Intervention de Loïc Prud'homme

Réunion du mercredi 10 février 2021 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLoïc Prud'homme :

Je salue le travail réalisé et les propositions qui nous sont soumises pour renforcer la lutte contre le gaspillage alimentaire. Il suffit de se pencher sur les conséquences environnementales du gaspillage alimentaire pour mesurer l'ampleur du problème : celui-ci est responsable de l'émission de près de 3,3 milliards de tonnes de CO2. Surtout, il signifie que nos poubelles sont pleines quand d'autres ont le ventre vide. Rappelons, au passage, qu'à l'échelle de la planète, nous serions capables de nourrir toute la population, ce qui décrédibilise ceux qui défendent une agriculture intensive sous prétexte de nourrir le monde. Balivernes ! Il ne s'agit que d'un problème de répartition. Bref, refermons la parenthèse.

Informer, aider le consommateur, éduquer les plus jeunes à l'alimentation, renforcer le rôle et la collecte d'informations sur le gaspillage alimentaire sont des mesures nécessaires, que je soutiendrai. J'ai moi-même, par le passé, défendu certaines d'entre elles.

Cependant, s'il est indispensable de responsabiliser les consommateurs, cette proposition de loi ne traite pas la question du modèle consumériste dans lequel nous vivons et de la publicité qui nous incite à consommer toujours davantage en créant des besoins artificiels dans la tête des gens.

L'article 1er de cette proposition de loi vise à faire de la lutte contre le gaspillage une grande cause nationale, ce qui permettrait de réserver des spots TV à ce sujet. C'est bien mais très insuffisant face aux heures de bourrage de crâne que l'on subit en parallèle. Les publicitaires nous vendent le bonheur dans l'accumulation infinie de biens et d'aliments, en infiltrant partout dans notre quotidien et dans la tête de nos enfants des messages promotionnels pour tel ou tel produit. Comment expliquer qu'en 2021, on pousse encore les enfants à consommer des produits souvent très sucrés ou mauvais pour leur santé en glissant des jouets dans les paquets ?

L'article 8 tend à créer un « bon pour bien manger », sous la forme d'un chèque destiné à financer l'achat de produits biologiques. Cette mesure ressemble au chèque alimentaire proposé par la majorité. Vous soumettez l'octroi de ce chèque à des conditions de revenus pour le réserver aux plus pauvres. C'est un premier pas, j'en conviens, mais vous ne franchissez pas celui de l'universalité. Les députés de La France insoumise préfèrent, à la charité, un droit à une alimentation saine, pour toutes et tous. Pas moins de 8 millions de personnes font la queue pour l'aide alimentaire, qui est la voie d'écoulement des excédents de l'agroalimentaire industriel dont les produits sont de mauvaise qualité nutritionnelle. On donne de la nourriture de piètre qualité aux plus démunis, quand elle n'est pas carrément nocive pour leur santé, tout en leur demandant de s'en réjouir, avoir de la nourriture étant toujours mieux que de ne pas en avoir du tout. Pour sortir de ce cercle consumériste infernal où les plus pauvres récupèrent en bout de chaîne ce que les plus riches ne consomment pas, il faut revoir tout le système en repensant le droit à l'alimentation saine pour tous. C'est en changeant de modèle de production alimentaire que l'on éradiquera le gaspillage alimentaire.

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