Je suis ministre de l'économie, des finances et de la relance, et très heureux de l'être !
Vous êtes nombreux à m'avoir interrogé quant au projet Hercule. L'objectif de la transformation d'EDF vise précisément à pérenniser le service public de l'électricité, et non à le démanteler comme je l'entends trop souvent dire.
EDF accuse une dette de 41 milliards d'euros. C'est l'un des premiers émetteurs de dette en Europe, au titre des très grandes entreprises. Cette dette est un fardeau, qui empêche EDF de se développer et d'investir autant qu'elle pourrait le faire, notamment dans les énergies renouvelables. La comparaison avec les chiffres d'affaires et les capitalisations boursières des grands énergéticiens européens montre à quel point cette situation et les difficultés financières d'EDF restreignent ses marges de manœuvre. En l'occurrence, le chiffre d'affaires d'EDF représente 71 milliards d'euros, contre 80 milliards d'euros pour Enel et 36 milliards d'euros pour Iberdrola. En revanche, si le chiffre d'affaires d'Iberdrola est deux fois moindre, sa capitalisation – 67 milliards d'euros – est près de trois fois plus importante que celle d'EDF – laquelle se situe à 27 milliards d'euros. Cela signifie que les investisseurs estiment qu'EDF n'a pas les marges de manœuvre suffisantes pour se développer et investir dans les énergies renouvelables au niveau auquel elle devrait le faire. C'est la raison pour laquelle nous voulons faire cette réforme. Notre intention est de redonner à EDF des marges de manœuvre pour investir dans le nucléaire comme dans les énergies renouvelables et, ce faisant, pérenniser le service public de l'électricité. Je voudrais qu'il n'y ait aucun doute à ce sujet.
Par ailleurs, je tiens à rappeler les trois lignes rouges de la négociation que nous avons engagée avec la Commission européenne, en particulier avec la commissaire européenne Margrethe Vestager. La première ligne rouge est l'unité du groupe EDF. Celle-ci n'est pas négociable. Il n'y aura pas de démantèlement du groupe EDF. La deuxième ligne rouge est la garantie d'un financement pérenne du nucléaire. Nous croyons au nucléaire, et nous pensons que dans un 21e siècle dans lequel l'usage de l'électricité se développera très fortement, notamment pour les mobilités, il est indispensable de préserver notre capacité nucléaire. C'est cohérent avec nos choix en matière énergétique, par exemple celui de l'hydrogène : il n'y a pas d'hydrogène sans électrolyse, et il n'y a pas d'électrolyse sans électricité décarbonée fournie par le nucléaire. La troisième ligne rouge est la protection des consommateurs et de la compétitivité de nos entreprises par un tarif régulé. Tout cela doit permettre de dégager des marges de manœuvre financières supplémentaires pour investir plus massivement encore dans les énergies renouvelables. EDF a commencé à le faire, mais elle pourrait le faire davantage si elle retrouvait ses marges de manœuvre.
La notion de service d'intérêt général économique européen fait partie de la négociation. J'ai expliqué à plusieurs reprises à la commissaire européenne qu'il serait préférable de considérer EDF comme tel. Ce serait économiquement et symboliquement très important. EDF n'est pas une entreprise comme les autres. Je connais le prix symbolique qui s'attache à cette notion de service d'intérêt général économique européen. J'y accorde autant de valeur que vous.
Nous ne souhaitons pas faire adopter une réforme de cette importance par ordonnance. Vous avez suggéré qu'il y ait un projet de loi spécifique. Si réforme il y a, un projet de réforme devra être débattu au Parlement. EDF appartient à tous les Français. C'est un grand service public national. Il est légitime que sa transformation en profondeur soit débattue au Parlement. Nous ne fuirons ni nos responsabilités, ni le débat. Il y aura un projet de loi spécifique relatif à la transformation d'EDF si la réforme va à son terme.
Enfin, à l'instar de Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, je serai transparent : la négociation avec la Commission européenne est difficile. Si les lignes rouges que j'ai indiquées sont respectées, il pourra y avoir un projet de loi spécifique relatif à la transformation d'EDF. Si nous ne parvenons pas à les faire respecter et si nous n'obtenons pas gain de cause de la part de la Commission européenne, il faudra réfléchir à d'autres options.
