Au contraire, ce système de dérogation et de compensation revient à créer une voie royale pour l'agrandissement et le phénomène sociétaire. Tous les observateurs universitaires et désintéressés qui se sont penchés sur le sujet le disent. Il n'y a pas un seul projet de prise de contrôle de société qui n'ait pas, dans son énoncé de principe, une dimension écologique ou de création d'emplois. Vous pouvez prendre 1 000 hectares sur un territoire et justifier que vous allez embaucher trois salariés agricoles ; jamais on ne fera la démonstration contraire que vous tuerez en dix ans une dizaine de fermes de polyculture-élevage dont le seuil de viabilité était tout à fait acceptable. Cette démonstration par la dérogation ne tient absolument pas la route. Elle ne fait pas l'objet d'un contradictoire. Elle n'ouvre pas la possibilité d'un recours, comme pour le contrôle des structures. Il y a une dissymétrie de droit qui mène tout droit – je parlais d'une voie goudronnée, certains ont parlé hier d'autoroute – à l'agrandissement.
Si l'on adopte cette proposition de loi, tous ceux dont le métier est de vendre du droit transformeront bientôt des sociétés agricoles traditionnelles transparentes, opérationnelles et à taille humaine en sociétés, non seulement afin d'atteindre les seuils excessifs que vous avez prévus, mais en plus d'y déroger par des systèmes de compensation iniques qui contreviennent à tous les principes républicains de régulation du foncier.
Je suis totalement hostile à votre système de dérogation, qui équivaut à un passe-droit. Qu'est-ce qu'un projet de territoire, en droit, Monsieur Sempastous ? Qu'est-ce qu'un projet qui pourrait être refusé parce qu'il ne créerait pas d'emplois, d'écologie et de sécurité alimentaire ? Cela n'a aucun sens. Dans sa sagesse, le législateur a, depuis les années 1960, conforté la priorité à l'installation et à la consolidation des fermes. Il faut ensuite laisser le marché produire de l'écologie et de l'économie. La propagande, l'instrumentalisation d'une commission ne doit pas conduire à créer une voie dérogatoire.