La commission des affaires économiques a procédé à l'examen de la proposition de loi portant mesures d'urgence pour assurer la régulation de l'accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires (n° 3853) (M. Jean‑Bernard Sempastous, rapporteur).
Mes chers collègues, nous sommes réunis ce matin afin d'examiner la proposition de loi de M. Jean-Bernard Sempastous, portant mesures d'urgence pour assurer la régulation de l'accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires. Elle a été cosignée par les membres des groupes La République en Marche, Mouvement démocrate et démocrates apparentés, et Agir ensemble.
Ce n'est probablement pas la grande loi foncière que certains d'entre vous appellent de leurs vœux. Le rapporteur en convient lui-même dans son rapport, en observant que le consensus est difficile à trouver pour une réforme d'ampleur, qui porterait sur une refonte des autorisations d'exploiter, une modernisation du statut du fermage, une meilleure mise en valeur des terres incultes et l'encadrement du travail agricole délégué.
Néanmoins, la proposition de loi s'attaque à un problème majeur, bien souvent vécu comme une atteinte au modèle familial de l'agriculture à la française, qui devient d'autant plus sensible que plus d'un tiers des agriculteurs sont susceptibles de prendre leur retraite dans les dix prochaines années. Sous la précédente législature – M. Dominique Potier le redira certainement –, pas moins de trois textes de loi ont tenté de réguler le phénomène de la concentration des terres. Ils se sont heurtés soit à des stratégies de contournement, soit aux règles constitutionnelles relatives au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre.
Je tiens à saluer le volontarisme, voire la pugnacité, de M. Jean-Bernard Sempastous, qui travaille sur ce sujet depuis le début de la législature. Il a présidé notamment la mission d'information commune sur le foncier agricole, dont les rapporteurs Mme Anne-Laurence Petel et M. Dominique Potier ont présenté les conclusions en décembre 2018. Par la suite, il a creusé patiemment son sillon et élaboré cette proposition de loi, en veillant à l'assortir de meilleures garanties juridiques et en réunissant tous les acteurs.
Sur les 127 amendements déposés, dont certains ont été retirés ou déclarés irrecevables, 100 amendements restent à examiner. La commission du développement durable et de l'aménagement du territoire s'étant saisie pour avis de ce texte, nous avons le plaisir d'accueillir M. Patrice Perrot, son rapporteur pour avis.
Un travail passionnant, mené durant des mois en bonne intelligence, dans un esprit constructif, avec les acteurs du monde agricole et les praticiens du droit rural, a permis d'aboutir à un dispositif juridiquement solide, efficace et adapté aux territoires. Le Conseil d'État, saisi par le Président de l'Assemblée nationale Richard Ferrand, a apporté son expertise précieuse et rassurante, confirmant que le texte respectait la Constitution et le droit européen ; il nous a guidés pour améliorer sa rédaction. Je ne doute pas que les parlementaires enrichiront eux aussi ce texte collaboratif.
Comme son titre l'indique, la proposition de loi répond à une urgence, identifiée par le rapport de la mission d'information commune sur le foncier agricole, et rappelée l'été dernier par le référé de la Cour des comptes sur les leviers de la politique foncière agricole. La Cour des comptes recommande d'instituer une véritable politique foncière agricole aux fins de mieux maîtriser et réguler son évolution, soulignant que « l'importance des enjeux ne s'accommode plus du statu quo ». La loi foncière n'a pas vu le jour mais nous ne sommes pas restés immobiles : il fallait agir pour soutenir la profession, qui était en demande et en attente.
Les chiffres sont alarmants : entre 1955 et 2013, le nombre d'exploitations a été divisé par cinq, s'établissant à près de 452 000. Entre 1988 et 2013, la surface moyenne d'une exploitation a doublé en France. D'ici dix ans, 37 % des chefs d'exploitation seront en âge de partir à la retraite. Pour le législateur, l'enjeu est que ces départs se traduisent par une installation de jeunes agriculteurs, non par une concentration excessive du foncier entre les mains de propriétaires ou d'exploitants en place.
Or les outils de régulation que sont le contrôle des structures et les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) sont majoritairement impuissants face aux opérations sociétaires, qui permettent un accès direct à la terre agricole, par personne morale interposée. Je propose donc un troisième outil, non par volonté d'innovation mais parce que le législateur, malgré toute sa bonne volonté, n'a pas réussi à s'appuyer sur les outils existants, en les perfectionnant, pour appréhender les contournements. Le nouveau dispositif s'articulera avec les autorisations d'exploiter et l'outil des SAFER, pour servir deux objectifs.
Le premier objectif est de lutter contre la concentration excessive et l'accaparement des terres. Ces phénomènes affectent le modèle agricole traditionnel, l'environnement – par le développement de monocultures qui appauvrissent les sols et déstabilisent la biodiversité –, la vitalité des territoires et les emplois ruraux – par la standardisation des productions – et l'indépendance alimentaire du pays. L'absence de régulation des cessions de parts de sociétés agricoles crée une aubaine qui favorise ces phénomènes. Il ne s'agit pas de stigmatiser les sociétés, qui peuvent constituer des outils entrepreneuriaux pour les agriculteurs, mais il faut en contrôler les excès.
Le second objectif est de favoriser l'installation et la consolidation des exploitations existantes en incitant les auteurs d'opérations jugées excessives à vendre ou à donner à bail rural de long terme une surface compensatoire à des agriculteurs qui s'installent ou souhaitent consolider leur installation.
L'article 1er, qui constitue le cœur du dispositif, est inspiré du contrôle des concentrations économiques mis en place par l'Autorité de la concurrence. Il instaure un contrôle administratif des prises de participations dans une société qui possède ou exploite des terres, au profit d'un bénéficiaire – exploitant ou propriétaire ; personne physique ou personne morale – en mesure d'exercer le contrôle effectif de la société. Ce bénéficiaire doit dépasser un seuil d'agrandissement considéré comme « excessif ». Le seuil initial ayant été abaissé, je proposerai de le renommer seuil d'agrandissement « significatif », suivant l'avis du Conseil d'État et en concertation avec la profession agricole. Il vous est proposé d'établir ce seuil entre une fois et trois fois la surface agricole utile régionale moyenne (SAURM). C'est une fourchette adaptable et équilibrée au regard des objets contrôlés – l'exploitation mais aussi la détention de terres à usage ou à vocation agricole.
Le seuil sera fixé localement. Pour les terres déjà cultivées, il sera tenu compte des équivalences fixées par le schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) par nature de culture. Il n'est pas question de comparer un hectare de vignes avec un hectare de plaine céréalière. Nous nous appuyons sur ces schémas adaptés et coconstruits dans les territoires : autant que faire se peut, le dispositif veut coller aux enjeux locaux.
Si un bénéficiaire dépasse le seuil, il pourra se voir opposer un refus d'autorisation par l'autorité préfectorale, qui pourra s'appuyer sur l'avis du comité technique de la SAFER, le « parlement » du foncier agricole tel que devrait le préciser le décret d'application. Néanmoins, la demande pourra être autorisée au cas par cas, si l'opération ne porte pas atteinte à l'installation d'agriculteurs, à la consolidation d'exploitations et à la vitalité du territoire ; ou si le cessionnaire consent à libérer une surface compensatoire, par vente ou bail rural de long terme soumis au statut du fermage, au profit d'un agriculteur en phase d'installation ou de consolidation – un moyen efficace de libérer des terres. En résumé, seule la prise de contrôle d'une société provoquant un agrandissement significatif, c'est-à-dire au-delà d'un certain seuil, déclenchera la procédure de contrôle. Si l'atteinte est avérée, elle sera accompagnée d'une installation.
Cette régulation était nécessaire et attendue depuis des années par le monde agricole. Les travaux menés depuis 2014 n'ont pas abouti et il n'existe à ce jour aucun contrôle : les concentrations s'opèrent en toute liberté. Le présent texte ne favorisera pas l'agrandissement, pas plus qu'il ne met en place un système opaque. Il est prévu que les SAFER donnent un avis simple à la préfecture, lequel pourra être assorti d'avis complémentaires. Je m'assurerai de la transparence de la procédure, qui sera explicitée dans le décret que le Gouvernement soumettra au Conseil d'État.
Je suis fier de ce travail collectif. Il était urgent de trouver un moyen d'agir, quand les échecs se succèdent depuis dix ans. La moitié des agriculteurs ont 50 ans passés ; leurs exploitations seront bientôt transmises ou iront alimenter la spirale de la concentration.
La France serait le premier pays européen à établir ce type d'outil de régulation et, au regard des dernières communications du Parlement européen sur le sujet, elle en inspirera d'autres. Réjouissons-nous d'avoir su nous réinventer pour protéger nos agriculteurs et nos terres !
La préservation du foncier agricole est un enjeu de politique publique majeur, au regard de la pérennité du modèle agricole, de la préservation de l'environnement, de la vitalité des territoires et des emplois ruraux. Cette proposition de loi est l'aboutissement d'un travail parlementaire et de terrain d'une grande qualité, mené par M. Jean-Bernard Sempastous. La commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a toutefois émis certaines critiques, auxquelles je répondrai succinctement et clairement ; nous ne pouvons en effet, au regard de l'enjeu, entamer le débat sur des approximations préjudiciables.
Je rappelle que les SAFER n'ont pas de but lucratif et que leurs interventions sont encadrées par la loi, qui leur assigne des objectifs d'intérêt général. S'agissant de la répartition des rôles entre les SAFER et l'État, le dispositif proposé est pragmatique : les SAFER, qui ont une vision très concrète de chaque territoire, instruiront efficacement les demandes ; les préfets auront le pouvoir de décision, qu'ils doivent impérativement exercer pour que les SAFER ne soient pas accusées d'être juge et partie.
Le dispositif de compensation permet de conjuguer les critères de surface importante cumulée avec la réalisation d'objectifs fondamentaux tels la contribution des projets au développement du territoire, la diversité des systèmes de production ou les besoins d'installation ou de consolidation des agriculteurs déjà installés. L'intervention des SAFER dans la procédure répond à un souci de pragmatisme et d'efficacité : étant informées des transactions sur le marché sociétaire et compétentes pour observer le marché, il est logique qu'elles instruisent les dossiers.
La proposition de loi ne vise pas à stigmatiser toute prise de contrôle de société dans le domaine agricole. Le nouvel outil de régulation est destiné à lutter contre les dévoiements de l'utilisation des formes sociétaires. Il ne s'agit pas de condamner tous les agrandissements, dans toutes les régions et pour toutes les activités agricoles, mais de détecter et de contrôler les prises de contrôle remplissant une pluralité de critères – la surface étant le premier d'entre eux, mais pas le seul. Le caractère problématique s'appréciera selon les caractéristiques de chaque territoire, au sein d'une même région, ce qui peut être qualifié d'abusif sur un territoire ne l'étant pas forcément sur le territoire voisin.
Ce texte, qui s'inscrit dans le combat que mène depuis 2017 notre majorité pour la souveraineté alimentaire, l'agroécologie, l'aménagement du territoire et le dynamisme économique, apporte une réponse rapide et efficace, en adéquation avec nos particularités agricoles territoriales.
En 2018, dans le cadre de la mission d'information commune sur le foncier agricole, MM. Dominique Potier, Jean-Bernard Sempastous et moi-même avions souligné l'urgence de faire évoluer notre modèle pour protéger et partager, davantage et mieux, les terres agricoles. Les outils qui régulent l'exploitation et la détention des terres agricoles depuis les années 1960 ont permis de faire de la France une grande nation agricole, avec plus de 2 millions d'exploitations au début de la Ve République. Ils ne sont plus adaptés au monde actuel, qui voit l'essor d'une agriculture de firmes et d'une financiarisation des terres, au détriment du modèle agricole.
À cela s'ajoute le défi du renouvellement : un tiers de la profession, soit 150 000 exploitants partiront à la retraite d'ici trois ans et si rien n'est fait, nombre d'entre eux ne trouveront pas de successeur. Cette situation démographique accélérera la déprise agricole et la spéculation foncière, ainsi que la concentration excessive des exploitations. Des changements de grande ampleur sont nécessaires. La grande loi foncière que la profession attend doit voir le jour.
Ce texte n'a pas la prétention de révolutionner les outils de régulation, mais vise à les adapter afin de freiner la concentration des terres organisée par quelques sociétés, françaises ou étrangères, parfois familiales. Ce n'est pas la première fois que notre assemblée examine un texte portant réforme du foncier agricole. Je salue l'engagement de notre collègue Dominique Potier qui, lors de la précédente législature, avait défendu un texte, malheureusement censuré par le Conseil constitutionnel.
Nous devons aujourd'hui répondre efficacement et rapidement à une urgence. Des changements au texte initial devront être opérés pour que le dispositif soit conforme au cadre constitutionnel, dès la première lecture. Sur cet aspect, nous ne devons prendre aucun risque, sous peine de perdre encore du temps. Il s'agit de poser des bases solides et sûres, pour entamer ensuite une grande réforme, comme nous n'en avons pas connu depuis Edgard Pisani.
Avec l'inscription de l'objectif de zéro artificialisation nette dans le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, nous avons œuvré au renforcement de la protection des terres agricoles, préalable nécessaire à un meilleur partage. La terre est un bien commun mais elle est aussi une propriété privée convoitée. Pour un accès équitable à la terre, nous devons mieux partager le foncier agricole et lutter contre les concentrations sociétaires. De ce meilleur partage dépend l'installation d'une nouvelle génération d'agriculteurs et, au-delà, le développement d'un modèle agricole qui doit continuer à se transformer, élever la qualité de sa production, diversifier les possibilités de consommer local, promouvoir des pratiques agricoles plus respectueuses de la biodiversité et de l'environnement. Car c'est bien de souveraineté alimentaire et de développement durable qu'il est question.
Je me réjouis que le rapporteur ait obtenu que la proposition de loi soit soumise au Conseil d'État. Cet avis nous permettra de trancher certains sujets comme la définition de la prise de contrôle de la société, en revoyant nos ambitions eu égard aux réalités constitutionnelles.
Il est devenu indispensable d'adapter le droit aux évolutions du marché du foncier agricole et de moderniser les outils de régulation. Leur utilité n'est plus à prouver depuis les années 1960 mais ils sont aujourd'hui dépassés par l'ampleur du phénomène sociétaire. Cette proposition de loi permet d'atteindre cet objectif par la création d'un dispositif multicritères, appuyé sur le contrôle de seuils dans l'acquisition de parts sociales, et d'un seuil maximum de surface d'exploitation.
