La commission des affaires économiques a procédé à l'examen, pour avis, de la proposition de loi visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France (n° 3730) (M. Éric Bothorel, rapporteur pour avis).
La proposition de loi visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France, déposée par le groupe Les Républicains du Sénat, a fait l'objet d'un travail approfondi, dirigé par M. Patrick Chaize, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat. Reconnaissant la qualité du travail accompli, le Gouvernement a souhaité la poursuite de la navette, en inscrivant le texte à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, le 10 juin prochain. Pour cette raison, le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ne comporte que très peu de dispositions relatives à l'impact du numérique sur l'environnement. Le présent texte a été renvoyé au fond à la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire. Nous nous sommes saisis pour avis des articles 6 à 11 bis, 14 bis et 15 à 24 bis, qui font l'objet de vingt-quatre amendements.
La présente proposition de loi est le prolongement d'une mission d'information sénatoriale remarquée sur cette question. Adoptée par le Sénat en première lecture le 12 janvier dernier, elle constitue à mes yeux un véhicule utile pour mieux tenir compte des impacts environnementaux du numérique. Elle doit également permettre au débat démocratique à ce sujet de se poursuivre, dans le prolongement des échanges qui ont eu lieu dans le cadre du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
À titre liminaire, je salue le travail effectué au Sénat sur ce texte et formule le vœu que nos échanges soient aussi riches et stimulants. En tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, j'ai entrepris d'expertiser les articles précités, en gardant à l'esprit la grande complexité de ces sujets, la nécessité de disposer d'une méthodologie solide et une volonté intacte d'objectiver les débats, pour défendre une approche efficace et pragmatique de ces enjeux. Je me propose de dresser un rapide état des lieux de ce que nous savons et des points qui restent à trancher s'agissant des impacts environnementaux du numérique, avant de présenter mes observations sur plusieurs articles de la proposition de loi.
Nous serons tous d'accord pour plaider en faveur d'une action résolue pour réduire l'empreinte environnementale du numérique. La question est de savoir comment être le plus efficace possible.
Il me semble que la prise de conscience de l'importance de ce sujet par les citoyens, les entreprises et les pouvoirs publics est réelle, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir. Au cours des dernières années, nous avons assisté à un foisonnement d'initiatives dans ce domaine – cette phase n'est d'ailleurs pas terminée. L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) et l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) se sont largement emparées du sujet, et mènent des travaux pour établir des méthodologies robustes. Le Conseil national du numérique et le Haut conseil pour le climat, de leur côté, ont largement contribué à l'élaboration de la feuille de route « Numérique et environnement » du Gouvernement.
En matière législative, plusieurs initiatives d'ampleur ont été adoptées au cours des derniers mois, notamment la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) et le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. L'Europe est active sur ce sujet, dans le cadre du Green New Deal, de l'Organe des régulateurs européens des communications électroniques ( Body of European Regulators for Electronic Communications, BEREC) et des initiatives de la Commission européenne. Que plusieurs des articles de la présente proposition de loi visent à transposer des directives européennes en fait la démonstration. Il nous incombe à présent de trouver les meilleurs équilibres et articulations entre les modifications à effectuer et les initiatives en cours, dont certaines sont prévues dans le cadre d'ordonnances ayant fait l'objet d'une habilitation par le Parlement. Il faut assurer une visibilité et une sécurité juridique maximales aux dispositions adoptées.
Ma deuxième observation porte sur le diagnostic, qui me semble également partagé, pour ces éléments fondamentaux, par tous les acteurs concernés. Il existe un consensus pour dire que l'accroissement des usages du numérique présente le risque de faire augmenter les émissions de gaz à effet de serre aux échelles française, européenne et mondiale. Pour rendre les choses concrètes, en France, les internautes passent en moyenne plus de cinq heures par jour à naviguer sur internet, dont près de deux sur mobile. Les données de l'étude commandée par la mission d'information du Sénat indiquent que, si la tendance actuelle se maintient et en l'absence d'action proactive, les émissions de gaz à effet de serre augmenteront de plus de 60 % d'ici à 2040. Cette évolution porterait la part du secteur numérique dans nos émissions nationales de 2 % à 6,7 %, en dépit des gains d'efficience obtenus.
Deux chiffres illustrent la situation. De 2010 à 2018, la quantité de calculs opérés par les data centers a augmenté de 550 %, et la consommation d'énergie de 6 %, soit un ratio proche de 1 à 100. Sur la période 2013-2017, les émissions des opérateurs de communications électroniques sont restées globalement stables, alors que la croissance de la consommation de données mobiles en 4G était de l'ordre de 30 % par an. À l'échelle mondiale, le numérique, qui représente actuellement de 5 % à 7 % de la consommation d'électricité, compte pour 2 % des émissions de gaz à effet de serre. La Commission européenne considère que cette proportion pourrait atteindre 14 % en 2040, en l'absence d'action spécifique visant à freiner cette dynamique.
Par-delà ce premier constat en grande tendance, la distribution des causes de l'empreinte environnementale du numérique fait aussi consensus, même si les chiffres varient en fonction des études et des périmètres retenus. Les terminaux en sont les principaux responsables, notamment dans leur phase de production. D'après les chiffres de la mission d'information du Sénat, ils représentent 81 % de nos émissions nationales, et sont suivis par les centres de données (14 %) et les réseaux (5 %). Au sein de la part des terminaux, les téléviseurs représentent près du quart des émissions totales, contre 13 % pour les smartphones – cette précision importe, car il est assez courant de réduire les terminaux à ces derniers.
Ce double diagnostic partagé, sur la tendance à l'accroissement des émissions de gaz à effet de serre et sur leur distribution, ne doit pas faire oublier que plusieurs débats restent à trancher, s'agissant notamment de l'évaluation de l'effet rebond, qui se produit au moment où l'accroissement des usages dépasse les gains d'efficience énergétique, et de la quantification des externalités positives du numérique. Ces deux questions sont indispensables à une approche objectivée du sujet.
Soyons clairs : le numérique, comme les autres secteurs d'activité, doit faire des efforts de sobriété. Toutefois, il n'est pas acceptable qu'il soit systématiquement pointé du doigt, alors même qu'il présente de nombreuses externalités positives, qui restent à évaluer. Il doit contribuer à sa juste mesure. Il faut tenir compte des gains environnementaux qu'il offre, qui ne sont pas suffisamment mis en avant faute d'études. Tel sera l'objet de l'observatoire de recherche des impacts environnementaux du numérique, prévu à l'article 3 de la proposition de loi, auquel je suis très favorable.
J'en viens au contenu de la proposition de loi, qui est construite sur une approche globale de l'impact environnemental du numérique – ce qu'il convient de saluer – et comporte cinq chapitres, respectivement consacrés à la sensibilisation des utilisateurs, à la limitation du renouvellement des terminaux, à la promotion d'usages du numérique écologiquement vertueux, à la promotion de centres de données et de réseaux plus écologiques et à la mobilisation des collectivités locales dans le cadre de cet effort.
L'article 6 prévoit de renforcer l'effectivité du délit d'obsolescence programmée, en simplifiant sa définition au sein du code de la consommation. Sa rédaction est issue des débats menés au Sénat, avec l'appui de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Elle fait consensus auprès des acteurs administratifs et économiques consultés. J'y suis donc favorable en l'état.
Il en est de même de l'article 7, qui intègre l'obsolescence logicielle au sein du délit d'obsolescence programmée. Je regrette néanmoins, comme nos collègues sénateurs, que le Gouvernement n'ait toujours pas remis le rapport prévu à l'article 27 de la loi AGEC.
Les articles 8 à 10 portent sur les mises à jour logicielles. L'article 8 prévoit de dissocier les mises à jour nécessaires au maintien de la conformité du bien de celles qui ne le sont pas, « de façon à permettre au consommateur, s'il le souhaite, de n'installer que les mises à jour nécessaires à la conformité du bien ». L'article 9 étend de deux à cinq ans la durée pendant laquelle le consommateur est en droit de recevoir les mises à jour nécessaires au maintien de la conformité de son bien numérique. L'article 10 prévoit un droit à la réversibilité s'agissant des mises à jour non nécessaires à la conformité du bien, dans un délai qui ne peut être inférieur à deux ans.
