La commission des affaires économiques a examiné la proposition de loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs (n° 4134) (M. Grégory Besson-Moreau, rapporteur).
« Le football est un jeu qui se joue à onze contre onze, dure quatre-vingt-dix minutes et, à la fin, c'est l'Allemagne qui gagne ». On pourrait dire, en paraphrasant les propos de l'attaquant anglais Gary Lineker, que les négociations alimentaires sont un jeu qui se joue à trois, une fois par an, et que c'est rarement l'agriculteur qui gagne. Voilà le cadre dans lequel nous examinons la proposition de loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs, sur le rapport de M. Grégory Besson-Moreau. Le texte sera discuté en séance publique le 24 juin.
Comme l'observe le rapporteur dans l'état d'avancement des travaux qui vous a été transmis, les questions liées à la juste rémunération des agriculteurs sont au cœur des initiatives législatives de la majorité et de notre commission depuis 2017. Elles ont été abordées lors des États généraux de l'alimentation, où le ministre Stéphane Travert, aujourd'hui parmi nous, les a présentées, ainsi que pendant l'examen du projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (EGALIM), que nous n'oublierons pas de sitôt. Nous avons poursuivi ces travaux par la commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs, menée par M. Grégory Besson-Moreau, M. Thierry Benoit et M. Richard Ramos, et par la mission de suivi de cette commission d'enquête. Cette énumération tend à prouver que la solution pertinente est complexe à trouver.
Nous nous remettons donc à l'ouvrage en examinant la présente proposition de loi. Ne comportant que sept articles, y compris l'article de gage, elle a toutefois donné lieu au dépôt de 518 amendements. Si l'on tient compte des retraits et des irrecevabilités, nous avons 448 amendements à examiner, dont plusieurs séries d'amendements identiques, dans lesquelles figurent, à chaque fois, une dizaine d'amendements provenant de membres du groupe Les Républicains. En application de l'article 100, alinéa 5, du règlement, je pourrais être conduit à ne donner la parole qu'à un seul orateur de ce groupe pour chaque série. Je garderai la liberté de donner la parole à un orateur qui souhaiterait ajouter quelque chose à la défense des amendements.
Contrairement à ce que certains abus de langage peuvent laisser entendre, le texte que nous avons à examiner n'est pas un projet de loi « EGALIM 2 ». Pour satisfaire l'obligation posée par l'article 45 de notre Constitution, les amendements doivent avoir un lien, direct ou indirect, avec les articles, et non se borner à faire valoir un lien avec les questions agricoles en général. J'ai néanmoins fait preuve d'ouverture d'esprit, puisque trente-huit irrecevabilités seulement ont été prononcées, soit à peine plus de 7 % du total des amendements déposés, une proportion très faible si on la compare aux habitudes de la législature. À titre d'exemple, alors que les deux premiers articles de la proposition de loi traitent essentiellement de la forme et de la durée des contrats de vente de produits agricoles ainsi que de la transparence du coût d'achat de la matière première agricole, j'ai accepté nombre d'amendements portant sur d'autres aspects des conditions générales de vente, y compris lorsque les dispositions codifiées ainsi modifiées s'appliquaient aux produits agricoles et alimentaires, comme à une gamme de produits bien plus étendue. Nous pourrons ainsi discuter du seuil de revente à perte ou des pénalités logistiques pour lesquels le lien, direct ou indirect, avec le texte, apparaît ténu.
Tenu de veiller au respect de la norme constitutionnelle, je ne pouvais pas retenir les amendements portant sur le seuil de revente à perte des produits de parfumerie ou d'hygiène, dont vous reconnaîtrez que le lien avec les produits alimentaires est très lointain, ni ceux visant à définir l'agriculture de groupe, disposition que le Conseil constitutionnel avait déjà censurée dans la loi EGALIM, dont l'objet était pourtant bien plus large, ni ceux ayant trait au négociateur – je pense notamment aux amendements sur les centrales d'achat ou sur les organisations professionnelles.
S'agissant des amendements relatifs à l'information des consommateurs, j'ai accepté ceux visant à informer sur la rémunération des agriculteurs, qui peuvent se rattacher à l'article 2, et ceux portant sur le pays d'origine, seul critère visé par l'article 4 modifiant l'article L. 412-4 du code de la consommation. J'ai en revanche dû écarter ceux tendant à fournir une information sur les modes de production ou sur la nature du produit. J'ai aussi jugé irrecevables des amendements repensant la globalisation ou portant sur des sujets bien plus généraux que l'objet de la proposition de loi.
Une surmortalité par suicide de 20 % par rapport à la moyenne nationale, ce qui représente environ deux suicides par jour ; 19 % d'agriculteurs déficitaires ou sans revenu en 2017 : les chiffres sont connus. Nous les évoquons fréquemment au sein de cette commission ou dans l'hémicycle. Derrière eux, se trouvent des femmes et des hommes passionnés par leur métier, travaillant sans relâche, mais finalement brisés, broyés par les dettes et les contraintes.
