la cible de l'idéologie écologiste. Pourquoi ? Par pur populisme. Et pendant ce temps, l'avenir industriel de notre pays en prend un coup » ou encore « les élus qui veulent mettre des moratoires sur la 5G veulent handicaper la France dans sa croissance économique ». Suit tout un éloge des objets connectés, des véhicules autonomes ou de la chirurgie à distance.

Avant qu'il n'en soit question dans la presse, j'avais remarqué vos quinze années chez Orange.

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Alors quand j'ai appris que la Président de la République proposait votre nomination à la tête de l'autorité de régulation des télécommunications, j'ai été en toute honnêteté – on a encore sa naïveté – stupéfait. Je n'étais pas le seul : M. Xavier Niel a dit combien nommer à la tête d'une autorité indépendante quelqu'un qui a passé quinze ans chez Orange lui paraissait surprenant, et réclame quelqu'un qui n'ait pas travaillé dans le secteur. Cela me fait un point d'accord avec lui. Il ne s'agit pas seulement de veiller à l'équilibre entre Free, Bouygues, SFR et Orange – c'est son souci à lui – mais surtout entre les différents enjeux, industriels et économiques d'un côté, écologiques de l'autre. Aujourd'hui, 4 % des émissions de gaz à effet de serre sont dues au numérique, chiffre qui devrait doubler bientôt si on n'appuie pas sur le frein – et la 5G ne va pas dans ce sens.

Vous répondez indépendance et neutralité, et à vrai dire je ne doute pas de votre conviction et de votre sincérité. C'est tout le problème : il n'y aura pas besoin de pressions, de corruption de l'extérieur pour que la technophilie et les enjeux industriels et économiques l'emportent, parce que vous en êtes sincèrement habitée. Or pour définir le sens que doit avoir le numérique dans la société, nous avons besoin de quelqu'un qui n'appartienne pas à ce champ-là. La question qu'au nom du groupe La France insoumise je pose à la Macronie, puisque c'est elle qui a décidé de votre nomination, est donc la suivante : quel est le contenu du R de régulation ?

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Il y a six ans, pour la nomination du précédent président de l'ARCEP, M. François Hollande avait retenu la candidature d'un jeune homme de 40 ans, qui avait fait Polytechnique. Au nom du groupe UDI et indépendants, je me réjouis qu'on veuille aujourd'hui nommer une personnalité qui a travaillé dans le domaine des télécommunications, qui a été chef d'entreprise et qui a été parlementaire. Je m'en réjouis aussi, Madame de La Raudière, parce que je vous ai côtoyée dans la commission des affaires économiques au cours de trois législatures différentes. Je compte sur vous pour conserver votre esprit indépendant et faire de l'ARCEP une autorité administrative réellement indépendante elle aussi, y compris du Gouvernement et de celui qui vous propose à cette fonction, le Président de la République. Je vous fais confiance pour à la fois soutenir le déploiement de la 5G et être consciente qu'une partie du territoire n'a pas de couverture mobile et connaît de graves problèmes de téléphonie fixe. Cette nomination est le fruit du travail, de la persévérance, des compétences acquises dans le parcours professionnel, de l'expertise et de la constance.

Comme je suis à la fois taquin et mesquin, et qu'au bout d'un troisième mandat je me permets des questions que je n'aurais pas posées lors du premier, je signale que la rémunération de cette fonction approche du triple de l'indemnité parlementaire. Une note de la Cour des comptes l'estime à 191 543 euros par an – mais justement, ce n'est qu'une estimation : je souhaite que tout cela acquière un caractère un peu plus transparent. Et si cette rémunération était un peu diminuée, ce serait encore mieux, mais c'est à vous d'en juger.

Enfin, après l'ARCEP, on peut imaginer que dans six ans vous soyez nommée dans une autre autorité administrative indépendante. Vous n'êtes pas encore concernée car vous êtes jeune, mais si un jour vous étiez susceptible de cumuler une rémunération de président d'autorité administrative et une retraite, ce qui est encore maintenant permis par la loi, il faudrait que de manière délibérée vous y renonciez. Je suis écœuré de voir, dans la presse et à l'Assemblée, des personnalités qui gravitent dans la sphère publique depuis trente ou quarante ans, qui nous font des leçons de bonne gestion, qui nous expliquent qu'on manque de moyens et qui cumulent allègrement emploi et retraite, avec des montants pouvant atteindre 40 000 euros par mois. Cela me fait vomir. Mais j'ai totale confiance en vous, chère Laure de La Raudière, et serai heureux de voter pour votre nomination à cette fonction.

