Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et monsieur les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, je viens aujourd'hui présenter devant votre assemblée trois projets de loi de ratification d'ordonnances rédigées en application de la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016.
L'exercice qui nous est aujourd'hui proposé est un peu particulier dans la mesure où ni vous – pour la grande majorité en tout cas – ni moi n'avons été directement impliqués dans les débats parlementaires qui ont conduit à habiliter le précédent gouvernement à prendre par voie d'ordonnances, dans des délais limités, les dispositions qui vous sont soumises aujourd'hui. Il va donc falloir remettre dans leur contexte les ordonnances qui font aujourd'hui l'objet de ces projets de loi de ratification. Je m'efforcerai d'être aussi claire que possible dans la présentation de chacun de ces textes, dans la description des objectifs qui leur sont associés, des conditions dans lesquelles ils ont été élaborés, ainsi que de leur contenu et de leurs enjeux propres.
Je commencerai par l'ordonnance relative à la profession de physicien médical, dont la ratification est prévue par le projet de loi no 7. Cette ordonnance reconnaît la profession de physicien médical comme une profession de santé, ce qui répond à l'un des objectifs du plan cancer 2014-2019 et fait suite aux recommandations formulées par le Comité national de suivi des mesures nationales pour la radiothérapie après l'accident d'Épinal. Cela concerne en France une population de 600 radiophysiciens.
En définissant les conditions d'exercice de la profession de physicien médical, ce projet de loi de ratification de l'ordonnance parachève un important travail de concertation mené depuis juin 2016 avec les représentants des physiciens médicaux et des spécialités médicales concernées, telles que l'imagerie médicale, la médecine nucléaire ou la radiothérapie et, bien entendu, avec l'Autorité de sûreté nucléaire. La reconnaissance du métier de physicien médical en tant que profession de santé contribuera à renforcer la qualité et à sécuriser les pratiques dans le domaine de l'utilisation des rayonnements ionisants. Il est donc essentiel de donner une définition précise du rôle du physicien médical et de ses missions.
L'article 1er de l'ordonnance insère dans le livre II de la quatrième partie du code de la santé publique la profession de physicien médical, dans le même chapitre que celle de pharmacien, ces deux professions ayant en commun le contrôle de la prescription médicale : contrôle de la dose de rayonnements ionisants pour les premiers, contrôle de la posologie des médicaments pour les seconds. Le livre II est désormais intitulé « Professions de la pharmacie et de la physique médicale ».
Concernant le cadre d'exercice de la profession, le physicien médical est défini, premièrement, par son expertise au sein d'une équipe pluriprofessionnelle, expertise qui concerne toute question relative à la physique des rayonnements ou des autres agents physiques dans les applications liées à la thérapie et à l'imagerie médicale ; deuxièmement, par les grandes lignes de sa fonction, notamment la mise au point de la qualité d'image, l'optimisation de l'exposition aux rayonnements ionisants – ce que l'on appelle la « dosimétrie » – et aux autres agents physiques ; enfin, par sa mission essentielle, qui est de veiller à ce que les doses radioactives administrées au patient soient appropriées à l'état de santé de ce dernier et au traitement prescrit. La déclinaison plus précise des missions et des conditions d'intervention du physicien médical sont renvoyées à un décret en Conseil d'État, qui sera prochainement rédigé et fera l'objet d'une concertation.
Les articles suivants traitent, selon un plan commun qui concerne toutes les professions de santé, des conditions d'exercice de la profession de physicien médical, des conditions d'enregistrement des diplômes ou encore de l'exercice illégal de la profession. Ces différentes dispositions sont destinées à organiser et à sécuriser l'exercice de la profession et à améliorer la prise en charge des patients.
Je suis à titre personnel, et pour des raisons liées à mon parcours professionnel, particulièrement sensible à ce texte, qui permet de comprendre l'intérêt de la profession de physicien médical et son apport incontestable à l'amélioration de la qualité des soins.
J'en viens à l'ordonnance relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé. Cette ordonnance, dont la ratification est elle aussi prévue par le projet de loi no 7, transpose en droit interne trois dispositifs mis en place par une directive européenne de 2013 ; il s'agit de la carte professionnelle européenne, de l'accès partiel et du mécanisme d'alerte. L'ordonnance introduit en outre au niveau législatif la procédure destinée à sécuriser et harmoniser la reconnaissance des qualifications professionnelles des ressortissants européens pour les cinq métiers de l'appareillage et pour l'usage du titre de psychothérapeute. Enfin, l'ordonnance supprime, pour répondre à la demande de la Commission européenne, la condition d'exercice de trois années imposée aux ressortissants de l'Union européenne pour l'accès en France à une formation de troisième cycle des études médicales ou pharmaceutiques.
Je sais, et même je comprends, les inquiétudes que la présentation de ce texte a pu susciter auprès des professionnels de santé, à travers l'introduction des dispositions relatives à l'accès partiel. Je voudrais donc revenir en premier lieu sur les raisons qui ont conduit le Gouvernement à présenter ce texte sous cette forme et vous indiquer dans quelles conditions il me semble que la mise en oeuvre du dispositif devra s'opérer.