La question de la rémunération ne saurait à elle seule expliquer l'ensemble des suicides, mais elle est au cœur d'un mal-être profond et d'une contradiction entre le caractère stratégique de l'agriculture française et le peu de considération accordée à nos agriculteurs. Parallèlement à son enjeu social, la rémunération des agriculteurs est un enjeu stratégique : sans un juste prix du travail des producteurs, comment garantir notre souveraineté alimentaire ? Comment convaincre des jeunes de se lancer dans ces métiers dont nous avons tant besoin, alors qu'ils n'en vivront pas correctement et qu'ils seront soumis à tant de contraintes ?
La rémunération des agriculteurs est, enfin, au cœur de la transition de notre agriculture. Nous devons être cohérents : nous voulons tous voir notre agriculture monter en gamme, tendre vers un plus grand respect de l'environnement et garantir davantage de bien-être animal, mais cela a un coût. Le modèle d'agriculture que nous voulons pour demain dépend de notre capacité à garantir un revenu décent à nos producteurs.
La juste rémunération des agriculteurs est aujourd'hui l'enjeu le plus important en matière agricole. Elle sous-tend tout le reste : la souveraineté alimentaire, le renouvellement des générations, la transition vers des modèles de production plus vertueux. Elle est la condition qui détermine, individuellement, l'avenir de nos producteurs et, collectivement, celui de notre société.
Cette conviction, nous la défendons depuis le début de la législature. Elle figurait au cœur de la loi EGALIM. La répartition de la richesse au sein de la chaîne alimentaire a aussi fait l'objet de toute notre attention dans le cadre de nos travaux de contrôle, comme la commission d'enquête que j'ai eu l'honneur de conduire, sous la présidence de notre collègue Thierry Benoit, en 2019. Cette préoccupation est également au cœur des réflexions de tous les groupes qui composent notre assemblée. À plusieurs reprises, nous avons étudié ici des propositions de loi issues de groupes minoritaires ou d'opposition qui lui étaient consacrées. Nous n'étions certes pas toujours d'accord mais, sur ce sujet sensible, nous pouvons et nous devons tous nous retrouver.
Le président de la commission l'a dit : contrairement à ce que nous avons pu lire dans la presse, le texte que je vous présente aujourd'hui n'est pas un projet de loi « EGALIM 2 ». Nous avons adopté la loi EGALIM en 2018 et nous avons besoin de recul par rapport à ses dispositifs. Il s'agit non d'en corriger les dispositions, c'est-à-dire de refaire le match, mais de les prolonger et d'accélérer les choses, donc de concevoir des dispositifs inédits et ambitieux, avec un seul objectif : protéger la rémunération des agriculteurs.
La proposition de loi prévoit un dispositif volontairement synthétique, précis et voué à l'efficacité.
L'article 1er constitue un changement de paradigme : nous proposons de faire des contrats écrits et pluriannuels, d'une durée minimale de trois ans, la norme en matière de contractualisation. Nous inversons ainsi la logique de l'article 631-24 du code rural et de la pêche maritime. Cette pluriannualité doit ouvrir l'horizon des producteurs et leur redonner confiance en l'avenir. Elle doit installer une stabilité dans les relations entre agriculteurs et premiers transformateurs.
L'article 2 s'attaque aux contrats entre transformateurs et distributeurs. Nous recourons à deux mécanismes essentiels et novateurs.
Le premier est la transparence sur les coûts des matières premières agricoles, qui deviennent non négociables. Sur ce point, je comprends les réticences de certains transformateurs, qui ne souhaitent pas inscrire ces informations « noir sur blanc » dans leurs conditions générales de vente (CGV). Vous êtes nombreux à suggérer la désignation d'un tiers de confiance, que j'appellerais plutôt « tiers indépendant ». J'y suis favorable, en particulier dans le cas des amendements qui tendent à en faire une alternative à la transparence dans les CGV. Libre ensuite aux contractants de choisir l'option qui leur conviendra le mieux.
Nous créons également une obligation de prévoir dans les contrats une clause de révision automatique des prix en cas de variation du coût des matières premières.
Ces deux premiers articles forment un tout cohérent et le cœur du dispositif que nous proposons aujourd'hui.
L'article 3 prolonge le renforcement des pouvoirs du médiateur que nous avions voté dans le cadre d'EGALIM. Il apporte une réponse forte aux situations dans lesquelles la médiation a échoué. Nous proposons ainsi la création d'un comité de règlement des différends commerciaux agricoles (CRDCA), qui délibérera publiquement, pourra prononcer des injonctions sous astreinte et, si la situation l'exige, prendre des mesures conservatoires.
L'article 4, relatif à l'étiquetage, tend à assurer la compatibilité entre droit français et droit européen. Il incite les transformateurs à mieux indiquer l'origine des ingrédients qu'ils utilisent. Son examen nous donnera l'occasion d'aborder, à travers vos amendements, des sujets annexes, comme le « Fabriqué en France », ou, surtout, le « Rémunéra-score », qui vise à donner au consommateur une marge d'action plus large relativement au juste prix des produits agricoles. Du producteur au consommateur, de l'amont à l'aval, la boucle est ainsi bouclée.