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Le premier champ abordé dans toutes ces questions est celui de la couverture numérique du territoire. À ce propos, je veux dire à M. Ruffin qu'on ne s'affranchit pas du jour au lendemain de treize années en tant que députée d'un territoire rural, qui a une connaissance fine des attentes et des difficultés des citoyens en matière d'accès internet ou mobile. Ce n'est juste pas possible. Il y a vingt ans, j'étais chez France Télécom, certes. J'y ai occupé des postes opérationnels et je sais comment on construit un réseau. Puis j'ai eu une expérience entrepreneuriale, puis j'ai été députée. Je ne peux pas m'en affranchir, je suis un tout et si ma candidature est validée, j'aurai à cœur ces enjeux de couverture du territoire. Je sais ce que les élus vivent tous les jours dans leur territoire.

Je connais aussi le problème de l'acceptabilité des antennes. Il y a une voie de sortie avec le New Deal, qui est un changement de paradigme de régulation. M. Éric Bothorel et moi avions dit, en 2017, qu'il fallait complètement changer la façon dont étaient attribuées les fréquences pour permettre la couverture numérique du territoire. Le Gouvernement nous a entendus, et dans le cadre du New Deal a été organisé un lieu de concertation sur le terrain entre l'État, les collectivités et les opérateurs. Dans chaque département existe, en la présence généralement du sous-préfet, parfois du préfet ou du président de conseil départemental, un comité de pilotage pour l'installation des antennes liées au mobile. Je ne vois pas pourquoi ce lieu de concertation, qui permet à tous les élus de travailler avec les opérateurs en liaison avec l'État, ne s'occuperait pas de l'ensemble des difficultés liées aux antennes. Lorsqu'un opérateur veut installer une antenne, la bonne pratique est quand même la concertation avec la mairie. Ce n'est pas encore systématique : parfois, par exemple avec des sous-traitants, les négociations se font rapidement avec un propriétaire et l'antenne est installée à un mauvais endroit, sans acceptation par la population. Je vois très bien le chemin à prendre pour y remédier. Ce que je ne sais pas encore, pour être honnête, c'est l'étendue du pouvoir du président de l'ARCEP dans ce domaine, mais j'ai bien en tête cette préoccupation.

J'ai aussi bien en tête le problème de la qualité des cartes de couverture. Nous l'avions soulevé avec M. Éric Bothorel : ce que les citoyens veulent savoir, c'est si, lorsque la couverture apparaît comme bonne ou très bonne, ils pourront téléphoner à l'intérieur de la maison ou naviguer sur internet avec un bon débit. La qualité de ces cartes qui reposent aujourd'hui sur les modélisations des opérateurs peut être améliorée. On peut y ajouter, comme l'ARCEP a déjà commencé à le faire, des données réelles remontées du terrain, selon une méthodologie à définir. Certains départements ont demandé à des prestataires de services de mesurer la qualité de service devant toutes les habitations. Je pense que l'ARCEP est capable, si la méthodologie est validée, d'intégrer cela dans sa communication vis-à-vis des citoyens, et de confronter ces données à la modélisation faite par les opérateurs. En tout cas, tout le monde a intérêt à ce que l'information soit fiable. C'est un chantier très important pour l'ARCEP, que ce soit pour le raccordement à internet ou pour la réception mobile. Il faut que la qualité soit perçue par l'utilisateur. Ce n'est pas un enjeu aussi simple que je le pensais en tant que députée mais j'ai vraiment à cœur d'avancer sur ce sujet.

Deuxième attente forte, la prévision : il faut avoir plus de visibilité sur les déploiements à venir, mobile ou fixe. C'est un travail qu'a commencé l'ARCEP, qui n'est pas abouti et qui fait partie de ma feuille de route prioritaire. Cela soulève des enjeux de concurrence entre les acteurs évidents, mais je pense que quand un permis de construire a été déposé pour l'installation d'une antenne, on peut donner de la visibilité sur le fait que dans quelques mois la zone sera couverte. Il faut progresser sur ce sujet.

