Intervention de Guillaume Garot

Réunion du mercredi 10 février 2021 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Garot, rapporteur :

À l'échelle de la planète, un tiers de la production alimentaire totale termine à la poubelle. Le gaspillage alimentaire est une aberration économique, écologique, sociale et surtout éthique, puisqu'on produit pour jeter. Nous sommes dans la société de l'absurde. En France, les chiffres sont éloquents : chacun de nous jette près de trente kilos de nourriture chaque année, dont sept kilos toujours emballés. C'est d'autant plus absurde et scandaleux que des centaines de milliers de nos concitoyens, pour ne pas dire des millions, souffrent de précarité alimentaire.

La France, et je m'en réjouis, est un des pays les plus en pointe – si ce n'est le pays le plus en pointe – contre le gaspillage. Nous fêterons demain les cinq ans de la première loi consacrée à ce sujet, adoptée en 2016 à la suite d'un vote unanime du Parlement. Cette loi interdit la destruction d'aliments consommables, encadre le don des grandes surfaces aux associations et hiérarchise les actions contre le gaspillage alimentaire. Puis nous avons renforcé les dispositifs dans la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite EGALIM, et la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, dite AGEC.

Nous constatons tous autour de nous que nos concitoyens s'engagent, prennent des initiatives dans les associations, dans les collectivités, dans les entreprises, pour essayer, chacun à son niveau, de faire reculer le gaspillage alimentaire.

La prise de conscience est réelle. Des outils législatifs et réglementaires ont été créés depuis 2016 mais, si l'on regarde lucidement les choses, on s'aperçoit qu'il reste encore beaucoup à faire. Les dons aux associations de solidarité, tout d'abord, ont beaucoup augmenté, mais la qualité de ces dons n'est pas toujours au rendez-vous. Ensuite, la consommation demeure le maillon fragile puisque les consommateurs sont responsables d'un tiers du gaspillage alimentaire total. De plus, l'information du citoyen sur le gaspillage alimentaire est souvent partielle et peu adaptée. Il faut donc faire mieux et, pour répondre à ces interrogations, la loi est nécessaire, particulièrement en cette époque où la précarité alimentaire déferle sur notre pays. Je crois vraiment dans la capacité du Parlement à créer un élan, à fixer des principes, à définir des objectifs et à dégager des moyens pour y parvenir.

La loi AGEC a marqué une avancée en fixant des objectifs clairs à la nation Nation : réduire le gaspillage alimentaire de 50 %, d'une part, dans la distribution et la restauration collective entre 2015 et 2025 et, d'autre part, dans la consommation, la production, la transformation et la restauration commerciale entre 2015 et 2030. Ces objectifs sont forts, ambitieux, louables, mais il faut se donner les moyens de les atteindre. Le moment est donc venu de franchir une nouvelle étape dans la lutte contre le gaspillage alimentaire : tel est le sens de la proposition de loi que je soumets à la représentation nationale ce matin.

Ce texte a été bâti à partir de l'évaluation de la loi n° 2016-138 du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentairede 2016 , que j'ai réalisée, en 2019, avec notre collègue Graziella Melchior, ainsi que de diverses auditions menées jusqu'à une date très récente. Son article 1er est très important et rencontre une résonance dans le pays. Il a pour objet de faire de la lutte contre le gaspillage alimentaire une grande cause nationale en 2021 – car, face à la précarité alimentaire, c'est maintenant qu'il faut agir. Ce faisant, nous offrirons des moyens d'information et de la visibilité aux associations engagées dans ce combat, qui pourront ainsi diffuser à la télévision et à la radio des messages d'information et de mobilisation du pays.

L'article 2 a trait à l'éducation à l'alimentation. Il faut être capable de mobiliser l'éducation nationale sur cet enjeu, pour qu'y soit consacré du temps scolaire.

L'article 3 concerne l'information du consommateur. Il y a des confusions réelles concernant les dates de consommation – on confond les produits frais et les produits secs, les dates limites de consommation (DLC) et les dates de durabilité minimale (DDM). Il faut aider le consommateur à y voir plus clair. Par l'article 3, nous proposons donc au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport faisant le point sur l'information en direction des consommateurs. Le cadre de travail étant européen avant d'être national, le Gouvernement doit nous dire quelle est sa stratégie pour une meilleure information et quelle politique il entend défendre au niveau de l'Union européenne. Par ailleurs, je vous proposerai d'adopter deux articles additionnels : l'un concerne un rapport sur le calibrage des fruits et légumes, l'autre un rapport sur les dates de durabilité minimale, afin que certaines clarifications apparaissent sur les produits.

L'article 4 porte sur l'expérimentation d'une prime à l'assiette vide dans la restauration collective universitaire – les restos U. L'objectif est de mobiliser les étudiants dans la lutte contre le gaspillage alimentaire dans le cadre d'un projet cohérent et global du restaurant universitaire. C'est un dispositif incitatif que nous vous proposons d'expérimenter.

L'article 5 est tout aussi important. Il vise tout d'abord à valoriser le don agricole. Certaines associations, en particulier SOLAAL (Solidarité des producteurs agricoles et des filières alimentaires), font un travail formidable en la matière. Nous proposons donc de sécuriser d'un point de vue juridique ceux qui donnent et ceux qui reçoivent, dans le cadre d'une convention de glanage, lequel est une tradition séculaire dans notre pays.

Ensuite, l'État doit assumer sa fonction de contrôle de la qualité, par exemple des dons alimentaires des grandes surfaces aux associations de solidarité. Ces dons étant éligibles à une réduction fiscale, il n'y a rien de choquant à ce que les contrôles, actuellement quasiment inexistants, soient effectués de manière beaucoup plus stricte, tant par les agents de la répression des fraudes que par ceux du ministère de l'agriculture.

L'article 6 a pour objet de mesurer la réalité du gaspillage alimentaire selon les différentes catégories d'acteurs. Nous devons être capables de mesurer le progrès que nous allons accomplir dans ce domaine non seulement par des évaluations, mais aussi par l'utilisation de données consolidées et fiables.

L'article 7 vise à créer un fonds national de lutte contre le gaspillage alimentaire. Je propose que ce fonds destiné à aider les initiatives de terrain soit abondé par l'État et – ce sera l'objet d'un amendement – par des personnes privées.

L'article 8 tend à créer des « bons pour bien manger ». En mettant à disposition de ceux qui souffrent de la précarité des produits de saison, sains, de qualité, issus des productions locales, on soutient également, d'un point de vue économique, les producteurs locaux.

Pour conclure, la lutte contre le gaspillage alimentaire est un sujet qui peut nous rassembler. Elle permet de répondre de façon très concrète à la quête de sens de notre société – il faut sortir de la société de l'absurde – et au besoin de réponses simples, opérationnelles dans la vie de tous les jours : tel est l'objet de ce texte. C'est une belle façon de faire de la politique, tous ensemble, dans le but de faire avancer notre pays en étant au plus près des préoccupations de nos concitoyens.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.