L'article 5 traite d'un enjeu très proche, puisqu'il porte sur la publicité dans le cadre des opérations de dégagement. Ces dernières, qui consistent à brader des produits en cas de surproduction, contribuent à une déconnexion, dans l'esprit du consommateur, entre la véritable valeur de l'alimentation et le prix qu'il s'habitue à payer. Il faut le rappeler : une alimentation de qualité a un coût, et nous ne pouvons pas continuer indéfiniment une guerre des prix dont nos agriculteurs sont les plus grands perdants.
Créer les conditions d'une relation de confiance, renforcer la transparence, sanctuariser la rémunération des agriculteurs, revaloriser les produits alimentaires aux yeux du consommateur : tels sont les objectifs de ce texte.
Beaucoup d'entre vous voudraient aller plus loin. J'en comprends les raisons. Bien sûr, la rémunération des agriculteurs dépend, plus largement, d'un partage de la valeur et d'un équilibre dans le rapport de force entre producteurs, transformateurs et distributeurs, que nous devons réinventer. Bien sûr, comme vous, j'aimerais pouvoir avancer sur des sujets essentiels ; certains amendements, trop éloignés du texte, ont été jugés irrecevables alors qu'ils me tiennent à cœur. Je pense, notamment, à la question des rapprochements à l'achat et des centrales internationales de service et d'achat, qui constituent, disons-le, un scandale et un désaveu des législations française et européenne. Lors d'une audition, la direction générale d'Intermarché a récemment affirmé qu'une fois de plus, elle comptait opérer des regroupements à Bruxelles pour acheter des services et des produits dédiés au marché français, mais qui seraient négociés selon le droit belge.
Pour une fois et même si ce n'est pas mon tempérament, je plaiderai pour la prudence et la tempérance. Oui, je souhaite avancer sur certains sujets : le mécanisme du « tunnel de prix » pour certaines filières, dont la filière bovine ; l'encadrement des marques de distributeurs (MDD) ; la non-discrimination tarifaire ; la barémisation des services ; la rémunération ligne à ligne de ces services. Mais, sur tous ces sujets, nous avons encore besoin de temps. La concertation est en cours avec l'ensemble des acteurs et les ministères concernés.
J'inviterai les députés concernés à prendre part à ces travaux pour que, collectivement, nous soyons en mesure de déposer en séance publique des amendements équilibrés et satisfaisants. Cela peut paraître frustrant à ceux qui se battent sur ces sujets depuis de nombreuses années, mais nous nous attaquons à des enjeux très lourds. Légiférer trop vite, sans tenir compte de toutes les voix qui s'expriment, serait une erreur.
La méthode que je vous suggère consiste à progresser étape par étape, afin de poser à travers ce texte un jalon important de notre combat pour la juste rémunération des agriculteurs. Une fois de plus, pendant la crise, ils ont prouvé combien leur travail était au cœur de notre souveraineté.
Nous voici à nouveau réunis pour légiférer sur les relations entre agriculteurs, industriels et distributeurs. Cela témoigne non seulement de l'importance que les membres de cette commission, et les députés en général, quelle que soit leur couleur politique, accordent à la juste rémunération des agriculteurs, mais aussi de la grande complexité de la question.
Nombre d'entre nous le disent : nous avons la meilleure agriculture au monde. Je me plais à croire que cela est vrai. Comme le rapporteur l'a souligné, l'implication de nos agriculteurs pour assurer la continuité de l'approvisionnement alimentaire pendant la crise de la covid-19 mérite d'être saluée. Face à cette agriculture d'excellence, nous avons aussi – je le dis avec une pointe d'ironie – l'un des secteurs de la grande distribution les plus « performants » au monde, capable, un jour, de se livrer une guerre sans merci et, le lendemain, de se regrouper dans quatre centrales d'achat, qui pèsent 80 % du marché. Notre grande distribution à la française arrive à nous faire manger toujours mieux, dit-elle, et toujours moins cher, assurément. Bien qu'apparemment avantageuse pour le consommateur, cette politique des prix bas a de nombreux coûts cachés, dont certains sont supportés par les agriculteurs. C'est à cela que nous nous attaquons aujourd'hui.
Dans ma circonscription, il n'est pas rare qu'un couple d'éleveurs de vaches limousines ne gagne même pas l'équivalent du SMIC. Cela est vrai partout en France et dans presque toutes les filières. Les prix proposés aux agriculteurs dans la grande distribution et, dans une certaine mesure, par les industriels, sont totalement déconnectés des réalités du marché. La loi EGALIM a cherché à rectifier le tir, avec l'élaboration des indicateurs de référence, le relèvement du seuil de revente à perte, l'encadrement des promotions et l'inversion de la construction des prix.