Vous avez évoqué l'empreinte environnementale du numérique. M. Sébastien Soriano et le collège de l'ARCEP se sont saisis de cet enjeu et un premier rapport a été rendu. Il est essentiel que le secteur des télécommunications s'inscrive dans cette démarche – il en est pleinement conscient et les opérateurs réalisent des travaux dans ce domaine – mais il est également important que le régulateur édite un guide de bonnes pratiques et travaille sur les moyens qui sont à sa disposition pour favoriser une limitation des émissions de gaz à effet de serre du secteur. Je pense à la mutualisation permise par le New Deal : la plupart des antennes déployées aujourd'hui le sont sur des sites communs. Le chantier du basculement du cuivre sur la fibre aura aussi un effet bénéfique. L'ARCEP a intérêt à mettre en avant tous ces travaux, comme elle le fait dans le cadre des discussions qu'elle a avec le BEREC. La France a en effet porté au niveau européen la question de l'empreinte environnementale du numérique et des actions à mener, y compris dans la régulation. Vous connaissez mon attachement à veiller à ce que l'écosystème français soit dynamique et que les normes ou les modes de régulation nécessaires soient d'abord fixés au niveau européen avant d'être appliqués en France.

L'ARCEP a été chargée par le Gouvernement, avec l'ADEME, d'une étude sur l'empreinte environnementale du numérique et doit rendre ses conclusions d'ici la fin de l'année 2021. Selon la feuille de route qu'a fixée le Gouvernement, nous prendrons en considération l'ensemble des données disponibles s'agissant de l'empreinte non seulement du numérique lui-même mais aussi des usages qui en sont faits, avec les externalités aussi bien négatives que positives. Ainsi nous pourrons mesurer ce qu'apportera par exemple la 5G en externalités positives pour l'ensemble des secteurs, en termes de réduction de leur empreinte environnementale. Quand j'ai défendu la 5G, quand j'ai salué son lancement, ce n'était pas du point de vue du seul secteur des télécommunications mais dans l'objectif de la modernisation et de la numérisation de l'ensemble des secteurs de l'économie française. Cela étant dit, l'Autorité doit garder un regard neutre sur ces sujets, c'est-à-dire en rester aux données scientifiques sans verser dans le débat politique. Les choix de société, ensuite, appartiennent au Parlement. Il existe différents choix de société, qui sont tout à fait respectables. C'est dans le débat public. Certains craignent que le déploiement de la 5G ne conduise à développer toujours plus les usages et la consommation. Tout le monde connaît ma pensée à ce sujet, mais je pense que ce débat politique doit avoir lieu ici, pas à l'ARCEP. Voilà comment je vois cette question de la 5G et de l'environnement.

Pour ce qui est de la fiscalité, l'ARCEP peut constituer un observatoire économique des conditions d'exercice sur le marché, mais ne l'a pas fait autant que je sache. Je ne sais pas si ce sera sa priorité. Je pense que le débat doit plutôt se poursuivre à l'Assemblée nationale et au Sénat.

Parmi les autorités qui interviennent dans le secteur du numérique, les principales sont la CNIL, le CSA et l'ARCEP, et un peu l'Autorité de la concurrence. Le CSA et l'ARCEP ont lancé cette année un service en commun dans le domaine du numérique. C'est comme cela qu'il faut travailler, et c'est possible aussi avec la CNIL. Certaines gens de l'internet ont des pratiques qui créent parfois des désordres et la mise en commun des connaissances et de l'expérience dans la sphère des autorités indépendantes, le partage des informations et des ressources pour monter en compétence me paraissent permettre à chacun de mieux exercer ses activités de régulateur dans son domaine. Je serai favorable à la poursuite de cette méthode de travail.

Pour ce qui est du site J'alerte l'ARCEP et de la façon d'intégrer ses données dans les cartes de couverture, je regarderai si une évolution est possible. L'important est que tout soit bien normé pour que toutes les informations qui remontent soient équivalentes.