La directive communautaire du 20 novembre 2013 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles aurait dû être transposée dans le droit français au plus tard le 18 janvier 2016. Depuis cette date, la France s'est exposée à deux avis motivés de la Commission européenne pour défaut de transposition. Il s'agit là de la dernière étape avant une saisine de la Cour de justice de l'Union européenne. Aussi comprendrez-vous, mesdames et messieurs les députés, que la marge de manoeuvre du Gouvernement est extrêmement réduite.
S'agissant, par ailleurs, de la possibilité qui aurait consisté à exempter l'ensemble des professions de santé, ou certaines d'entre elles, du champ d'application de l'accès partiel, elle n'est pas souhaitable, ni même concevable. En effet, les différentes analyses juridiques réalisées, dont celle du Conseil d'État, ont confirmé qu'il ne s'agissait pas d'une option envisageable au regard du droit et de la jurisprudence communautaires, à moins de courir le risque politique et juridique d'exposer la France à une procédure pour défaut de transposition. Je sais que le fait que les autorités françaises n'aient pas recouru à cette option a suscité beaucoup d'incompréhension, alimentant chez certains l'idée qu'il y aurait eu une « surtransposition » de la directive. Ce n'est pas le cas, et je voulais profiter de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui pour le souligner.
Toutefois, j'affirme devant vous, avec une détermination que vous percevrez sans mal, que je serai particulièrement vigilante quant aux conditions de déploiement de l'accès partiel au sein de notre système de santé. Cette vigilance pourra justifier d'en appeler à la raison impérieuse d'intérêt général dès lors que l'autorisation d'un professionnel à l'accès partiel fera courir un risque à la qualité et à la sécurité des prises en charge ; un tel risque ne peut en effet être évacué dans un système où les compétences respectives des professionnels de santé sont complémentaires, articulées entre elles et parfaitement connues des professionnels comme des usagers. La conception et la mise en oeuvre du processus de dépôt et d'examen des dossiers en vue d'obtenir une autorisation d'exercice partiel seront de ce fait extrêmement rigoureuses.
La directive prévoit que trois conditions génériques doivent être remplies. Premièrement, le professionnel doit être pleinement qualifié pour exercer dans son État d'origine l'activité pour laquelle il sollicite un accès partiel. Deuxièmement, si les différences entre l'activité professionnelle exercée dans l'État d'origine et la profession qui pourrait lui correspondre en France sont importantes, il faudra appliquer des mesures de compensation de formation, qui reviendront à faire suivre au demandeur un cycle complet d'enseignement. Troisièmement, l'activité sollicitée en accès partiel peut objectivement être séparée d'autres activités relevant de la profession correspondante en France. Si l'une de ces trois conditions n'est pas remplie, l'autorisation d'exercice partiel ne pourra être délivrée.
Le processus d'examen des dossiers des demandeurs inclura en outre l'expression d'un avis par chaque commission compétente, ainsi que par l'ordre compétent, pour les professions à ordre. Ce second avis, qui n'est pas prévu par la directive, a été ajouté par le Gouvernement afin de renforcer le processus d'analyse des dossiers.
Enfin, un décret en Conseil d'État devra préciser les conditions et modalités de mise en oeuvre de la procédure d'instruction. J'ai demandé que sa rédaction puisse éclairer et guider les parties prenantes dans la manière dont les dossiers devront être examinés au cas par cas. Dans le souci de respecter le droit à la libre circulation des ressortissants européens et le principe de spécificité de chaque demande, le décret mentionnera le périmètre de l'exercice partiel sollicité, les titres de formation détenus, l'expérience professionnelle acquise et la formation suivie tout au long de la vie par le demandeur. Une telle exigence est animée par la motivation de garantir la qualité et la sécurité des soins, ainsi que l'information des professionnels de santé et des usagers du système de santé. C'est pourquoi je serai particulièrement vigilante quant à la rédaction de ce décret, qui sera bien évidemment accomplie en concertation avec les ordres.
Par ailleurs, je solliciterai la Commission européenne afin d'obtenir une cartographie des professions de santé existant dans l'Union européenne. Je serai en outre très attentive au suivi et à l'évaluation de la mise en oeuvre de ces dispositifs.
L'ordonnance relative à l'adaptation des dispositions relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé, dont la ratification est prévue par le projet de loi no 8, a pour objectif de renforcer l'indépendance et l'impartialité des juridictions ordinales, ainsi que de faire évoluer les compétences des organes des ordres et de permettre l'application par leurs conseils nationaux de la législation relative aux marchés publics. Elle intègre un certain nombre de recommandations du Conseil d'État, de la Cour des comptes et de l'Inspection générale des affaires sociales, qui ont successivement conduit, depuis 2012, des missions d'inspection et de contrôle portant sur les ordres des médecins, des pharmaciens, des chirurgiens-dentistes et des masseurs-kinésithérapeutes.