Force est de constater que les acteurs économiques n'ont pas voulu s'emparer des outils que la loi a créés, alors que le terrain les plébiscitait plutôt. Quelque treize ans plus tard, la spirale inflationniste que la loi de modernisation de l'économie de 2008 a instaurée en connaissance de cause, continue à produire ses effets. Il faut que cela cesse. Pour reprendre les mots de Daniel Couderc, président de la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles de la Corrèze, il faut que les gens sachent que l'alimentation a un coût. J'ajouterai qu'elle a par conséquent un prix. Cette exigence émane d'un nombre croissant de consommateurs, qui sont à la fois sensibles au sort de nos agriculteurs et conscients de l'injustice sur laquelle le système repose.
Je salue à ce titre l'excellent travail et l'application sans faille de notre rapporteur sur le sujet. Il s'agit bien là d'un texte d'initiative parlementaire. À travers la proposition de loi, nous nous proposons de réintroduire de la contrainte dans la loi, afin d'encadrer les relations commerciales entre agriculteurs, industriels et distributeurs. D'abord, dans l'article 1er, en généralisant les contrats écrits et pluriannuels de vente de produits agricoles. Ensuite, en inscrivant dans le droit la non-négociabilité des matières premières. Enfin, l'article 3 crée un comité de règlement des différends commerciaux agricoles, qui se prononcera dans un délai d'un mois sur les litiges portés à sa connaissance.
Le groupe La République en marche votera en faveur de la proposition de loi, sous réserve que l'article 2 précise le champ d'application de la transparence sur le prix d'achat de la matière première agricole et de la non-négociabilité de la part agricole qui en résulte. Il proposera également des amendements visant à renforcer l'obligation de publication des indicateurs de coût de production et à prévoir une sanction administrative en cas de méconnaissance de l'article L. 441-1 nouveau. Le texte aura vocation à évoluer encore en séance.
Au cours de la législature, nous avons pris à bras-le-corps le problème de la rémunération des agriculteurs, à travers différents textes. L'adoption de la proposition de loi du président Chassaigne visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite les plus faibles, le plan de relance, ou le combat que la France a mené pour la revalorisation du budget de la politique agricole commune l'attestent. La présente proposition de loi est une nouvelle pierre à l'édifice. J'espère que les débats seront à la hauteur des enjeux.
Il y a quatre ans, presque jour pour jour, nous entamions l'examen de la proposition de loi visant à restaurer la compétitivité de l'agriculture française présentée par notre collègue Arnaud Viala. À cette date débutaient aussi les ateliers des États généraux de l'alimentation. Il y a trois ans, nous adoptions la loi EGALIM, censée restaurer la rémunération des agriculteurs. Les attentions portées à notre agriculture ont été nombreuses, et c'est tant mieux.
Pourtant, nous entamons aujourd'hui l'examen d'une proposition de loi qui affiche l'ambition de protéger la rémunération des agriculteurs. Le texte, qui s'inspire des recommandations formulées dans le rapport de M. Serge Papin, sonne comme un aveu d'échec d'EGALIM. En 2018, lors de la discussion de ce projet de loi, nous vous avions pourtant avertis ! Mais le Gouvernement et la majorité avaient rejeté systématiquement nos propositions, répétant que la loi allait tout changer et régler enfin le problème de la rémunération des agriculteurs. Certains optimistes nous expliquent encore qu'EGALIM aura au moins permis d'enrayer la guerre des prix, étant donné la légère inflation constatée depuis 2018. Personne n'est dupe et le constat est implacable : depuis 2018, le revenu des agriculteurs n'a pas augmenté. Pourtant, dès novembre 2019, nous avions déjà eu à nous prononcer sur une proposition de loi visant à rétablir, en leur apportant des corrections, des articles d'EGALIM censurés par le Conseil constitutionnel.
La présente proposition de loi, qui, à bien des égards, rappelle des amendements défendus à cette époque, contient trois dispositions principales : l'obligation de contractualiser la vente de produits agricoles de manière écrite et pluriannuelle ; l'intégration et la non-négociabilité du coût des matières premières agricoles dans les conditions générales de vente des fournisseurs ; et la mise en place d'un comité de règlement des différends en matière de commerce agricole.
Avec le groupe Les Républicains, nous avons déposé plusieurs amendements en vue d'améliorer ces dispositions. À l'article 1er, j'ai ainsi déposé un amendement visant à consolider les indicateurs, d'une part, en confortant leur rôle dans la formation des prix des matières premières agricoles, d'autre part, en assurant leur élaboration et leur diffusion par les interprofessions ou, à défaut, par l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires ou par FranceAgriMer. L'instauration d'indicateurs dans la loi EGALIM avait été incomplète, ce qui a entraîné abus et contournements, tendant à faire échouer le dispositif dans les dernières années, au détriment de la rémunération de nos agriculteurs. Si vous ne souhaitez pas perdre trois années supplémentaires, corrigeons cela.
