Tout d'abord, merci pour les mots agréables qui ont pu être prononcés par les intervenants.
Revenons brièvement à la genèse de cette proposition de loi. L'expérimentation s'arrêtait fin 2018 et j'ai voulu, du fait de mon histoire personnelle, de ma sensibilité d'élu, proposer un dispositif similaire dans le cadre de la loi EGALIM. Hélas, l'article a été qualifié de cavalier législatif, et le dispositif n'a pas été promulgué. Depuis, mon analyse a changé même si le fond reste le même. Je me suis dit qu'il fallait agir, tout en restant prudent. Ainsi, si je ne suis pas d'accord avec tout ce que vous avez pu dire, Madame Panot, je partage néanmoins certaines de vos inquiétudes.
Tout d'abord, le bois est un bon moyen de stocker le carbone, surtout si on l'intègre dans des usages durables, comme la construction. La France est importatrice nette dans tous les secteurs du bois, sauf pour les grumes, qu'elle exporte parfois vers l'Asie de l'Est. Elle en valorise très peu et la transformation est également un véritable enjeu. Malgré un espace forestier très étendu, nous sommes obligés d'importer du bois, ce qui est paradoxal.
Par ailleurs, au-delà de la valorisation économique, la forêt est un atout écologique. Or des territoires entiers dépérissent par manque d'entretien. Des coupes ont pu être réalisées mais les cervidés empêchent les arbres de repousser ; les ronces prennent leur place, quand les arbres ne tombent pas en chablis les uns sur les autres. Certaines collectivités, qui n'ont pas la chance d'avoir des forêts publiques sur leur territoire, mais des forêts privées, se désespèrent de ne pouvoir identifier les propriétaires pour les contacter et réfléchir avec eux à la manière de valoriser cette forêt, ne serait-ce que pour en faire un espace de loisir, une sorte de poumon vert pour les villes voisines.
Enfin, la forêt présente un intérêt évident pour lutter contre les incendies. C'est vrai dans le Sud mais pas seulement, en raison du réchauffement climatique.
J'ai tenu à reprendre à l'identique les dispositions votées dans le cadre de la loi ASAP et à ne pas étendre l'accès à d'autres que ceux prévus dans l'expérimentation, malgré les nombreuses sollicitations. Monsieur Potier, nous partageons le même souci. J'ai en tête les conséquences désastreuses de la concentration des exploitations agricoles et je ne veux pas faire subir le même sort à la forêt. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir été sollicité par les experts forestiers ou agricoles. Mme Panot a raison, restons vigilants.
Parallèlement, le morcellement de la forêt pose de réels problèmes. Certains propriétaires possèdent un hectare, d'autres vingt ares, d'autres encore quelques mètres carrés. Certains ne savent même plus où se trouve leur parcelle. Il n'est pas rare qu'un maire doive gérer les conséquences d'une coupe de bois par une personne qui s'en croyait de bonne foi propriétaire alors que la parcelle appartenait au voisin !
Nous proposons donc de permettre à un nombre limité d'acteurs, dont la liste est celle prévue par la loi LAAF du 13 octobre 2014, validée par la CNIL, d'accéder aux informations cadastrales. Ces acteurs seront chargés de promouvoir une gestion durable de la forêt : l'abattage devra être suivi d'une replantation, qui devra être entretenue. Ces acteurs pourront perdre leur agrément s'ils ne se conforment pas à ces obligations réglementaires. Cette proposition me semble équilibrée.
Par le passé, la puissance publique a voulu traiter le problème de l'extrême morcellement sous l'angle de la propriété. Or, cette multitude de propriétaires, c'est aussi une forme de résilience de la forêt. La forêt est une mosaïque. À chaque fois qu'on a tenté de regrouper la propriété, on a obtenu des résultats mitigés. En tout cas, beaucoup trop de moyens et de temps ont été dépensés pour des opérations de remembrement qui, souvent, n'ont pas abouti ou pour un effet discutable. Cette fois, nous traitons la question sous l'angle d'une gestion en commun, de plans de gestion en commun, qu'il faudra peut-être faire évoluer.