En tant que rapporteur pour avis de la proposition de loi et député attentif aux questions de sécurité – avec Mme Christine Hennion et d'autres –, je signale un point de vigilance ferme pour la suite de nos débats. La sécurité de nos terminaux ne doit pas être compromise par la recherche d'une limitation de leur obsolescence logicielle. En outre, les auditions que j'ai menées ont démontré que la dissociation entre les mises à jour, selon qu'elles sont nécessaires ou non au maintien de la conformité du bien, peut s'avérer complexe, même si cette distinction est plus pertinente que celle envisagée dans la rédaction initiale de l'article 8 par le Sénat. Par ailleurs, le droit européen, notamment la directive UE 2019/770 relative à certains aspects concernant les contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques, ménage à l'utilisateur la liberté d'installer ou non certaines mises à jour.
Je défendrai plusieurs amendements à ces articles, en vue d'assurer l'équilibre entre sécurité et environnement. À l'article 8, je proposerai ainsi de supprimer la fin du deuxième alinéa, afin de ne pas envoyer un mauvais message aux utilisateurs. Par les temps qui courent, il faut, autant que faire se peut, installer les mises à jour proposées par les fabricants de logiciels. Par ailleurs, le premier alinéa de l'article L. 217-22 du code de la consommation prévoit d'ores et déjà la possibilité, pour l'utilisateur, de refuser d'installer des mises à jour proposées. À l'article 10, je proposerai un amendement de suppression, en raison des risques trop importants induits par le délai de deux ans proposé à l'utilisateur pour revenir sur des mises à jour effectuées, fussent-elles considérées comme non nécessaires au maintien de la conformité du bien. Je ne proposerai aucune modification de l'article 9, car je suis favorable à son principe.
L'article 11 étend la garantie légale de conformité à cinq ans pour les biens comportant des éléments numériques. L'article 11 bis vise à compléter le décret prévu à l'article L. 122‑21‑1 du code de la consommation par une phrase ainsi rédigée : « Pour les biens comportant des éléments numériques, ce décret prévoit notamment des règles en matière de qualité et de traçabilité du produit, incluant un affichage des pays de provenance et de reconditionnement ». Je proposerai la suppression de ces deux articles par amendement : je considère en effet qu'il n'est pas pertinent de créer deux régimes de garantie distincts, selon que le bien comporte ou non des éléments numériques, afin d'assurer la lisibilité pour le consommateur.
L'article 14 bis porte sur le renouvellement des terminaux dans le cadre d'offres dites « subventionnées ». Un important travail de réflexion à ce sujet reste à mener. Pour l'heure, il me semble souhaitable de laisser les choses en l'état, en attendant de trouver un point d'équilibre.
S'agissant de l'article 15, j'en proposerai la suppression par amendement, compte tenu des difficultés juridiques et techniques qu'il soulève, et pour ne pas préempter les travaux en cours.
Je suis favorable à l'article 16 visant à introduire un référentiel général d'écoconception des services numériques, sous réserve du respect du principe de neutralité du net, ainsi qu'à l'article 16 bis relatif à l'information des usagers des services de médias audiovisuels à la demande sur l'impact environnemental de leur usage. Je proposerai néanmoins de décaler par amendement son entrée en vigueur à 2024, pour laisser le temps aux travaux de méthodologie de se dérouler dans la sérénité. Ces informations sont indispensables pour que l'usager puisse matérialiser le coût environnemental du numérique, qui n'est pas aussi immatériel qu'il y paraît. Par exemple, une heure de vidéo Netflix équivaudrait à moins de 100 grammes de CO2 ou 1 kilomètre effectué en voiture. La valeur de ces comparatifs, qui permettent de jauger et d'adapter ses usages et de dépassionner les débats, saute aux yeux.
Les articles 21 à 24 bis portent sur les data centers et sur les réseaux de communications électroniques. Je suis favorable à l'article 21, qui vise à renforcer l'écoconditionnalité à l'octroi d'un tarif réduit sur la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE), en tenant compte des questions essentielles de la « chaleur fatale » et de la consommation d'eau. Je rappelle que l'entreprise Google a été critiquée en raison de la voracité de ses data centers, qui, en 2019, ont consommé, dans trois États américains seulement, 8,8 milliards de litres d'eau. S'agissant de l'article 21 bis, je considère qu'un travail reste à effectuer et souhaite nous laisser une chance d'aboutir à des dispositions satisfaisantes.
Je suis favorable à l'article 23, qui impose des engagements environnementaux contraignants aux opérateurs de réseaux, ainsi qu'à l'article 24 relatif à la compétence environnementale de l'ARCEP et à l'article 24 bis relatif aux enjeux de la spéculation foncière, qui sont importants. Sur ce dernier article, je présenterai deux amendements, visant respectivement à améliorer sa rédaction, en faisant évoluer de concert le code des postes et des communications électroniques et le code de l'urbanisme, et à améliorer l'information du maire.
Je proposerai la suppression de l'article 23 bis, qui est redondant avec l'article 5 ter du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
Enfin, j'aimerais évoquer l'article 14 bis B, qui n'est pas dans le champ de notre saisine, mais qui sera largement débattu. Tel qu'il est rédigé, il prévoit de ne pas assujettir les terminaux reconditionnés à la rémunération pour copie privée (RCP). Compte tenu de la nature des usages numériques contemporains, qui fonctionnent sur des flux et non des stocks, il me semble indispensable de préserver l'équilibre trouvé au Sénat pour soutenir la filière des produits numériques reconditionnés. Il s'agit aussi – je présenterai d'ailleurs un amendement en ce sens, prévoyant la remise d'un rapport au Parlement, devant la commission saisie au fond – de nous interroger sur le sens de l'extension continue du domaine de la RCP et sur un certain défaut de transparence de ce système, dont je dis clairement qu'il n'est pas acceptable.
Je remercie et félicite notre collègue Éric Bothorel de sa présentation exhaustive de la proposition de loi et pour son travail. Ce texte constitue un complément essentiel au projet de loi « climat et résilience », que nous avons récemment examiné. Je m'associe au rapporteur pour féliciter le Sénat de son travail. Il n'en demeure pas moins essentiel d'adopter une approche efficace, rationnelle et pertinente de ces enjeux.
S'agissant des articles 8 à 10, je souscris aux réserves formulées par le rapporteur en matière de difficultés techniques et de sécurité. Qu'en sera-t-il en pratique pour l'utilisateur ? S'il fait le choix d'une mise à jour de conformité, aura-t-il le choix d'installer la mise à jour évolutive a posteriori ? Si tel est le cas, dans quel délai ? Tout cela devra être clairement indiqué.
S'agissant de l'article 11, nous y sommes également défavorables. La création d'un régime de garantie de cinq ans pour les éléments numériques de produits dont la garantie est de deux ans pose un problème d'articulation juridique. L'article 3, dont nous ne sommes pas saisis pour avis, prévoit la création d'un observatoire de recherche des impacts environnementaux du numérique. Même si ses attributions, missions et prérogatives ont vocation à être précisées par décret, je m'interroge à leur sujet, ainsi que sur leur articulation avec les missions des autres organismes dédiés que sont l'ARCEP, l'ADEME et le Haut Conseil pour le climat.
Si l'objectif de préservation de l'environnement est au cœur de nos débats, s'il est urgent de se préoccuper de l'impact du numérique, il ne faut pas oublier que les filières numérique et informatique sont porteuses de croissance, et qu'il faut trouver un équilibre pour préserver l'environnement tout en continuant d'encourager l'innovation et la compétitivité. La crise de la covid-19 démontre à quel point le numérique nous aide pour le travail et l'éducation, ainsi que pour suivre l'épidémie et accélérer la sortie des vaccins. Continuons à soutenir le numérique, mais un numérique responsable ! C'est ce qui nous différencie d'autres formations politiques qui, comme à Lyon, décident de leur couper les ailes. C'est avec conviction que notre groupe votera ce texte, ainsi que les amendements de notre rapporteur.
La proposition de loi vise à orienter le comportement des acteurs du numérique, qu'il s'agisse des consommateurs, des professionnels du secteur ou des acteurs publics, afin de garantir – c'est important – le développement sobre, responsable et écologiquement vertueux du numérique. Afin de concilier la transition écologique et la transition numérique – objectif auquel je souscris –, le texte fixe des objectifs en matière de prise de conscience des impacts environnementaux du numérique par les usagers, de limitation du renouvellement des terminaux, de promotion d'usages du numérique écologiquement vertueux et d'engagement des opérateurs en matière de déploiement de la 5G.