À l'article 3, la création du comité de règlement des différends commerciaux agricoles va dans le bon sens mais certains aspects, notamment sa composition, nous interpellent. Le comité ne comprend que trois membres, mais un seul membre peut être issu d'un des trois secteurs – producteurs, transformateurs, distributeurs. Il nous faut corriger ce point, sur lequel j'ai pu échanger avec notre rapporteur.
Le consommateur est le grand oublié de cette proposition de loi. Il est pourtant l'une des solutions pour une meilleure rémunération de nos producteurs. Plusieurs études montrent en effet un intérêt croissant de l'opinion publique pour une évolution vers une rémunération plus juste des agriculteurs. En ce sens, nous avons déposé un amendement pour soutenir, sous forme expérimentale, des initiatives d'affichage volontaire : le « Rémunéra-score » permettrait d'informer, de sensibiliser, de faire adhérer le consommateur et le citoyen à des pratiques commerciales vertueuses, pour une meilleure rémunération des producteurs. La filière bovine et un acteur majeur de la grande distribution sont déjà prêts à lancer l'expérimentation. Sans contraindre les autres acteurs, le législateur doit encourager cette initiative, qui va dans le bon sens.
Le groupe Les Républicains partage les objectifs de la proposition de loi. Néanmoins, de nombreuses inquiétudes demeurent quant à la réussite de l'application de ces dispositions. Plusieurs corrections devront être apportées, je l'espère dans un climat constructif. L'attente suscitée par ce texte est forte, mais certains acteurs et filières le considèrent comme incomplet et craignent de nouvelles déceptions. Il y a trois ans, déjà, les promesses s'étaient succédé et les attentes avaient été déçues. Si vous ne souhaitez pas décevoir à nouveau et perdre encore plusieurs années, il faudra cette fois renforcer le texte, en écoutant les propositions qui vous sont faites, sur tous les bancs. Les agriculteurs ont suffisamment attendu que le législateur règle enfin la question de leur rémunération.
Le groupe Mouvement démocrate et Démocrates apparentés salue, près de trois ans après l'adoption de la loi EGALIM, la mise à l'ordre du jour par le Gouvernement d'une telle proposition de loi, que le monde agricole et les agriculteurs attendaient de longue date. Malgré les avancées réelles apportées par la loi EGALIM, en vue notamment d'assurer une meilleure répartition de la valeur sur la chaîne agroalimentaire et de favoriser une alimentation saine, sûre, durable et accessible à tous, le secteur agricole et agroalimentaire demeure empreint de fractures et d'inégalités. Cela est d'autant plus vrai qu'il a été grandement fragilisé par la crise économique et sanitaire que nous traversons, avec une longue absence de débouchés dans la restauration et la hausse des coûts des matières premières.
La proposition de loi arrive à point nommé, car la crise nous a rappelé le caractère fondamental de la souveraineté alimentaire et le rôle crucial joué par l'ensemble des maillons de la chaîne alimentaire, à commencer par les agriculteurs. Comme cela a été maintes fois souligné – je salue à cet égard les travaux de notre rapporteur ainsi que ceux de notre collègue Thierry Benoit et de Serge Papin –, si nous voulons renforcer notre résilience, il nous faut revoir en profondeur les modalités d'échange et de contractualisation entre chaque maillon. Les négociations commerciales de ce début d'année 2021 ont, une nouvelle fois, démontré qu'il existait un déséquilibre persistant entre agriculteurs, transformateurs et distributeurs, souvent au détriment des agriculteurs, ce qui pourrait à terme mettre en péril la continuité de l'approvisionnement alimentaire des Français.
Ce texte fondamental apporte de la confiance et de la transparence.
De la confiance, d'abord, en rendant obligatoire, à l'article 1er, une contractualisation écrite et pluriannuelle entre un producteur et son premier acheteur. La contractualisation, qui ne pourra être inférieure à trois ans, est cruciale : elle donne aux agriculteurs une visibilité à moyen terme, leur permettant de s'engager plus facilement dans l'investissement et la transformation durable de leur exploitation.
De la transparence, ensuite, grâce à l'article 2, qui permettra d'assurer la traçabilité du prix de la matière première agricole d'un bout à l'autre de la chaîne alimentaire. Le dispositif assurera une transparence totale, tout au long de la chaîne de négociation, sur les prix des matières premières agricoles, tant en amont, pour qu'ils soient non négociables, qu'en aval, pour qu'ils soient mentionnés dans les conditions générales de vente.
De la confiance, aussi, avec, à l'article 3, la création d'un comité de règlement des différends commerciaux agricoles, une instance dédiée et spécialisée dans les relations agricoles.
De la transparence, enfin, pour le consommateur final, puisque l'article 4 rend obligatoire l'indication de la provenance des produits agricoles et alimentaires. C'est un petit pas pour les entreprises mais un bond pour les consommateurs français, qui demandent de plus en plus de lisibilité et de proximité pour les produits qu'ils consomment.