Un mot sur la qualité de service du réseau cuivre, dont parle Mme Célia de Lavergne dans une récente tribune. Je suis bien consciente des difficultés. J'habite un département rural, je vois comme vous les poteaux endommagés qui ne sont pas remplacés et les habitants qui n'ont plus de téléphone ou d'internet depuis deux semaines. C'est un sujet délicat pour l'ARCEP, parce que le nombre de raccordements au réseau cuivre diminue parallèlement à l'augmentation des raccordements à la fibre, diminuant ainsi les recettes des services opérés sur la boucle locale cuivre, réseau vieillissant dont les coûts de maintenance augmentent. Les obligations liées au service universel, qui s'appuyait sur ce réseau cuivre dans sa forme actuelle, ont vocation à s'arrêter. Le cahier des charges du nouveau service universel n'a pas encore été établi par le Gouvernement. Le contexte est donc un peu compliqué mais il faudra de toute façon trouver une solution car la situation actuelle est source de grandes difficultés. Je ne peux pas prendre d'engagement sur une solution précise, mais ce sujet doit être à l'ordre du jour des travaux de l'ARCEP dès 2021.

Enfin, s'agissant du plan France très haut débit et de la réouverture du guichet unique, les 500 millions dégagés entre le plan de relance et la loi de finances permettront de finaliser ce qui était prévu pour les réseaux d'initiative publique. En revanche, il faudra des discussions pour organiser le passage du plan France très haut débit, qui ne concerne pas que la fibre, au souhait du Gouvernement d'avoir la fibre dans 100 % du territoire.

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Chère Laure de La Raudière, je ne pouvais pas vous laisser partir, si le vote le veut ainsi, sans dire ici, puisque vous avez convoqué la mémoire de Corinne Erhel, combien vous lui ressemblez. Vous faites partie de ces parlementaires intègres, travailleurs, exigeants et j'ai appris à vos côtés comme j'ai appris aux siens.

J'ai entendu ici ou ailleurs des réserves : vous pourriez être sous la soumission de quelque vieux passé. Mais il n'y a pas d'indépendance, il n'y a que des preuves d'indépendance et parmi celles et ceux qui auraient pris le soin de lire vos rapports, s'agissant du ciseau tarifaire ou de l'offre numérique pour les TPE-PME par exemple ­ – et encore, que n'avions-nous proposé en matière de roaming à l'intérieur du territoire national, nous inspirant des pratiques européennes ! – personne, même le moins élégant des hommes, ne pourrait imaginer que vous étiez là en train de chercher à servir les intérêts d'une entreprise que vous-même avez servi par le passé.

J'aimerais surtout vous entendre sur l'offre numérique aux TPE et PME, dont je sais que c'est un sujet qui vous tient à cœur. Pour le reste, j'aimerais tant qu'à l'ARCEP on puisse parler de blockchains, de cybersécurité et de cryptomonnaie ! Mais je crois que ce sera éloigné de vos travaux pour les six ans qui viennent… Quant à nous, nul doute que si nos routes se croisent de nouveau nous pourrons envisager de parler d'autre chose que des infrastructures et des tuyaux.

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Chère Laure, je vous félicite pour cette très belle proposition de nomination, méritée, après de nombreuses années de travail au service des Français et de leur accès aux télécommunications et au numérique. En regardant votre CV, j'ai réalisé que nous avions travaillé au même moment à France Télécom : vous étiez à direction régionale Paris Sud, moi à celle de Paris Nord. Et, en tant qu'ancienne de France Télécom, je me rends compte de l'incroyable compétence que vous avez acquise, aussi bien au sein de l'entreprise devenue Orange que dans le privé. On peut toujours tout critiquer, mais s'il y a une personne qui a les compétences pour devenir présidente de l'ARCEP, c'est vous. C'est un très bon choix du Président de la République.