Le développement des infrastructures numériques constitue un pilier essentiel pour le développement des territoires ruraux. Or, avant même le déploiement de la 5G, plusieurs d'entre eux pâtissent du manque de couverture numérique, qui affecte directement leur attractivité. La présente proposition de loi incite les collectivités territoriales à élaborer des stratégies numériques responsables ; il ne faudrait pas que la loi contraigne davantage encore les acteurs publics dans le déploiement du numérique dans les territoires, qu'il est vital de développer. Faire converger la transition numérique et la transition écologique ? Oui, mais il faut être attentif à ne pas entraver l'amélioration de la couverture numérique des territoires, notamment des territoires ruraux, par des normes toujours plus nombreuses susceptibles de décourager les professionnels du secteur, notamment les opérateurs réseaux.
Monsieur le rapporteur, pouvez-vous nous assurer que cette proposition de loi ne retardera pas le développement de la couverture numérique des territoires ruraux ?
Monsieur le rapporteur, vous avez bien situé les enjeux de la proposition de loi. En matière de préservation du climat, l'impact du numérique doit être pris en considération. Il compte pour 2 % des émissions de gaz à effet de serre, proportion qui s'élèvera à 7 % en 2040 si la tendance au développement des usages du numérique se poursuit. Il importe de ne pas se tromper de cible : cet impact provient à 70 % de la fabrication et de l'installation d'équipements et de terminaux en réseau, et à 30 % du flux de données. L'effort de sobriété doit donc porter davantage sur les équipements que sur les usages.
Il en va aussi de la préservation des ressources non renouvelables. Au rythme actuel de notre production en équipements numériques, plusieurs métaux du tableau de Mendeleïev seront épuisés d'ici à trente ans. Ce constat rejoint les préoccupations en matière d'économie circulaire et d'écoconception, ainsi que de réduction de l'empreinte environnementale à la source, de remploi et de recyclage.
S'agissant du chapitre II, intitulé « Limiter le renouvellement des terminaux », j'aimerais formuler quelques observations au nom du groupe MoDem. De nombreux Français sont très sensibles à la question de l'obsolescence programmée. L'inversion de la charge de la preuve, qui oblige les metteurs sur le marché à faire la démonstration qu'ils n'ont pas réduit la durée de vie des biens proposés aux consommateurs, nous semble aller dans le bon sens.
La distinction entre mises à jour correctives et mises à jour évolutives présente un intérêt à nos yeux. Les premières visent à corriger une erreur interne au système d'exploitation ; les secondes s'appliquent à des fonctions et ne sont pas toujours compatibles avec le niveau d'équipement du terminal, notamment en matière de mémoire et de résolution de l'appareil photo. Les dispositions relatives au conditionnement de l'octroi d'un tarif réduit de la TICFE, à la traçabilité des produits, à la RCP, au taux de TVA réduit sur la réparation de terminaux et à l'acquisition de produits électriques et électroniques reconditionnés vont aussi dans le bon sens.
Nous sommes également saisis pour avis du chapitre III « Faire émerger et développer des usages du numérique écologiquement vertueux » et du chapitre IV « Promouvoir des centres de données et des réseaux moins énergivores ». Les débats à leur sujet risquent d'opposer des points de vue qui ne seront pas exactement convergents.
La présente proposition de loi est au carrefour de plusieurs politiques publiques. Le développement du numérique facilite l'intégration des énergies renouvelables et l'efficience en matière d'utilisation de l'énergie. En la lisant, j'ai également pensé à la loi d'accélération et de simplification de l'action publique (ASAP), dont plusieurs dispositions reposent sur la numérisation.
En fin de compte, nous sommes confrontés à un dilemme : la présente proposition de loi vise à la maîtrise de nos infrastructures et de nos terminaux, donc à la réduction de notre consommation, mais nous devons résorber les fractures numériques pour assurer la transition énergétique, la simplification administrative et l'accès au numérique dans les territoires. La fracture numérique est sociale, en raison du coût des équipements permettant de fournir des terminaux à tous, et territoriale, avec des zones blanches qui ne sont pas raccordées à la fibre, qui détermine l'accès aux réseaux pour tous. D'un côté, nous sommes soumis à la nécessité d'en faire plus, et de l'autre, la présente proposition de loi prévoit d'en faire moins.
Une discussion sur l'empreinte environnementale du numérique était nécessaire. Les cinq chapitres de la présente proposition de loi permettent de mieux prendre la mesure des enjeux soulevés par l'utilisation des nouvelles technologies.
Ce texte s'inscrit dans la continuité du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dont il est complémentaire. L'impact environnemental du numérique est encore trop peu connu du grand public. Une prise de conscience de l'usage quotidien du numérique est nécessaire.
Nous devons renforcer l'information et l'éducation du consommateur pour que les changements s'opèrent. À cet effet, il me semble utile d'insister sur le ratio des sources d'émissions de gaz à effet de serre du numérique, pour nous concentrer sur l'application des mesures prioritaires. En France, la fabrication des terminaux représente 81 % des émissions du numérique, les data centers 14 % et l'utilisation du réseau 5 %, ce qui n'implique pas qu'il ne faut pas s'en occuper. Compte tenu de ces chiffres, nous devons inciter les utilisateurs à recourir aux appareils reconditionnés, et inciter davantage les constructeurs à fabriquer des appareils démontables, afin d'assurer une réparation avantageuse, avec un accès plus simple et plus rapide aux pièces détachées. Je tiens également à appeler l'attention sur la fabrication des téléviseurs, très consommatrice d'énergie et souvent négligée.
S'agissant de la croissance de l'utilisation du réseau, il convient de promouvoir l'utilisation du wifi, quatre fois moins consommatrice d'énergie que celle du réseau mobile. À cette fin, nous proposerons une réécriture de l'article 15, prévoyant une association des constructeurs et des opérateurs mobiles pour que le wifi soit détecté plus facilement et utilisé automatiquement, et pour que l'appel en wifi soit proposé par défaut, et non sous forme d'une option à activer sur les téléphones et les tablettes. La lecture automatique et continue de vidéos est également consommatrice d'énergie, surtout si elle ne passe pas par un réseau wifi. Cette question sera-t-elle traitée ? Si oui, comment ?
Plusieurs membres du groupe Agir ensemble souhaitent trouver une solution pour contenir l'augmentation du nombre de pylônes destinés à la téléphonie mobile, tout en améliorant la couverture en zone rurale par le biais de la généralisation de l'itinérance, de l'obligation du partage d'accès radio ( RAN sharing ) et de l'incitation à la coconstruction, afin de réduire l'impact environnemental de la production d'équipements et de réduire les atteintes aux paysages. Nous souhaitons connaître l'avis du rapporteur à ce sujet.
Il nous semble pertinent d'insister sur les chiffres mesurant les impacts positifs et négatifs du numérique pour assurer une législation efficace. Quelle est la différence entre une visioconférence et un trajet en voiture pour se rendre à une réunion ? Entre un courriel à plusieurs destinataires et un envoi postal ? Quel est le bilan carbone d'un espace de sauvegarde en ligne et du visionnage d'une vidéo en 4G ?
Les députés du groupe Agir ensemble sont favorables à ce texte enrichi. Nous souhaitons sincèrement que ces mesures percutantes soient effectivement appliquées, pour initier un réel changement dans notre façon d'utiliser les nouvelles technologies à l'échelle nationale, en espérant que les choses changent également au niveau mondial.
Face aux enjeux environnementaux, les technologies numériques révèlent leurs ambivalences. Sans elles, nous ne réussirons pas la transition écologique ; avec leur expansion, nous nous exposons à une consommation démultipliée de ressources.
Les inquiétudes sont particulièrement grandes au sujet de la consommation électrique du secteur, amenée à croître de 9 % par an. À ce rythme, il faudrait presque une nouvelle révolution technologique pour être en mesure de satisfaire la demande à venir. Pourtant, ces enjeux d'avenir sont faiblement pris en compte dans nos politiques publiques. Pas un mot ou presque n'a été dit, dans le projet de loi « climat et résilience » sur la transition énergétique du numérique. Quant à la feuille de route « Numérique et environnement » présentée par le Gouvernement en février dernier, elle s'apparente plus à une série de vœux souvent pieux qu'à un véritable plan d'action.
La présente proposition de loi est donc particulièrement opportune. Il s'agit de réguler l'impact environnemental du numérique, en engageant le secteur, dans sa globalité, vers un usage, une production et une commercialisation plus sobres et respectueux de l'environnement.
Le premier sujet abordé par nos collègues sénateurs est celui de la sensibilisation des utilisateurs à l'impact environnemental du numérique. S'il est essentiel de connaître pour mieux agir, il est également nécessaire de donner des moyens aux acteurs concernés pour leur permettre de transformer leurs pratiques. À cet égard, je salue la mise en place d'un crédit d'impôt à la numérisation durable des PME, qui leur permettra de faire face au double enjeu de la numérisation et de la transition écologique.