Le groupe Dem soutient les grandes orientations de la proposition de loi. Il soumettra au débat plusieurs amendements visant à l'améliorer. À l'initiative de notre collègue Richard Ramos, nous proposerons de faire apparaître clairement dans les modalités de détermination du prix la pondération de référence ayant permis de le calculer. L'objectif est de permettre aux agriculteurs de vendre leurs produits à un prix couvrant leurs coûts de production. Il s'agissait déjà de l'un des enjeux de la loi EGALIM, sur lequel elle n'a malheureusement pas tenu toutes ses promesses.
Dans la même logique de renforcement de la transparence des relations commerciales, nous souhaitons imposer dans le contrat la mention du coût des services associés à l'achat de matières premières agricoles.
De même, si nous soutenons les objectifs de l'article 5 concernant les opérations de dégagement, nous souhaiterions que l'accord de l'autorité administrative et de l'interprofession puisse être tacite, afin de simplifier au maximum cette procédure.
Enfin, nous soutiendrons la création d'un « Rémunéra-score », qui fait écho à la sensibilité des consommateurs à la juste rémunération des producteurs. Le dispositif permettrait que soit affiché le lien entre le prix réel payé aux producteurs et l'indicateur du coût de production.
Le groupe Dem, sensible aux difficultés que rencontre le monde agricole, votera en faveur de la proposition de loi.
Je suis heureux que nous poursuivions les travaux engagés par le Gouvernement sur la question du revenu des agriculteurs – car je crois qu'effectivement, il y travaille.
Je me souviens des débats sur le projet de loi de modernisation de l'économie. Je n'avais pas voté en sa faveur, par précaution, estimant qu'il subsistait un déséquilibre dans les relations commerciales, déséquilibre prégnant, qui persiste aujourd'hui. Le fondement de la LME était la préservation du pouvoir d'achat – c'était l'époque du « travailler plus pour gagner plus », qui n'était pas forcément un mauvais concept. On avait demandé aux distributeurs d'engager une compétition pour faire baisser les prix, afin de préserver le pouvoir d'achat du consommateur. Or c'est précisément ce qu'ils ont fait, et cela a immédiatement porté préjudice aux agriculteurs. En effet, cette guerre des prix s'est concrétisée presque systématiquement par une négociation en déflation avec les industriels, qui a eu une répercussion sur les prix agricoles.
Le texte que nous examinons étant une proposition de loi, M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture, ne participera pas à nos travaux en commission. Le rapporteur nous fera part de ses indications ou orientations à propos de nos amendements, mais il faut bien comprendre – et c'est un élément important – que la partie finale se jouera dans l'hémicycle, en présence du ministre.
Il a beaucoup été question du rapport de M. Serge Papin. Le ministre avait effectivement jugé bon de faire appel à un ponte de la distribution, l'ancien patron de Système U, pour nous expliquer ce qu'il convenait de faire pour régler les difficultés et améliorer le revenu agricole.
Pour ma part, j'ai présidé la commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec leurs fournisseurs, et je tiens à dire, au cas où d'autres collègues ne le feraient pas, que tout figure dans le rapport de notre collègue Grégory Besson-Moreau, publié en septembre 2019. Il fait quelque 150 pages, et peu l'ont lu, si ce n'est les membres de la commission d'enquête, qui l'ont adopté à l'unanimité. Il comporte quarante et une propositions, qui portent sur les différents aspects du problème : les négociations commerciales, les organisations de producteurs, les relations avec les industriels, les relations entre les transformateurs et les distributeurs. Tout y est !
Je le dis comme je le pense : cette proposition de loi est un bon texte. Elle n'embrasse pas aussi large qu'un projet de loi. Elle traite beaucoup du maillon amont, à savoir les relations entre les agriculteurs et les transformateurs, mais il nous faudra, ici même et dans l'hémicycle, rééquilibrer la partie relative aux négociations entre les industriels et les distributeurs, qui présente de vraies lacunes, notamment concernant les pratiques de la grande distribution. Je pense aux déréférencements abusifs, aux pénalités de tous ordres et aux négociations en déflation, ainsi qu'aux centrales d'achat et aux centrales internationales de services, sur lesquelles la commission d'enquête a braqué le projecteur. On connaissait un peu le rôle des premières, moins celui des secondes, qui vendent pour partie des services réels, mais aussi des services, disons-le, virtuels, qui n'ont qu'un seul objet : obtenir des contreparties financières de certaines entreprises, notamment de groupes internationaux, et détruire de la valeur.
Nous devrons donc débattre de ces questions en commission et en séance publique. Les amendements que j'ai déposés au nom du groupe UDI-I ne sont que la reprise de propositions de la commission d'enquête, toutes n'ayant pas été mises en œuvre à ce jour.