Notre rapporteur a organisé le consensus et rencontré l'ensemble des parties concernées. Autour du contrôle des parts sociales, un large consensus émerge, qui légitime le dispositif – même s'il y aura toujours pour certains quelque chose à ajouter et, pour d'autres, quelque chose à enlever.
Je remercie vivement M. Jean-Bernard Sempastous pour son implication et sa détermination à faire avancer ce texte, cosigné par nombre d'entre nous, sur un sujet aussi crucial. Au-delà de nos sensibilités, de nos territoires, de notre proximité ou non avec l'agriculture, la question devrait intéresser et rassembler tous les citoyens soucieux de souveraineté, de notre patrimoine foncier, de son utilisation et des acteurs clés, les agriculteurs.
La proposition de loi, même si elle reste à parfaire, a le mérite d'ouvrir le débat sur l'utilisation des terres agricoles, menacées, à certains endroits et dans certaines situations, de concentration et d'accaparement, notamment par des acteurs extra-nationaux. Ces phénomènes, en augmentation constante, mettent en péril le modèle traditionnel d'agriculture familiale et risquent d'avoir des effets durables sur l'attractivité des régions, l'emploi agricole, le renouvellement des générations et, à terme, la souveraineté alimentaire à laquelle nous sommes tous attachés.
Les nouveaux articles L. 333-1 à L. 333-5 du code rural et de la pêche maritime organisent le contrôle des transferts de foncier pour les structures sociétaires. Ils corrigent un angle mort de la législation actuelle, en mettant fin à une rupture d'égalité entre les propriétaires physiques et les propriétaires en société.
L'établissement d'un seuil d'agrandissement excessif accompagne ces mesures. Nous devons toutefois veiller à ce qu'elles ne portent pas atteinte brutalement au droit de propriété. Pour cela, il paraît important de préciser quatre points.
Pour promouvoir la spécificité de notre agriculture, qui se transmet souvent de génération en génération, le contrôle administratif devrait être allégé ou supprimé lorsqu'il concerne les opérations de transfert intrafamilial.
Le terme « excessif » paraît peu juridique et subjectif, puisque nous n'avons sans doute pas tous la même définition de l'excès. L'établissement du seuil entre une fois et trois fois la SAURM donne une marge importante à l'administration. Un seuil minimum, par exemple à partir de quatre fois la SAURM, pourrait être fixé. Il convient aussi de se demander pourquoi confier ce pouvoir au préfet de région : les régions issues des fusions sont devenues des territoires immenses et le contrôle serait réalisé de façon plus fine et sur mesure à l'échelon départemental.
Le texte indique un seuil de déclenchement du contrôle à partir de mouvements de capitaux à hauteur de 25 %, ce qui paraît bien peu. Le Conseil d'État préconise d'ailleurs un alignement sur le code de commerce, à 40 %.
Enfin, nous pourrions nous interroger sur le déclenchement du contrôle et l'intervention de la SAFER lorsqu'il n'y a pas d'autre acquéreur. Si personne n'est intéressé par l'acquisition de parts de société, une procédure administrative lourde ne s'impose pas.
La proposition de loi a la vertu de mettre sur le devant de la scène législative la problématique du foncier. Cette question technique des sociétés foncières doit nous encourager à travailler à un texte plus ambitieux, afin d'introduire plus de transparence dans la gestion du foncier par les SAFER, l'administration et les différents acteurs.
Le groupe du Mouvement démocrate et démocrates apparentés salue le travail du rapporteur. Le foncier agricole est un enjeu pour les jeunes agriculteurs. Ceux-ci ont de plus en plus de mal à s'installer, alors que nos concitoyens aspirent au retour du localisme qu'incarne le modèle de la ferme familiale.
Les chiffres sont clairs : selon l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), le nombre d'exploitations a baissé de plus de la moitié en trente ans et le nombre d'agriculteurs exploitants a été divisé par quatre en quarante ans. Entre 2010 et 2016, les effectifs diminuent d'environ 4 % par an pour les petites et moyennes exploitations, tandis qu'ils progressent de 2 % pour les grandes. La régulation apparaît comme le seul moyen d'endiguer la concentration et l'accaparement excessifs des terres agricoles.
Dès les années 1960, la France a su se munir d'instruments efficaces, par la création des SAFER et le contrôle des exploitations agricoles, au moment de l'installation, de l'agrandissement ou de la transmission. Les pratiques ont évolué depuis et la loi est désormais insuffisante pour limiter les dérives. L'efficacité des outils est affaiblie par la transformation du modèle agricole vers des exploitations sous forme sociétaire, où les terres sont devenues des parts sociales. En 2019, ces parts représentent 7 % des transactions du secteur ; 17 % du marché en valeur échappe à toute régulation. La proposition de loi entend répondre à de telles insuffisances en promouvant un meilleur contrôle du marché sociétaire. Il s'agit de rééquilibrer les rapports de force entre les acteurs, sans pour autant freiner la compétitivité des agriculteurs.
Un tel équilibre n'est pas facile à trouver, les uns dénonçant une atteinte à la liberté d'entreprendre, les autres refusant de se soumettre à de nouvelles contraintes déclaratives. Or il apparaît essentiel de mettre fin à cette rupture d'égalité entre les personnes physiques, qui tombent sous le coup de la régulation, et les cessionnaires de titres sociaux, qui y échappent.
Le texte n'aborde qu'un aspect, quoique majeur, de la question du foncier. D'autres questions devront être abordées dans les mois et années à venir, comme le statut de l'agriculteur actif ou l'agriculture déléguée. Le renforcement du rôle des SAFER, notamment dans des situations qui ne créent pas de tensions pour l'agriculture, fait naître aussi des craintes.
Il faut entendre ces arguments et préciser certains points lors de nos travaux. À l'avenir, nous devrons nous interroger sur la gouvernance des SAFER. L'intérêt général, au nom duquel nous légiférons, implique toutefois de hiérarchiser les enjeux. Notre groupe fait le choix d'un meilleur partage des terres, fondamental pour préserver une agriculture familiale, l'environnement et la richesse des territoires : nous sommes donc favorables à ce que les opérations dépassant le seuil d'agrandissement excessif soient soumises à une autorisation administrative préalable et nous voterons en faveur de la proposition de loi.
Sur tous les continents, depuis des siècles, le partage de la terre est le gage d'une prospérité agricole concourant à la sécurité alimentaire collective. Il va partout de pair avec des sociétés démocratiques et est le meilleur moyen de lutter contre la pauvreté : plus on partage, plus l'agriculture et les sociétés sont prospères. Cette règle quasiment universelle est décrite dans le livre que j'ai publié avec MM. Benoît Grimonprez et Pierre Blanc, à partir des travaux législatifs entamés en 2012.
C'est dire l'enjeu d'une richesse économique, sociale et écologique liée au partage. L'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE), le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) et tous les instituts scientifiques montrent que les mosaïques paysagères et la diversité des exploitants sont non seulement un gage de recherche de valeur ajoutée économique mais qu'elles garantissent aussi, sur le plan écologique, la biodiversité – ce que nous pouvons considérer comme une assurance vie. Le débat est capital.
C'est dire aussi mon dépit. Dès 2012, en tant que député, j'ai apporté au débat public cette question qui bruissait dans les campagnes. Dans le collectif que j'ai formé avec mes collègues de tous horizons politiques, je n'ai eu de cesse de défendre des propositions, souvent de manière transpartisane – en 2014, dans la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt ; en 2016, dans la loi sur la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique (« Sapin 2 ») ; puis dans la loi relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles et au développement du bio contrôle 2017, issue d'une proposition de loi – et de lutter contre l'accaparement des terres et l'absence de transparence des sociétés. Maîtriser, réguler le marché foncier au service de la prospérité est le combat que je mène, avec les socialistes et d'autres collègues, depuis longtemps.
La mission d'information en 2017 a permis d'élargir le champ et d'envisager une grande loi foncière. Malgré nos nombreuses interpellations des ministres de l'agriculture, elle n'a pu aboutir. Nous avons donc pensé une loi d'urgence. Alors qu'avec MM. Jean-Paul Dufrègne, Jean-Michel Clément, Jean-Bernard Sempastous, Yves Daniel et tant d'autres, un collectif était en veille et demandait des rendez-vous au ministre, la proposition de loi a jailli. En réaction, j'ai écrit ce qui me semblait être l'esprit d'une telle loi d'urgence : la contre‑proposition inspirera mes amendements. Dans le même temps, je tente de dépasser l'énorme blessure personnelle, le sentiment d'une trahison du travail collectif et d'un dévoiement de l'intention qui était la nôtre.
Le pire serait de faire illusion avec un instrument législatif qui ne concourrait pas à nos visées. Au nom du combat pour le monde paysan, pour la planète, pour le bien commun, je soutiendrai des amendements à ce texte dont je crains – les expertises le montrent – qu'il ne réponde pas aux objectifs que nous nous sommes fixés.
Les dispositions de la loi « Sapin 2 » de 2016 et de la loi relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle de 2017, tentatives pour réguler les mouvements du foncier agricole, ont en partie été censurées par le Conseil constitutionnel. Gageons que le dispositif créé par la présente proposition de loi est suffisamment solide d'un point de vue juridique – il a été soumis au Conseil d'État. Je salue à ce titre le travail du rapporteur.
Ces dispositions avaient notamment été motivées par l'achat de 1 700 hectares de terres agricoles par des investisseurs chinois dans le département de l'Indre. Il faut nous défendre face à des stratégies agressives et concertées visant à mettre la main sur nos ressources naturelles – elles ne sont toutefois le fait que d'une minorité d'investisseurs étrangers. D'ailleurs, des sociétés françaises rachètent des surfaces équivalentes en Ukraine, en Roumanie ou ailleurs, contribuant à la modernisation de leurs exploitations.
L'agriculture française est insuffisamment valorisée et en perte de vitesse face à la concurrence internationale. L'excédent agricole français tend même à disparaître. Avec le départ à la retraite de plus de 30 % des exploitants agricoles dans les dix prochaines années, l'augmentation de la taille des exploitations et de la circulation du foncier ne pourra que s'accentuer. La location de terres constitue le mode de faire-valoir le plus répandu en France métropolitaine. Elle concerne 60 % de la surface agricole utile, dont 35 % de terres louées par des exploitants individuels et 65 % par des exploitations en forme sociétaire. Près de 40 % des exploitations individuelles sont propriétaires de la totalité de leurs terres. C'est dire l'attachement du monde paysan à ce modèle, celui de la propriété agricole.
De plus en plus d'opérations sur le foncier visent la cession partielle des titres des sociétés, permettant ainsi le contrôle, sans possibilité pour les SAFER d'exercer leur droit de préemption. La loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt de 2014 a renforcé les missions et les moyens d'intervention des SAFER et élargi le droit de préemption aux cas de vente des parts sociales en totalité. La présente proposition de loi prévoit que la prise de contrôle d'une société peut déclencher l'intervention de l'administration.
Un tel renforcement du pouvoir des SAFER suscite des inquiétudes légitimes. De quels moyens de contrôle disposeront-elles ? Nous souhaiterions aussi être rassurés quant à la prise en compte, dans le dispositif, des caractéristiques propres à l'élevage.
La concentration et l'accaparement des surfaces agricoles posent question, car notre souveraineté alimentaire et l'autonomie des agriculteurs dépendent de la maîtrise des terres agricoles. Si le texte ne résout pas tout, il comble, après plusieurs échecs, une lacune juridique. Nous regrettons que le Gouvernement n'ait pas privilégié un grand texte sur le foncier agricole, avec un peu plus d'audace et d'imagination. L'accumulation de petites réformes crée un manque de cohérence, de clarté, donc de vision sur la thématique.
Pour tenir son rang, la France doit préserver et revaloriser le monde agricole en relevant les revenus et en rééquilibrant les relations commerciales ; en simplifiant les démarches administratives et en garantissant la stabilité réglementaire ; en modernisant et en faisant connaître les formations agricoles à tous les jeunes, pas seulement les ruraux. Nous regrettons que la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (« EGALIM ») n'ait pas été l'occasion de s'attaquer à la concentration des opérateurs dans certaines filières, qu'elles soient coopératives ou privées.
La proposition de loi rappelle un combat millénaire, puisque la concentration des terres existait déjà dans l'Antiquité, avec le système latifundiaire : comment parvenir à équilibrer le monde agricole entre un tel système, dont on sait qu'il appauvrira à terme le pays, et une agriculture familiale, moderne, qui doit se développer ?
Ne nous trompons pas de cible, ce texte n'est pas l'alpha et l'oméga d'une grande loi agricole. À force de rechercher des compromis, notamment sur la propriété, on ne répond pas entièrement au problème agricole. D'autres députés reviendront sur le sujet avec de nouvelles idées. Cette proposition de loi ne traite que d'une question, celle des structures sociétaires. Elle atteint son but, qui est d'encadrer les pratiques tendant à la concentration des terres. Le groupe Agir ensemble accompagnera donc positivement le texte et défendra des amendements.
Je salue le travail et l'engagement du rapporteur, ainsi que ceux de nombreux collègues, investis depuis des années. La terre, outil de travail de nos agriculteurs et instrument de notre souveraineté alimentaire, ne saurait être un bien marchand comme les autres. Voilà plusieurs années, pourtant, qu'elle subit la loi de l'offre et de la demande. La raréfaction du foncier agricole, la concentration des exploitations et l'accaparement des terres par certains acteurs – parfois étrangers au monde agricole – ont provoqué des tensions sur le marché du foncier.
Résultat, le prix des terres a subi une sévère inflation et avoisine les 6 000 euros l'hectare en moyenne, soit une progression de plus de 50 % en vingt ans. Les agriculteurs en sont les premières victimes. En raison des coûts d'installation qui explosent, ils sont de moins en moins nombreux à pouvoir s'installer. Dans ces conditions, il est difficile d'assurer le renouvellement des générations, pourtant indispensable à l'agriculture.
Les causes de la hausse des prix des terres agricoles sont multiples. Y faire face impose une réforme en profondeur du foncier agricole, afin de moderniser le statut du fermage, de réviser les droits de mutation ou encore d'encadrer le travail agricole délégué.
La proposition de loi que nous examinons n'a pas cette ambition. Elle s'attaque, avant tout, au plus urgent : réguler les structures sociétaires. Depuis une dizaine d'années, le modèle traditionnel de l'exploitation familiale cède le pas devant des formes sociétaires plus opaques. Ces dernières, de plus en plus souvent propriétés d'investisseurs étrangers, accaparent les terres tout en échappant aux deux outils de régulation que sont le contrôle des structures et les SAFER.