Par ailleurs, le secteur s'est bâti sur une obsolescence systémique, qui provoque un gaspillage colossal d'énergie et de matériaux. Les effets de mode et de dépendance entre les logiciels conduisent prématurément à la casse un nombre important d'objets électroniques. En France, ces mêmes terminaux électroniques sont la principale source de pollution issue du numérique. Les articles visant à lutter contre l'obsolescence programmée, notamment l'article 8 visant à dissocier les mises à jour correctives des mises à jour évolutives, que notre groupe a défendu lors de l'examen du projet de loi AGEC, me semble répondre au problème. De même, le taux de TVA réduit sur les produits reconditionnés a été défendu par le groupe Libertés et Territoires lors de l'examen du dernier projet de loi de finances.
Nous nous réjouissons également que le Sénat se soit emparé de la question de l'impact environnemental des data centers – des « centres de données », en bon français. Tandis que la consommation d'énergie induite par le stockage et le traitement des données ne cesse de s'accroître, il est urgent d'engager ces organisations dans un verdissement de leurs pratiques.
L'enthousiasme pour la révolution numérique ne doit pas être un aveuglement. Réguler l'impact environnemental du numérique ne consiste pas à faire de l'écologie « Pierrafeu », mais à répondre aux enjeux de demain. Notre groupe se réjouit de constater que cette proposition de loi apporte des premières solutions pour envisager, demain, un meilleur encadrement du secteur du numérique.
Il y avait un gros souci pour la « start-up nation », qui rêve d'un monde numérique avec des campus 100 % distanciel, du commerce en ligne, du télétravail, des services publics 100 % numériques à l'horizon 2022, et un secrétaire d'État chargé du numérique qui nous dit qu'il faut connecter un maximum d'objets et de systèmes pour parvenir à une optimisation de la production. Il faut donc que les tables, les micros et à peu près tout, dans les maisons et dans les bureaux, soit connecté. Il y a là une espèce d'idéal, y compris pour le capital, qui pourrait renouveler tous les objets.
Le souci, c'est que tout cela n'est pas dématérialisé. Au contraire, c'est plein de matière et d'énergie. Tout cela pourrait représenter 7 % des émissions de gaz à effet de serre en 2040, d'après le rapport du Haut Conseil pour le climat, et plusieurs millions de tonnes de CO2 en plus d'ici à 2030. Quant à l'effet rebond, nous l'avons déjà : au premier trimestre 2021, les ventes de téléphones portables ont augmenté de 24 % avec l'arrivée de la 5G.
Comment réagir ? Comme il n'est pas question de fixer des limites à la consommation et à l'obsolescence programmée, nous avons commencé par le déni, par la négation du souci, voire par le projet de résoudre le mal par le mal en déployant le numérique, l'automatique et l'électrique partout, dans les maisons, l'agriculture et les bureaux, en pensant que cela permettra des économies d'énergie. C'était – et c'est toujours – un sophisme technologique.
Cela ferait rire si les conséquences de cette folie n'étaient pas tragiques pour nos enfants. Ce qui est proposé dans ce texte pour faire face à l'hémorragie énergétique que nous connaissons, ce sont des sparadraps : sensibilisation des enfants, à l'école, sur l'impact environnemental du numérique ; création d'un observatoire de recherche des impacts environnementaux du numérique ; prise en compte de l'impact environnemental du numérique dans le bilan relatif à la responsabilité sociale et environnementale des entreprises.
Ces mesures ne sont pas d'une ambition folle et elles ne seront pas suffisantes pour lutter efficacement contre la gabegie énergétique actuelle, mais elles ont le mérite d'exister. Or vous avez déposé, monsieur le rapporteur, plusieurs amendements qui vont réduire considérablement la portée de cette proposition de loi en supprimant des dispositions pourtant utiles : l'allongement de la garantie pour les produits comportant des éléments numériques ; le reconditionnement local des produits numériques, qui est la condition sine qua non d'une fabrication écologiquement responsable ; un mode de tarification des forfaits mobiles qui favoriserait la connexion filaire ou par accès wifi.
Il n'y a rien de personnel dans mes propos, monsieur le rapporteur, mais tout cela fait le jeu de l'industrie des télécommunications. Et ce n'est pas la première fois que vous vous faites ici son porte-voix. À propos de la 5G, vous avez déjà déclaré : « Elle accélérera prodigieusement le développement de nouveaux usages. Les exemples ne manquent pas : déploiement à grande échelle de véhicules autonomes, optimisation de la consommation énergétique, ou encore développement de nouveaux services en télémédecine. » Et vous ajoutiez : « Nous devons accueillir avec enthousiasme l'arrivée à maturité technologique de la 5G. ». Par ailleurs, vous avez été félicité par M. Xavier Niel, au sein même de cette commission, lorsque vous avez proposé la suppression de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER), dont vous vous faisiez le porte-voix.
Ce que nous demandons, a minima, c'est que le niveau d'ambition qui a été fixé au Sénat, non pas par l'extrême gauche, mais par le groupe Les Républicains, soit maintenu par cette commission.
Oui à la résorption de la fracture numérique et des zones blanches, pour un accès équitable aux nouvelles technologies, particulièrement en milieu rural. Oui à la transition numérique. Oui aux équipements qui sont nécessaires. Oui, veillons à ne pas décourager les opérateurs !
Cependant, il faut créer les conditions de l'acceptabilité locale. Cela ne peut pas se faire contre les élus, contre les maires, contre les citoyens. Sur le terrain, il faut poser des mâts et des antennes relais, et tous les opérateurs ne les posent pas sur le même support. Nous connaissons les avantages de la numérisation, mais il faut aussi en mesurer les risques et les nuisances. Je pense en particulier à l'impact que peuvent avoir les ondes électromagnétiques sur la santé des personnes résidant à proximité d'antennes relais, notamment s'il y a des failles telluriques. Vous savez combien je suis attaché à cette question de santé publique.
Monsieur Daniel, je connais votre engagement sur la question des risques telluriques et vous ne manquez jamais de les rappeler lorsque nous avons des débats relatifs au numérique. Mais vous conviendrez qu'ils n'entrent pas vraiment dans le périmètre de ce texte. Je ne doute pas que d'autres véhicules législatifs nous permettront d'introduire les avancées que vous appelez de vos vœux.
Monsieur Ruffin, il est vrai que, depuis quatre ans, j'ai beaucoup travaillé sur la question du numérique et des télécommunications – comme d'ailleurs beaucoup des parlementaires composant l'Assemblée renouvelée en 2017, ce qui en fait une de ses particularités. Auparavant, en dehors de Mme Laure de La Raudière et de Mme Corine Erhel, rares étaient les députés qui s'intéressaient à ces questions. Ils sont nombreux, désormais, à le faire. Mon parcours et mes goûts personnels me portent vers ces questions. Je viens du secteur privé et, même si je n'ai jamais travaillé pour un opérateur téléphonique, je m'intéresse au sujet, j'en maîtrise les aspects techniques et j'en connais les codes.
S'agissant des téléphones portables, il m'est impossible de dire si les offres groupées incitent davantage que le mode de commercialisation classique au renouvellement des appareils. Vous avez évoqué M. Xavier Niel ; lorsque je l'ai interrogé sur ce point, il n'a pas pu me dire clairement si son modèle était plus vertueux. Je ne demande qu'une chose : que nous déterminions ensemble ce qu'il en est, objectivement. Sur le territoire européen, on compte 150 opérateurs, dont les pratiques ne sont pas toutes calquées sur celles de notre opérateur historique. Or on constate que le rythme de renouvellement des téléphones portables est à peu près le même partout.
Le basculement automatique en wifi ne serait pas nécessairement des plus vertueux non plus. C'est ce qui ressort de mes échanges avec les différents acteurs. D'abord, certains de nos concitoyens accèdent à internet par des box 4G : quand bien même ils se connectent en wifi, ils sollicitent le réseau 4G. Ensuite, selon les terminaux, il n'est pas avéré que le visionnage d'une vidéo est plus vertueux en wifi que via le réseau filaire. Enfin, les prévisions dont nous disposons montrent que la modernisation des infrastructures mobiles va permettre de faire rapidement des économies environnementales et de rattraper notre retard. À terme, il pourrait donc être plus vertueux de consommer certaines data via les réseaux mobiles que via les réseaux filaires.