Je salue à mon tour l'énergie et la persévérance du rapporteur, ainsi que les différents travaux parlementaires qui ont été réalisés, notamment avec Thierry Benoit. Ils me rappellent singulièrement de précédents travaux, que nous avions menés durant la précédente législature, avec Thierry Benoit, déjà, et plusieurs collègues socialistes de la majorité de l'époque – Stéphane Travert s'en souvient. Autrement dit, nous avons l'impression que les choses se répètent.
Je voudrais simplement que l'on remette les choses à leur place. J'avais qualifié la loi EGALIM de « loi Sapin 2 et demi ». En 2016, avec la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « loi Sapin 2 », nous avions en effet jeté les bases de la construction du prix par le bas et renforcé les pouvoirs des organisations de producteurs. La loi EGALIM a donc été non pas une révolution, mais un ajustement, les « finitions » du gros-œuvre réalisé en 2016.
Notre ancienne collègue Catherine Vautrin était alors responsable pour le mouvement de droite, j'étais responsable pour le mouvement de gauche, et nous avions réussi à obtenir l'unanimité – j'ai encore évoqué cet épisode avec elle, ce matin, au salon Les Culturales. Dans les semaines qui ont suivi, j'ai annoncé, devant les assemblées de divers syndicats : « Ça y est, le revenu des agriculteurs est protégé ! ». Je ne recommencerai plus jamais… Monsieur le rapporteur, prémunissez-vous contre de telles certitudes ! En 2016, nous étions convaincus d'avoir créé des outils de construction du prix. Que nenni !
Disons plutôt que nous sommes en train de faire les finitions d'EGALIM, qui correspondait elle-même aux finitions de « Sapin 2 » ; nous essayons d'apporter quelques petites corrections. Restons modestes, car nous sommes loin du compte. Tant que nous n'aurons pas touché à la loi de modernisation de l'économie, tant que nous n'aurons pas articulé ces dispositions avec les règles de l'Organisation commune de marché (OCM), il y aura loin de la coupe aux lèvres. Je vous invite donc à faire preuve de mesure. J'ignore comment il faut intituler ce texte, mais il ne faut pas qu'il crée des illusions dans nos campagnes.
J'ai un regret : son périmètre est trop étroit, et plusieurs amendements qui se voulaient la contribution du groupe Socialistes et apparentés ont été déclarés irrecevables – alors que plusieurs d'entre nous travaillent sur ces questions depuis des années, notamment notre collègue Guillaume Garot. Pas plus que je ne l'ai fait lors de l'examen du projet de loi « Climat et résilience », je n'accuserai le président de la commission de nous censurer au nom de la Constitution. Je ne conteste pas le travail des présidents de commission en la matière, que je sais rigoureux.
Certes, en complément des ajustements techniques que vous proposez et que nous voterons, nous proposerons d'autres mesures techniques, elles aussi élaborées avec les syndicats, les interprofessions ou les coopératives. Certaines sont plus spécifiques et avaient d'ailleurs déjà fait l'objet d'amendements, rejetés à l'époque – Julien Dive a raison : certaines dispositions présentées aujourd'hui comme très novatrices ont été proposées et refusées dans le passé. J'appelle, une fois encore, à un peu d'humilité.
Nous allons donc consolider un échafaudage un peu branlant, en plaçant ici ou là une béquille, mais la vraie question – je le dis alors que je ne suis pas de tradition marxiste –, c'est celle des rapports de force économiques. Ils sont léonins, parce que totalement déséquilibrés.
Il y a, d'une part, un mouvement de construction des prix, engagé par le mouvement coopératif, pour lequel j'ai une immense estime – il doit se réformer en permanence, notamment pour devenir plus éthique. Il y a, d'autre part, la construction de rapports de force par les organisations de producteurs, qui doivent être capables de négocier dans un cadre pluriannuel, avec les transformateurs et les distributeurs, un juste partage de la valeur.
Dans une tribune, notre collègue député européen Éric Andrieu et moi-même avons plaidé pour la constitution d'associations d'organisations de producteurs à l'échelle des bassins de production des matières premières agricoles. En effet, seules les organisations capables de gérer les volumes sont capables de gérer les prix.
Je vais le répéter à l'envi, surtout en séance – car ici, nous allons probablement travailler assez vite, en prenant le pouls, en exprimant nos positions, en proposant quelques améliorations : si vous ne renforcez pas les pouvoirs des organisations de producteurs afin qu'elles soient à même de gérer des programmes opérationnels – ceux du plan stratégique national, parent pauvre de la politique agricole commune que l'on nous propose désormais – et de gérer les volumes, alors nous nous retrouverons dans trois ans pour « EGALIM 3 ». Il revient à M. Julien Denormandie de le faire, le périmètre du texte étant trop étroit.
Je vous rappelle, cher collègue, que le Gouvernement est lui aussi soumis aux règles fixées à l'article 45 de la Constitution.
Nous entamons l'examen d'un texte très attendu par les acteurs du monde agricole.