La proposition de loi défend la création d'un troisième mécanisme pour y remédier. Il permettrait de soumettre à autorisation administrative les cessions de titres sociaux sur des sociétés détenant ou exploitant des terres agricoles. Cette initiative, qui pare au plus pressé, constitue une piste intéressante. Certains choix, toutefois, m'interrogent : pourquoi cantonner l'autorisation administrative à l'agrandissement excessif, alors que les personnes physiques sont exposées au contrôle des exploitations à un seuil bien plus bas ? Pourquoi exempter de contrôle l'ensemble des donations, alors que le droit de préemption des SAFER s'exerce pour les personnes physiques, à compter du sixième degré ? Plus globalement, pourquoi ne pas profiter de cette initiative pour établir une égalité de traitement entre entreprises individuelles et formes sociétaires ?
Je veux également dire un mot de l'article 5, qui ouvre au préfet la possibilité de refuser une autorisation d'exploiter, dès lors qu'elle est contraire aux objectifs du contrôle des structures ou aux orientations du SDREA. Cela permettra, je l'espère, de défendre avec une plus grande efficacité un modèle auquel nous sommes tous attachés, celui des exploitations à caractère familial.
Afin de préserver l'avenir des campagnes et de la ferme France, l'urgence est à l'encadrement de l'outil sociétaire. Nous ne pourrons faire l'économie d'une réforme plus globale du foncier agricole, mais ce premier pas est intéressant.
Nous attendions une grande loi foncière, promesse de M. Emmanuel Macron en 2017. L'accès aux terres agricoles est problématique, il faut les protéger et lutter contre l'artificialisation des sols. Mais, comme d'habitude – nous l'avons vu avec le projet de loi « climat et résilience » –, les paroles sont bien éloignées des actes et la proposition de loi se limite à contrôler l'acquisition de terrains par l'intermédiaire de sociétés agricoles ou de portage financier. Il sera nécessaire d'amender le texte afin de ne pas passer à côté des objectifs poursuivis.
Les sociétés exploitent 60 % de la surface agricole utile, une part en augmentation. Le marché sociétaire n'est pas transparent et a souvent vocation à permettre l'agrandissement. En outre, il entre en concurrence et peut bloquer les installations, les acquisitions et les structures individuelles, ce modèle paysan résilient face au changement climatique auquel je suis particulièrement attachée.
Il est temps de réformer : les mécanismes d'acquisition par les sociétés présentent des inégalités par rapport aux autres modes d'accès au foncier, qu'il s'agisse des seuils, des autorisations, des obligations de publicité ou de transparence, ce qui pose problème au moment de la transmission.
Alors qu'elle vise à préserver l'installation des jeunes ou des nouveaux agriculteurs, il est incompréhensible que la proposition de loi valide la possibilité de dépasser un seuil d'agrandissement qualifié d'« excessif ». Cette notion n'est pas claire. Monsieur le rapporteur, vous proposez une compensation mais, telle que vous l'imaginez, elle n'est pas à la hauteur des enjeux. L'intervention est possible, mais seulement au-delà du seuil précité, ce qui n'est pas conforme à l'objectif que la proposition de loi se fixe – remédier à l'inégalité de traitement avec les autres modes d'accès au foncier agricole.
Le texte ne s'attaque pas davantage à différencier les achats de parts sociales ou d'actions par des sociétés qui exploitent du foncier et les sociétés qui le détiennent en propriété sans l'exploiter. Le mode de faire-valoir choisi par le sociétaire, par la propriété ou par la location devrait entrer dans les critères de décision, afin de favoriser l'installation des plus jeunes.
En outre, nous déplorons qu'un refus du préfet ouvre droit à un recours, alors que son autorisation n'en ouvre aucun, sa décision étant alors totalement discrétionnaire.
Les SAFER ont pour mission de diversifier les paysages, de protéger les ressources naturelles et de maintenir la diversité biologique. Il semblerait logique que, de la même manière, la proposition de loi encadre la décision du préfet par le biais de critères de diversification des modes de culture. En effet, la monoculture appauvrit les sols et la diversité de la production est nécessaire à l'indépendance alimentaire. Où retrouve-t-on ces aspects dans votre proposition de loi ?
Le texte devrait aussi viser à préserver l'environnement et la biodiversité et se conformer à la loi EGALIM en matière de sécurité alimentaire. Il faudrait mettre en œuvre une politique publique beaucoup plus volontariste, notamment en termes de contrôle des structures. Si les objectifs sont annoncés dans l'exposé des motifs de la proposition de loi, on cherche désespérément les moyens de les atteindre dans le dispositif !
Et la montagne accoucha d'une souris… J'avais mis beaucoup d'espoir dans cette proposition de loi et je suis déçu que le groupe de travail, auquel Dominique Potier faisait allusion, n'ait pas abouti à un consensus.
Notre philosophie n'est décidément pas la même : si nous souscrivons aux objectifs déclinés par le rapporteur – l'installation des jeunes agriculteurs, le renouvellement des générations, la souveraineté alimentaire – nous estimons que la proposition de loi ne fait qu'effleurer les problèmes.
On peut même se demander si le fameux seuil « d'agrandissement excessif » n'aura pas un effet contraire à celui recherché en instaurant une procédure parallèle à l'existant, et inégalitaire en comparaison des procédures utilisées pour le contrôle des structures. Certains se serviront de ce nouvel outil pour constituer des sociétés qui permettront de contourner le contrôle des structures.
Certes, c'est un texte d'urgence, mais il est regrettable que la question du travail délégué n'y soit pas abordée : ce phénomène, en forte croissance, est devenu une méthode de contournement de plus en plus visible et nuisible.
La terre n'est pas un bien comme les autres et il faut beaucoup plus d'ambition pour la préserver et la sortir de ce circuit libéral, qui la mutile de plus en plus. L'accaparement croissant de ce bien commun pour des raisons mercantiles est devenu intolérable. Comment préserver la souveraineté alimentaire et la biodiversité dont tout le monde parle tant, alors que nous validons des processus qui les mettent en péril ?
Contrairement à ce que vous affirmez, je doute que votre proposition de loi concoure à l'installation de jeunes agriculteurs. Ceux-ci doivent réunir ou racheter un capital d'exploitation de plus en plus important – dans ma région, il faut 3 000 à 4 000 euros par hectare pour le constituer, hors foncier –, ce qui éloigne de nombreux jeunes de leur vocation.
La proposition de loi traitera certaines situations particulières et met un pied dans la porte. On peut s'en réjouir, mais elle ne répond pas aux questions essentielles pour l'avenir de l'agriculture.
L'accès au foncier agricole est un enjeu majeur pour les agriculteurs et la vitalité de nos territoires. Les surfaces agricoles s'échangent majoritairement, et de plus en plus souvent, sur le marché sociétaire et rien ne permet de contrôler ces opérations.
Cet angle mort de la régulation est maintenant bien connu ; il est nécessaire de le combler pour éviter la fuite irrattrapable des terres agricoles. La proposition de loi apporte une réponse exigeante, équilibrée et adaptée. Elle est exigeante car elle renforce la transparence sur les cessions de parts de sociétés possédant ou exploitant du foncier agricole et contrôle toute cession menant à une concentration excessive de terres dans les mains d'un bénéficiaire.
Elle est équilibrée car elle ne vise que les excès, permettant la poursuite des opérations sociétaires modestes, et prévoit des compromis pour les concessionnaires en situation de concentration. Le texte respecte ainsi les principes constitutionnels de droit de la propriété et de liberté d'entreprendre, tout en permettant la libération rapide de surfaces compensatoires pour des agriculteurs.
Elle est adaptée car le seuil de déclenchement du contrôle sera défini localement et s'appuiera sur le SDREA, en cohérence avec la commission départementale d'orientation de l'agriculture (CDOA). L'instruction des dossiers sera effectuée par le comité technique de la SAFER, représentant le monde agricole et au fait des enjeux territoriaux.
Comme vous le soulignez dans l'exposé des motifs, Monsieur le rapporteur, la France a été précurseur dans la régulation de l'accès au foncier agricole en créant les SAFER et en contrôlant les structures dès 1960. Soyons désormais précurseurs dans la régulation de l'accès au foncier via le marché sociétaire !
Le président Lescure l'a rappelé, le statut du fermage ou le travail délégué devront être traités ultérieurement. Cela fait-il de la proposition de loi Sempastous une petite loi ? Je ne le pense pas, car il est ambitieux de vouloir régler prioritairement l'angle mort du foncier sociétaire et de faciliter le renouvellement des générations !
La proposition de loi crée un nouveau système de contrôle administratif des cessions de parts sociales des sociétés agricoles et des sociétés foncières d'exploitation agricole, visant à réguler les prises de contrôle dans ces sociétés. Elle répond à une absence problématique de réglementation alors que ces opérations sont en pleine expansion. C'est une bonne chose.
Il est cependant important de veiller à la proportionnalité de la mesure. En effet, dans sa nouvelle version, le contrôle sera bien plus rigoureux : si le préfet – seul – refuse l'autorisation administrative sollicitée, l'opération ne pourra aboutir. Cela empêchera par exemple un associé exploitant souhaitant faire valoir ses droits à la retraite de céder ses parts sociales à son successeur et de se retirer de la société. Le fait que le préfet prenne, seul, la décision ne porte-t-il pas atteinte au droit de propriété ?
Je salue à mon tour l'excellent travail de Jean-Bernard Sempastous, à la suite de la mission d'information menée par Mme Anne-Laurence Petel et M. Dominique Potier, dont on sait le combat de long terme, passionné et acharné, sur ce sujet. Dans notre grande nation d'agriculture, le partage de la terre agricole est un sujet capital. Il est capital pour favoriser le renouvellement des agriculteurs et agricultrices, la diversité des cultures, la richesse du sol, la proximité entre l'exploitant et la terre, dans un contexte de raréfaction des terres, de concentration des exploitations, de départs en retraite, de développement du travail délégué et de montages financiers abstraits.
Il est grand temps de lutter contre le détournement de l'esprit de la loi de 1960 par le biais de montages sociétaires parfois complexes. Les cris d'alerte de la Cour des comptes ou du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) justifient pleinement « l'urgence » que l'on retrouve dans l'intitulé de la proposition de loi.
Le texte appelle deux remarques majeures. Sur un sujet technique et multiforme, il est loin d'épuiser le sujet. MM. Dominique Potier et André Villiers l'ont dit, le rapporteur l'a écrit : « l'agriculture française aura besoin d'une réforme foncière ambitieuse. » Trouver les justes mécanismes peut demander du temps, d'étude et de débat. La proposition de loi a le grand mérite de pouvoir être votée et appliquée rapidement, quitte à être ensuite complétée et améliorée. À court terme, veillons à ce que les objectifs, les seuils, les dérogations proposées ne conduisent pas à légitimer un phénomène sociétaire que nous tentons de réguler.
Si la saisine du Conseil d'État a permis d'éclairer et de faire progresser le texte, il manque toujours une simulation pour comprendre quels pourraient être les effets du dispositif. Elle permettrait aussi d'apprécier l'effet potentiel des différents seuils, comme cette fourchette d'une à trois fois la SAURM déclenchant l'action de la SAFER, ou l'impact pratique des exceptions. Je vous avais fait part de ce besoin, monsieur le rapporteur, et constate avec enthousiasme qu'une simulation est en cours. Il est dommage que nous ne disposions pas de ses résultats pour le débat en commission ; mais, au moins, nous aurons davantage d'éléments pour le débat dans l'hémicycle.
Avec d'autres collègues, m ; Jean-Pierre Vigier a soulevé beaucoup de questions sur le rôle des préfets. Je souhaite revenir sur les iniquités qui pourraient se développer dans les régions frontalières. Si votre texte vise à limiter la concentration et les grosses exploitations, il ne prend en compte que les terres possédées en France. Pourtant, dans mon territoire, de très gros propriétaires allemands investissent – le foncier est encore plus cher en Allemagne –, sans subir les mêmes entraves que les jeunes agriculteurs français. Ne risque-t-on pas de mettre en place des dispositifs au détriment de l'agriculture française ? Dans certains territoires, c'est particulièrement problématique !
Je remercie le rapporteur pour avis, M. Patrice Perrot, pour ses propos, mais aussi son investissement. Avec quelques collègues de la majorité, nous travaillons ensemble depuis quelques semaines. Je remercie Mme Anne‑Laurence Petel, qui connaît bien le dossier puisqu'elle a été corapporteure de la mission d'information commune sur le foncier agricole, et M. Jérôme Nury, qui a accepté de cosigner le texte et tenté de rassembler nos collègues autour de la proposition de loi. Il est vrai que des questions restent en débat, mais c'est l'intérêt du travail en commission ; nous aurons le temps de trouver des réponses d'ici le 25 mai.
Le Conseil d'État a répondu à certains des points que vous avez soulevés. Lors de l'examen des articles, j'aurai à cœur de répondre à vos remarques et de satisfaire, je l'espère, vos demandes.
Monsieur Turquois, vous connaissez bien la problématique foncière et agricole, vous êtes très impliqué et avez à cœur d'avancer. Vous avez raison, il faut hiérarchiser les enjeux. S'agissant de l'agriculture déléguée et du travail à façon, les organisations professionnelles se sont montrées prudentes et ont préféré attendre. S'agissant des SAFER et de leur gouvernance, nous nous sommes interrogés, comme vous. Mon texte se veut équilibré et répondra, je l'espère à vos questions.
Monsieur Potier, je suis d'accord, le sujet est capital, et je salue le travail que vous avez effectué dans ce domaine. La grande loi foncière n'a pas abouti, j'en suis conscient. Nous en avons pris notre parti et tenté de répondre, avec ce texte, à certaines problématiques. Vous avez expliqué que des « expertises » montraient que ces dispositions ne permettraient pas d'atteindre leur objet. De quelles études s'agit-il ? J'ai moi-même travaillé sur ce texte avec les représentants des organisations professionnelles, des experts dans ce domaine.
Monsieur Villiers, vous plaidez pour le renforcement du rôle des SAFER. La Cour des comptes doit bientôt publier un rapport, qui s'annonce très positif sur l'action de ces sociétés, contrairement au précédent. J'espère que nous disposerons bientôt de ces éléments.
Monsieur Huppé, je vous remercie pour ce petit cours d'histoire ! Vous avez raison, la proposition de loi ne sera pas l'alpha et l'oméga d'une grande loi agricole. Nous cherchons simplement à viser correctement la cible, c'est vrai, et donc à encadrer le développement des structures sociétaires.
