Je vous remercie de m'accueillir pour cette audition annuelle prévue par la loi PACTE. Cette année est marquée par les effets dévastateurs de la crise sanitaire que nous connaissons.
Je voudrais rappeler les réponses urgentes que nous avons apportées dès le mois de mars 2020. La Caisse a participé à hauteur de 143 millions d'euros aux fonds régionaux de solidarité, mis en place rapidement avec les présidents de région. Nous avons délivré une enveloppe de 2 milliards d'euros aux organismes en charge du logement social. Nous avons pris des engagements dans les plans tourisme et commerce, respectivement pour 3,6 milliards d'euros et 1 milliard d'euros. Nous avons aidé au report d'échéance des prêts et financement de charges pour les professions juridiques. Nous avons mobilisé 21 milliards d'euros en réponse au besoin de liquidités de l'Acoss. Cette liste n'est pas exhaustive et témoigne de notre mobilisation au début de la crise sanitaire.
Est ensuite venu le temps de la relance, pour laquelle le groupe s'est mobilisé pour proposer une action en fonds propres de 26 milliards d'euros dans les quatre prochaines années, un niveau inégalé dans notre histoire.
Nous avons été fortement touchés par la crise sanitaire, notamment dans notre nouvelle configuration de grand pôle financier public avec La Poste. Avec cette opération, le total de notre bilan atteint 1 242 milliards d'euros au 31 décembre 2020, soit un triplement du bilan par rapport à l'année précédente. L'activité a dégagé un résultat agrégé, somme du résultat consolidé de la section générale et du résultat du fonds d'épargne, en forte contraction, à 777 millions d'euros, dont 210 millions d'euros au titre du fonds d'épargne. Le résultat de la Caisse des dépôts, établissement public, hors fonds d'épargne, s'établit quant à lui à 566 millions d'euros, contre plus de 2 milliards d'euros en 2019, soit une baisse de 73 %.
Cette contraction s'explique par la chute des revenus des activités opérationnelles des filiales du groupe impactées par la crise. Du fait de décisions du superviseur ou de difficultés économiques, les dividendes versés par nos participations ont également substantiellement baissé. Ceux perçus sur notre portefeuille actions ont diminué de 300 millions d'euros. Enfin, nous avons subi une évolution défavorable des valorisations de nos participations et de nos actions, qui se sont traduites par des provisions ayant pesé sur nos résultats.
L'impact du rapprochement avec La Poste est quant à lui quasiment nul. Sans cette opération, les résultats agrégés du groupe auraient ainsi été au même niveau, à quelques dizaines de millions d'euros près. Un impact négatif est lié à la dégradation des résultats opérationnels de La Poste. La baisse du courrier, de l'ordre de 600 à 700 millions de lettres par an jusque-là, est passée à 1,6 milliard de lettres en moins en 2020. En revanche, un résultat exceptionnel positif s'explique par le dégagement dans nos comptes de plus-values latentes dans les comptes de CNP Assurances.
Depuis la création de la Caisse des dépôts et consignations, nous pilotons rigoureusement notre bilan, en utilisant les marges à notre disposition, mais en protégeant nos fonds propres. Le plan de relance s'inscrit pleinement dans les marges permises par le patrimoine accumulé de la Caisse, sous le contrôle de la commission de surveillance et de l'ACPR.
Nos fonds propres agrégés ont été impactés par la crise et ont baissé de 3 milliards d'euros. En fin d'année, ils s'élevaient à 51 milliards d'euros, soit une diminution de 6 %, mais ils sont suffisants pour poursuivre les politiques engagées.
Enfin, nous avons réduit mais néanmoins maintenu une contribution positive au budget de l'État en 2020, par le versement de la contribution représentative de l'impôt sur les sociétés (CRIS) pour 228 millions d'euros et par la poursuite de la politique de versement à l'État de la moitié de nos résultats consolidés, soit 286 millions d'euros.
Certaines des filiales du groupe ont été particulièrement touchées par la crise, notamment La Poste, de laquelle nous sommes actionnaire majoritaire à hauteur de 66 %. Le rapprochement répondait à une volonté opérationnelle de mieux servir nos territoires. Il aide à poursuivre la stratégie multi-métiers et permet de renforcer considérablement La Poste, dont les fonds propres ont été portés de 12,5 milliards d'euros à plus de 18 milliards d'euros. Le rapprochement de CNP Assurances et de La Banque Postale a également permis de constituer un puissant « bancassureur », à l'égal des autres « bancassureurs » de notre pays, ce qui constitue un moteur de développement pour La Poste.
Sans l'opération « Mandarine », nom donné au rapprochement entre le groupe La Poste et la Caisse des dépôts, La Poste aurait été déficitaire de 1,8 milliard d'euros. Or, elle a dégagé un résultat exceptionnel de 3,9 milliards d'euros. Ainsi, le résultat de La Poste a été positif à hauteur de 2,1 milliards d'euros. L'opération ne doit toutefois pas masquer les difficultés liées à la chute du courrier. Nous nous sommes mobilisés, notamment en renonçant au versement de dividendes en 2020 au titre des résultats de 2019 et au versement des dividendes en 2021 au titre des résultats de 2020. En tant qu'actionnaire responsable, nous devons soutenir la mobilisation des postières et des postiers dans la transformation engagée. La commission de surveillance a accepté cet effort financier considérable.
Par ailleurs, nous avons déployé le plan de relance au service d'une économie plus solidaire et plus durable. Il a été engagé grâce à la mobilisation forte et accélérée de fonds propres protégés durant la crise. Ces 26 milliards d'euros s'articuleront autour de nos quatre grandes priorités : le financement de la transition écologique et énergétique, le soutien direct ou indirect à l'économie, la cohésion sociale et la cohésion territoriale et le soutien à l'habitat.
Cette participation s'inscrit en parfaite harmonie avec le plan de relance européen, NextGeneration EU, pour une croissance soucieuse des générations futures, verte, résiliente et juste. Nous avons des entretiens réguliers avec les commissaires européens, notamment Thierry Breton et Paolo Gentiloni. Nous prenons toute notre part dans la mise en œuvre d'Invest EU, successeur du plan Juncker.
Au plan national, nous nous appuyons sur la bonne territorialisation grâce au déploiement des moyens de la Banque des territoires. Celle-ci compte 36 implantations régionales, 850 personnes sur le terrain, et elle est dotée de délégations pour une meilleure réactivité au service de l'action des élus. Le ministre a également permis que l'action des fonds d'épargne soit accrue et plus souple. Le soutien à l'ingénierie est enfin une part importante de nos activités.
En ce qui concerne la transition écologique et énergétique, l'année dernière, nous avons déjà déployé 1,4 milliard d'euros d'investissement, soit 30 % des 8 milliards d'euros d'investissement en capital prévus. Ces sommes ont servi au développement des énergies renouvelables, à l'acquisition d'obligations vertes, au déploiement de bornes de recharge électrique, au soutien à l'équipement en flottes de véhicules propres, aux infrastructures durables et à la transition alimentaire. Par exemple, à Montbazens, en Occitanie, nous avons investi 22 millions d'euros aux côtés d'agriculteurs pour la construction d'une centrale de méthanisation. Nous avons financé 1 432 MW d'énergies renouvelables, ce qui couvre les besoins en énergie de 524 000 foyers, soit l'équivalent de la population de l'aire urbaine de Lille. J'étais il y a quinze jours en Bretagne, à Lorient où, sur la base sous-marine, des panneaux photovoltaïques alimentent 10 000 foyers. Nous avons aussi déployé 2 000 bornes d'infrastructures de recharge de véhicules électriques, près de Rennes. Des ombrières au-dessus de parkings les alimentent directement.
Ces investissements en capital sont complétés dans notre plan climat, pour un total de 40 milliards d'euros, la moitié pour Bpifrance, l'autre pour la Caisse des dépôts, soit 13,6 milliards d'euros supplémentaires de prêts des fonds d'épargne pour financer la transition écologique.
Nous avons également engagé 2,5 milliards d'euros dans le soutien à l'économie, sur une enveloppe totale de 8,3 milliards d'euros. Ces sommes ont notamment contribué au lancement des plans tourisme, au développement de 100 foncières pour soutenir le commerce dans les villes moyennes et les petites villes, à la couverture du très haut débit fixe et mobile. Elles comprennent également 257 millions d'euros d'investissement dans les PME et le soutien au développement territorial pour 309 millions d'euros via des fonds territoriaux ou l'investissement dans les infrastructures.
La relance en faveur de la cohésion sociale a perçu une enveloppe de 500 millions d'euros, dont 160 millions d'euros déjà engagés à travers un ambitieux plan de soutien au secteur de la santé et du médico-social. 94 millions d'euros ont été investis dans la foncière Méditrine, portée par CDC Habitat pour rénover, restructurer et développer le parc médico-social et le foncier hospitalier. 23 millions d'euros ont servi à des établissements médicalisés pour seniors et 23 millions d'euros à des services innovants numériques comme la télémédecine, si importante pour les zones rurales.
Cette action s'inscrit dans le champ plus large des activités de notre direction des politiques sociales, dont le mandat a été élargi et qui intervient tout au long du parcours de vie des Français. Je pense notamment à la formation professionnelle, avec « Mon compte formation », qui a permis le financement de 3,6 millions de formations en 2020, notamment pour les jeunes. De même, nous avons liquidé 740 000 nouvelles pensions de retraite, notamment pour le secteur public local et le secteur hospitalier.
