Intervention de Jean-Baptiste Lemoyne

Réunion du jeudi 6 mai 2021 à 16h00
Commission des affaires économiques

Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État :

S'agissant des perspectives pour 2021, je suis confiant. Nous aurons un bel été. L'envie est grande de s'aérer et le rythme des réservations s'accélère pour tous les types d'hébergement et de transport. Les comportements et les choix de destination vont évoluer. C'est pourquoi j'ai confié une mission sur le tourisme rural à Mme Noëlle Rauscent, ancienne sénatrice qui s'est longtemps investie dans les Gîtes de France. On a observé une redécouverte de nos territoires ruraux : en témoignent le succès rencontré par la Lozère, l'Aveyron ou le Jura, mais aussi la structuration par les collectivités de ce secteur – investissements dans les véloroutes confortés par le plan relance, l'œnotourisme ou tourisme fluvial… – qui est très positive. La montagne a été une perdante de l'hiver mais une des grandes gagnantes de l'été dernier. Le « tourisme 4 saisons » n'est pas qu'un slogan et les stations s'y préparent, j'ai pu le mesurer en allant avec M. Joël Giraud dans les différents massifs.

S'agissant du passeport vaccinal, j'ai tendance à bannir l'expression parce qu'elle donne l'impression qu'en l'absence de vaccination, on ne peut pas se déplacer. Je préfère parler de certificat vert numérique ou de certificat sanitaire. En effet, il y a plusieurs options : soit on est vacciné, soit on a un test PCR négatif, soit on est immunisé après avoir été atteint et rétabli. Ce dispositif permettra de relancer la mobilité au sein de l'Union européenne. Nous ouvrons aussi les travaux avec les États tiers.

Le maintien des aides ou leur décroissance très progressive est en effet une nécessité, et nous nous y employons avec les professionnels.

S'agissant des réservations, face à l'incertitude, les professionnels se sont adaptés. Je tire mon chapeau aux grandes fédérations, l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie, le Groupement national des indépendants de l'hôtellerie et de la restauration, la Fédération nationale de l'hôtellerie de plein air, entre autres, qui ont incité leurs adhérents à proposer des clauses d'annulation très flexibles. Chaque adhérent est responsable de sa politique commerciale, mais les grandes fédérations ont fait œuvre de conviction pour apporter aux voyageurs confrontés à l'imprévisibilité sanitaire une réassurance financière. Les professionnels reconduisent ces dispositifs flexibles pour les semaines et les mois à venir.

La vaccination des professionnels est bien présente dans les réflexions interministérielles. La demande est forte de leur part. Le Président de la République a annoncé ce matin une accélération et indiqué que des publics non-cibles pouvaient se porter candidats pour recevoir les doses inemployées. Tout cela va dans le bon sens. Nous continuons à soutenir la vaccination de publics prioritaires parmi les professionnels du secteur du tourisme et le travail est en cours au sein de la cellule interministérielle de crise.

Le pass sanitaire danois, dont l'utilisation dans de nombreuses activités quotidiennes est assez contraignante, n'est pas le modèle dans lequel nous voulons nous engager. En revanche, le certificat sanitaire sera bien interopérable. En France, il est basé sur l'application TousAntiCovid et sa mallette intégrée. À l'étranger, il est interconnectable avec les systèmes locaux. Cela étant, chaque pays est souverain et chaque parlement libre de définir ce qui relève de l'utilisation du pass sanitaire. Vous aurez à en débattre lundi. Après les débats de la commission des lois, on voit bien toutes les questions qui se posent. Je vous ferai d'ailleurs part, en toute transparence, du souhait de certains secteurs de ne pas se voir appliquer le pass sanitaire, à l'inverse d'autres qui le réclament, comme le monde de l'événementiel, car c'est pour lui une condition du redémarrage. Ce dialogue avec chacune des professions est important.

La main-d'œuvre est un sujet important. Il y a quelques semaines, je m'inquiétais auprès des fédérations professionnelles du risque de voir nombre d'employés se tourner vers d'autres horizons : les métiers du tourisme sont exigeants en termes de temps de travail ou de contraintes familiales, et requièrent de la passion. Après la période que nous avons connue, certains professionnels envisagent d'autres orientations. C'est un enjeu auquel nous nous attelons avec la commission emploi du comité de filière tourisme. Soixante-quinze millions d'euros ont été dégagés pour relever ce défi du retour dans l'emploi. Avec la conférence des formations d'excellence au tourisme (CFET), nous lançons une version améliorée de la plateforme monemploitourisme.fr, créée pour la saison dernière, à laquelle M. Georges Rudas a beaucoup travaillé. Pour la Fédération de l'hôtellerie de plein air, nous avons financé un cours en ligne afin d'accompagner les employés dans leur retour à l'activité.