Comme vous l'avez dit, le déploiement d'infrastructures induit automatiquement des échecs de production. Il reste à vérifier l'acceptabilité du taux d'échec de l'opérateur d'infrastructures FTTH ­ – fibre optique jusqu'au domicile – dans le cadre d'un AMEL ou d'un AMII, pour que tous les fournisseurs d'accès puissent ensuite commercialiser les prises construites, et aussi pour que les collectivités puissent avoir une connaissance suffisante de l'état du réseau FTTH sur leur territoire. La possibilité de contrôle des collectivités locales sur l'opérateur d'infrastructures est différente selon qu'il s'agit d'un RIP ou d'un AMEL. Le département de l'Isère, qui est un cas de déploiement RIP, a un pouvoir d'action vis-à-vis de l'opérateur d'infrastructures alors que les collectivités en AMII ou en AMEL n'en ont pratiquement pas. C'est le cas par exemple de mon département des Hautes-Alpes. L'ARCEP suit-elle la qualité du réseau produit par un opérateur d'infrastructures FTTH dans le cadre d'un AMII ou d'un AMEL ? Si oui, les collectivités concernées peuvent-elles avoir connaissance de ses observations ? Et sinon, l'ARCEP compte-t-elle mettre en place ce suivi ?

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Je vous félicite à mon tour, Madame de La Raudière, pour cette proposition de nomination dont j'espère qu'elle sera validée. Les membres de la commission des affaires économiques connaissent vos travaux, vos connaissances et vos compétences en matière de communications électroniques et de numérique, mais aussi les valeurs que vous incarnez et qui seraient mises à profit dans vos nouvelles fonctions.

La loi du 18 octobre 2019 relative à la modernisation de la distribution de la presse, réformant la loi Bichet, qui datait de 1947, a confié à l'ARCEP cette nouvelle mission : la régulation de la distribution de la presse. L'objectif est d'adapter enfin le secteur de la presse aux nouveaux enjeux tout en préservant ses principes fondateurs. Dans un contexte d'accélération de la diffusion numérique, de diminution régulière du volume distribué et d'attrition du réseau des points de vente, cette nouvelle mission est cruciale pour faire évoluer l'organisation du secteur.

La presse est un secteur d'un poids économique important, dans lequel il existe une certaine conflictualité en raison d'une multitude d'acteurs, allant des éditeurs aux marchands de presse en passant par les imprimeurs. Il est nécessaire de s'imposer dans ce domaine pour faire primer l'intérêt général et celui des lecteurs face à des intérêts particuliers puissants. Outre l'enjeu de régulation technique, préserver l'avenir de la presse papier est un prérequis important pour protéger notre société du savoir et notre démocratie, et aussi pour conforter un pilier d'une filière industrielle à sauvegarder. Quelles sont vos priorités en matière de régulation de la distribution de la presse ? Quelle méthode de travail comptez-vous adopter avec cet écosystème ? Comment comptez-vous faire progresser l'expertise juridique, économique et technique de l'ARCEP et ses contrôles en la matière ?

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Je ne jouerai pas à la vierge effarouchée, n'étant plus effarouché depuis longtemps, et j'irai directement au fait. La 5G ne me dérange pas. Je pense même, contrairement à d'autres, qu'il est tout à votre honneur de l'avoir défendue, car elle contribuera à soutenir la ruralité, en favorisant notamment l'activité des PME et de l'artisanat d'art. Je ne vous remercierai jamais assez d'avoir combattu en ce sens.

Je souhaiterais vous entendre au sujet du timbre. L'augmentation régulière des tarifs postaux, de 10 % à 15 % chaque année, fait que son prix a désormais dépassé 1 euro. Quand cela va-t-il s'arrêter ? On voudrait faire disparaître l'envoi postal qu'on ne s'y prendrait pas autrement ! Ce serait dommage, car tout le monde n'a pas la possibilité d'utiliser l'internet pour communiquer, sans compter ceux qui préfèrent les lettres ou les cartes de vœux, et privilégient les discussions épistolaires. Je vous engage donc à examiner la question de près. Il ne s'agit pas d'une vision passéiste, ou nostalgique : le timbre garantit aussi une certaine égalité, notamment entre les territoires, à travers l'universalité du service postal.

J'aimerais aussi, s'agissant du déploiement de la 5G – voire de la 6G, dont on commence à parler – que la ruralité ne soit pas, comme d'habitude, la dernière servie. Il serait bon de veiller à l'égalité territoriale, au besoin en passant outre aux considérations économiques et en équipant rapidement les territoires les moins denses, et pas seulement les métropoles : cela permettrait de relancer les zones rurales.