Le deuxième sujet qui est revenu à plusieurs reprises concerne Veolia et Suez, deux grandes entreprises industrielles du traitement des déchets et de la gestion des eaux. Ma position est constante et cohérente depuis le premier jour. Une opération industrielle de cette importance doit reposer sur une base amicale. C'est la meilleure manière de garantir la préservation des intérêts des deux entreprises. Comme ministre de l'économie et des finances, je ne suis pas chargé de prendre parti pour une entreprise contre une autre, pour des intérêts privés contre d'autres intérêts privés. Je suis là pour défendre l'intérêt général, lequel requiert une opération réalisée dans un cadre amical. De fait, les enjeux sont considérables, tant en matière d'emploi – des dizaines de milliers d'emplois sont concernées –, que d'empreinte industrielle et de technologies de pointe dans le domaine de la gestion des eaux et de traitement des déchets, ou encore de concurrence, pour maintenir des prix attractifs.
Au moment où je vous parle, la nature de l'offre a changé, ce qui m'a amené à écrire aujourd'hui au président de l'Autorité des marchés financiers pour l'interroger quant au respect des engagements pris et à la nature de l'opération. J'ai également noté que les parlementaires avaient proposé, hier, la nomination d'un médiateur entre les deux entreprises. Tout ce qui favorise le dialogue et une opération amicale va dans le bon sens. Je suis donc favorable à l'idée de médiateur que vous avez proposée, à charge pour Veolia et Suez de s'entendre sur un nom et de trouver les voies et moyens d'avancer dans cette direction.
Vous m'avez aussi interrogé à propos du PGE. Ce dispositif a sauvé des centaines de milliers d'entreprises. Ainsi que je l'ai précisé, il représente 132 milliards d'euros décaissés. Dès lors que nous avons choisi de protéger les entreprises, nous souhaitons éviter le maximum de faillites dans l'année 2021. Aussi avons-nous travaillé à plusieurs options. La première était la possibilité donnée aux entreprises de reporter d'un an le remboursement de leur capital. Elle est désormais de droit pour toutes les entreprises qui ont souscrit un PGE. Si vous êtes informés de difficultés, il faut nous les signaler. Le médiateur des entreprises et le médiateur bancaire interviendront pour les régler. Une entreprise qui voudrait ne commencer à rembourser qu'à partir de 2022 peut le faire de droit. Au lieu de rembourser une année plus cinq années d'étalement, elle commencera à rembourser après deux ans, avec quatre années d'étalement. Nous négocions avec la Commission européenne la possibilité d'étendre ce remboursement à certains secteurs spécifiques particulièrement touchés ou aux entreprises qui auraient des PGE importants. De fait, dès lors que le remboursement du capital est décalé d'un an, et que vous ne remboursez qu'au bout de deux ans, les mensualités sur quatre ans sont plus élevées, ce qui peut pénaliser certaines entreprises. En outre, ces PGE seront complétés par des prêts participatifs qui renforceront les fonds propres des entreprises pour leur permettre d'investir à nouveau.
S'agissant des stations de sports d'hiver, nous avons développé des mesures de soutien à la demande du Premier ministre. Le HCR Montagne (Hôtels-Cafés-Restaurants) a désormais droit aux dispositifs d'indemnisation S1 et S1 bis, les plus généreux. Nous avons également prévu de lui donner accès au dispositif d'indemnisation des charges fixes quel que soit le montant du chiffre d'affaires. Normalement, ce dispositif n'est accessible qu'aux entreprises qui enregistrent un million d'euros de chiffre d'affaires. Quel que soit le montant de leur chiffre d'affaires, les entreprises HCR de la montagne – stations de ski ou stations de montagne – pourront ainsi être indemnisées de leurs charges fixes à hauteur de 70 %, et même de 90 % pour celles de moins de 50 salariés. C'est une aide tout à fait exceptionnelle qui est apportée au secteur de la montagne et aux stations de sports d'hiver, très pénalisés par cette année blanche.