Madame Pinel, je vous remercie pour vos propos. Effectivement, nous sommes sensibles à ces sujets en Occitanie, où le phénomène de concentration excessive et d'accaparement est important – sans doute plus chez vous que chez moi, d'ailleurs. Vous avez évoqué le fermage et le travail délégué, sujets sur lesquels nous devrons revenir dans les prochains mois. L'urgence, pour le moment, c'est de contrôler le marché sociétaire. C'est ce à quoi nous nous sommes attelés avec ce texte.
Madame Taurine, je connais votre investissement sur un territoire voisin du mien ; nous affrontons les mêmes problématiques et je comprends vos interrogations. Parmi les dispositions, la compensation est primordiale. Ainsi, nous pourrions parler durant des heures du seuil, ce qui est plus important encore, c'est de rendre le mécanisme de compensation le plus transparent possible.
Monsieur Dufrègne, votre métaphore sur la montagne accouchant d'une souris m'a rappelé mes origines montagnardes. Je vous en remercie car je suis très fier de venir des Hautes‑Pyrénées ! Pourquoi dites-vous que la proposition de loi supprime le contrôle des structures ? Ce n'est pas le cas pour les exploitants agricoles.
Monsieur Daniel, merci pour vos propos, votre soutien et votre travail. Merci également pour votre rappel concernant la constitutionnalité du texte, c'est important. Bien sûr, il y aura toujours des angles morts – c'est un travail sans fin – et j'espère que nous continuerons à travailler ensemble.
Monsieur Vigier, vous évoquez la proportionnalité des dispositions. Nous avons discuté du rôle du préfet avec les autorités administratives et le ministère. Le dispositif me semble juste, mais nous pourrons en débattre.
Monsieur Villani, je vous remercie pour vos propos. Nous avons souvent échangé et je n'ai peut-être pas pu répondre à toutes vos interrogations – le sujet est très complexe, vous l'avez constaté, mais nous pourrons en discuter d'ici l'examen en séance. Avec l'accord du ministre, j'ai souhaité que l'application du dispositif soit simulée en conditions réelles. Une simulation est donc en cours en Bourgogne-Franche-Comté mais elle s'avère complexe, je l'avoue. Le déplacement que j'effectuerai le 20 mai à Dijon me permettra de vous en rendre compte.
Monsieur Di Filippo, je ne connais pas votre région, mais l'Oise, par exemple, subit la même situation avec l'achat de terres par de grands propriétaires belges. La proposition de loi ne vise en effet que les superficies situées sur le territoire et la situation des sociétés ne pourra s'apprécier que sur la base des immeubles à usage ou à vocation agricole qu'elles possèdent en France. Je crois savoir qu'un amendement propose un rapport sur ce sujet.
Article 1er : (Articles L. 333-1, L. 333-2, L. 333-3, L. 333-4 et L. 333-5 [nouveaux] du code rural et de la pêche maritime) : Contrôle de la concentration excessive et de l'accaparement des terres agricoles
Amendements identiques CE10 de M. Dominique Potier et CE85 de M. Jean-Paul Dufrègne, amendement CE89 du rapporteur (discussion commune).
Ce serait une illusion de penser que nous n'avons le choix qu'entre la situation actuelle, non régulée, et le dispositif proposé par ce texte : en vérité, il existe d'autres solutions.
J'essaierai de le démontrer en exposant, point par point, le contenu d'une proposition de loi que j'avais patiemment élaborée avec des experts universitaires du droit foncier, indépendants de tout intérêt. Plusieurs groupes en partageaient la philosophie et les objectifs. Nous devions en discuter avec le ministre. J'avoue qu'après avoir couru tout un marathon, il est fort désagréable de subir un croche-pied dans les cent derniers mètres…
Je crains, comme beaucoup de connaisseurs du domaine, que le remède proposé à l'article 1er ne soit pire que le mal. Vous risquez, Monsieur le rapporteur, de goudronner ce qui était jusque-là un chemin de traverse, emprunté pour contourner la loi.
Nous proposons pour notre part d'établir un contrôle du phénomène sociétaire sous l'autorité de l'État, avec possibilité de délégation au préfet. Le contrôle serait fondé sur les principes de partage énoncés à l'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime et qui avaient été établis dans le cadre de la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt de 2014. Les seuils retenus seraient ceux du contrôle des structures, qui ont été concertés avec la profession. Cela permettrait, plutôt que d'offrir un passe-droit, de traiter équitablement tous les requérants et de garantir une liberté d'entreprendre authentique.
Le seuil d'agrandissement « excessif » ne peut être la référence pour le traitement des demandes d'autorisation de ventes des actions. Il faut un même seuil de contrôle pour tous et des arbitrages qui reposent sur une législation commune. Un droit commun permettrait d'éviter les règles dérogatoires subjectives, inévitables lorsque l'on fixe les choses par décret et que l'on renvoie à l'autorité administrative. Les valeurs d'égalité et d'universalité, que nous chérissons et qui sont notre boussole, nous conduisent à rejeter ces mesures réglementaires qui pourraient aboutir à un traitement à plusieurs vitesses.
Contrairement à ce que vous avez affirmé, Monsieur le rapporteur, je n'ai en aucune façon remis en cause le contrôle des structures, mais souligné que votre proposition de loi pouvait offrir la possibilité de le contourner.
L'amendement CE89 clarifie la rédaction de l'article 1er et précise les conditions de déclenchement du contrôle. Le seuil d'agrandissement « significatif » au-delà duquel l'opération envisagée sera soumise à contrôle de l'autorité administrative ne préjuge pas du caractère « excessif » de l'opération.
Le franchissement de ce seuil, fixé par le représentant de l'État dans la région, ne constitue que le déclenchement de la procédure de contrôle. L'autorisation administrative pourra être accordée, même en cas de dépassement de ce seuil. Le dispositif proposé clarifie également l'ordonnancement des alinéas et leur rédaction. La rédaction tient compte du point 20 de l'avis du Conseil d'État.
Permettez-moi de revenir sur la genèse du texte. Le dispositif a été travaillé en concertation avec la profession agricole et bâti pour répondre à ses attentes, avec un objectif : cibler la concentration excessive et l'accaparement pour favoriser l'installation. La profession a validé ce seuil, considérant qu'il respectait cet objectif.
Le dispositif est lourd, système et fonctionnement sociétaires obligent. Il ne doit pas peser sur les opérations portant sur de faibles surfaces – c'est un gage de proportionnalité qu'a souligné le Conseil d'État – et respecter les principes constitutionnels du droit de propriété, de la liberté d'entreprendre et de la libre circulation des capitaux.
Un nouvel outil doit avoir son champ d'application propre. Le mécanisme que nous proposons vise à contrôler le cumul des surfaces autant en exploitation qu'en propriété, même si les terres n'ont, eu égard au zonage d'urbanisme, qu'une vocation agricole. Nous avons dû nous affranchir du contrôle des structures, qui ne concerne que l'exploitation et comporte des faiblesses. Il aurait été dénué de sens de s'aligner sur le seuil du contrôle des structures, puisqu'il ne s'applique qu'aux terres mises en valeur à des fins agricoles, pas aux terres détenues en propriété et non exploitées, qu'il faut pourtant comptabiliser.
Notre dispositif contrôle l'excès. Celui-ci est caractérisé par trois critères cumulatifs : le dépassement du seuil n'est soumis à autorisation que si la prise de participation aboutit à conférer à l'acquéreur le contrôle d'une société qui détient ou exploite des terres.
Pour la définition du contrôle d'une société, nous avons initialement tenté une approche basse – à 25 % – mais le statut de bénéficiaire effectif n'étant réservé qu'aux personnes physiques, nous avons dû chercher dans le code de commerce un dispositif adapté aux personnes morales. Ce dernier ne caractérise la prise de contrôle qu'au-delà de 40 % de prise de participation.
Le Conseil d'État a balayé cette différence de traitement, le principe d'égalité exigeant un seuil unique. Seul le seuil de 40 % peut être retenu puisqu'il s'applique autant aux personnes physiques qu'aux personnes morales. En outre, le seuil de 25 % a été créé aux fins de lutte contre le blanchiment d'argent et le terrorisme ; une telle rigueur ne se justifie pas en l'espèce. Cet amendement tire les conséquences de l'avis du Conseil d'État.
Il est plus adéquat de renommer le seuil d'agrandissement en le qualifiant de « significatif ». Mais pourquoi charger le préfet de région de le fixer ? Pourquoi ne pas attribuer cette compétence au préfet de département, autorité administrative de proximité, plus au fait de la diversité des territoires agricoles ? Par ailleurs, le seuil d'agrandissement, qui serait compris entre une fois et trois fois la SAURM, ne semble pas adapté aux régions très agricoles. Ainsi, en Basse-Normandie – puisque ce sont les moyennes des ex-régions qui sont prises en compte –, la SAURM est de 70 hectares : cela place le seuil de déclenchement à 210 hectares, ce qui est très bas. Ne risque-t-on pas de technocratiser une grande partie des demandes ?
Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué plusieurs fois le soutien de la profession. J'ai travaillé pendant des années avec l'ensemble des syndicats, l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) ou les SAFER, j'ai été un compagnon de route de leurs combats et j'avoue ne pas comprendre comment ce renversement a pu s'opérer. Quel jeu d'acteurs a permis de faire émerger cette proposition susceptible de légitimer les logiques sociétaires d'agrandissement ? Comment les jeunes agriculteurs et tous ceux qui se battent pour l'installation des agriculteurs ont-ils été amenés à soutenir cette initiative, de toute évidence contraire à l'objectif affiché ?
Il ne faut pas confondre la définition de la prise de contrôle d'une société – point sur lequel le Conseil d'État s'est exprimé, proposant de retenir les 40 % du code de commerce plutôt que les 25 % du code monétaire et financier – et le seuil de déclenchement du contrôle. Je rappelle à l'attention des non-initiés que, dans le cadre de la politique des structures, le contrôle s'exerce en deçà d'un seuil – minimal – de dimension économique viable et au-delà d'un seuil – excessif – de superficie. Or vous proposez de fixer un seuil quantitatif supérieur, assorti de coefficients d'augmentation.
Je rappelle qu'il y a deux mois, nous avons écrit avec MM. Julien Dive, Jean-Paul Dufrègne et Jean-Michel Clément au ministre de l'agriculture, lui demandant de saisir le Conseil d'État pour vérifier si le seuil sur lequel est fondé le contrôle des structures est un seuil admissible au regard de notre objectif. De fait, le Conseil d'État n'a pas été sollicité sur ce point, mais je ne doute pas qu'il aurait répondu par l'affirmative !
Si je suis agriculteur, propriétaire d'une centaine d'hectares. Si M. Nicolas Turquois transforme son exploitation en société dont je rachète 99 % des parts, je deviens exploitant en doublant ma surface. Celle-ci, inférieure au seuil de déclenchement, est hors radar. Aucun contrôle ne s'exercera sur cette opération qui pourrait compromettre une installation. D'un point de vue républicain, il est inadmissible de favoriser ainsi la voie sociétaire et de discriminer les requérants individuels. Vous instituez l'agrandissement par la voie sociétaire !
Quelque chose me gêne dans ce débat car j'ai l'impression que nous n'avons pas tous les éléments. La question n'est pas de savoir si le seuil est trop bas ou trop élevé, mais si ce dispositif favorise la mise en place d'exploitations de forme sociétaire au détriment d'exploitations de forme familiale. Vous proposez un seuil compris entre une fois et trois fois la SAURM. Or je lis, à la page 10 du rapport, que les exploitations sociétaires utilisent en moyenne trois fois plus de surface que les exploitations individuelles : doit-on y voir une coïncidence ? Ou doit-on comprendre qu'avec ce seuil, vous entendez donner plus de facilités et de surfaces aux exploitations de forme sociétaire ?
Monsieur Nury, il est préférable, pour jouir d'une vision globale, de retenir l'échelon régional, étant entendu que les seuils pourront être différents en fonction des zones géographiques. En Aquitaine, le SDREA, document très fourni, publié le 1er avril, détermine les seuils presque vallée par vallée. En revanche, l'avis du préfet de région s'appuiera sur l'expertise des services départementaux.
Monsieur Potier, je ne comprends pas ce que vous entendez par « jeu d'acteurs », car j'ai travaillé à l'élaboration de ce texte avec le concours de l'ensemble des organisations professionnelles agricoles (OPA).
J'ai expliqué à plusieurs reprises qu'il ne fallait pas confondre le seuil d'agrandissement avec le seuil retenu pour le contrôle des structures car ce ne sont pas les mêmes choses que l'on comptabilise – je peux recommencer mais nous devrons alors poursuivre nos débats cet après-midi.
J'ai souhaité que le Conseil d'État soit consulté. Je vous invite à lire l'avis du Conseil d'État : il y est expliqué que la fourchette, entre une et trois fois la SAURM, est constitutionnelle. J'ai travaillé avec les OPA, les SAFER et la Fédération nationale des SAFER (FNSAFER) et nous avons effectué des simulations sur cette base. Certaines chambres d'agriculture souhaiteraient que l'on porte le seuil à quatre fois la SAURM, mais j'estime que cela pourrait comporter des dangers dans certains endroits.
Les propos de M. Potier m'ont perturbé car je ne pense pas que le rapporteur ait eu une quelconque intention de se livrer à un jeu d'acteurs. Il y a urgence, la concentration s'accélère. Dans mon département, la Vienne, on est passé en quelques années au Far-West : certaines fermes s'étendent sur plus de 2 000 hectares ! On peut toujours considérer que les seuils ne sont pas à la hauteur, les dispositions insuffisamment restrictives, il n'en reste pas moins que le droit des sociétés continue d'échapper à tout contrôle et que les OPA s'accordent à dire qu'il faut agir, et vite.
L'échelon régional permet de prendre des décisions cohérentes. Ce choix me semble pertinent car certains ont pu jouer jusqu'ici sur les critères différents retenus pour le contrôle des structures d'un département à l'autre. Ce sont des effets de bord similaires à ceux qui pourraient se produire, comme l'a expliqué M. Fabien Di Filippo, dans les départements frontaliers.
Je comprends les propos de M. Potier car cette proposition de loi a été accueillie par les acteurs du monde agricole avec un certain scepticisme. Je ne l'ai pas cosignée car je continue moi-même de m'interroger sur les effets que pourront avoir ces dispositions.
Avec la non-régulation des acquisitions, l'introduction des parts sociales, la financiarisation du foncier, nous sommes en train de consacrer une forme sociétaire de l'agriculture. Les agriculteurs ne sont plus souverains : non seulement ils ne tirent plus les fruits de leur travail – certaines filières doivent leur survie aux primes de la politique agricole commune (PAC) –, mais le lien direct avec le sol est en train de se distendre.