Plusieurs d'entre vous ont souligné le risque qu'il y aurait, en nous focalisant sur la question environnementale, d'oublier l'enjeu de la couverture numérique du territoire, notamment en zone rurale. Je veux vous rassurer. Tout au long de mon travail, j'ai été en contact constant avec notre collègue Patrick Chaize, que je connais de longue date et dont je sais la qualité du travail, notamment pour siéger avec lui au sein de l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (AVICCA). Nous ne saurions construire un texte visant à prendre en compte l'impact environnemental du numérique en sacrifiant des avancées réalisées par cette majorité, et par cette commission, dans d'autres textes, par exemple la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN). N'oublions pas que le New Deal mobile a, en partie, vu le jour au sein de notre commission ! Il est hors de question de tourner le dos aux avancées que nous avons obtenues collectivement et qui ont permis, en 2017, de diviser par deux le délai d'instruction de mise en œuvre d'une station radioélectrique – je rappelle qu'à cette époque, la Grande-Bretagne mettait dix-huit à vingt-quatre mois pour installer une station radioélectrique, alors qu'il nous en fallait trente-six. Il est hors de question de revenir en arrière et de restaurer des procédures qui seraient de nature à retarder le déploiement des réseaux, qui se fait actuellement à un rythme soutenu – c'est même le plus soutenu en Europe. J'en profite pour saluer les acteurs qui, au quotidien, déploient de la fibre et des stations radioélectriques sur notre territoire.
En matière de déploiement, se pose aussi la question des TowerCos et de la mutualisation. Nous veillons à ce que ce développement ne nuise pas à l'environnement et nous cherchons toujours des solutions équilibrées.
Chers collègues, vous avez salué le travail accompli par le Sénat et je veux croire que notre belle unanimité – si l'on excepte notre collègue François Ruffin – nous permettra, non pas d'appliquer un sparadrap, mais de faire preuve de volontarisme pour réduire l'impact environnemental du numérique, à partir d'un travail sérieux d'objectivation des enjeux, sur l'ensemble des segments du secteur. Cela vaut toujours mieux que de remuer des idées et de les jeter en l'air en espérant qu'elles retombent.
Articles 6 et 7
La commission émet un avis favorable à l'adoption des articles 6 et 7 sans modification.
Article 8 : Dissociation des mises à jour nécessaires et non nécessaires au maintien de la conformité du bien et information sur leurs caractéristiques essentielles
Amendement CE20 du rapporteur pour avis.
Cet amendement rédactionnel vise à supprimer la possibilité pour les utilisateurs de n'installer que les mises à jour nécessaires à la conformité du bien. Il ne faut pas envoyer un message contradictoire aux utilisateurs des terminaux : les mises à jour sont, dans leur ensemble, utiles pour se prémunir des risques de sécurité.
La commission adopte l'amendement.
Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 8 ainsi modifié.
Article 9 : Extension de 2 à 5 ans de la durée minimale pendant laquelle le consommateur est en droit de recevoir les mises à jour nécessaires au maintien de la conformité de son bien numérique
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 9 sans modification.
Article 10 : Droit à la réversibilité des mises à jour au cours d'une période qui ne peut être inférieure à 2 ans
Amendement de suppression CE25 du rapporteur pour avis.
L'article 10 crée un droit à la réversibilité pour les mises à jour logicielles des biens numériques lorsqu'elles ne sont pas nécessaires à la conformité du bien.
La distinction entre les mises à jour de sécurité, qui sont nécessaires à la conformité du bien, et celles qui ne le sont pas, reste complexe. On ne peut exclure complètement qu'une faille de sécurité puisse procéder d'une mise à jour secondaire non effectuée. Une autre difficulté tient à la différence entre les ordinateurs, dans lesquels existe un point de sauvegarde, et les terminaux mobiles, dont le processus de stockage est plus complexe.
La création d'un « droit à la réversibilité » des mises à jour risquerait, par ailleurs, d'envoyer un message contradictoire aux usagers qui doivent être incités, d'abord et avant tout, à appliquer les mises à jour qui leur sont suggérées sur leur terminal pour parer au maximum au risque cyber.
Imaginez un usager dont l'ordinateur tombe en panne. Il contacte un centre d'appel et explique que son système d'exploitation date de 2011, mais qu'il n'a pas fait telle et telle mise à jour… Cela va créer un climat d'insécurité pour les utilisateurs, car les centres d'appel ne pourront pas leur donner de réponse. Par ailleurs, à l'heure où la menace cyber est très sérieuse, une telle disposition augmenterait la surface d'attaque possible, car nous créerions des environnements totalement instables. Voilà pourquoi je propose de supprimer cet article.
Nous voulons en rester à la version qui a été votée au Sénat de façon transpartisane. Vous voulez retirer au consommateur la possibilité de revenir à une version antérieure de son logiciel, si jamais la nouvelle version ne lui convient pas. Il faut dire ce qui est : vous imposez quelque chose au consommateur, vous ne lui laissez plus le choix.
La version initiale du texte fait une distinction claire entre les logiciels qui relèvent de la sécurité et ceux qui n'en relèvent pas, et les fabricants de logiciels sont capables de faire cette distinction. La formulation initiale selon laquelle le consommateur peut revenir à une version antérieure lorsque la sécurité n'est pas en jeu est plus ouverte, donc préférable.
C'est un point sensible. Nous avons auditionné l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), qui n'a pas de lien avec les opérateurs téléphoniques et n'est pas préoccupée par les enjeux économiques. Son souci du moment, c'est de faire face à la menace cyber. Je précise que l'ANSSI n'avait pas été auditionnée dans le cadre des travaux du Sénat ; j'en ai parlé directement avec notre collègue Patrick Chaize, que j'ai également informé de ma volonté de supprimer cet article.
Si vous trouvez, au cours de la navette parlementaire, une rédaction qui réponde à la fois aux enjeux environnementaux et aux besoins de sécurité, je vous suivrai volontiers. Mais à ce stade, et compte tenu des informations qui remontent du terrain, non seulement de la part de ceux qui ont des intérêts économiques à défendre, mais aussi de ceux qui veillent à la sécurité, il me semble sage et raisonnable de supprimer cet article. Si son principe peut paraître séduisant, il me semble que, pour un bénéfice qui n'est que présumé, nous allons prendre des risques qui, eux, sont avérés.
La commission adopte l'amendement, exprimant ainsi un avis favorable à la suppression de l'article 10.
Article 11 : Extension de la garantie légale de conformité à 5 ans pour les biens comportant des éléments numériques
Amendement de suppression CE24 du rapporteur pour avis.
Je propose de supprimer l'article 11, qui prévoit de porter de deux à cinq ans la garantie légale de conformité des biens comportant des éléments numériques.
Ce prolongement de la garantie légale de conformité prendrait en effet la forme d'une « prime au remplacement » au détriment de l'allongement de la durée d'utilisation des biens numériques et du développement de biens numériques reconditionnés. Il risque également de fragiliser la filière des métiers de la réparation, menaçant directement quinze mille emplois de techniciens, alors même que ce secteur est stratégique dans la lutte contre le gaspillage et l'obsolescence programmée.
À l'issue des échanges menés avec la DGCCRF, il ne semble pas pertinent de créer deux régimes distincts de garantie légale de conformité, selon qu'un bien comprend ou non des éléments numériques. Ce que je propose me paraît plus sécurisant pour le consommateur.
S'il existe deux régimes distincts, qui va réparer quoi ? Sur quelle base ? Vers qui orientera-t-on les produits ? Cela crée une vraie difficulté.
Ce n'est qu'un prétexte pour ne pas aller vers un allongement de la durée de garantie sur les produits numériques. Nous, nous sommes favorables à une extension de garantie sur tous les produits, ceux qui contiennent des éléments numériques, comme sur l'électroménager classique, car étendre la durée de garantie est le seul moyen de lutter contre l'obsolescence programmée. Il faut que la puissance publique soutienne le secteur de la réparation, qui doit absolument se développer. Or la suppression de cet article ne va pas du tout dans le bon sens. Cette proposition avait été soutenue de manière transversale par tous les groupes du Sénat.
Cet article implique que, pendant cinq ans, vous n'allez pas envoyer votre matériel en panne chez un réparateur, mais chez le fabricant. Voilà en quoi il pénalise la filière de la réparation.
Je ne suis pas contre le principe d'une extension de garantie, mais la manière de procéder ne me paraît pas être la bonne. Je répète que la création de deux régimes va compliquer les choses, d'autant qu'elle ne sera pas forcément claire pour les utilisateurs, pour lesquels une machine à laver et un réfrigérateur connecté ne sont pas si différents. Nous sommes au début de l'examen de ce texte : si vous trouvez une rédaction plus satisfaisante, je suis prêt à l'examiner, mais il n'y a pas de raison de ne pas écouter la DGCCRF.
