Intervention de Anne-Laurence Petel

Réunion du mercredi 12 mai 2021 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne-Laurence Petel :

En 2018, dans le cadre de la mission d'information commune sur le foncier agricole, MM. Dominique Potier, Jean-Bernard Sempastous et moi-même avions souligné l'urgence de faire évoluer notre modèle pour protéger et partager, davantage et mieux, les terres agricoles. Les outils qui régulent l'exploitation et la détention des terres agricoles depuis les années 1960 ont permis de faire de la France une grande nation agricole, avec plus de 2 millions d'exploitations au début de la Ve République. Ils ne sont plus adaptés au monde actuel, qui voit l'essor d'une agriculture de firmes et d'une financiarisation des terres, au détriment du modèle agricole.

À cela s'ajoute le défi du renouvellement : un tiers de la profession, soit 150 000 exploitants partiront à la retraite d'ici trois ans et si rien n'est fait, nombre d'entre eux ne trouveront pas de successeur. Cette situation démographique accélérera la déprise agricole et la spéculation foncière, ainsi que la concentration excessive des exploitations. Des changements de grande ampleur sont nécessaires. La grande loi foncière que la profession attend doit voir le jour.

Ce texte n'a pas la prétention de révolutionner les outils de régulation, mais vise à les adapter afin de freiner la concentration des terres organisée par quelques sociétés, françaises ou étrangères, parfois familiales. Ce n'est pas la première fois que notre assemblée examine un texte portant réforme du foncier agricole. Je salue l'engagement de notre collègue Dominique Potier qui, lors de la précédente législature, avait défendu un texte, malheureusement censuré par le Conseil constitutionnel.

Nous devons aujourd'hui répondre efficacement et rapidement à une urgence. Des changements au texte initial devront être opérés pour que le dispositif soit conforme au cadre constitutionnel, dès la première lecture. Sur cet aspect, nous ne devons prendre aucun risque, sous peine de perdre encore du temps. Il s'agit de poser des bases solides et sûres, pour entamer ensuite une grande réforme, comme nous n'en avons pas connu depuis Edgard Pisani.

Avec l'inscription de l'objectif de zéro artificialisation nette dans le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, nous avons œuvré au renforcement de la protection des terres agricoles, préalable nécessaire à un meilleur partage. La terre est un bien commun mais elle est aussi une propriété privée convoitée. Pour un accès équitable à la terre, nous devons mieux partager le foncier agricole et lutter contre les concentrations sociétaires. De ce meilleur partage dépend l'installation d'une nouvelle génération d'agriculteurs et, au-delà, le développement d'un modèle agricole qui doit continuer à se transformer, élever la qualité de sa production, diversifier les possibilités de consommer local, promouvoir des pratiques agricoles plus respectueuses de la biodiversité et de l'environnement. Car c'est bien de souveraineté alimentaire et de développement durable qu'il est question.

Je me réjouis que le rapporteur ait obtenu que la proposition de loi soit soumise au Conseil d'État. Cet avis nous permettra de trancher certains sujets comme la définition de la prise de contrôle de la société, en revoyant nos ambitions eu égard aux réalités constitutionnelles.

Il est devenu indispensable d'adapter le droit aux évolutions du marché du foncier agricole et de moderniser les outils de régulation. Leur utilité n'est plus à prouver depuis les années 1960 mais ils sont aujourd'hui dépassés par l'ampleur du phénomène sociétaire. Cette proposition de loi permet d'atteindre cet objectif par la création d'un dispositif multicritères, appuyé sur le contrôle de seuils dans l'acquisition de parts sociales, et d'un seuil maximum de surface d'exploitation.

Notre rapporteur a organisé le consensus et rencontré l'ensemble des parties concernées. Autour du contrôle des parts sociales, un large consensus émerge, qui légitime le dispositif – même s'il y aura toujours pour certains quelque chose à ajouter et, pour d'autres, quelque chose à enlever.

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