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Pas de question pour moi, Madame de La Raudière, mais un message de soutien et d'encouragement pour vos – je l'espère – futures fonctions. Le jeune parlementaire que je suis croit pouvoir dire que nous avons tous apprécié votre travail à l'Assemblée nationale, notamment celui que vous avez effectué en collaboration avec M. Éric Bothorel. Je trouve, contrairement à certains, que votre expérience très diversifiée, à la fois en tant qu'élue de terrain et en tant que professionnelle du secteur, dans le public comme dans le privé – votre CV parle pour vous – ­est un atout. Il me semble plus pertinent de nommer à la tête de l'ARCEP une spécialiste de la question qu'une personne qui n'y connaîtrait rien. Merci donc pour votre travail dans notre enceinte et pour les éclairages que vous avez su nous apporter. Bon vent dans vos futures fonctions, et au plaisir de travailler de nouveau avec vous – car, comme l'a souligné M. Nury, il serait peut-être temps de reconnecter l'ARCEP aux territoires ! Je n'ai aucun doute sur le fait que vous y arriverez.

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Je tenais à être présent cet après-midi pour vous féliciter, chère Laure de La Raudière, et aussi vous souhaiter bon courage, parce que c'est une lourde responsabilité qui vous attend, surtout dans le contexte actuel, vu l'importance des enjeux liés au numérique. Je vous souhaite donc bon vent, dans cette année si particulière.

L'ARCEP est une structure de régulation. Or la régulation suppose une adhésion citoyenne, et pour qu'il y ait adhésion citoyenne, il faut susciter de la confiance chez nos concitoyens. Au-delà de la question du déploiement du numérique se pose donc celle de son utilisation optimale. Ce n'est pas qu'un problème d'énergie : le numérique est aussi un outil à la disposition de nos concitoyens ; il joue un rôle social et écologique.

Je reviens sur la question de la maintenance des réseaux. On a dit qu'il fallait des semaines pour les réparer : je parlerais plutôt de mois. C'est un problème – mais je sais que l'on pourra compter sur votre action.

S'agissant de la question de l'acceptabilité, certaines contradictions se manifestent certes, mais je crois néanmoins que, globalement, nos concitoyens attendent le déploiement du numérique, ne serait-ce que pour pouvoir utiliser tous les outils disponibles durant la crise que nous connaissons.

Je voudrais insister, entre autres nuisances liées au déploiement du numérique, sur les aspects de santé publique, et notamment sur les ondes électromagnétiques produites par les antennes relais. La question se pose dans les mêmes termes pour les éoliennes, les lignes à haute tension ou toute installation électrique, et doit être prise à bras-le-corps. S'il n'y a pas d'explications scientifiques, c'est une réalité sur le terrain : j'ai moi-même été interpellé à de multiples reprises au sujet de difficultés concernant des élevages, ou la santé des personnes. Il me semblerait important de se pencher sur le sujet de manière interministérielle, avec le ministère de la santé et des solidarités, le secrétariat d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques et le ministère de la transition écologique. Il faudrait que, quand on érige un mât, tous les opérateurs placent leurs antennes relais dessus.

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Pour commencer je veux tous vous remercier pour les propos que vous avez tenus sur le travail que j'ai accompli ici, à l'Assemblée nationale, sur le secteur du numérique : ils me touchent beaucoup.

Je veux répondre à M. Éric Bothorel – au-delà de l'amitié qui nous lie – sur le marché des entreprises. L'ARCEP a été guidée par la volonté de développer les offres en direction des entreprises et la concurrence. Il s'agit du marché le moins concurrentiel dans le secteur des télécommunications, avec un duopole, en particulier sur le marché de la fibre ; en certains endroits, les PME y sont peu raccordées bien qu'elle soit disponible. Il faut donc dynamiser ce marché. L'ARCEP a veillé à créer les conditions de l'émergence d'un opérateur de gros qui pourrait commercialiser des fibres activées et qui ne serait pas intégré, afin que d'autres entreprises, proches des PME, puissent commercialiser ses services de télécommunication. La régulation est récente, et il n'y a pas encore eu d'« effet waouh » sur ce marché. L'ARCEP va surveiller la situation, d'autant que l'opérateur en question, Kosc Telecom, vient d'être racheté par Altitude Infra et doit y être intégré : il faut voir si cela bénéficiera ou non au marché. Si ce n'est pas le cas et que le marché se montre insuffisamment dynamique, il faudra envisager un nouvel axe de régulation. L'ARCEP examinera aussi les conséquences de l'arrivée de Free sur le marché : devant la commission des affaires économiques, M. Xavier Niel a annoncé le lancement au premier trimestre 2021 d'une offre qu'il a qualifiée, je crois, de « révolutionnaire ». Cela aussi peut avoir un impact sur le marché et doit être surveillé par l'ARCEP.