Nous étions favorables à un régime unique : l'allongement de la garantie à la fois pour l'électroménager et pour tout le numérique. Parce que cette disposition ne s'applique finalement pas à l'électroménager, vous ne voulez plus l'appliquer au numérique ! Pour les téléphones portables, par exemple, il y a peu de services de réparation. Or, quand on sait que 75 % de la consommation du numérique se trouve dans le terminal, diminuer le renouvellement des téléphones portables est un enjeu central pour réduire l'impact environnemental. Cet article me semble vraiment important.
La commission adopte l'amendement, exprimant ainsi un avis favorable à la suppression de l'article 11.
Présidence de M. Mickaël Nogal, vice-président de la commission
Article 11 bis : Respect par les acteurs du reconditionné de prescriptions prévues par décret en Conseil d'État et garantissant la qualité du reconditionnement
Amendement de suppression CE23 du rapporteur pour avis.
Si je propose de supprimer l'article 11 bis, c'est parce qu'il pose un problème de coordination avec certains textes réglementaires et qu'il présente un risque de non-conformité au droit européen. Il faut veiller à la coordination entre les dispositions que nous votons et celles qui ont déjà été introduites dans la loi AGEC, dans le projet de loi « climat », voire certaines dispositions qui ont déjà fait l'objet d'une ordonnance.
Il est dommage que vous ne disiez rien du contenu de l'article que vous voulez supprimer. Il concerne la traçabilité des biens reconditionnés et vise à favoriser le reconditionnement local, en France. Dans un article de presse sur le reconditionnement des téléphones portables, le journaliste explique que les smartphones d'occasion remis à neuf ne permettent vraiment de limiter le gaspillage que lorsque les appareils sont collectés et réparés en France. Or le Gouvernement agit peu pour favoriser les entreprises locales. Cet article pourrait précisément favoriser les entreprises françaises et vous voulez le supprimer !
Le droit européen est devenu une sorte de joker que l'on sort quand on est à court d'argument. Mais, quand l'enjeu est de protéger l'environnement, il faut prendre le risque de passer par-dessus. Entre la concurrence et la planète, je choisis la planète. Si vous n'avez rien dit du contenu de cet article, c'est peut-être parce que cette question vous met un peu mal à l'aise.
Je ne suis pas du tout mal à l'aise, mais l'article ne se limite pas à ce que vous évoquez. On est souvent séduit par les grands principes présentés dans un exposé des motifs, mais quand on entre dans le détail des dispositions, on s'aperçoit que certaines d'entre elles sont en contradiction avec des dispositions européennes ou qu'elles introduisent de l'insécurité.
La commission adopte l'amendement, exprimant ainsi un avis favorable à la suppression de l'article 11 bis.
Article 14 bis : Renforcement de l'information du consommateur sur les offres subventionnées
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 14 bis sans modification.
Article 15 : Engagement des opérateurs à proposer des modalités de tarification des forfaits mobiles incitant les consommateurs à favoriser une connexion filaire ou wifi.
Amendement de suppression CE21 du rapporteur pour avis.
Je propose de supprimer l'article 15, car son contenu porte atteinte à la liberté d'entreprendre et paraît difficile à mettre en œuvre en pratique, d'après les échanges que nous avons eus avec les différents acteurs.
En outre, tel que rédigé, il apparaît complexe sur le plan juridique, puisqu'il donne la « faculté » aux opérateurs de prévoir des modalités de tarification favorisant le fixe sur le mobile, dans le cadre néanmoins « contraignant » des engagements qu'ils devraient souscrire à l'article 23 de la présente proposition de loi.
Enfin, cet article méconnaît la nécessité, pour les citoyens qui ne sont pas encore éligibles à la fibre, de solliciter les réseaux mobiles en conséquence.
Ce qu'introduit cet article, c'est une sorte de « nutri-score » du numérique, puisqu'il impose aux vendeurs, producteurs, importateurs et distributeurs de téléphones portables d'indiquer, au moment où ils les vendent, le degré de réparabilité de leurs téléphones. L'article apporte une information au consommateur : celui-ci saura désormais si son téléphone peut facilement être réparé. Une fois de plus, vous voulez supprimer un article qui a pourtant été voté de manière transpartisane par nos collègues du Sénat. Le supprimer, c'est amoindrir encore la portée de cette proposition de loi, en supprimant ce qui aurait pu devenir un « numéri-score ».
Ne faites pas dire à cet article ce qu'il ne dit pas : on est encore très loin de ce qui pourrait s'apparenter à un « numéri-score » !
Les échanges que nous avons eus avec l'ADEME et l'ARCEP me font penser que la disposition proposée n'est pas le Graal. Il faudra, à terme, comme dans le domaine alimentaire, arriver à un meilleur étiquetage, une meilleure traçabilité et, finalement, une meilleure information, mais tout cela doit se faire dans la confiance. Il faut que l'ensemble des acteurs puissent partager des mesures et des indicateurs qui soient de nature à informer au mieux les consommateurs. Je le répète : ne faites pas dire à cet article ce qu'il ne dit pas.
Vous nous dites que vous voulez informer davantage le consommateur et vous supprimez l'article qui propose de le faire ! À la limite, si vous aviez dit que cette information était insuffisante et qu'il fallait la compléter, j'aurais compris… Mais on a ici l'ébauche d'une information au consommateur : c'est un premier pas. La suppression de cet article, comme celle des articles précédents, ne va pas du tout dans le bon sens.
Vous voulez supprimer cet article qui vise à inciter les consommateurs à favoriser la connexion filaire ou en wifi par rapport à une connexion impliquant une consommation de données mobiles. Or il m'a semblé comprendre que le wifi consommait beaucoup moins d'énergie que les données mobiles. Peut-être est-ce une erreur mais si cette information s'avérait exacte, reviendrez-vous sur votre décision ?
La situation n'est pas suffisamment stable pour que l'on invite les consommateurs à basculer vers le wifi et que ce transfert se traduise par une réduction de l'empreinte environnementale. Nous avons un gros chantier devant nous pour trouver des indicateurs qui nous permettent de prendre les mesures adaptées.
C'est ainsi que nous avons avancé dans le domaine alimentaire. Si nous avons réussi à améliorer la composition de certains produits, c'est parce que nous avons imposé aux producteurs et aux distributeurs de l'afficher et que des applications ont permis aux consommateurs de faire jouer leur influence sur le marché.
Pour l'heure, concernant le numérique, nous sommes très loin de disposer d'indicateurs qui mettent en évidence l'empreinte environnementale de tel ou tel réseau. Nous avons, au mieux, des approches, dont je me félicite qu'elles fassent consensus. Tout le monde partage les travaux de Shift Project ou de GreenIT. Cependant, si nous avons tous en tête la part des data centers, des terminaux, nous ne savons pas encore ce que représente chacun des usages.
Parlons en termes d'externalités positives, puisque vous avez abordé le sujet, en prenant l'exemple d'une réunion en visioconférence. S'il est assez simple d'en calculer le coût, en tenant compte des infrastructures mobilisées et du data center, il est plus délicat de mesurer l'externalité positive pour la planète puisqu'il faudrait pouvoir évaluer les coûts évités, c'est-à-dire savoir qui se serait physiquement déplacé, comment et selon quelles modalités. C'est pour cela que nous avons confié ce travail d'analyse à l'ADEME et à l'ARCEP. Je peux vous garantir qu'il faudra aller plus loin que les dénégations de M. Ruffin. Les sénateurs eux-mêmes n'ont jamais pensé qu'ils avaient abouti à un dispositif applicable dès demain et qui nous permette de passer à autre chose.
La commission adopte l'amendement, exprimant un avis favorable à la suppression de l'article 15.
Après l'article 15 : Institution de planchers et de plafonds d'usage du numérique
Amendement CE13 de M. François Ruffin.
Nous ne pourrons échapper, dans l'avenir, à l'instauration d'un plafond et d'un plancher pour l'usage du numérique. Le monde a des limites et nous ne saurions nous en affranchir pour nous-mêmes. Je me souviens m'être rendu, en tant que reporter, au Monaco Yacht Show, où l'un des yachts présentés s'appelait le Limitless. Cela en dit long sur la démesure des milliardaires mais aussi sur la nôtre. Nous devons reconnaître à chacun, par la fixation d'un plancher, un droit à la consommation de l'eau, aux déplacements aériens, mais aussi à certaines données vitales, dont le numérique, car les personnes qui n'y ont pas accès, en particulier dans certaines zones rurales, se sentent exclues de la vie sociale. Pour autant, il faut aussi plafonner les usages, des données numériques comme de l'eau et des déplacements aériens, mesurer ce qui est utile et ce qui l'est moins. Du reste, cette limite pourrait aussi être posée dans l'intérêt de l'individu.
