Je remercie vivement M. Jean-Bernard Sempastous pour son implication et sa détermination à faire avancer ce texte, cosigné par nombre d'entre nous, sur un sujet aussi crucial. Au-delà de nos sensibilités, de nos territoires, de notre proximité ou non avec l'agriculture, la question devrait intéresser et rassembler tous les citoyens soucieux de souveraineté, de notre patrimoine foncier, de son utilisation et des acteurs clés, les agriculteurs.
La proposition de loi, même si elle reste à parfaire, a le mérite d'ouvrir le débat sur l'utilisation des terres agricoles, menacées, à certains endroits et dans certaines situations, de concentration et d'accaparement, notamment par des acteurs extra-nationaux. Ces phénomènes, en augmentation constante, mettent en péril le modèle traditionnel d'agriculture familiale et risquent d'avoir des effets durables sur l'attractivité des régions, l'emploi agricole, le renouvellement des générations et, à terme, la souveraineté alimentaire à laquelle nous sommes tous attachés.
Les nouveaux articles L. 333-1 à L. 333-5 du code rural et de la pêche maritime organisent le contrôle des transferts de foncier pour les structures sociétaires. Ils corrigent un angle mort de la législation actuelle, en mettant fin à une rupture d'égalité entre les propriétaires physiques et les propriétaires en société.
L'établissement d'un seuil d'agrandissement excessif accompagne ces mesures. Nous devons toutefois veiller à ce qu'elles ne portent pas atteinte brutalement au droit de propriété. Pour cela, il paraît important de préciser quatre points.
Pour promouvoir la spécificité de notre agriculture, qui se transmet souvent de génération en génération, le contrôle administratif devrait être allégé ou supprimé lorsqu'il concerne les opérations de transfert intrafamilial.
Le terme « excessif » paraît peu juridique et subjectif, puisque nous n'avons sans doute pas tous la même définition de l'excès. L'établissement du seuil entre une fois et trois fois la SAURM donne une marge importante à l'administration. Un seuil minimum, par exemple à partir de quatre fois la SAURM, pourrait être fixé. Il convient aussi de se demander pourquoi confier ce pouvoir au préfet de région : les régions issues des fusions sont devenues des territoires immenses et le contrôle serait réalisé de façon plus fine et sur mesure à l'échelon départemental.
Le texte indique un seuil de déclenchement du contrôle à partir de mouvements de capitaux à hauteur de 25 %, ce qui paraît bien peu. Le Conseil d'État préconise d'ailleurs un alignement sur le code de commerce, à 40 %.
Enfin, nous pourrions nous interroger sur le déclenchement du contrôle et l'intervention de la SAFER lorsqu'il n'y a pas d'autre acquéreur. Si personne n'est intéressé par l'acquisition de parts de société, une procédure administrative lourde ne s'impose pas.
La proposition de loi a la vertu de mettre sur le devant de la scène législative la problématique du foncier. Cette question technique des sociétés foncières doit nous encourager à travailler à un texte plus ambitieux, afin d'introduire plus de transparence dans la gestion du foncier par les SAFER, l'administration et les différents acteurs.