Mme Pascale Boyer a souligné à juste titre que les collectivités territoriales étaient beaucoup moins impliquées dans le cadre des AMEL et des AMII. Cette question ne relève pas directement du champ de régulation de l'ARCEP. Celle-ci surveille néanmoins la situation, au travers de son observatoire, et peut de ce fait identifier d'éventuels retards dans le déploiement de la fibre. C'est le cas dans les zones AMII. Un dialogue doit par conséquent être engagé entre le Gouvernement, les opérateurs, les collectivités territoriales et l'ARCEP afin de maintenir la pression sur les opérateurs. Des engagements ont été pris à travers les conventions. Le déploiement de la fibre doit avoir lieu dans la totalité de la zone concernée, AMEL ou AMII, et le retard doit être rattrapé.

La presse est effectivement, Madame Deprez-Audebert, un nouveau secteur de régulation pour l'ARCEP. Du fait de la restructuration de Presstalis, le contexte est particulièrement compliqué. L'ARCEP, après avoir traité l'urgence, est en train de prendre en main l'ensemble du champ de régulation. Ses objectifs sont très clairs. Ils ont été fixés par la loi du 18 octobre 2019 : il s'agit d'assurer une plus grande indépendance des axes de régulation, étant entendu que la distribution de la presse doit garantir le pluralisme. La montée en compétences de l'ARCEP va être essentielle ; elle suppose une bonne concertation avec tous les acteurs, à l'échelon national comme local, afin que tout cela continue à vivre – car ce n'est pas toujours équilibré aujourd'hui.

La fixation du prix du timbre est de la responsabilité de l'État, Monsieur Huppé, et non de celle de l'ARCEP, de même que la définition du service universel. L'ARCEP est en revanche chargée du contrôle des obligations de service universel.

S'agissant du déploiement de la 5G, des dispositions spécifiques aux zones rurales sont prévues pour les attributions de licences pour la bande 3,5 gigahertz. Pour ne prendre que cet exemple, 25 % des sites qui seront déployés en 2024 et 2025 devront l'être dans des zones peu denses et des territoires d'industrie. Les besoins en matière d'aménagement du territoire sont donc pris en considération. D'autre part, des objectifs ambitieux ont été fixés en matière de 4G+, c'est-à-dire d'accroissement des débits de la 4G : dès 2022, au moins 75 % des sites 4G devront bénéficier d'un débit au moins égal à 240 mégabits par seconde, soit une multiplication par quatre de l'objectif actuel. Ce n'est pas comparable avec la 5G, mais cela permettra d'enregistrer une augmentation considérable des débits sur les sites concernés.

Enfin, merci, cher Mickaël Nogal, cher Yves Daniel, pour vos propos. Je ne reviendrai pas sur les enjeux de santé publique. Si je me suis souvent exprimée sur le sujet, en l'occurrence, je suis auditionnée pour la fonction de présidente de l'ARCEP, et l'ARCEP n'a pas de compétence en la matière.

Les commissaires se lèvent et applaudissent Mme Laure de La Raudière lorsque celle-ci quitte la salle.

Après le départ de Mme de La Raudière, il est procédé au vote sur la nomination par appel à la tribune et à bulletins secrets.

Le Sénat ayant, de son côté, réalisé l'audition de Mme de La Raudière le 20 janvier 2021, le dépouillement n'a pu être effectué qu'à l'issue de cette dernière audition, en application de l'article 5 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 et de l'article 29‑1 du Règlement.

Les résultats du vote sont les suivants :

Nombre de votants

Bulletins blancs ou nuls

Abstention

Suffrages exprimés

Pour

Contre