Le fonds tourisme durable a été lancé récemment. Dans chaque département, des filières sont identifiées qui peuvent soutenir les projets. Il est trop tôt pour faire une évaluation mais peut-être demanderons-nous à Bercy de recharger les crédits de cet outil dans le cadre du deuxième plan de relance, car il est en train de trouver son public, qu'il s'agisse des territoires qui veulent engager des démarches de slow tourisme ou des professionnels qui promeuvent des initiatives de tourisme de circuit court.

Je dois rendre hommage à Mme Sylvia Pinel pour le nombre de courriers qu'elle m'a adressés depuis le début de la crise : elle est tout en haut du podium. Les agences de voyages ont naturellement été rendues éligibles au Fonds de solidarité, au dispositif sur l'activité partielle et le cas échéant à l'aide aux coûts fixes, qui concerne les entreprises au chiffre d'affaires supérieur à 1 million d'euros. Pour la reprise, il ne faut pas s'interdire de réfléchir, avec Bercy, à un dispositif d'aide aux coûts fixes sans plancher. Ce serait intéressant pour ce type d'activité. Par ailleurs, le Premier ministre a demandé qu'une solution soit trouvée pour les professionnels qui n'avaient pas de revenus en 2019 en raison de congés de maladie ou de maternité. Nous ne l'avons pas encore, vous pourrez utilement interroger le ministre de l'économie sur ce point.

Pour les stations thermales, la jauge à plein sera autorisée dès le 9 juin. S'agissant de stations en régie, le Premier ministre a passé commande au ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales d'une disposition balai permettant de prendre en compte toutes les régies, notamment thermales. La solution est trouvée mais il faudra passer par une loi de finances pour l'appliquer, ce qui oblige les collectivités à jongler entre-temps car certaines choses ne peuvent attendre.

Les agences de voyages, qui n'auraient pas pu faire face aux demandes de remboursement immédiat, ont profité de l'ordonnance sur les avoirs de mars 2020. Le cadre est communautaire et, au terme de discussions quelque peu viriles avec Bruxelles, nous avons obtenu dix-huit mois. Le montant des avoirs est de 1,3 milliard d'euros. Nous sommes ouverts à un travail avec les entreprises du secteur du voyage. Nous attendons leurs propositions. En tout cas le sujet est bien identifié.

Au-delà de la question des contre-garanties personnelles qui a été évoquée, l'Association professionnelle de solidarité du tourisme connaît un enjeu global de restructuration après le choc Thomas Cook et celui de la crise pandémique. Je rends hommage à l'action de sa présidente, qui a pris les choses en main. L'immeuble de l'APST a été cédé pour faire face aux enjeux financiers et un travail est conduit par un manager de transition avec l'appui de mon secrétariat d'État et de Bercy. Je ferai le point sur le sujet des contre-garanties pour pouvoir répondre à votre question.

Mme Anne-France Brunet évoquait un cas personnel auquel nous restons attentifs, lié à la suspension des dérogations des laissez-passer type LoveIsNotTourism. Nous continuerons à le suivre avec elle.

Nous avons bien en tête les attentes des outre-mer. Avec M. Sébastien Lecornu, nous avons prévu des dispositifs d'indemnisation adaptés prenant en compte des commerces non spécifiquement touristiques, car nous savons que ces territoires souffrent de l'absence de leur clientèle. Il s'agit de dispositifs améliorés, comme ce qui a été fait pour la montagne. Je note que La Réunion tire son épingle du jeu sur le segment nouveau du « télétravel », en attirant des personnes qui s'installent en télétravail hors de leur lieu de résidence habituel. D'autres territoires comme les Canaries ont joué cette carte. Car les crises sont aussi des facteurs d'accélération de phénomènes, y compris pour renouveler l'attractivité de nos territoires ruraux. Je le dis en tant qu'élu de l'Yonne observant l'évolution du marché immobilier du fait de l'installation de nouvelles familles.

Enfin je n'avais pas à l'esprit la problématique liée aux exonérations de charges. Nous allons creuser le sujet.

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