Concernant les travailleurs indépendants, nous avons décidé que le Fonds de solidarité universel à 1 500 euros, créé au 1er mars 2020 et qui devait être suspendu à compter du 31 décembre dernier, sera maintenu pour les mois de janvier et de février 2021. Ce faisant, nous avons entendu les parlementaires. Nous avions anticipé que la crise sanitaire pourrait être derrière nous à la fin de l'année 2020. Dès lors que ce n'est pas le cas, il est légitime de maintenir ce filet de sécurité, en particulier pour les travailleurs indépendants.
Je partage l'analyse de M. Philippe Naillet concernant les entreprises de La Réunion, pénalisées par le caractère insulaire de ce territoire et une sous-capitalisation. Je m'y suis rendu à plusieurs reprises, et cette remarque m'a systématiquement été adressée par le monde économique. Nous apporterons deux réponses. D'une part, nous veillerons à ce que les entreprises réunionnaises puissent avoir un accès facilité aux prêts participatifs, qui leur permettront de reconstituer leurs fonds propres, qui ne seront pas comptabilisés comme de l'endettement dans les bilans et dont le remboursement ne commencera que quatre ans plus tard. D'autre part, les entreprises réunionnaises auront accès à des subventions directes dans le cadre du plan de relance, à hauteur de 243 millions d'euros.
Les viticulteurs ont effectivement été inscrits dans les secteurs S1 et S1 bis. Ils connaissent mon attachement à leur métier et à leur production. Je me bats également, avec le ministre de l'agriculture M. Julien Denormandie, pour que l'Union européenne décaisse enfin un fonds de compensation pour indemniser les viticulteurs injustement pénalisés par les sanctions américaines, à hauteur de 25 % des tarifs douaniers. J'espère que nous y parviendrons.
S'agissant de la restauration, nous avons décidé de prolonger jusqu'au 31 octobre la date à compter de laquelle les entreprises nouvellement créées sont éligibles au Fonds de solidarité.
Concernant les entreprises multi-activités, nous n'avons pas encore trouvé de solution. Nous y travaillons depuis des mois et nous continuons à le faire.
Nous apportons un soutien massif et attentif au secteur aéronautique. C'est le secteur industriel le plus touché par la crise, et celui pour lequel les perspectives de redressement sont les plus incertaines. Cette situation justifie un soutien massif et pérenne, lequel repose sur trois dispositifs que j'ai rappelés lors de mon déplacement à Toulouse chez Airbus et Liebherr Aerospace il y a quelques jours. Le premier dispositif permettra d'apporter des fonds propres aux entreprises aéronautiques et à leurs sous-traitants. Ce fonds, abondé par l'État et par les grands constructeurs aéronautiques français que sont Thales, Safran, Airbus et Dassault, a permis de lever 730 millions d'euros. Par ailleurs, le CORAC (Conseil pour la recherche aéronautique civile) recevra 1,5 milliard pour financer la recherche et développement. Il permettra, du même coup, d'éviter d'avoir à licencier ou à mettre en chômage partiel les ingénieurs de ces groupes actuellement sans activité, ce qui se traduirait par une perte de compétences qui deviendraient ensuite irrécupérables. Le troisième dispositif est le fonds de modernisation de 300 millions d'euros, qui doit permettre à l'ensemble des entreprises de la filière de reprendre la main à la sortie de la crise. Il était prévu pour la période 2020-2022, mais je ne suis pas fermé à l'idée de le prolonger si les sommes étaient épuisées. L'inscrire dans un temps plus long ne poserait aucune difficulté, d'autant qu'il s'agit de subventions à l'investissement.
Enfin, une partie des vaccins contre la covid-19 qui ont été commandés par la France seront rétrocédés aux pays en développement, conformément à l'engagement pris auprès de la communauté internationale pour garantir un accès équitable. S'agissant des questions plus précises, je vous renvoie à une audition avec Mme Agnès Pannier-Runacher qui est directement chargée du sujet.