Intervention de Sylvia Pinel

Réunion du mercredi 12 mai 2021 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvia Pinel :

Je salue le travail et l'engagement du rapporteur, ainsi que ceux de nombreux collègues, investis depuis des années. La terre, outil de travail de nos agriculteurs et instrument de notre souveraineté alimentaire, ne saurait être un bien marchand comme les autres. Voilà plusieurs années, pourtant, qu'elle subit la loi de l'offre et de la demande. La raréfaction du foncier agricole, la concentration des exploitations et l'accaparement des terres par certains acteurs – parfois étrangers au monde agricole – ont provoqué des tensions sur le marché du foncier.

Résultat, le prix des terres a subi une sévère inflation et avoisine les 6 000 euros l'hectare en moyenne, soit une progression de plus de 50 % en vingt ans. Les agriculteurs en sont les premières victimes. En raison des coûts d'installation qui explosent, ils sont de moins en moins nombreux à pouvoir s'installer. Dans ces conditions, il est difficile d'assurer le renouvellement des générations, pourtant indispensable à l'agriculture.

Les causes de la hausse des prix des terres agricoles sont multiples. Y faire face impose une réforme en profondeur du foncier agricole, afin de moderniser le statut du fermage, de réviser les droits de mutation ou encore d'encadrer le travail agricole délégué.

La proposition de loi que nous examinons n'a pas cette ambition. Elle s'attaque, avant tout, au plus urgent : réguler les structures sociétaires. Depuis une dizaine d'années, le modèle traditionnel de l'exploitation familiale cède le pas devant des formes sociétaires plus opaques. Ces dernières, de plus en plus souvent propriétés d'investisseurs étrangers, accaparent les terres tout en échappant aux deux outils de régulation que sont le contrôle des structures et les SAFER.

La proposition de loi défend la création d'un troisième mécanisme pour y remédier. Il permettrait de soumettre à autorisation administrative les cessions de titres sociaux sur des sociétés détenant ou exploitant des terres agricoles. Cette initiative, qui pare au plus pressé, constitue une piste intéressante. Certains choix, toutefois, m'interrogent : pourquoi cantonner l'autorisation administrative à l'agrandissement excessif, alors que les personnes physiques sont exposées au contrôle des exploitations à un seuil bien plus bas ? Pourquoi exempter de contrôle l'ensemble des donations, alors que le droit de préemption des SAFER s'exerce pour les personnes physiques, à compter du sixième degré ? Plus globalement, pourquoi ne pas profiter de cette initiative pour établir une égalité de traitement entre entreprises individuelles et formes sociétaires ?

Je veux également dire un mot de l'article 5, qui ouvre au préfet la possibilité de refuser une autorisation d'exploiter, dès lors qu'elle est contraire aux objectifs du contrôle des structures ou aux orientations du SDREA. Cela permettra, je l'espère, de défendre avec une plus grande efficacité un modèle auquel nous sommes tous attachés, celui des exploitations à caractère familial.

Afin de préserver l'avenir des campagnes et de la ferme France, l'urgence est à l'encadrement de l'outil sociétaire. Nous ne pourrons faire l'économie d'une réforme plus globale du foncier agricole, mais ce premier pas est intéressant.

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