Ma proposition n'est sans doute pas aboutie et je regrette, à cet égard, le départ du président Lescure car, au Canada, par exemple, les forfaits sont tous limités. Je souhaiterais, pour toutes ces raisons, que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l'opportunité de mettre en place un plafond et un plancher.
Quant à moi, je regrette que le secrétaire d'État ne soit pas avec nous, car il aurait pu prolonger le match que vous avez engagé la semaine dernière sur Brut. Je ne prends pas votre proposition à la légère, même si j'y suis défavorable. Vous l'avez reconnu vous-même, après le secrétaire d'État : la création d'un plafond relève davantage du concept que du concret. Qui décidera qu'un seuil est atteint ? Qui entrera dans la vie des particuliers pour leur dire qu'en visionnant un film ou une vidéo, ils ont atteint le plafond autorisé ? Du reste, le plafond sera-t-il le même pour tout le monde ? L'État n'a pas à s'immiscer dans le quotidien des gens pour faire la police et interdire de consommer des data au-delà d'un certain seuil.
Profitons-en pour approfondir la réflexion autour de la neutralité du net. Vous appartenez à une famille politique attachée à l'égalité. Or la neutralité du net garantit l'égalité de tous devant les usages du numérique, puisque l'on impose aux opérateurs de délivrer la même puissance, sans discrimination. Je reconnais que la question s'est posée, car certains acteurs consomment de la bande passante, investissent peu et ne participent pas beaucoup au financement des infrastructures. Peut-être devrions-nous porter votre proposition au niveau européen. Devons-nous défendre la neutralité du net sous prétexte qu'elle serait garante de l'égalité ? Cette égalité, d'ailleurs, est-elle réelle ? Les pauvres n'en viennent-ils pas à payer pour les riches, du fait des modalités économiques existantes ?
Vous évoquiez la consommation de l'eau à l'appui de votre amendement. J'ai appartenu à une famille politique qui, chaque année à La Rochelle, proposait que les abonnements au service de l'eau fassent la distinction entre ceux qui en consommaient pour vivre et ceux qui en remplissaient leur piscine. Ce système ne fonctionne pas. Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à votre amendement.
Je ne pense pas qu'aujourd'hui des pauvres paient pour des riches, mais je suis certain que des ruraux paient pour des urbains. Chez nous, la quantité de données qu'il est possible de consommer est bien inférieure à la moyenne, les collectivités financent l'installation de la fibre, les débits y sont beaucoup plus faibles qu'ailleurs et des pans entiers du territoire restent exclus de ces services pourtant indispensables. Avant de limiter la consommation de tout le monde, commençons par veiller à ce que les territoires ruraux accèdent à la même qualité de service que les territoires urbains, où des investisseurs peuvent très rapidement rentabiliser les réseaux et financent eux-mêmes leur déploiement. Les communautés de communes ne peuvent pas toujours se permettre de tels niveaux d'endettement, ce qui participe au manque d'équité dans l'accès au numérique.
Je vous parlerai d'une région que je connais bien, la Bretagne, qui a été pionnière dans le lancement d'un projet de fibre pour tous les Bretons. L'État a participé à hauteur de 240 millions d'euros au financement de ce projet qui a coûté 1,6 milliard. Cette somme a été versée en deux fois, sous cette majorité. C'est pourquoi je ne pense pas qu'elle soit indifférente à l'installation de la fibre dans nos régions. Au contraire, c'est elle qui a permis de changer de braquet pour ce qui concerne le déploiement de la téléphonie mobile ou le raccordement à la fibre. Si je devais vous donner une analyse comparée et chiffrée de tout ce que nous avons fait ces deux dernières années pour couvrir les zones blanches et de ce qui a été réalisé les quinze années précédant ce quinquennat, vous en auriez le vertige.
Vous me répondez en termes d'usage : « Qui aurait le droit de me dire si je peux regarder un film ou consulter le site de ma banque en ligne ? » Ce n'est pas ce que je vous propose ! Dès lors que l'on fixe un plafond de données à un consommateur, il est libre de l'utiliser à sa guise. C'est le même système que pour les forfaits. L'État n'a pas à exercer un quelconque contrôle ! Vous voulez m'entraîner vers un terrain où je ne suis jamais allé. Je vous propose de contrôler les volumes, nullement les usages.
Si le pouvoir démocratique ne décide pas du plafond, le portefeuille peut le faire à sa place. Je demande un rapport pour explorer cette piste. Au Canada, les forfaits ne sont pas illimités. Il serait intéressant de savoir comment les autres pays procèdent.
Je le répète à M. Di Filippo, ma proposition prévoit un plancher, ce qui signifie un droit d'accès au numérique, indépendamment du contenu du portefeuille ou du lieu de résidence.
Mon propos n'était pas de remettre en cause les actions de la majorité mais de constater que l'endettement résiduel reste, malgré tout, à la charge des collectivités. Aujourd'hui, une partie de la population limite sa consommation de données par la force des choses. Ainsi, l'année dernière, certaines communes étaient limitées à un débit de 56 kilo-octets en journée alors que d'autres accédaient à la 5G ! La vraie limite est technologique et elle pénalise nombre de territoires dans lesquels des familles ou certains professionnels hésitent à s'installer.
Je vous remercie, monsieur Di Filippo, de rappeler que les Français sont attachés au numérique et je n'ai pas pris votre propos comme une critique à l'endroit de la majorité. D'ailleurs, nous avons su dépasser nos clivages pour travailler activement, en particulier au sein de cette commission, autour du New Deal mobile et de la loi pour l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi ELAN.
La commission rejette l'amendement.
Article 16 : Obligation d'écoconception des services numériques
Amendement CE19 du rapporteur pour avis.
Il s'agit de supprimer le rôle d'arbitre confié aux fournisseurs d'accès internet par l'article 16. L'assignation d'un rôle de constatation aux fournisseurs d'accès internet n'est pas possible juridiquement, car en contradiction avec le principe de neutralité du net, qui interdit toute surveillance des flux transitant par les réseaux de communications électroniques.
La commission adopte l'amendement.
Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 16 ainsi modifié.
Article 16 bis : Obligation, pour les services de médias audiovisuels à la demande (SMAD) d'indiquer la quantité de données correspondant à l'utilisation de leurs services et l'équivalent des émissions de gaz à effet de serre correspondant
Amendement CE26 du rapporteur pour avis.
L'obligation, pour les SMAD, de procéder, lors de la phase de lecture, à l'affichage de la quantité de données correspondant à l'utilisation de ce service et à son équivalent en émissions de gaz à effet de serre est une avancée importante pour sensibiliser les utilisateurs à l'impact environnemental de leurs usages numériques.
La rédaction actuelle de l'article, qui précise bien que cet affichage est modulé selon le type de connexion utilisé et selon le niveau d'affichage et de résolution proposé, est pertinente pour inviter les utilisateurs à privilégier des paramètres de lecture plus sobres.
Les auditions menées par le rapporteur pour avis font néanmoins apparaître que la méthodologie nécessaire à la quantification efficace de ces enjeux ne sera pas disponible avant dix-huit mois environ, ce qui rend difficile l'entrée en vigueur de cette disposition au 1er janvier 2022. Cet amendement tend par conséquent à décaler cette entrée en vigueur de deux ans, pour la fixer au 1er janvier 2024, afin de permettre aux différents travaux techniques d'être engagés.
La commission adopte l'amendement.
Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 16 bis ainsi modifié.
Articles 17 à 20
La commission émet un avis favorable au maintien de la suppression des articles 17 à 20.
Articles 21 à 22
La commission émet un avis favorable à l'adoption des articles 21, 21 bis et 22 sans modification.
Article 23 : Souscription d'engagements contraignants des opérateurs de communications électroniques auprès de l'ARCEP
Amendement CE14 de M. Jimmy Pahun.
Il est parfois compliqué d'installer des antennes relais, en raison du manque de foncier disponible ou de la réticence des riverains. Or ces antennes sont indispensables pour résorber les zones blanches. Parce que celles qui existent sont une denrée rare et précieuse, il est proposé de mutualiser les infrastructures entre les différents opérateurs, lorsque c'est possible. Cette solution présenterait l'avantage de ne pas multiplier les antennes dans une commune.