Cette proposition de loi empêchera-t-elle la grande distribution, les banques, les coopératives, les grands financiers tels M. Xavier Niel, les investisseurs étrangers comme les Chinois dans l'Indre, de se porter acquéreurs ? J'espère me tromper, mais je crains que non.
Comme vient de le dire M. Benoit, par manque de vigilance, et aussi une certaine complaisance, des pratiques qui sont aujourd'hui dans un angle mort pourraient bien être légitimées et institutionnalisées. Les effets de cette proposition de loi seraient alors pires que le mal auquel on entend remédier.
Permettez-moi d'expliquer, en homme libre, ce que j'entends par « jeu d'acteurs ». Le général De Gaulle avait dit à Edgar Pisani qu'il ne serait pas le ministre des agriculteurs, mais le ministre de l'agriculture ; je crois que le travail parlementaire exige qu'on parle à la Nation, à l'intérêt général et pas aux clientèles. Or le revirement de certaines positions m'a surpris.
Je me bats pour la politique de l'installation depuis des années. J'ai commencé à militer à l'âge de 17 ans pour l'installation des jeunes hors cadre familial et pendant le quart de siècle où j'ai été paysan, j'ai eu le bonheur de travailler en coopérative avec quatre associés dont aucun n'aurait pu s'installer sans cette politique. C'est l'un des combats de ma vie, que j'ai mené comme élu et que je poursuis aujourd'hui à l'Assemblée nationale.
Je suis donc en mesure de dire que certains n'avaient pas du tout intérêt à ce que les choses changent. Si j'ai parlé de jeu d'acteurs c'est que, tenant compte d'une limite que le ministre de l'agriculture – soucieux de faire semblant plutôt que de faire vraiment – aurait fixée, la profession – y compris ses composantes les plus progressistes et les plus solidaires – a fini par se ranger à l'idée d'une voie minimale. Celle-ci pourrait pourtant se révéler la pire de toutes.
Nous proposions pour notre part une discussion avec le ministre et la profession. Cette triangulation aurait évité la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui.
Thierry Benoit est le premier, dans ce débat, à évoquer la PAC. Or la politique agricole commune est au cœur du problème ; tant que l'hectare servira de coefficient multiplicateur aux aides apportées par l'Union européenne, les grandes exploitations seront des machines à cash. Pour lutter contre l'accaparement, il faudrait plafonner les droits à paiement, que l'exploitation soit individuelle ou sociétaire. C'est à mon sens la seule façon de s'attaquer à ce problème !
Nous organisons la semaine prochaine un séminaire sur la PAC, qui réunira des invités exceptionnels. Je vous engage à y participer.
J'ai eu un instant l'impression de me retrouver au XIXe siècle en écoutant M. Benoit opposer les exploitations individuelles et les exploitations sociétaires.
Lorsqu'un père et son fils, des conjoints, des voisins ne peuvent plus exploiter sous forme individuelle, ils créent une structure commune – groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC), exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) ou société civile d'exploitation agricole (SCEA). Vous le savez tous pertinemment. Il est quelque peu compliqué d'expliquer que ces exploitations sociétaires sont le diable et qu'il convient de privilégier l'exploitation individuelle. Vous rencontrez vous aussi dans votre circonscription des agriculteurs qui exploitent des petites structures de 100 hectares, des laitiers par exemple, qui décident de se regrouper pour mettre en commun le matériel et faciliter le travail. Pourquoi les montrer du doigt ? Cela ne fait pas avancer le débat.
On pourrait passer la journée à chercher des réponses à des questions qui ne sont pas abordées par cette proposition de loi. Soyons concrets, tenons-nous en aux objectifs énoncés !
Certes, c'est le préfet qui fixera le seuil de déclenchement, mais il n'en décidera pas tout seul puisqu'il s'appuiera sur la commission structures, le comité technique de la SAFER et l'ensemble des acteurs de l'agriculture. En outre, ce seuil devra tenir compte de différents critères liés à l'activité, des coefficients d'équivalence. C'est en tout cas ce que j'ai retenu des discussions que nous avons eues en amont. Je regrette que nous ne puissions pas disposer des simulations, qui auraient éclairé nos débats.
À aucun moment je n'ai entendu remettre en cause les GAEC, les SCEA ou toute autre forme sociétaire, des outils essentiels pour partager les charges et transmettre le patrimoine. Ce qui est critiqué ici, c'est le mode sociétaire d'opportunité.
M ; Nicolas Turquois a parlé de cohérence territoriale pour justifier l'échelon régional, mais encore faut-il qu'il y ait cohérence au sein même de la région. J'habite la région Auvergne-Rhône-Alpes et je n'en vois pas entre les éleveurs de bovins allaitants des plaines, les laitiers de montagne, les maraîchers ou arboriculteurs de la Drôme ou de l'Ardèche et les viticulteurs du Beaujolais ou des Côtes-du-Rhône !
Encore une fois, on cherche la complexité : tout irait beaucoup mieux en France si on commençait par appliquer les lois existantes. Permettez-moi d'expliquer les choses, puisque je suis viticulteur et que je maîtrise bien le sujet. Il convient de distinguer la propriété de l'exploitation. Si vous détenez la propriété à titre privé, au-delà d'un certain seuil, la transaction passe par la SAFER. Si vous êtes titulaire d'un bail, vous pouvez bénéficier d'une dérogation ou vous retrouver en compétition avec d'autres. Le problème porte sur la cession des parts de société : si vous possédez 100 % des parts, la SAFER peut préempter ; ce n'est pas le cas si l'opération ne concerne que 80 % des parts. Ensuite, il faut pouvoir s'aligner : on ne peut rien faire contre des Chinois qui se portent acquéreurs de grands domaines ! Rappelons aussi que s'il existe des tensions sur le foncier, dans certaines régions, la SAFER cherche des exploitants et des propriétaires !
Je voudrais ajouter que le fait que vous soyez propriétaire d'un terrain ou d'une vigne ne vous garantit pas que vous puissiez l'exploiter. Au-delà d'un certain seuil – 14 hectares en Alsace –, il vous faut une autorisation administrative d'exploitation, instruite par la CDOA. Un bail rural qui n'a pas été examiné en CDOA peut être attaqué, sans délai de prescription.
Je l'ai dit, si on appliquait les textes, cela irait beaucoup mieux. Mais je suis comme vous, je trouve ces pratiques anormales et ce que font les Chinois chez nous, des Français le font ailleurs, en Ukraine par exemple. Il faut qu'elles soient encadrées.
Je l'ai dit en discussion générale, cette proposition de loi crée des divergences, mais ces débats sont souhaitables. Nous savons bien qu'elle n'apporte pas à elle seule la solution aux problèmes de transmission et d'installation, mais elle fournit une part de la solution. Elle agit aussi comme un signal en direction de ceux qui jouent au Monopoly avec le foncier agricole. Nous sifflons la fin de la partie, avec la ferme intention de nous attaquer à ce problème et de faire cesser l'hémorragie. N'oublions pas non plus qu'un texte ne sert à rien s'il ne passe pas le filtre du Conseil constitutionnel. Le rapporteur s'attache à nous présenter des dispositions opérationnelles, en conformité avec la norme supérieure.
Monsieur Benoit, je sais que vous êtes un spécialiste de ces questions et j'espère vous convaincre au cours de la discussion. Monsieur Terlier, je vous remercie pour vos propos, que je partage. Monsieur Potier, vous avez prononcé le mot de « complaisance » et parlé à nouveau de jeu d'acteurs. Cela m'attriste pour les OPA, avec qui j'ai travaillé et qui se voient ainsi accusées de complaisance envers le petit député des Hautes-Pyrénées que je suis.
La commission rejette les amendements CE10 et CE85 puis adopte l'amendement CE89 du rapporteur.
En conséquence, les amendements se rapportant aux alinéas 4 à 6 tombent.
Amendement CE126 de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Il convient de conserver dans le futur calcul la spécificité des superficies des surfaces agricoles prise en compte dans le SDREA. Les parcelles de vignes et les parcelles céréalières bénéficient de coefficients d'équivalence distincts, compte tenu de leur valeur et de la taille moyenne des exploitations.
Cela permettra de rassurer ceux qui craignent un seuil unique, qui ne prendrait pas en compte la diversité des territoires, des cultures et des élevages. Avis favorable.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement de conséquence CE91 du rapporteur.
L'amendement CE45 de M. Terlier est retiré.
La commission adopte les amendements rédactionnels identiques CE96 du rapporteur et CE2 de Mme Anne-Laurence Petel.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CE114 du rapporteur.
Amendement CE50 du rapporteur.
La question du seuil au-delà duquel l'acquisition de titres est considérée comme une prise de contrôle est déterminante pour établir la proportionnalité et l'efficacité du dispositif par rapport à ses objectifs de contrôle des mouvements sociétaires.
Tirant les conséquences de l'avis du Conseil d'État, je propose de ne retenir qu'une seule définition de la prise de contrôle, qui est celle du seuil de majorité. En complément, il convient de prévoir un contrôle des holdings des sociétés, contrôle défini à l'article L. 233-4 du code de commerce – « Toute participation au capital même inférieure à 10 % détenue par une société contrôlée est considérée comme détenue indirectement par la société qui contrôle cette société ». En conséquence, il conviendra de supprimer l'article 4, relatif à l'accès au registre des bénéficiaires effectifs.
J'aurais pu défendre des amendements sur cette question, mais ils sont tombés du fait de l'adoption de l'amendement CE89 – on peut le regretter, mais c'est la règle.
Il peut être utile de rappeler qu'il existe deux formes de contrôle, le contrôle politique via le conseil d'administration – cela suppose un examen précis des statuts pour chaque société – et le contrôle capitalistique. La proposition de loi du groupe Socialistes et apparentés visait à additionner, à croiser les deux modes de contrôle.
Le Conseil d'État a considéré que le seuil de 25 % n'était pas pertinent car il faisait référence à des affaires plus graves que celles dont nous discutons aujourd'hui. Sur le fond, cela peut se discuter : au regard de la sécurité alimentaire et de la sauvegarde de la biodiversité, on peut prendre au nom de l'intérêt général des mesures puissantes à l'encontre des prises de contrôle des sociétés par la voie capitalistique.
Une rédaction plus performante permettrait au texte de passer le filtre constitutionnel. Ma première question sera donc technique : l'avis du Conseil d'État est-il ou non rédhibitoire ?
Si l'avis du Conseil d'État devait s'imposer à nous, la mise en œuvre de la loi poserait problème car le contrôle des statuts des sociétés est un travail de fourmi, très complexe à mener. Que proposez-vous pour rendre cette disposition opérationnelle ? Je crains que, devant de tels obstacles, la situation actuelle ne se perpétue.
Sur la forme, monsieur Potier, vous savez bien que les amendements se rapportant aux alinéas réécrits tombent ; vous pourrez les déposer à nouveau afin qu'ils soient examinés séance. Ne passons pas la matinée à discuter du Règlement !
Par ailleurs, vous n'ignorez pas que l'avis du Conseil d'État est consultatif. Cependant, il a été formulé par des personnes qui connaissent un peu leur métier et constitue, de fait, un avertissement important. Il convient d'en tenir compte ; c'est ce qui a justifié des réunions d'une durée totale de plus de sept heures avec le rapporteur.
Je n'ai pas compris votre question, Monsieur Potier. Les changements de parts de société sont déclarés dans le cadre de la déclaration d'intention d'aliéner (DIA). C'est bien du déclaratif.
Le transfert des parts sociales est automatiquement renseigné et le contrôle peut s'exercer. Même si le seuil de 25 % était insatisfaisant, ces modalités permettaient de capter des procédures d'agrandissement. Il n'existe pas d'équivalent pour les prises de contrôle politique au sein des conseils d'administration, qui échappent ainsi au radar de l'administration. Comment obliger les sociétés à déclarer leur agrandissement ? Comment les SAFER pourront-elles exercer leur contrôle ? S'agissant du coût de ce contrôle, je vous invite à amender ce texte afin qu'il prévoie que les sociétés en assurent elles-mêmes le financement – c'est pour moi une évidence.
Le dispositif prévoit bien un contrôle a posteriori, en cas de doute sur un dossier. Les changements de vote sont enregistrés au greffe du tribunal de commerce, ce qui fournit déjà des informations. Je comprends que des questions puissent se poser mais le dispositif me semble assez clair.
La commission adopte l'amendement.
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels identiques CE94 du rapporteur et CE8 de Mme Anne-Laurence Petel, l'amendement de coordination CE117 du rapporteur, les amendements rédactionnels identiques CE97 du rapporteur et CE3 de Mme Anne-Laurence Petel, les amendements rédactionnels identiques CE98 du rapporteur et CE4 de Mme Anne-Laurence Petel, les amendements rédactionnels identiques CE99 du rapporteur et CE5 de Mme Anne-Laurence Petel, les amendements de clarification identiques CE92 du rapporteur et CE6 de Mme Anne-Laurence Petel, l'amendement rédactionnel CE118 du rapporteur et les amendements rédactionnels identiques CE93 du rapporteur et CE7 de Mme Anne-Laurence Petel.
Amendement CE34 de M. Yves Daniel.
Les opérations d'acquisition et de rétrocession, par cession ou substitution, réalisées à l'amiable par les SAFER dans le cadre de leur mission légale ou par l'exercice de leur droit de préemption sont exemptées de contrôle. Nous proposons de les soumettre à un accord préalable exprès des commissaires du Gouvernement rattachés aux SAFER.
Ce serait de nature à sécuriser le dispositif et à rassurer ceux qui ont encore des doutes sur les SAFER. Avis favorable.
La commission adopte l'amendement.
Amendements CE54 de M. Loïc Prud'homme et CE27 de M. Dominique Potier (discussion commune).
Les SAFER détiennent le droit de préemption sur les donations au-delà du sixième degré. Afin d'éviter le contournement du droit de préemption sur les ventes de biens agricoles, nous proposons de prévoir un contrôle sur les donations de parts sociales au-delà du troisième degré. Si les contraintes légistiques nous empêchent de restreindre le degré de parenté pour les autres types d'opération, nous estimons que le contrôle au-delà du troisième degré, qui permet de limiter les montages frauduleux, devrait devenir la norme.
