Comme vient de le dire M. Benoit, par manque de vigilance, et aussi une certaine complaisance, des pratiques qui sont aujourd'hui dans un angle mort pourraient bien être légitimées et institutionnalisées. Les effets de cette proposition de loi seraient alors pires que le mal auquel on entend remédier.
Permettez-moi d'expliquer, en homme libre, ce que j'entends par « jeu d'acteurs ». Le général De Gaulle avait dit à Edgar Pisani qu'il ne serait pas le ministre des agriculteurs, mais le ministre de l'agriculture ; je crois que le travail parlementaire exige qu'on parle à la Nation, à l'intérêt général et pas aux clientèles. Or le revirement de certaines positions m'a surpris.
Je me bats pour la politique de l'installation depuis des années. J'ai commencé à militer à l'âge de 17 ans pour l'installation des jeunes hors cadre familial et pendant le quart de siècle où j'ai été paysan, j'ai eu le bonheur de travailler en coopérative avec quatre associés dont aucun n'aurait pu s'installer sans cette politique. C'est l'un des combats de ma vie, que j'ai mené comme élu et que je poursuis aujourd'hui à l'Assemblée nationale.
Je suis donc en mesure de dire que certains n'avaient pas du tout intérêt à ce que les choses changent. Si j'ai parlé de jeu d'acteurs c'est que, tenant compte d'une limite que le ministre de l'agriculture – soucieux de faire semblant plutôt que de faire vraiment – aurait fixée, la profession – y compris ses composantes les plus progressistes et les plus solidaires – a fini par se ranger à l'idée d'une voie minimale. Celle-ci pourrait pourtant se révéler la pire de toutes.
Nous proposions pour notre part une discussion avec le ministre et la profession. Cette triangulation aurait évité la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui.