Cette proposition de loi est issue d'une expérimentation dans ma circonscription, à Vierzon. À la demande de la mère d'une adolescente autiste non verbale, Clémence, le supermarché local a accepté d'instaurer, chaque semaine, une heure silencieuse au cours de laquelle les lumières sont tamisées, la musique et les annonces sonores coupées et le bruit des appareils électroniques atténué. L'objectif était de permettre à la jeune fille de faire sereinement ses courses avec son accompagnatrice, le mardi après-midi.
Les troubles du spectre autistique (TSA) sont encore trop méconnus du grand public. Pour les 700 000 personnes qui en souffrent en France, la visite d'un supermarché peut se transformer en une épreuve douloureuse : en raison de leur hypersensibilité sensorielle, les lumières vives et l'environnement sonore typiques des zones commerciales sont très difficiles à vivre et constituent pour elles de véritables agressions.
J'ai moi-même constaté combien le confort de vie de Clémence s'était amélioré. Depuis, le supermarché en question a décidé de proposer trois créneaux d'heure silencieuse par semaine pour permettre à un plus grand nombre de personnes d'en bénéficier.
Après le succès de cette expérimentation locale, étendue à d'autres supermarchés, certaines enseignes ont choisi d'adopter le dispositif, notamment Super U et Auchan. J'ai décidé de déposer une proposition de loi visant à sa généralisation, m'inscrivant ainsi dans l'une des priorités du quinquennat : l'inclusion des personnes en situation de handicap. J'ai conduit un travail de concertation avec les acteurs du commerce, les associations compétentes et les délégations ministérielles à l'accessibilité et à l'autisme. Dans le cadre de mon activité de rapporteure, j'ai mesuré les difficultés d'accessibilité aux commerces et centres commerciaux pour les personnes en situation de handicap, quel qu'il soit.
La loi n° 2005-102 du 11 février de 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a consacré le principe de l'accessibilité à tout et pour tous, clairement énoncé à l'article L. 111-7 du code de la construction et de l'habitation. Plus de quinze ans après et même si de nombreux efforts ont été réalisés, le constat reste sans appel, ce principe ne se traduit toujours pas pleinement dans les faits. Les agendas d'accessibilité programmés, définis par le législateur en 2014, ont permis de nombreuses avancées mais n'ont pas répondu à toutes les difficultés rencontrées.
Face à cette réalité et dans le cadre d'un dialogue avec le Gouvernement, j'ai pris la décision d'élargir l'objet de ma proposition de loi. Un amendement, cosigné par l'ensemble de mon groupe, vise à remplacer le dispositif de l'heure silencieuse par une négociation obligatoire entre le monde associatif et les acteurs économiques concernés sur les questions liées à l'accessibilité aux commerces et centres commerciaux. Ces négociations, menées en concertation avec le Gouvernement, doivent aboutir dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la loi et donner lieu, à terme, à la remise d'un rapport au Parlement.
L'heure silencieuse en constituera, et j'y veillerai, l'un des éléments parce qu'elle manque à notre corpus de règles relatives à l'accessibilité. Ce sera un réel progrès pour les personnes autistes, mais aussi pour d'autres publics pour qui les lumières vives et l'environnement sonore des supermarchés sont source de mal être : les personnes présentant d'autres troubles neuro-développementaux, celles souffrant d'hyperacousie ou d'acouphènes, les personnes âgées mais aussi les personnels des magasins.
Je tiens à saluer les associations mais également les acteurs du commerce, qui se sont montrés très dynamiques et avec qui nous continuerons d'avancer à travers le guide de bonnes pratiques qui servira de support à l' « heure silencieuse ». Ce guide, que je pourrai prochainement inclure dans l'application numérique collaborative « acceslibre », permettra de déployer le dispositif, avec des conseils et des propositions issus du partage des expériences déjà réalisées et continuera d'être alimenté pour améliorer encore cette séquence particulière d'une heure calme.
La négociation va beaucoup plus loin que l'heure silencieuse. Elle sera l'occasion de dresser un état des lieux de l'accessibilité réelle des personnes en situation de handicap aux commerces de détail ainsi qu'aux centres commerciaux et de proposer des améliorations. Les 12 millions de Français en situation de handicap bénéficieront directement de ces progrès et, plus globalement, l'ensemble de la société. En rendant plus accessibles ces lieux de la vie quotidienne, nous souhaitons contribuer à la construction d'une société plus inclusive et plus attentive aux autres. C'est tout le sens de mon engagement en politique : permettre un mieux vivre ensemble, dans nos diversités, avec nos atouts et nos fragilités.
Je suis convaincue que cette demande d'ouverture de négociation entre les différentes parties est le bon chemin : l'action politique doit se construire dans la concertation, mais avec courage et conviction. La concertation est la marque de fabrique du groupe MoDem et démocrates apparentés, parce que nous avons la place qui convient, au centre, pour parler à tous et travailler avec tous au bien commun. La concertation que j'ai menée autour de l'heure silencieuse a été reconnue et saluée. Je souhaite que la négociation puisse se dérouler dans le même esprit d'écoute, de confiance et de co-construction.
L'action politique, ai-je dit, doit être menée avec courage, celui-là même que nous insufflent les plus fragiles, dont les conditions d'existence ont été certes améliorées mais pour lesquels des progrès importants doivent encore être réalisés. En nous poussant à agir, les personnes en situation de handicap sollicitent le meilleur de nous-mêmes et de notre Nation : dignité de la personne humaine, égalité des droits, fraternité. Bien sûr, cela est exigeant et nous coûte mais nous ne pourrons que nous enorgueillir d'avoir contribué à abattre les murs et fait tomber la défiance, parfois même, le rejet. Nous apprécierons d'avoir favorisé l'inclusion et le vivre-ensemble. Nous, responsables politiques, avons le devoir de veiller sur les plus fragiles d'entre nous, pour que leur place soit respectée.
J'ai parlé de concertation et de courage. Ma conviction, c'est que nous pouvons, que nous allons rassembler autour de texte car il s'agit d'une juste cause. Il est essentiel de permettre aux personnes souffrant d'un handicap de faire leurs courses avec le maximum d'autonomie, qu'elles soient scolarisées avec les autres jeunes, qu'elles vivent en autonomie dans des logements adaptés avec les autres et qu'elles travaillent dans les mêmes lieux que nous. Ces objectifs sont loin d'être atteints ; nous devons aller plus vite, plus loin, tous ensemble.
Le concept d'heure silencieuse, plus attrayant, ne disparaît pas mais passe au deuxième plan. Il a déjà été l'objet d'un véritable engouement médiatique en 2019, lors du dépôt de la précédente version de la proposition de loi, ce qui a permis de sensibiliser nos concitoyens à ce sujet. J'encourage vivement les acteurs du commerce à continuer de déployer ce dispositif, qui d'ailleurs essaime : avant la Covid-19, j'ai assisté à une séance de cinéma adaptée aux personnes souffrant de TSA.
En élargissant la proposition de loi, j'élève notre ambition pour les personnes souffrant de handicap. Nous pourrons nous féliciter de ce progrès si, à l'issue d'une navette que j'espère rapide, le texte est définitivement adopté et si, au terme de la négociation, un rapport est remis au Parlement sur les avancées réalisées.