Les politiques de structures, notamment les politiques d'installation hors cadre familial, ont pour règle de ne privilégier les relations familiales que jusqu'à un certain degré de parenté. On peut discuter ici du degré de parenté au-delà duquel le contrôle doit s'exercer – certaines organisations syndicales souhaitent que les opérations jusqu'au sixième degré soient exemptées, d'autres jusqu'au troisième – ; le principe est de limiter les possibilités de manipulation des tiers par leur lien familial – nous évoquions hier, en commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, les cousins à la mode bretonne. Dans tous les cas, Monsieur le rapporteur, on ne peut prévoir d'exempter l'ensemble de ces opérations, au motif qu'elles sont familiales.
Une difficulté juridique se niche dans ces amendements : quel que soit le degré de parenté, les mutations que vous visez sont par essence gratuites, motivées par l'intention libérale – l' animus donandi. Les faire entrer dans le champ d'application du texte générerait les compensations – vente ou dation à bail – prévues par le dispositif ; ces charges feraient alors tomber la gratuité, ce qui changerait la nature du contrat. Vos demandes ne sont donc pas recevables juridiquement.
Admettez qu'exonérer de contrôle toutes les sociétés familiales, quel que soit le degré, serait une nouvelle porte ouverte à l'agrandissement. ! Notre ligne est la même depuis le début : le phénomène sociétaire doit être un objet juridique contrôlé, comme l'ensemble des marchés fonciers, sinon il deviendra la voie privilégiée de l'agrandissement.
S'il existe un problème juridique, nous sommes là pour le surmonter. Avez-vous l'intention de pousser vos travaux pour aboutir à une solution adaptée, correcte d'un point de vue juridique ? Si vous y renoncez, cela constituera un point de rupture important, dont nous reparlerons dans l'hémicycle.
Il y a une confusion. Votre amendement porte sur l'alinéa 19, qui vise à exempter du dispositif de contrôle les opérations à titre gratuit, pas les opérations intrafamiliales – celles-ci feront l'objet des amendements suivants.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements CE24 de M. Christophe Naegelen, CE46 de M. Jean Terlier, CE25 de M. Christophe Naegelen et CE30 de Mme Lise Magnier (discussion commune).
Plus que d'une réflexion, l'amendement CE46 est le fruit d'une expérience de terrain. Dans mon cabinet d'avocat en droit rural, j'ai souvent fait face à l'incompréhension de propriétaires exploitants, qui, lorsqu'ils voulaient transmettre, à la retraite, une petite surface à leur fils agriculteur, se retrouvaient soumis au contrôle des structures car ils dépassaient le seuil. Dans le cas de terres familiales, cela peut être vécu comme une atteinte forte au droit de propriété et à la transmission entre parents et enfants.
Cet amendement vise à privilégier l'une des formes de l'agriculture, la forme familiale, mais loin de moi l'idée d'opposer ce modèle aux formes associatives – groupements agricoles et d'exploitation en commun (GAEC), groupements fonciers agricoles (GFA) et autres. Je précise ma pensée, parce que M. Terlier a tenté tout à l'heure de tourner en dérision ma vision de l'agriculture, prétendument du XIXe siècle.
J'espère que l'objet de la proposition de loi de M. Sempastous est bien de réguler le gigantisme financier en matière de foncier agricole – un coup ce sont les Chinois, un coup la grande distribution, un coup une banque. Sans cela, les professionnels ne pourront bientôt plus, que ce soit sous forme individuelle ou sociétaire, préserver cette souveraineté agricole que j'appelle de mes vœux.
L'exemption des transmissions familiales a fait l'objet de nombreuses discussions. Je me suis appuyé sur les avis du ministère, mais aussi sur ceux des personnes que j'ai rencontrées. Rien n'était tranché, les positions variaient selon les organisations professionnelles. Alors que je l'avais d'abord inscrite dans le texte, j'ai fini par la supprimer définitivement. En effet, la nouvelle définition de la prise de contrôle d'une société à partir de 40 % de détention du capital – et non plus 25 % comme prévu initialement – va diminuer le nombre de dossiers de contrôle. Si l'opération familiale est vertueuse, une autorisation lui sera accordée, comme pour toute opération positive au titre de ce chapitre.
Mine de rien, et en prenant appui sur des histoires familiales très sympathiques – le père, le fils, la tradition… –, on est en train de dynamiter le troisième pilier de la régulation Pisani des années 1960, avec les SAFER et le contrôle des structures : le statut du fermage. Le fils reprendrait de fait les terres sans même bénéficier d'une autorisation d'exploitation, quand bien même un fermier serait en place ! Votre disposition, sous ses allures innocentes, dynamite le fermage ! Non seulement il faut la combattre, mais férocement encore. Elle est totalement contraire aux contrats qui régissent l'agriculture. Bien essayé, Monsieur Terlier ! Mais ce serait dramatique, dans la mesure où c'est une remise en cause fondamentale et une voie de fragilisation du statut du fermage. Nous le défendrons bec et ongles, avec une très grande majorité, je l'espère, de républicains et d'humanistes.
Le modèle agricole français est fondé sur une transmission familiale séculaire des exploitations. Il faut conserver ce maillon, tout en étant attentif aux cas où des propriétaires fonciers, qui n'étaient pas exploitants depuis plusieurs générations, ont envie, à un moment donné, de faire valoir leur bien. Je suis très attaché à ce modèle dont on a hérité et dont on a la charge. Il combine toutes les vertus de l'agriculture française.
Je suis un peu étonnée par tout ce que j'entends, même si je comprends bien votre envie de lutter contre les excès. S'agissant du seuil, qui sera compris entre une et trois fois la surface agricole utile, rappelons que le seuil minimal garantit la viabilité de l'exploitation.
Il faut préserver la possibilité pour la famille d'acquérir. On favorise le bail, mais il y a d'autres situations, notamment les licitations qui sont très fréquentes, dans lesquelles il faut préserver la famille. Vous oubliez tous ces détails, à force de penser que tout est malhonnête et que l'on va vers l'excès. Il faut que les agriculteurs puissent vivre ; si la famille peut continuer à exploiter, elle doit être privilégiée. Les situations que vous décrivez ne sont pas celles que nous vivons sur le terrain. Oui, il y a des excès. Oui, il faut les faire cesser. Mais il faut aussi que les agriculteurs puissent vivre et transmettre leur exploitation à leurs enfants !
Ma collègue a parfaitement décrit la situation. Il ne faut pas caricaturer, Monsieur Potier. On ne peut pas vouloir promouvoir une agriculture familiale et imposer des contraintes inacceptables pour les propriétaires partant à la retraite qui veulent transmettre leurs terres à leur fils. Sous prétexte que ce fils s'est installé quelques années auparavant, il devra demander une autorisation d'exploiter : il risquera de se la voir refuser et de se retrouver dans l'impossibilité d'exploiter les terres de ses parents. Ces situations sont malheureusement plus courantes que les phénomènes de concentration excessive que vous décrivez. Si l'on veut une agriculture familiale, il faut faire des choix et arrêter d'imposer des contraintes.
Notre agriculture est en effet souvent portée par plusieurs générations et, parce qu'il n'est pas rare que l'on transmette l'exploitation et les terres à ses enfants, nous avons intérêt à sanctuariser cet état de fait dans le texte. Je suis un peu plus réservé sur le niveau du degré de parenté. Le troisième degré ne fait remonter qu'aux oncles et tantes, aux neveux et nièces ou aux arrière‑grands‑parents. Or on se rend compte qu'un partage progressif se fait au fil des générations et qu'il n'est pas rare de voir des cousins germains exploiter des fermes ensemble. Ne faudrait-il pas en réalité remonter jusqu'au quatrième degré ? Cela permettrait de sécuriser encore un peu plus la ferme familiale à la française.
C'est l'agriculteur qui exploite des terres depuis la cinquième génération qui vous parle : je ne me sens en aucun cas mis en danger par le texte dans ma capacité de transmettre ma ferme à mes enfants. Dans certaines situations, la transmission d'un père à son fils se fait à l'excès – j'ai vu, par exemple, un père et son fils s'installer dans deux structures différentes pour récupérer de nouvelles terres, ce qu'ils n'auraient pas pu faire ensemble. Que de telles situations soient examinées de plus près ne me choque pas. Cela ne menace en rien ma propre situation, et pas davantage votre version de la ferme familiale idéalisée, qui est de moins en moins présente sur le terrain. Il me semble légitime de pouvoir jeter un œil sur certaines cessions intrafamiliales.
On se raconte des histoires ! Les enfants de paysans ont toujours pu s'installer sur la terre familiale. Nous disons simplement qu'un fermier doit pouvoir aller jusqu'au bout de son bail, sans se retrouver expulsé par le fils du propriétaire, avocat dans le VIIe arrondissement parisien, qui se déclare tout à coup paysan et souhaite reprendre les terres pour les confier à une entreprise de travaux agricoles. Le bail doit aller à son terme et si le fils veut vraiment devenir paysan, il sera évidemment prioritaire ! Il s'agit d'une atteinte au droit du travail, aux fondamentaux mêmes de la loi du fermage.
L'une des innovations de la loi de Stéphane Le Foll de 2014 était de prévoir que dans les cas de fusion de fermes entre un père et son fils, l'autorisation d'exploiter pouvait être subordonnée au fait que le fils rende une partie des terres qu'il avait utilisées dans sa phase d'installation. Sans quoi, c'était le fusil à deux coups : dans un premier temps, le fils s'installait en toute indépendance ; puis, il reprenait la ferme de mon père et doublait son exploitation sans que personne ne trouve à redire. Cette disposition avait été soutenue à l'époque par le syndicat Jeunes agriculteurs. Elle ne saurait être remise en cause aujourd'hui, sous peine de régresser.
Lors de notre déplacement la semaine dernière dans la Marne, nous avons pu voir des terres excessivement chères, dont les gens héritent sans même résider sur le territoire. Un maire nous a expliqué que sur les sept agriculteurs en exercice dans sa commune il y a vingt ans, il n'en reste plus qu'un aujourd'hui. La Champagne est certes un cas particulier, mais on peut extrapoler sa situation à d'autres territoires. Je rappelle également que, dès lors que vous êtes propriétaires de vos terrains et de vos fermes, vous pouvez effectuer des donations familiales. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CE64 de Mme Martine Leguille-Balloy.
Il peut y avoir des disputes au sein des familles. Aussi, pour que la transmission se fasse correctement, l'amendement vise à ce que les acquisitions effectuées par des cohéritiers sur licitation amiable ou judiciaire et les cessions consenties à des parents ou alliés jusqu'au quatrième degré inclus ou à des cohéritiers ou à leur conjoint survivant, ainsi que les actes conclus entre indivisaires en application des articles 815‑14, 815‑15 et 883 du code civil soient réalisés à titre gratuit, afin d'éviter la déstructuration d'entreprises familiales.
Je comprends votre préoccupation, mais si l'opération familiale est vertueuse, l'autorisation sera accordée sans problème. Avis défavorable.
Dans le cas d'une licitation, la famille n'est plus prioritaire. Cela change un peu la donne… Mais pas votre avis ?
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE65 de Mme Martine Leguille-Balloy.
Il vise à exempter les GAEC des dispositions de l'article 1er. Ce sont des sociétés transparentes soumises à une réglementation particulière. Leur objet est uniquement agricole. Leurs associés, qui ne sont pas plus de dix, doivent avoir le statut de chef d'exploitation et travailler en commun. Elles sont soumises à un agrément préfectoral.
Les GAEC sont en effet des sociétés agricoles transparentes, dont la forme est intéressante puisque chaque membre peut toucher les aides de la PAC. En contrepartie, la CDOA les contrôle régulièrement. Un associé ne peut exercer une activité professionnelle à l'extérieur, sauf dans des cas très particuliers. Mais un GAEC, ce peut aussi être 1 000 hectares, qui pourraient échapper au contrôle dans la mesure où les associés, avec 10 % des parts, se situent sous le seuil des 40 %. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE69 de Mme Martine Leguille-Balloy.
Il vise à exempter du dispositif les retraits d'associés. Ce départ peut prendre la forme d'une reprise partielle d'éléments d'actifs de la société en remboursement de la valeur des droits ou de la vente de parts sociales aux autres associés ou à la société. Le droit au retrait d'un associé est institué dans toutes les sociétés civiles par le code civil, notamment pour les sociétés civiles professionnelles. Quand des associés ne souhaitent plus travailler ensemble, il faut pouvoir trouver rapidement une solution et ne pas empêcher les associés de reprendre des parts. La Cour de cassation a d'ailleurs rappelé que le retrait pour justes motifs d'un associé autorisé par le tribunal constitue un droit fondamental. Si le régime empêche cette sortie ou le règlement d'un conflit, cela peut conduire à des situations humaines dangereuses.
Ce sujet nécessite la plus grande vigilance, parce que le retrait d'associés aboutit à augmenter le capital de ceux qui restent. Une telle exonération créerait un risque de détournement. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE75 de Mme Martine Leguille-Balloy.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
La commission adopte l'amendement de clarification CE104 du rapporteur.
Elle adopte les amendements rédactionnels identiques CE95 du rapporteur et CE1 de Mme Anne-Laurence Petel.
Amendement CE66 de Mme Martine Leguille-Balloy.
Il vise à faire passer à six mois au lieu de cinq ans le délai de prescription de l'action en nullité en cas de fraude.
Le délai de cinq ans est le délai de droit commun qu'il n'y a pas lieu d'abréger au profit d'un contrevenant qui s'affranchirait totalement du dispositif en ne déposant pas la demande obligatoire. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendements CE37 de M. Jean-Michel Clément et CE55 de Mme Bénédicte Taurine (discussion commune).
Nous proposons de considérer que le silence de l'État dans le délai imparti signifie le refus de l'opération.
L'amendement vise à simplifier le dispositif sous la responsabilité de l'État. Dans un délai de deux mois, avec le concours éventuel de la SAFER, le préfet prononce l'autorisation ou le refus de l'opération envisagée au regard des objectifs du SDREA. Le silence de l'État vaut refus. Dans ce cas, le cédant, avec ou sans l'appui de la SAFER, revoit son projet, qui est à nouveau examiné. Cet amendement est issu d'échanges avec le monde agricole, notamment la Confédération paysanne.
Avis défavorable. Votre rédaction est imprécise. Pourquoi remplacer tous les alinéas, alors que vous vous inspirez en grande partie de notre dispositif ? Les engagements compensatoires répondent au deuxième objectif de la proposition de loi : favoriser l'installation ou la consolidation d'exploitations. Cette disposition permet aussi une flexibilité indispensable pour se conformer aux principes constitutionnels et européens.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CE84 de M. Philippe Huppé.
