Intervention de Mathilde Panot

Réunion du mardi 19 janvier 2021 à 17h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMathilde Panot :

Je ferai entendre, au nom du groupe La France insoumise, une voix discordante parce que, malheureusement, vous êtes incorrigibles. Les grands mots ne manquent pas, dans cette proposition de loi : gestion durable, fixation et stockage du CO2, protection et mise en valeur des bois et forêts. Ces grands principes sont légitimes et nous les partageons mais ils peuvent aussi ouvrir la voie à une exploitation intensive des forêts françaises. Notre groupe le répétera autant de fois que nécessaire : les forêts françaises ne sont pas qu'un gisement de bois.

Vous proposez de simplifier l'accès des experts financiers aux cadastres, en vous appuyant sur cette phrase : « Ce dispositif a permis de favoriser l'entretien et l'exploitation des ressources forestières dans le cadre d'une gestion durable ». Disposons-nous d'un retour d'expérience qui détaillerait ses inconvénients et ses avantages, de l'avis des propriétaires, de renseignements sur la nature des campagnes d'information menées par les professionnels, de l'avis des maires, des associations ou du Centre national de la propriété forestière (CNPF) ? Nous n'avons rien !

Vous nous soumettez cette proposition de loi parce qu'elle répondrait à la demande unanime de la profession. Vous le savez aussi bien que moi : faciliter l'accès aux données cadastrales sans faire évoluer les pratiques forestières, c'est inaugurer la foire aux coupes rases et à la mal-forestation. Le petit foncier forestier ne dispose pas de documents de gestion agréés dont les prescriptions pourraient limiter l'intensité des coupes. Les coupes ne présentent d'intérêt économique qu'à condition d'être suffisamment fortes. On peut douter que le regroupement des petites parcelles limite leur intensité.

Contrairement à ce que vous prétendez, la récolte de bois, en soi, ne permet pas de protéger la forêt et elle contribue encore moins aux autres bienfaits que vous citez. Au contraire, une récolte abusive peut abîmer durablement une forêt et réduire sa capacité à stocker du carbone, ce qui irait à l'encontre de la lutte contre le dérèglement climatique. Seule une gestion raisonnée peut participer à l'intérêt général et c'est dans ce seul cadre que la récolte en fait partie. Je le répète : nous ne sommes pas atteints du syndrome « Idéfix » et la récolte de bois ne nous pose pas de problème. En revanche, nous refusons que le bois soit surexploité. De surcroît, le petit foncier forestier a une forte valeur environnementale, grâce à une proportion importante en libre évolution ou à la diversité de gestion, le plus souvent extensive. Il y a plus d'avantages écologiques à maintenir le statu quo que d'avantages économiques à intensifier l'exploitation de ces toutes petites forêts dont certaines sont gérées en coopérative, selon des méthodes alternatives.

Enfin, vous prévoyez de faciliter le démarchage des propriétaires forestiers alors que les pratiques des coopératives forestières sont souvent jugées agressives. Ces coopératives ont d'ailleurs tout intérêt à conseiller des coupes rases puisqu'elles sont en conflits d'intérêts. Il faudrait d'ailleurs que nous réglions un jour ce problème par la loi : elles vendent du conseil, des travaux, de la plantation et commercialisent le bois. Or on trouve dans notre territoire des milliers de sylviculteurs qui ont à cœur de développer un modèle forestier alternatif. Ils pratiquent une sylviculture douce, à couvert continu, avec des essences variées, plus résilientes au changement climatique. À long terme, ce type de sylviculture s'avère même plus rentable que la sylviculture intensive dont les travaux sont extrêmement coûteux pour les propriétaires. Il serait donc de votre responsabilité de les aider en priorité, plutôt que de laisser la main au marché, sans aucune garantie de gestion durable. Je partage les propos de M. Jumel concernant les moyens de l'Office national des forêts et le CNPF, qui a encore perdu trois effectifs cette année.

Bref, pour résumer : il nous semble inopportun de simplifier l'accès au cadastre si les pratiques forestières n'évoluent pas.

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