Personne ne pourrait nier mon attachement à la mutualisation. D'ailleurs, j'ai rédigé plusieurs rapports en ce sens, avec Mme Laure de La Raudière ou notre collègue Christine Hennion. Dès l'été 2017, nous avions proposé de développer le roaming, ce qui aurait encouragé la mutualisation, mais notre proposition n'a pas été retenue. C'est une bonne chose, finalement, car la concurrence a pu jouer, en l'espèce, un rôle vertueux.
Pour autant, le cadre actuel du New Deal mobile prévoit déjà d'inciter très fortement les opérateurs à mutualiser les infrastructures, mais on ne dispose pas encore d'éléments suffisants pour mesurer l'impact environnemental précis de cette pratique. Il semble donc préférable de laisser à l'ARCEP et aux opérateurs une marge de liberté pour échanger à ce sujet, plutôt que de les contraindre par la loi.
Remarquons, par ailleurs, que la mutualisation des équipements s'est parfois accompagnée d'une baisse de la puissance d'émission, ce qui impose d'installer de nouvelles antennes. Pour toutes ces raisons, avis défavorable.
Nos concitoyens, les élus, en particulier les maires, ne comprennent pas que la mutualisation des infrastructures ne soit pas une obligation. J'ai bien compris vos explications, monsieur le rapporteur, mais j'aimerais qu'un engagement soit pris, car il est prévu d'installer des milliers d'antennes relais sur le sol français dans les années qui viennent, ce qui n'aidera pas nos concitoyens à accepter la situation ! Un engagement apaiserait les tensions sur le terrain. Je me suis retrouvé face à de véritables blocages entre les citoyens et la municipalité, d'un côté, et les opérateurs de l'autre. Nous devons trouver une porte de sortie. Si on raisonnait davantage au niveau des intercommunalités plutôt que des communes, comme le font les opérateurs, on réaliserait sans doute des économies.
Les opérateurs ne raisonnent pas que par commune. Lorsqu'ils ont leur plan de déploiement, ils se servent des systèmes d'information géographique et de la modélisation du canal de propagation des ondes radio pour décider du lieu d'implantation des infrastructures qui leur permettra de couvrir au mieux le territoire. Il est arrivé que des stations radioélectriques se retrouvent très proches les unes des autres, mais c'est assez rare – dix ou quinze, environ. Vous me répondrez que c'est déjà trop ; mais il serait délicat d'inscrire le principe dans la loi, alors que le dispositif repose, en partie, sur la libre concurrence entre les acteurs. Il serait plus raisonnable de renforcer le dialogue avec les opérateurs et de faire confiance à l'ARCEP, qui a reçu pour mission de contrôler les obligations mises à la charge des opérateurs pour résorber les zones blanches tout en les invitant à mutualiser les infrastructures. C'est un parlementaire qui a inauguré la première antenne 4G multi-opérateurs à Lanloup qui vous le dit.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à cette proposition, d'autant plus qu'elle pourrait freiner la couverture de certains axes routiers prioritaires.
Je n'ai pas l'impression que les cas soient si rares. Je pourrais vous citer au moins quatre exemples, ne serait-ce qu'en Eure-et-Loir, d'implantations d'antennes à moins d'une centaine de mètres les unes des autres. Nous devons nous montrer plus incitatifs car, aujourd'hui, les résultats ne sont pas satisfaisants. Le New Deal mobile a permis de progresser mais beaucoup reste à faire et il faut aller plus loin, quitte à favoriser l'itinérance. Un Allemand qui séjourne en France bénéficie d'une couverture meilleure que n'importe lequel d'entre nous, puisqu'il pourra passer d'un opérateur à l'autre sans aucune difficulté.
Je suis bien conscient des difficultés et cet amendement n'apporte peut-être pas la bonne réponse, mais nous devons résoudre le problème pour nos concitoyens qui ne comprendraient pas que l'on reste passifs.
J'aimerais qu'un engagement soit pris en séance publique, car nous sommes confrontés à de réelles difficultés, sur le terrain, qui nous empêchent de travailler sereinement. Je pense ainsi à mon collègue Gaël Le Bohec qui s'est retrouvé à manifester contre Orange ! Nous ne devrions pas en arriver à nous opposer aux opérateurs car, dans le fond, nous sommes tous favorables à la transition numérique et à la résorption des zones blanches.
Dans le fond, je suis d'accord avec vous. À mon avis, nous devons renforcer l'organe de gouvernance à l'échelon départemental, qui pilote en partie les travaux d'amélioration de la couverture mobile, en particulier la lutte contre les zones blanches. Vous avez tous en tête ces arrêtés préfectoraux publiés tous les six mois. Même s'ils ne sont pas toujours conviés aux réunions, les parlementaires y ont toute leur place et ils seraient en droit de demander aux opérateurs et à leurs représentants en région de présenter un plan de charge lisible, afin que l'on ne découvre pas à la dernière minute que deux pylônes seront installés côte à côte. Ce ne sera pas facile car, en effet, les opérateurs sont en concurrence. Les cas problématiques restent rares, même si la situation est hétérogène dans l'ensemble du territoire.
La commission rejette l'amendement.
Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 23 sans modification.
Après l'article 23
L'amendement CE16 de M. Jimmy Pahun est retiré.
Article 23 bis : Recueil par l'ARCEP des données environnementales relatives aux services et infrastructures numériques auprès des opérateurs
Amendement CE22 du rapporteur pour avis.
L'amendement vise à supprimer l'article 23 bis, à des fins de coordination avec le projet de loi « climat et résilience » adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 4 mai dernier. Son article 5 ter reprend, en effet, ces dispositions, dans une rédaction plus complète, en lien avec l'ARCEP, ce qui rend nécessaire d'éviter l'adoption d'un doublon au sein de la présente proposition de loi.
La commission adopte l'amendement, exprimant un avis favorable à la suppression de l'article 23 bis.
Article 24 : Inscription de la préservation de l'environnement comme critère d'attribution des fréquences radioélectriques par l'ARCEP
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 24 sans modification.
Après l'article 24 : Contenu du dossier d'information transmis par l'opérateur d'infrastructure
Amendements identiques CE18 du rapporteur pour avis et CE15 de M. Jimmy Pahun.
Il s'agit de préciser le contenu du dossier d'information transmis au maire par l'opérateur d'infrastructure avant le dépôt de la demande d'autorisation d'urbanisme ou de déclaration préalable. Ce dossier permet au maire d'enjoindre à l'opérateur de justifier son choix de ne pas s'implanter sur un site ou un pylône existant. Nous partageons le même objectif : renforcer le partage des sites et la mutualisation des infrastructures. Cet amendement a été proposé par la Fédération française des télécoms.
La commission adopte les amendements.
Article 24 bis : Lutte contre la spéculation foncière mise en œuvre par certains propriétaires de tours
Amendement CE17 du rapporteur pour avis.
L'amendement tend à préciser l'article 24 bis, qui a pour objectif de rationaliser la consommation de foncier afin d'éviter la spéculation sur des terrains d'assiette potentiels, ainsi que la construction d'infrastructures laissées ensuite vacantes, faute d'utilisateurs identifiés préalablement au lancement des projets.
Je suis persuadé, monsieur Ruffin, que vous serez d'accord avec moi pour mettre fin à cette spéculation particulièrement pernicieuse, puisque certains « jouent au coucou » en prenant possession d'une infrastructure qui ne leur appartient pas, promettent au maire des revenus qu'ils ne pourront jamais verser et tuent, finalement, une activité économique. Si vous voulez lutter contre la spéculation foncière et les hérésies économiques qui en découlent, monsieur Ruffin, je vous invite à voter pour cet amendement.
Depuis le début, je suis favorable à cette proposition de loi issue du Sénat. Je regrette simplement que vous en amoindrissiez la portée. Ne soyez pas surpris de ma réaction.
La commission adopte l'amendement.
Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 24 bis ainsi modifié.
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'ensemble des dispositions dont elle est saisie, ainsi modifiées.
Informations relatives à la commission
La commission a décidé la création de trois missions d'application de lois et a procédé à la nomination des rapporteurs, conformément aux dispositions de l'article 145-7, alinéa 1er, du Règlement de l'Assemblée nationale :
– mission d'application de la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière dite « DADUE » ; rapporteurs Mme Pascale Boyer (LaREM) et M. Jérôme Nury (LR) ;
– mission d'application de la loi n° 2020-1578 du 14 décembre 2020 relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières ; rapporteurs : M. Grégory Besson-Moreau (LaREM) et M. Thierry Benoit (UDI-I) ;
– mission de contrôle de l'application de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique dite « ASAP » ; rapporteurs M. Guillaume Kasbarian et Mme Sylvia Pinel (LT).