Nous attendions une grande loi foncière, promesse de M. Emmanuel Macron en 2017. L'accès aux terres agricoles est problématique, il faut les protéger et lutter contre l'artificialisation des sols. Mais, comme d'habitude – nous l'avons vu avec le projet de loi « climat et résilience » –, les paroles sont bien éloignées des actes et la proposition de loi se limite à contrôler l'acquisition de terrains par l'intermédiaire de sociétés agricoles ou de portage financier. Il sera nécessaire d'amender le texte afin de ne pas passer à côté des objectifs poursuivis.
Les sociétés exploitent 60 % de la surface agricole utile, une part en augmentation. Le marché sociétaire n'est pas transparent et a souvent vocation à permettre l'agrandissement. En outre, il entre en concurrence et peut bloquer les installations, les acquisitions et les structures individuelles, ce modèle paysan résilient face au changement climatique auquel je suis particulièrement attachée.
Il est temps de réformer : les mécanismes d'acquisition par les sociétés présentent des inégalités par rapport aux autres modes d'accès au foncier, qu'il s'agisse des seuils, des autorisations, des obligations de publicité ou de transparence, ce qui pose problème au moment de la transmission.
Alors qu'elle vise à préserver l'installation des jeunes ou des nouveaux agriculteurs, il est incompréhensible que la proposition de loi valide la possibilité de dépasser un seuil d'agrandissement qualifié d'« excessif ». Cette notion n'est pas claire. Monsieur le rapporteur, vous proposez une compensation mais, telle que vous l'imaginez, elle n'est pas à la hauteur des enjeux. L'intervention est possible, mais seulement au-delà du seuil précité, ce qui n'est pas conforme à l'objectif que la proposition de loi se fixe – remédier à l'inégalité de traitement avec les autres modes d'accès au foncier agricole.
Le texte ne s'attaque pas davantage à différencier les achats de parts sociales ou d'actions par des sociétés qui exploitent du foncier et les sociétés qui le détiennent en propriété sans l'exploiter. Le mode de faire-valoir choisi par le sociétaire, par la propriété ou par la location devrait entrer dans les critères de décision, afin de favoriser l'installation des plus jeunes.
En outre, nous déplorons qu'un refus du préfet ouvre droit à un recours, alors que son autorisation n'en ouvre aucun, sa décision étant alors totalement discrétionnaire.
Les SAFER ont pour mission de diversifier les paysages, de protéger les ressources naturelles et de maintenir la diversité biologique. Il semblerait logique que, de la même manière, la proposition de loi encadre la décision du préfet par le biais de critères de diversification des modes de culture. En effet, la monoculture appauvrit les sols et la diversité de la production est nécessaire à l'indépendance alimentaire. Où retrouve-t-on ces aspects dans votre proposition de loi ?
Le texte devrait aussi viser à préserver l'environnement et la biodiversité et se conformer à la loi EGALIM en matière de sécurité alimentaire. Il faudrait mettre en œuvre une politique publique beaucoup plus volontariste, notamment en termes de contrôle des structures. Si les objectifs sont annoncés dans l'exposé des motifs de la proposition de loi, on cherche désespérément les moyens de les atteindre dans le dispositif !