Nous proposons que la demande d'autorisation transférée par la SAFER à l'autorité administrative soit communiquée et publiée, afin de favoriser une plus grande transparence et de permettre aux organismes ou aux personnes qui n'étaient pas dans les comités techniques de s'en saisir et d'émettre des avis. Si de jeunes agriculteurs veulent s'installer, cela leur permettra de se faire connaître.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte l'amendement.
Amendements CE127 de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.
L'amendement, proposé par Mme Véronique Riotton et adopté en commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, vise à renvoyer au décret en Conseil d'État prévu pour l'application de plusieurs dispositions de l'article 1er.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CE14 de M. Dominique Potier.
Le groupe Socialistes et apparentés avait déposé une proposition de loi beaucoup plus efficace et plus juste ; la vôtre prévoit un contrôle au-delà de tous les seuils admis par la profession en matière de contrôle des structures, et en deçà des règles fixées à l'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime.
Cet article, qui régit le partage des sols, dispose que la priorité va à l'agrandissement pour atteindre ou conserver la surface minimale viable, à l'installation et aux modèles vertueux. Un système de points permet à l'administration territoriale d'accorder en priorité les terres à ceux qui en ont besoin, plutôt qu'à ceux qui en ont les moyens.
Nous seulement vous faites exploser tous les seuils, mais vos critères de sélection font l'objet de dérogations sur des bases extrêmement floues. Je vous prédis que cela donnera, au minimum, un enfer de contentieux et une grande place à l'arbitraire. Pourriez-vous, Monsieur le rapporteur, me donner un seul exemple d'un système de prise de contrôle de société qui ne concourrait pas à l'un des objectifs énoncés dans votre proposition de loi ?
Plus les opérateurs seront puissants économiquement, plus ils seront en mesure de démontrer qu'ils font, socialement ou écologiquement, le bien de l'humanité. Je suis favorable à des critères républicains très clairs, qui doivent être les mêmes pour les sociétés que pour les autres requérants. Ils sont ceux de la priorité sociale, qui est la garantie de la prospérité économique et écologique.
Je le répète, nous avons créé un nouvel outil, différent du contrôle des structures, destiné à régir l'exploitation des terres. Notre dispositif est plus large car il contrôle également la possession immobilière par le biais sociétaire.
La compensation est importante, dans la mesure où elle permettra de favoriser l'installation. Il faut faire confiance aux comités techniques des SAFER, aux OPA et aux agriculteurs pour trouver de vraies compensations. Je ne doute pas que le ministre saura vous apporter des éléments pour vous prouver que le dispositif sera transparent et en adéquation avec ce que souhaitent les territoires. Cette proposition de loi ne facilitera en rien les accaparements.
Au contraire, ce système de dérogation et de compensation revient à créer une voie royale pour l'agrandissement et le phénomène sociétaire. Tous les observateurs universitaires et désintéressés qui se sont penchés sur le sujet le disent. Il n'y a pas un seul projet de prise de contrôle de société qui n'ait pas, dans son énoncé de principe, une dimension écologique ou de création d'emplois. Vous pouvez prendre 1 000 hectares sur un territoire et justifier que vous allez embaucher trois salariés agricoles ; jamais on ne fera la démonstration contraire que vous tuerez en dix ans une dizaine de fermes de polyculture-élevage dont le seuil de viabilité était tout à fait acceptable. Cette démonstration par la dérogation ne tient absolument pas la route. Elle ne fait pas l'objet d'un contradictoire. Elle n'ouvre pas la possibilité d'un recours, comme pour le contrôle des structures. Il y a une dissymétrie de droit qui mène tout droit – je parlais d'une voie goudronnée, certains ont parlé hier d'autoroute – à l'agrandissement.
Si l'on adopte cette proposition de loi, tous ceux dont le métier est de vendre du droit transformeront bientôt des sociétés agricoles traditionnelles transparentes, opérationnelles et à taille humaine en sociétés, non seulement afin d'atteindre les seuils excessifs que vous avez prévus, mais en plus d'y déroger par des systèmes de compensation iniques qui contreviennent à tous les principes républicains de régulation du foncier.
Je suis totalement hostile à votre système de dérogation, qui équivaut à un passe-droit. Qu'est-ce qu'un projet de territoire, en droit, Monsieur Sempastous ? Qu'est-ce qu'un projet qui pourrait être refusé parce qu'il ne créerait pas d'emplois, d'écologie et de sécurité alimentaire ? Cela n'a aucun sens. Dans sa sagesse, le législateur a, depuis les années 1960, conforté la priorité à l'installation et à la consolidation des fermes. Il faut ensuite laisser le marché produire de l'écologie et de l'économie. La propagande, l'instrumentalisation d'une commission ne doit pas conduire à créer une voie dérogatoire.
Monsieur Potier, cela va cinq minutes ! Je voudrais que le débat sur ce texte concerne le fond. Je n'accepte pas que vous parliez de l'instrumentalisation d'une commission, qui est par ailleurs celle que je préside.
Pardon, je me suis emporté à tort, parce que je trouvais que cela commençait à faire beaucoup…
Monsieur le président, j'avais fait la même confusion que vous… Je connais l'engagement dans le temps de M. Potier pour les questions foncières. Mais la suspicion permanente jetée sur les intentions du rapporteur, dont je pense connaître la valeur humaine, finit par me blesser. Le rapporteur a une proposition de loi pragmatique et modeste. Je préfère une petite cabane dans les Hautes-Pyrénées, ou dans la Vienne, plutôt que des châteaux en Espagne. Monsieur Potier, utilisez votre compétence pour améliorer la proposition de loi ! Ces attaques permanentes desservent votre cause.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE105 du rapporteur.
Il vise à clarifier les critères pris en compte par l'autorité administrative pour délivrer son autorisation, en tirant les conséquences des commentaires du Conseil d'État sur le point 22.
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, les amendements CE49 de Mme Aina Kuric et CE62 de M. Loïc Prud'homme tombent.
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE106, CE107 et CE108, l'amendement de coordination CE115, l'amendement de précision CE120 et les amendements rédactionnels CE121 et CE119 du rapporteur.
Amendement CE124 du rapporteur.
La commission adopte l'amendement.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CE111 et CE110 du rapporteur.
Amendement CE125 du rapporteur.
Le non-respect des engagements entraînait la nullité de l'autorisation administrative et la nullité de la cession des parts. Suivant l'avis du Conseil d'État, nous proposons de distinguer les deux procédures : l'opération de prise de participation ne pourra être remise en cause que dans le cadre d'une action en nullité engagée devant la juridiction judiciaire.
La commission adopte l'amendement.
Elle adopte l'amendement de coordination CE122 du rapporteur.
En conséquence, l'amendement CE68 de Mme Martine Leguille-Balloy tombe. L'amendement CE15 de M. Dominique Potier tombe également.
La commission adopte l'amendement de précision CE101 du rapporteur.
Amendement CE74 de Mme Martine Leguille-Balloy.
Nombreux sont ceux qui pensent que les opérations de la SAFER ne sont pas gratuites, parce que l'instruction est payante. C'est pourquoi l'amendement vise à préciser que : « L'autorisation délivrée au titre du présent chapitre est délivrée gratuitement. Son instruction préalable par la société d'aménagement foncier et d'établissement rural peut toutefois faire l'objet d'une redevance forfaitaire à la charge du demandeur ».
Ce sujet a été largement discuté au cours de nos consultations et de nos travaux. Certains souhaitaient en effet fixer une redevance, un droit d'entrée, sans faire l'unanimité. Je vous propose que nous en reparlions en séance et que M. le ministre nous donne des éléments complémentaires. Je ne suis pas fermé par principe à votre proposition.
L'amendement est retiré.
Amendement CE16 de M. Dominique Potier.
L'alinéa 34 ayant été modifié par un amendement rédactionnel adopté précédemment, il ne peut plus être supprimé.
Je suis stupéfait que l'adoption d'un amendement rédactionnel m'empêche de défendre cet amendement, qui est l'un des plus importants. Il visait en effet – je le précise pour l'information de la commission – à supprimer l'alinéa 34, lequel implique qu'en cas d'entrée d'un associé non-exploitant avec apport de terre, le contrôle des structures ne s'appliquera plus. Je doute que cette conséquence ait été prévue. Aussi souhaiterais-je savoir, Monsieur le rapporteur, si vous envisagez, à un moment ou à un autre, de supprimer cette disposition.
Dès lors que deux autorisations administratives seront délivrées par la même autorité, il convient de simplifier la procédure, conformément à la volonté que le Gouvernement a exprimée dans divers textes, notamment la loi d'accélération et de simplification de l'action publique (ASAP), de décembre 2020.
La fusion envisagée a pour but, non pas d'écraser le contrôle des structures, mais d'apprécier son régime dans le cadre d'une cohérence d'ensemble avec le nouvel outil. Seront concernées par la double autorisation les cessions de parts sociales réalisées au profit d'associés exploitants. En l'état actuel du droit, le préfet peut refuser l'autorisation d'exploiter au titre du contrôle des structures dans les quatre cas suivants.
Premièrement, lorsqu'il existe une candidature prioritaire selon le SDREA. Un refus pour ce motif peut difficilement être opposé à une société.
Deuxièmement, lorsqu'un preneur est en place. Ce motif de refus est, là encore, difficilement applicable car, en général, l'achat de parts sociales ne sort pas le preneur.
Troisièmement, si l'opération conduit à un agrandissement ou à une concentration d'exploitations au bénéfice d'une même personne, excessifs au regard des critères définis dans le code rural et de la pêche maritime et précisés par le SDREA, sauf dans le cas où il n'y a pas d'autre candidat pour reprendre le bien ni de preneur en place. Ce motif est le plus pertinent s'agissant des sociétés, mais il ne peut aboutir à un refus en l'absence de candidature concurrente. Or, en pratique, on constate une absence cruelle de candidatures déposées au titre du contrôle des structures, les éventuels candidats sachant que, même s'ils emportent l'autorisation, ils ne pourront forcer le propriétaire des terres à conclure un bail ou à leur vendre les terres. Notre dispositif offre des solutions à ces problèmes ; d'où la pertinence d'une étude unique et globale du dossier.
Quatrièmement, dans le cas très précis de terres mises à la disposition d'une société, qui n'est pas pertinent en l'espèce puisque nous ciblons les cessions de parts.
Bref, à ce jour, le contrôle des structures ne permet que très difficilement de refuser une autorisation d'exploiter lorsque l'opération est une cession de parts ; il n'est pas efficace dans ce cas de figure. Ainsi, une étude du dossier sous les deux angles ne devrait pas aboutir à délivrer une autorisation d'exploiter qui ne l'aurait pas été si le contrôle des structures avait été traité isolément.
La différence réside dans la publicité de la demande et l'appel à candidatures. Notre dispositif intégrera une publicité assurée par la préfecture dès que le dossier y sera déposé. La transparence sera ainsi garantie. La SAFER rendra un avis au préfet. La composition des comités techniques des SAFER et des CDOA chargés du contrôle des structures, est à peu près comparable. Les mêmes personnes seront ainsi sollicitées lors de l'instruction du dossier.
Le fonctionnement du nouvel outil implique de rechercher des candidats à l'installation et à la consolidation pour les faire bénéficier des surfaces libérées au titre de la compensation. Ceux-ci bénéficieront ainsi d'une vente ou d'un bail que le contrôle des structures ne leur offre pas actuellement.
Nous pouvons poursuivre la discussion, mais elle aura lieu en séance publique. Je rappelle que cet amendement est tombé, Monsieur Potier...
Certes, mais nous pouvons tous nous étonner, me semble-t-il, que l'adoption d'un amendement rédactionnel nous prive d'un débat important.
Écoutez, l'alinéa que votre amendement visait à supprimer a été modifié avant l'examen de celui-ci ; il ne peut donc plus être supprimé ! Cependant, vous pourrez proposer à nouveau sa suppression en séance publique.
Il s'agit d'une question fondamentale : l'alinéa 34 peut ouvrir la voie à un contournement du contrôle des structures. Puisque tel n'est pas l'esprit du texte, si j'en crois le rapporteur, je vous mets en garde, chers collègues. Il faudra donc que nous y revenions en séance publique.
Il est une situation qui n'a pas été prévue dans la proposition de loi, et pour cause : elle n'est pas apparue sur les radars des organisations agricoles et du législateur. Je veux parler de la capacité pour un propriétaire-exploitant de transformer son entreprise en société et de contourner ainsi le contrôle des structures.
En effet, si une exploitation individuelle se transforme en société civile d'exploitation agricole (SCEA) ayant pour unique associé exploitant l'agriculteur qui exerçait sous statut individuel, l'opération ne sera pas soumise au contrôle des structures, et ce même si l'opération fait entrer des associés non exploitants qui prennent le contrôle de la structure en acquérant la majorité du capital. Si nous voulons combattre le phénomène sociétaire, nous devons prendre en compte cette possibilité. Tel est l'objet de cet amendement, qui vise à étendre le contrôle du marché sociétaire aux cas non couverts par le contrôle des structures.
Vous proposez que le dispositif s'applique lors de la création d'une société ou de la réunion d'exploitations sous forme sociétaire avec entrée au capital d'un associé non-exploitant. Toutefois, ces opérations sont analysées comme des structurations dans lesquelles on n'observe aucun mouvement de parts – l'apport de terres, ou de numéraire, est rémunéré par des titres sociaux. Il convient de respecter la liberté d'entreprendre.
Pour aller plus loin, ces opérations nécessitent soit l'apport des immeubles à la société – étant une aliénation à titre onéreux, l'apport entre dans le champ d'application du droit de préemption de la SAFER –, soit une mise à disposition – bail, prêt à usage, mise à disposition précaire – des terres au profit de la société. Faire entrer la location ou le prêt de terres dans le dispositif serait lourd et disproportionné. Avis défavorable, donc.
Prenons un exemple concret : exploitant individuel, en tant que propriétaire et pour partie en fermage, je crée une société. Si M. Nicolas Turquois prend 99 % des parts de cette société, il double son exploitation sans que personne, aux termes de la proposition de loi, n'ait rien à y redire ! Si nous ne créons pas un barrage parfaitement étanche en matière de contrôle des structures, toute brèche sera exploitée par ceux qui veulent contourner ce contrôle. En l'espèce, la brèche est béante, et je ne vois pas en quoi on porterait atteinte à la liberté d'entreprendre en prévoyant de contrôler – et non d'interdire – une SCEA constituée pour une exploitation individuelle.
Si des parts de sociétés sont transférées, la SCEA sera contrôlée, au même titre que les autres types de sociétés.
Pour accélérer la discussion, je propose un sous-amendement qui exclut explicitement que je puisse prendre des parts dans la société de M. Potier.