Sur le dernier axe, le soutien à l'habitat, nous avons investi 3,6 milliards d'euros, sur les 11,1 milliards d'euros prévus. Ils ont été utilisés dans le logement intermédiaire et le soutien au logement social en métropole et dans les outre-mer pour 1,4 milliard d'euros, dans le soutien à la construction de logements et à l'ambitieux plan de CDC Habitat de commande de 40 000 ventes en l'état futur d'achèvement (VEFA), dont 5 000 VEFA dans les outre-mer. Nous avons aussi consacré 670 millions d'euros d'engagements via des titres participatifs qui soutiennent 64 organismes de logement social. Le plan logement s'est également poursuivi à hauteur de 2,1 milliards d'euros.
Ainsi, sur les 26 milliards d'euros prévus, nous avons déjà déployé 7,7 milliards d'euros, soit 30 % du total du plan de relance de la Caisse, alors que ce plan a été approuvé par la commission de surveillance en juin, après un travail rapide et approfondi. Le rythme est donc très soutenu et la charge pour les équipes est considérable.
Le résultat 2020 est aussi le fruit d'une réorganisation, avec la création de la Banque des territoires. Chaque collectivité dispose désormais d'un correspondant dédié, au plus près des besoins. La dernière implantation a été ouverte à Tours, de façon digitale, cette semaine. Les décisions sont déconcentrées. Neuf prêts sur dix et plus de la moitié des investissements en capital sont décidés localement. Nous ne cessons de fluidifier cette organisation avec une plateforme en ligne très utilisée par les élus et les acteurs du logement social. Les quatre priorités sont réparties territoire par territoire et font l'objet d'un suivi extrêmement attentif. Les besoins sont différents selon les régions, les départements, les collectivités.
Nos offres sont également universelles, sans distinction dans les conditions d'accès. Quelle que soit la taille des collectivités ou des organismes de logement social, les taux et les maturités sont les mêmes dès lors que les projets correspondent à nos critères.
Enfin, le fonds d'épargne qui gère l'épargne réglementée est unique. Les fonds ainsi recueillis permettent la transformation d'une épargne de court terme, disponible à tout moment, en prêts de long et très long terme, jusqu'à quatre-vingts ans pour les offices fonciers solidaires. Ils sont au service de l'intérêt général, sans coût pour le contribuable. Cette action se distingue fortement des produits bancaires classiques. Ces fonds financent des infrastructures lourdes et coûteuses comme l'adduction d'eau. Les 300 milliards d'euros, dont 285 milliards d'euros provenant de l'épargne réglementée, sont investis à hauteur de 190 milliards d'euros pour le logement social et les collectivités, le reste dans l'économie, en achat de dette ou de capital des entreprises.
Dans le cadre du plan de relance, 75 milliards d'euros de prêts seront déployés d'ici 2024 grâce à l'épargne des Français pour financer le logement, le bâtiment, le tourisme, la santé et le médico-social. Dans le dialogue avec le ministère de l'économie, des finances et de la relance, le ministre a accepté une importante refonte de l'offre au cours de l'été 2020, en ouvrant la doctrine d'emploi pour un accès facilité au secteur public local et le financement de la transition écologique et énergétique. La tarification a été améliorée et les conditions d'éligibilité assouplies pour des prêts tels que GPI-AmbRE, les Aqua Prêts, les Mobi Prêts, les Edu Prêts et les prêts relance verte. Dès septembre 2020, nous avons ainsi pu dégager une enveloppe supplémentaire de 12 milliards d'euros pour les collectivités et le secteur public local pour les projets de relance. 1,1 milliard d'euros ont déjà été engagés, soit une hausse de 22 % de la production au secteur public local. Les Edu Prêts sont des financements de vingt-cinq à cinquante ans, au taux du livret A plus 60 centimes, pour construire, rénover, transformer des bâtiments éducatifs, des crèches, des universités, des infrastructures d'éducation.
En 2021, nous poursuivrons très activement le déploiement du plan de relance. Nous visons un rythme d'activité équivalent à celui de 2020, de l'ordre de 8 milliards d'euros de capital en soutien de notre économie, complété par l'offre de prêt. Nous poursuivrons également les grands programmes nationaux lancés ces dernières années, qui jouent un rôle significatif dans la transformation de notre pays, Action Cœur de ville, Territoires d'industrie, Petites villes de demain et le Programme d'investissements d'avenir.
Je suis convaincu que le rôle de la Caisse des dépôts n'a jamais été aussi nécessaire que dans les crises telles que celle-ci. Grâce à votre appui et à celui de la commission de surveillance, nous avons les moyens de jouer ce rôle. Nous le faisons avec beaucoup d'enthousiasme et d'énergie.