J'ai conscience que certaines des modifications qu'il reviendra aux ordres de mettre en oeuvre affecteront leur fonctionnement habituel, mais les objectifs visés ne me semblent pas discutables et j'ai confiance dans les capacités d'adaptation des ordres. Ces objectifs sont importants – je dirais même essentiels.
La gestion des phases de transition devra être envisagée, chaque fois que ce sera possible, dans le but d'accompagner et de préparer les acteurs à mettre en oeuvre les nouvelles dispositions dans les meilleures conditions possibles ; c'est le gage d'une intégration durable et réussie des nouvelles mesures adoptées. Je serai de ce fait attentive à ce que les dispositions transitoires qu'il conviendra de prendre par décret les accompagnent au mieux dans l'adaptation des réformes.
L'ordonnance se divise en trois chapitres, qui concernent le code de la santé publique, le code de la sécurité sociale et les dispositions transitoires et finales.
Le chapitre Ier modifiant le code de la santé publique conforte le contrôle de l'échelon national des ordres – suivi de la politique immobilière de l'ordre, certification des comptes combinée à l'échelon des conseils nationaux, application des principales règles des marchés publics – et renforce les notions d'impartialité et d'indépendance tant pour les conseils que pour les chambres disciplinaires présidées par un magistrat : incompatibilités, limite d'âge, durée du mandat, ou encore conditions de détermination et de publicité des indemnités.
Le chapitre II concerne le code de la sécurité sociale ; il applique aux sections des assurances sociales de la chambre disciplinaire les conditions d'exercice des conseillers d'État et des magistrats administratifs qui en assurent la présidence.
Enfin, le chapitre III, qui regroupe les dispositions transitoires et finales, distingue les articles du code de la santé publique issus de la présente ordonnance qui entrent en vigueur au lendemain de sa publication de ceux qui entrent en vigueur à compter des prochains renouvellements des conseils.
Enfin, l'ordonnance de mise en cohérence des textes au regard des dispositions de la loi de modernisation de notre système de santé, dont la ratification est prévue par le projet de loi no 6, a été voulue par le législateur, au moment du vote de la loi, pour permettre la mise en cohérence, à droit constant, des dispositions existantes connexes avec les dispositions nouvelles introduites par la loi et pour supprimer les dispositions devenues obsolètes ou redondantes.
C'est une opération synonyme de meilleure lisibilité du droit et de sécurité juridique. Le délai d'habilitation s'étend jusqu'au 26 janvier 2018. Certaines coordinations utiles et opportunes étant d'ores et déjà disponibles, elles ont fait l'objet d'une première ordonnance. C'est celle-ci que le Gouvernement vous demande de ratifier. Il y aura, d'ici au 26 janvier 2018, une seconde ordonnance de coordination si les débats révèlent des besoins de coordination non satisfaits.
L'ordonnance dont la ratification est demandée contient deux blocs de dispositions.
Le titre Ier – articles 1er, 2, 3 et 4 – modifie les dispositions des codes de la santé publique, de la sécurité sociale et de l'éducation ainsi que le code général des impôts pour tirer les conséquences de la réintroduction par la loi du service public hospitalier.
La réaffirmation du service public hospitalier a pour intérêt de donner davantage de lisibilité aux patients dans l'offre hospitalière. Ce service a en effet été ouvert à l'ensemble des établissements de santé, indépendamment de leur statut. Il repose, non plus sur une liste de missions, mais sur des obligations de service public qui s'imposent aux établissements de santé ayant fait le choix du service public hospitalier.
Parmi ces obligations figurent notamment l'égalité et la permanence de l'accès aux soins, ou encore l'accessibilité financière. L'ordonnance précise notamment l'articulation entre les dispositions relatives, d'une part, au service public hospitalier et, de l'autre, à l'activité libérale des praticiens hospitaliers. Elle lève toute ambiguïté quant à la possibilité, pour ces praticiens, de continuer à réaliser des dépassements d'honoraires, mais dans des conditions bien précises, et sous réserve que les patients puissent bénéficier d'une alternative de soins sans dépassement d'honoraires au sein de l'établissement. C'était clairement l'intention exprimée par le législateur lors des débats sur le projet de loi.
Le titre II – articles 5, 6, 7 et 8 – procède par ailleurs à des adaptations nécessaires dans des domaines plus divers, s'agissant notamment du partage des informations au sein de l'équipe de soins, de l'hébergement des données de santé à caractère personnel, de la concertation avec les représentants des associations d'usagers, du développement personnel continu des professionnels de santé, de la fusion des collèges de médecins spécialistes, de la détermination de zones géographiques caractérisées par des offres de soins soit sous-dotées soit sur-dotées, et enfin de la fusion des comités consultatifs nationaux des personnels de direction de la fonction publique hospitalière.
Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et monsieur les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, tel était le détail des quatre ordonnances visées par les trois projets de loi de ratification qui vous sont soumis.