( Sourires. )
Je ne fais de procès d'intention ni au rapporteur, ni au groupe LaREM, mais certains ont pu introduire dans le texte quelques biais susceptibles de se transformer, demain, en brèches béantes. Nous devons donc être vigilants. Le fait est que, selon les experts juridiques que nous avons consultés, il s'agit là d'une voie royale pour l'agrandissement. Vous affirmez, Monsieur le rapporteur, que tel n'est pas le cas. Nous en discuterons en séance publique.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE17 de M. Dominique Potier.
Cet amendement, qui reprend l'article 1er de notre propre proposition de loi, vise à intégrer la prise de participation sociétaire d'investisseur étranger dans le foncier agricole dans le champ des intérêts stratégiques pour lesquels une autorisation préalable du ministre chargé de l'économie est nécessaire.
Compte tenu de la rédaction de la proposition de loi, deux modes d'accaparement pourraient échapper aux mailles du filet, qui sont trop lâches : le travail délégué, qui n'est pas pris en compte, mais aussi les investissements étrangers. Pour remédier à ce second problème, nous proposons de renforcer le peu de dispositions que nous avons adoptées dans le cadre de la loi pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) de 2019, en considérant le foncier comme un actif stratégique – au même titre que les industries de défense ou la recherche de haut niveau – nécessitant d'être protégé en tant qu'élément de notre souveraineté.
Votre amendement a pour objet de modifier indirectement le champ d'application de la loi PACTE, qui a déjà été étendu fin 2019 pour durcir le contrôle des investissements étrangers en France.
Dans sa partie agricole, ce dispositif, qui recourt au pouvoir de police administrative du ministre, cible les opérations dont l'enjeu est la sécurité alimentaire nationale. Vous proposez de soumettre à ce régime de contrainte toute société à usage ou à vocation agricole. Or, si l'usage agricole peut mettre en jeu la notion de sécurité alimentaire, tel n'est pas le cas de la vocation agricole. L'amendement apparaît donc disproportionné au regard des objectifs de la loi PACTE, dont le champ d'application ne saurait, en tout état de cause, être modifié par notre proposition de loi. Avis défavorable.
Le risque est que les processus d'accaparement s'accélèrent via des opérateurs étrangers. Cet amendement n'est donc pas hors sujet. Il vous paraît disproportionné, soit. Nous en rediscuterons dans l'hémicycle.
La commission rejette l'amendement.
Amendements CE19 et CE18 de M. Dominique Potier (discussion commune).
Les dispositions de la loi de 2017 contre l'accaparement des terres agricoles relatives à la préemption des parts sociales par les SAFER ont été censurées en partie par le Conseil constitutionnel à la suite d'un recours du groupe Les Républicains. Subsiste néanmoins celle qui vise à imposer à une holding intervenant dans différents secteurs – numérique, industrie… – et détenant des actifs fonciers agricoles de regrouper ceux-ci, au-delà d'un certain seuil, dans une société ad hoc. Il s'agit de ne pas mélanger les choux et les carottes, le foncier n'étant pas un actif économique comme les autres.
Si cette disposition, qui concourt à la transparence de l'économie, a été votée à l'unanimité en 2017, elle n'est cependant pas opérante, pour des raisons légistiques. L'amendement a donc pour objet de la réécrire, de sorte qu'elle concoure à l'objectif de la proposition de loi et qu'elle devienne, en outre, un instrument de contrôle de la PAC en permettant de mieux identifier, comme l'a demandé la Commission, les bénéficiaires finaux des aides communautaires.
Vous reproduisez quasiment mot pour mot le dispositif que vous avez créé en 2017 et qui a été invalidé pour moitié par le Conseil constitutionnel, en y ajoutant un délai de trente jours et la possibilité de recourir à un bail à long terme. La moitié restante est aujourd'hui logée dans l'article L. 143-15-1 du code rural et de la pêche maritime. Avis défavorable.
Lors des travaux préparatoires, vous n'avez eu de cesse de vouloir supprimer cette disposition. Elle est à présent réécrite correctement. En quoi vous gêne-t-elle, sur le fond ?
Elle existe déjà ! L'amendement est quasiment un copier-coller : vous ajoutez uniquement le délai de trente jours.
Telle qu'elle est écrite actuellement, cette mesure est inopérante, comme vous nous l'avez vous-même démontré. Nous pourrons avoir un débat technique d'ici à la séance publique, mais elle doit absolument être consolidée. Car, sur le fond, nous sommes d'accord, n'est-ce pas ?
Les amendements sont retirés.
Amendement CE20 de M. Dominique Potier.
Il s'agit de préciser, au-delà de la notion de prise de contrôle, les règles de calcul du niveau de contrôle indirect conféré par la part du capital détenue au sein d'une société à objectif agricole, en créant une équivalence entre la part de capital et le nombre d'hectares contrôlés. Cette astuce permettrait d'identifier immédiatement les excès et de nous soustraire à la contrainte du code dE commerce et du code monétaire et financier invoquée par le Conseil d'État.
Je comprends l'esprit du dispositif proposé, mais je ne vois pas comment on pourrait aligner la détention de parts sur le nombre d'hectares par une simple proratisation. Ce mode de calcul serait totalement fictif et il ne correspond en rien au mode de fonctionnement sociétaire. Ce serait un non-sens juridique qui serait facilement remis en cause par le Conseil constitutionnel. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE52 de Mme Géraldine Bannier.
Cet amendement, qui est le fruit d'échanges avec le syndicat Jeunes agriculteurs de ma circonscription, tend à remédier à la situation dans laquelle un nouveau sociétaire arrive avec des terres et se retire très rapidement du GAEC, de la SCEA ou de l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL). Afin d'éviter ces entrées fictives dans des groupements, qui masquent une stratégie d'accaparement des terres ou d'agrandissement, nous proposons d'imposer un contrôle des mouvements de parts sociales des structures des exploitations agricoles pendant une durée de cinq ans après toute modification de la répartition du capital social de ces exploitations. Sans doute la rédaction de l'amendement peut-elle être améliorée.
En effet, la rédaction proposée suscite des interrogations. Ainsi, la SAFER que vous évoquez dans l'exposé des motifs ne figure pas dans le texte de l'amendement.
Par ailleurs, les mouvements de parts de société qui aboutissent à un transfert du contrôle de la société sont déjà soumis au dispositif. Un contrôle supplémentaire a posteriori pendant cinq ans ne semble pas justifié, car tout mouvement réalisé au profit d'un cessionnaire en situation d'excès tomberait automatiquement sous le coup du dispositif. Avis défavorable, donc. Mais je vous propose que nous en rediscutions d'ici à la séance publique.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'article 1er modifié.
Article 2 : (art. L. 141-1 du code rural et de la pêche maritime) : Actualisation des opérations notifiées aux SAFER et adaptation de leurs moyens d'action
La commission adopte l'amendement de précision CE86 du rapporteur.
Elle adopte l'article 2 modifié.
Article 3 : (art. L. 141-1-1 du code rural et de la pêche maritime) : Notification des opérations aux SAFER
La commission adopte successivement l'amendement de clarification CE123 et l'amendement de précision CE102, tous deux du rapporteur.
Elle adopte l'article 3 modifié.
Article 4 : (Article L. 561-46 du code monétaire et financier) : Liste des agents ayant accès aux informations relatives aux bénéficiaires effectifs des sociétés et entités
Amendement de suppression CE87 du rapporteur.
La référence au bénéficiaire effectif ayant été supprimée, il convient de supprimer l'article 4 de la proposition de loi, relatif à l'accès au registre de ces bénéficiaires.
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article est supprimé et les amendements CE56 de M. Loïc Prud'homme et CE38 de M. Jean-Michel Clément tombent.
Article 5 : (art. L. 331-1-1 du code rural et de la pêche maritime) : Adaptation des motifs de refus d'autorisation d'exploiter
Amendement de suppression CE67 de Mme Martine Leguille-Balloy.
Tout d'abord, je crois que vous envisagez, Monsieur le Rapporteur, de modifier la rédaction de l'article mais, en l'état, je ne suis pas certaine qu'il ait un rapport direct avec l'objet de la proposition de loi.
Ensuite, le contrôle des structures étant fondé sur une logique de comparaison des candidatures, il ne semble pas cohérent d'envisager un refus d'autorisation d'exploiter en l'absence de dossiers concurrents. Par ailleurs, les objectifs légaux du contrôle des structures et les orientations des SDREA étant formulées de manière très générale, de nombreux projets peuvent entrer en contradiction avec certaines de ces finalités tout en étant conformes à d'autres. Nous proposons donc de supprimer l'article 5.
L'amendement suivant, le CE103, a en effet pour objet de compléter l'article par les mots : « et notamment en ce qui concerne l'objectif principal de favoriser d'installation d'agriculteurs prévu par l'article L. 331-1 ».
Par ailleurs, le ministère de l'agriculture nous a demandé d'insérer cet article afin d'améliorer l'efficacité du contrôle des structures et son adéquation avec le dispositif de contrôle. Avis défavorable.
La demande du ministère est bienvenue, car elle nous replace – et il était temps ! – dans l'axe du code rural et de la pêche maritime.
J'appelle votre attention sur le caractère paradoxal de l'architecture du texte. La personne qui sera déboutée de sa demande de prise de contrôle d'une société se tournera vers l'État, lequel devra justifier cette décision alors même qu'il n'a pas instruit le dossier, et ce en se fondant sur des règles floues qui ne sont pas celles du code rural et de la pêche maritime en matière d'organisation du foncier…
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement CE103 du rapporteur.
Elle adopte l'article 5 modifié.
Après l'article 5
Amendement CE60 de Mme Bénédicte Taurine.
Par cet amendement d'appel, nous proposons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la manière dont peut être assurée une égalité de traitement entre les différentes parties concernées par des cessions de parts sociales, conformément à l'esprit de la proposition de loi tel que décrit dans son exposé des motifs. En effet, la possibilité de déposer un recours n'est prévue qu'en cas de refus de l'opération. Or il est nécessaire de permettre tant aux organisations représentatives qu'aux associations citoyennes d'interroger le bien-fondé des décisions ou de l'absence de décision lorsque les autorités compétentes gardent le silence.
Le décret en Conseil d'État permettra de clarifier le droit au recours et, au besoin, le rapport d'application de la loi pourra l'évoquer. Je ne vois pas ce qu'un rapport apporterait en la matière. L'heure est à l'action ! Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendements CE58 de M. Loïc Prud'homme et CE21 de M. Dominique Potier (discussion commune).
Il s'agit de demander au Gouvernement un rapport qui porte, dans un souci de réciprocité, sur le contrôle par des entités françaises de terres situées à l'étranger.
Dans notre proposition de loi, qui ne pourra pas, hélas ! être examinée, nous proposions que le Gouvernement remette au Parlement un rapport portant sur l'amélioration du contrôle non seulement des investissements étrangers en France, mais aussi, dans un souci de réciprocité, des investissements français à l'étranger. Selon l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), l'accaparement des terres est un facteur de misère et de violence plus important que les guerres. Or la France contribue massivement – elle est classée parmi les vingt principaux investisseurs – à la financiarisation des terres.
Lors de l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, j'ai eu l'honneur de participer à la réécriture d'une grande partie du contrat de l'Agence française de développement (AFD), afin qu'elle concoure au renforcement des droits des paysanneries du Sud contre l'accaparement des terres. Il convient, ne serait-ce que sur un plan symbolique, que la France, pionnière des droits humains et de l'environnement, garantisse qu'elle contribue, par réciprocité, à des dispositifs internationaux luttant contre l'accaparement des terres agricoles dans les pays du Sud. Cette question pourrait même être inscrite à l'agenda européen du Président de la République.
Je comprends votre préoccupation, mais nous sortons du champ des mesures urgentes de la proposition de loi. Au reste, la question qui se pose est davantage celle des actifs étrangers en France que celle des actifs français à l'étranger, dont pourrait se saisir la commission des affaires étrangères.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CE61 de Mme Bénédicte Taurine.
Par cet amendement d'appel, nous proposons que le Gouvernement remette un rapport sur les opérations d'acquisition de parts sociales par les SAFER et leur revente, dans un esprit d'égalité de traitement, puisque les opérations de cessions sont généralement exemptées.
Les SAFER ont été reconnues, par le Conseil d'État, comme un organisme chargé, sous le contrôle de l'administration, de la gestion d'un service public administratif en vue de l'amélioration des structures agricoles et, par la Cour de cassation, comme un organisme auquel l'État a confié une mission d'intérêt public ou d'intérêt général. Or les rapports de 2013 et de 2014 de la Cour des comptes soulignent des dysfonctionnements, estimant que les SAFER ont perdu de vue les missions d'intérêt général dont elles sont investies. Cette demande de rapport est loin d'être accessoire, compte tenu des statuts et des objectifs des SAFER.
Les SAFER assurent la transparence du marché foncier. Nous disposerons, en conséquence, de données sur les transactions relevant du champ de la proposition de loi. Avis défavorable.
Monsieur le rapporteur, vous n'avez pas évoqué la question du financement du contrôle exercé par les SAFER. J'estime, au nom du groupe Socialistes et apparentés, et comme de nombreux collègues, que c'est aux formes sociétaires d'en financer le coût. En tout état de cause, il faut absolument garantir aux SAFER le financement du contrôle et, surtout, éviter que, par un effet pervers, elles ne soient amenées à devenir des marchands de biens pour financer des charges afférentes au contrôle du phénomène sociétaire. Dans une logique d'assainissement et pour le bien des SAFER, dont je suis un défenseur irréductible, les exploitations sociétaires doivent financer leur contrôle.
J'ai évoqué cette question, Monsieur Potier, en suggérant qu'elle soit discutée en séance publique, avec le ministre. Je défendrai ma position personnelle qui, pour l'heure, n'est pas définitivement arrêtée. J'entends les grandes théories selon lesquelles il faut faire payer les sociétés mais, sur le terrain, les organisations professionnelles, en particulier certains jeunes, plaident pour la gratuité. J'attends donc de connaître l'avis du ministre sur ce point.
La commission rejette l'amendement.
Article 6 : Gage
La commission adopte l'article sans modification.
Elle adopte l'ensemble de la proposition de loi modifiée. (Applaudissements.)
Informations relatives à la commission
La commission des affaires économiques examinera, le mardi 15 juin prochain, la proposition de loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs (n° 4134). Ce texte devrait être inscrit à l'ordre du jour de la séance publique le 21 juin. M. Grégory Besson˗Moreau est nommé rapporteur de cette proposition de loi.