Le second confinement s'est officiellement terminé le 15 décembre dernier et nous espérons tous, évidemment, qu'il n'y aura pas de nouveau reconfinement. Nous avons donc le plaisir de conclure aujourd'hui les travaux menés avec le groupe de suivi par un bilan des répercussions économiques de ce confinement, et de la crise sanitaire en général, ainsi que par un bilan des aides mises en œuvre par l'État pour soutenir l'économie et protéger l'emploi des Français.
Plus souple et différencié, le confinement de l'automne a été, logiquement, moins violent pour l'économie de notre pays : en novembre, « seuls » 3 millions de nos compatriotes ont subi le chômage partiel, contre 9 millions pendant le premier confinement ; et le PIB n'a baissé « que » de 11,6 %, contre 31 % au moins d'avril.
Il reste que, malgré une forte reprise de la consommation des ménages en décembre, la production totale s'est repliée de 0,7 % et le PIB a reculé de 1,3 % au quatrième trimestre. Sans surprise, ce reconfinement et les restrictions qui ont perduré ensuite ont maintenu la récession économique de notre pays à un niveau assez inédit. En dépit du rebond du troisième trimestre, l'année 2020 s'est en effet soldée par une perte totale de PIB de 8,3 %, un niveau de déficit budgétaire record pour l'État de 178 milliards d'euros, soit 30 milliards au dessus du déficit constaté en 2010 au plus fort de la crise financière, et par la disparition de 700 000 emplois nets, salariés et non salariés, sans parler de la menace que font peser 804 plans de sauvegarde de l'emploi (PSE) sur plus de 84 000 autres contrats de travail.
Il va sans dire que, sans les aides et le dispositif d'activité partielle que le Gouvernement a très vite mis en place, le bilan aurait été beaucoup plus massif sur le front de l'emploi.
Les travaux que nous avons menés ont montré les dégâts particuliers qu'a causés ce second confinement sur divers acteurs économiques. Nous ne reviendrons pas sur les témoignages des professionnels auditionnés, ni sur les difficultés que vous connaissez tous des secteurs des transports, des discothèques, des bars, cafés, restaurants, et tant d'autres. Or, pour nombre d'entre eux, le reconfinement a marqué le début d'une mise à l'arrêt prolongée, ou d'une activité durablement faible.
Pour ceux-ci, comme a fortiori pour ceux qui sont fermés, ou quasiment, depuis le début de la crise, la première question est : « quand vont-ils pouvoir reprendre une véritable activité ? ». Même si diverses études et diverses enquêtes montrent que, pour la plupart, leur survie n'est pas encore en jeu grâce aux amortisseurs financiers déployés par le Gouvernement, ces acteurs souffrent de ne pouvoir travailler. Mais tant que la campagne de vaccination n'aura pas permis d'atteindre un niveau suffisant de protection de la population française, leurs perspectives de reprise restent floues. En outre, l'hypothèse d'un nouveau confinement repousse d'autant cette échéance.
Cependant, une fois cet éventuel épisode passé, il nous paraît indispensable de réduire ce flou autant que possible. C'est crucial pour le moral des professionnels et la résilience des entreprises – et, accessoirement, pour la soutenabilité du déficit budgétaire public. Au reste, une ordonnance du Conseil d'État a récemment condamné toute interdiction générale et absolue d'ouverture au public des cinémas, théâtres et salles de spectacles. C'est pourquoi nous soulignons à nouveau la nécessité d'objectiver les futurs arbitrages quant aux réouvertures ou au maintien des fermetures, grâce à l'étude scientifique des conditions sanitaires permettant les reprises d'activité.
Certes, cette pandémie est inédite ; elle est loin d'être maîtrisée et surprend encore, notamment avec l'irruption de variants dangereux qui nous obligent à adapter les prévisions et les stratégies. Néanmoins, les Français ont remarquablement intégré les gestes barrières ; et quelques études sur les risques de contamination dans certains lieux accueillant du public ont déjà su montrer l'efficacité ou l'insuffisance des mesures de protection prises. Des évaluations similaires devraient être menées sur les autres lieux fermés. Elles devraient aussi viser à délimiter des sortes de seuils de déclenchement ou d'assouplissement des restrictions sanitaires dans ces lieux. Même s'ils ne pourront être définitifs avec un virus aussi évolutif, ces repères faciliteraient les arbitrages, seraient plus convaincants sur leur adéquation à la situation sanitaire et plus rassurants, aussi, pour tout le monde.
L'identification de tels repères redonnerait un horizon aux secteurs à l'arrêt. Nous considérons toutefois que ces repères ne seront vraiment opérationnels que dans la mesure où les acteurs concernés sont étroitement associés à leur élaboration.
Avant de passer au bilan de la politique de soutien de l'État, nous évoquerons aussi, rapidement, le reconfinement qui pourrait être décidé au regard de l'accroissement des contagions et de la menace des variants du virus. Nous ne contestons pas la pertinence d'une telle mesure face à un risque d'emballement, ni la nécessité de la mettre en œuvre à temps, ni le fait qu'elle est plus rapide à freiner la circulation virale quand elle est appliquée tôt. Mais l'expérience des deux précédents confinements a aussi montré l'énormité de son coût économique et la gravité de ses effets secondaires sociaux, éducatifs et psychologiques.
Vous le savez, la décision est complexe ; il est très difficile d'identifier le seuil au-delà duquel ne pas reconfiner devient ingérable d'un point de vue sanitaire ; et nous ne disposons pas des évaluations scientifiques nécessaires. Mais nous trouverions intéressant d'attendre les vacances de février et la fermeture provisoire des écoles. Cela limiterait les impacts sur les cursus pédagogiques et le travail des parents. La décélération des contagions que l'on constate ces derniers jours semble pouvoir offrir une certaine marge.
Enfin, nous sommes persuadés qu'en cas de reconfinement, tant que le niveau de risque le permet, il importe de différencier à nouveau les contraintes en fonction des secteurs, afin de préserver autant que possible les chances de notre jeunesse, et de conserver une activité économique au-delà des besoins strictement nécessaires.
Pour en revenir à l'accompagnement des entreprises, comme nous avons commencé à l'évoquer, son efficacité économique et sociale a été indéniable. Les aides de l'État n'ont pas permis de sauver les emplois les plus précaires, qui ont été les premiers sacrifiés ; mais en réduisant fortement les charges des entreprises et en apportant de la liquidité, ces aides ont amorti les chocs de sous-activité, minimisé les risques de défaillance, protégé, malgré tout, de nombreux emplois et préservé le pouvoir d'achat de la grande majorité des Français.
Il faut dire qu'à lui seul, l'État aura engagé 41,8 milliards d'euros de dépenses d'urgence en 2020.