Il y avait un gros souci pour la « start-up nation », qui rêve d'un monde numérique avec des campus 100 % distanciel, du commerce en ligne, du télétravail, des services publics 100 % numériques à l'horizon 2022, et un secrétaire d'État chargé du numérique qui nous dit qu'il faut connecter un maximum d'objets et de systèmes pour parvenir à une optimisation de la production. Il faut donc que les tables, les micros et à peu près tout, dans les maisons et dans les bureaux, soit connecté. Il y a là une espèce d'idéal, y compris pour le capital, qui pourrait renouveler tous les objets.
Le souci, c'est que tout cela n'est pas dématérialisé. Au contraire, c'est plein de matière et d'énergie. Tout cela pourrait représenter 7 % des émissions de gaz à effet de serre en 2040, d'après le rapport du Haut Conseil pour le climat, et plusieurs millions de tonnes de CO2 en plus d'ici à 2030. Quant à l'effet rebond, nous l'avons déjà : au premier trimestre 2021, les ventes de téléphones portables ont augmenté de 24 % avec l'arrivée de la 5G.
Comment réagir ? Comme il n'est pas question de fixer des limites à la consommation et à l'obsolescence programmée, nous avons commencé par le déni, par la négation du souci, voire par le projet de résoudre le mal par le mal en déployant le numérique, l'automatique et l'électrique partout, dans les maisons, l'agriculture et les bureaux, en pensant que cela permettra des économies d'énergie. C'était – et c'est toujours – un sophisme technologique.
Cela ferait rire si les conséquences de cette folie n'étaient pas tragiques pour nos enfants. Ce qui est proposé dans ce texte pour faire face à l'hémorragie énergétique que nous connaissons, ce sont des sparadraps : sensibilisation des enfants, à l'école, sur l'impact environnemental du numérique ; création d'un observatoire de recherche des impacts environnementaux du numérique ; prise en compte de l'impact environnemental du numérique dans le bilan relatif à la responsabilité sociale et environnementale des entreprises.
Ces mesures ne sont pas d'une ambition folle et elles ne seront pas suffisantes pour lutter efficacement contre la gabegie énergétique actuelle, mais elles ont le mérite d'exister. Or vous avez déposé, monsieur le rapporteur, plusieurs amendements qui vont réduire considérablement la portée de cette proposition de loi en supprimant des dispositions pourtant utiles : l'allongement de la garantie pour les produits comportant des éléments numériques ; le reconditionnement local des produits numériques, qui est la condition sine qua non d'une fabrication écologiquement responsable ; un mode de tarification des forfaits mobiles qui favoriserait la connexion filaire ou par accès wifi.
Il n'y a rien de personnel dans mes propos, monsieur le rapporteur, mais tout cela fait le jeu de l'industrie des télécommunications. Et ce n'est pas la première fois que vous vous faites ici son porte-voix. À propos de la 5G, vous avez déjà déclaré : « Elle accélérera prodigieusement le développement de nouveaux usages. Les exemples ne manquent pas : déploiement à grande échelle de véhicules autonomes, optimisation de la consommation énergétique, ou encore développement de nouveaux services en télémédecine. » Et vous ajoutiez : « Nous devons accueillir avec enthousiasme l'arrivée à maturité technologique de la 5G. ». Par ailleurs, vous avez été félicité par M. Xavier Niel, au sein même de cette commission, lorsque vous avez proposé la suppression de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER), dont vous vous faisiez le porte-voix.
Ce que nous demandons, a minima, c'est que le niveau d'ambition qui a été fixé au Sénat, non pas par l'extrême gauche, mais par le groupe Les Républicains, soit maintenu par cette commission.