« Le football est un jeu qui se joue à onze contre onze, dure quatre-vingt-dix minutes et, à la fin, c'est l'Allemagne qui gagne ». On pourrait dire, en paraphrasant les propos de l'attaquant anglais Gary Lineker, que les négociations alimentaires sont un jeu qui se joue à trois, une fois par an, et que c'est rarement l'agriculteur qui gagne. Voilà le cadre dans lequel nous examinons la proposition de loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs, sur le rapport de M. Grégory Besson-Moreau. Le texte sera discuté en séance publique le 24 juin.
Comme l'observe le rapporteur dans l'état d'avancement des travaux qui vous a été transmis, les questions liées à la juste rémunération des agriculteurs sont au cœur des initiatives législatives de la majorité et de notre commission depuis 2017. Elles ont été abordées lors des États généraux de l'alimentation, où le ministre Stéphane Travert, aujourd'hui parmi nous, les a présentées, ainsi que pendant l'examen du projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (EGALIM), que nous n'oublierons pas de sitôt. Nous avons poursuivi ces travaux par la commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs, menée par M. Grégory Besson-Moreau, M. Thierry Benoit et M. Richard Ramos, et par la mission de suivi de cette commission d'enquête. Cette énumération tend à prouver que la solution pertinente est complexe à trouver.
Nous nous remettons donc à l'ouvrage en examinant la présente proposition de loi. Ne comportant que sept articles, y compris l'article de gage, elle a toutefois donné lieu au dépôt de 518 amendements. Si l'on tient compte des retraits et des irrecevabilités, nous avons 448 amendements à examiner, dont plusieurs séries d'amendements identiques, dans lesquelles figurent, à chaque fois, une dizaine d'amendements provenant de membres du groupe Les Républicains. En application de l'article 100, alinéa 5, du règlement, je pourrais être conduit à ne donner la parole qu'à un seul orateur de ce groupe pour chaque série. Je garderai la liberté de donner la parole à un orateur qui souhaiterait ajouter quelque chose à la défense des amendements.
Contrairement à ce que certains abus de langage peuvent laisser entendre, le texte que nous avons à examiner n'est pas un projet de loi « EGALIM 2 ». Pour satisfaire l'obligation posée par l'article 45 de notre Constitution, les amendements doivent avoir un lien, direct ou indirect, avec les articles, et non se borner à faire valoir un lien avec les questions agricoles en général. J'ai néanmoins fait preuve d'ouverture d'esprit, puisque trente-huit irrecevabilités seulement ont été prononcées, soit à peine plus de 7 % du total des amendements déposés, une proportion très faible si on la compare aux habitudes de la législature. À titre d'exemple, alors que les deux premiers articles de la proposition de loi traitent essentiellement de la forme et de la durée des contrats de vente de produits agricoles ainsi que de la transparence du coût d'achat de la matière première agricole, j'ai accepté nombre d'amendements portant sur d'autres aspects des conditions générales de vente, y compris lorsque les dispositions codifiées ainsi modifiées s'appliquaient aux produits agricoles et alimentaires, comme à une gamme de produits bien plus étendue. Nous pourrons ainsi discuter du seuil de revente à perte ou des pénalités logistiques pour lesquels le lien, direct ou indirect, avec le texte, apparaît ténu.
Tenu de veiller au respect de la norme constitutionnelle, je ne pouvais pas retenir les amendements portant sur le seuil de revente à perte des produits de parfumerie ou d'hygiène, dont vous reconnaîtrez que le lien avec les produits alimentaires est très lointain, ni ceux visant à définir l'agriculture de groupe, disposition que le Conseil constitutionnel avait déjà censurée dans la loi EGALIM, dont l'objet était pourtant bien plus large, ni ceux ayant trait au négociateur – je pense notamment aux amendements sur les centrales d'achat ou sur les organisations professionnelles.
S'agissant des amendements relatifs à l'information des consommateurs, j'ai accepté ceux visant à informer sur la rémunération des agriculteurs, qui peuvent se rattacher à l'article 2, et ceux portant sur le pays d'origine, seul critère visé par l'article 4 modifiant l'article L. 412-4 du code de la consommation. J'ai en revanche dû écarter ceux tendant à fournir une information sur les modes de production ou sur la nature du produit. J'ai aussi jugé irrecevables des amendements repensant la globalisation ou portant sur des sujets bien plus généraux que l'objet de la proposition de loi.