La loi EGALIM a été le fruit d'un long et formidable travail de concertation avec les acteurs de l'alimentation, lors des États généraux de l'alimentation. Ces discussions ont permis une réelle prise de conscience : nous devons mieux valoriser le coût de l'alimentation. Les collectivités et les entreprises ont déjà engagé des modifications importantes pour appliquer la loi EGALIM dans la restauration collective. Cependant, il nous faut désormais lui apporter un prolongement, pour les relations commerciales, afin d'atteindre l'objectif initial : mieux rémunérer ceux qui nous nourrissent.
Je tiens à saluer le travail effectué depuis deux ans, notamment par notre rapporteur. Le principal enjeu est de protéger la rémunération de nos agriculteurs et de renforcer ainsi notre souveraineté alimentaire. Pour cela, nous devons favoriser le caractère éthique de notre modèle, renforcer la confiance entre les agriculteurs, les industriels, les acteurs de la grande distribution, les citoyens et les territoires, mettre en valeur la nécessaire proximité de notre alimentation. Ce texte va dans ce sens. C'est pourquoi notre groupe le soutiendra, sous réserve de quelques adaptations que nous proposerons par voie d'amendements.
Les discussions autour de ces propositions permettent une prise de conscience du besoin de valoriser le coût de l'alimentation. À cet égard, nous défendons une prise en compte du coût de production des produits au-delà du seul prix des matières premières agricoles. Nous sommes également favorables à une application de ces dispositions aux marques de distributeur. Enfin, nous sommes convaincus que l'origine des produits est un enjeu essentiel. Notre groupe soutiendra des amendements pour aller plus loin. Il convient de réfléchir à ces questions au niveau européen, en tenant compte de la spécificité de la filière agricole au regard de la libre circulation.
Le groupe Agir ensemble sera à l'écoute de toutes les propositions qui seront formulées au cours de ce débat en commission. Il s'agit de s'assurer que tous les acteurs économiques sont représentés. Nous entendons soutenir un texte mesuré amenant de réels changements et permettant l'amélioration de la rémunération des agriculteurs.
« C'est parce que nous voulons une agriculture prospère, compétitive et durable que notre projet de loi vise à soutenir les agriculteurs et à leur permettre de vivre de leur travail, tout simplement », déclarait le ministre de l'agriculture de l'époque en préambule aux débats sur le projet de loi EGALIM. Près de trois ans après la promulgation de ce texte, le réveil des agriculteurs est douloureux : leur rémunération stagne au niveau le plus bas et l'équilibre dans la relation commerciale n'est toujours pas rétabli. Pis, les cycles de négociations commerciales qui se sont déroulés ces trois dernières années – c'est-à-dire depuis l'adoption, en 2018, de la loi EGALIM – ont abouti à une baisse continue des prix : de 0,4 % en 2019, de 0,1 % en 2020 et de 0,3 % en 2021.
Ce n'est d'ailleurs pas une surprise, car la loi EGALIM, comme la loi de modernisation économique évoquée par notre collègue Thierry Benoit – qui avait été défendue par un ministre de l'agriculture que certains connaissent, puisqu'il s'agit de M. Le Maire, actuel ministre de l'économie –, ne se sont pas attaquées au cœur du problème, à savoir la cartellisation des acheteurs, contre laquelle il conviendrait de lutter efficacement. Contrairement à la production, largement atomisée, l'industrie agroalimentaire est composée de nombreuses PME, même s'il existe quelques grands groupes. Quant à la grande distribution, elle est très fortement concentrée, et l'est même de plus en plus. À l'heure actuelle, les quatre premières centrales d'achat françaises assurent 92,2 %, en valeur, et 88,5 %, en volume, des ventes de produits de grande consommation, ce qui leur confère un poids démesuré dans les négociations commerciales. Que peuvent faire 400 000 exploitants individuels contre ces quatre géants, dont certains ont même implanté leurs centrales d'achat à l'étranger pour échapper à la loi française ?
À ce problème de fond, la loi EGALIM n'a pas apporté de solution. Qu'en est-il de la proposition de loi que nous examinons ? Le rapporteur l'a dit, elle s'inscrit largement dans la lignée de la loi EGALIM et ne prévoit pas de réadaptation de la politique de la concurrence – ou, plutôt, de l'absence de politique de la concurrence. Elle n'aura donc qu'un effet minime sur la rémunération des agriculteurs.
Cela dit, les propositions de notre rapporteur tendent à apporter certaines améliorations à l'existant. La contractualisation obligatoire, par exemple, pourra être un outil intéressant pour certaines filières : les producteurs et les organisations de producteurs pourront s'en saisir pour inverser le rapport de force au sein de la chaîne alimentaire – ou, plutôt, essayer de l'améliorer. Elle n'a toutefois pas sa pertinence dans d'autres secteurs qui, en raison des caractéristiques du marché ou de leurs produits, seraient déstructurés par une telle obligation – tel est, par exemple, le cas de la filière céréalière, que le rapporteur connaît bien. En outre, je suis convaincu que cette contractualisation gagnerait en efficacité si elle se fondait sur des indicateurs légitimes et crédibles. C'est pourquoi notre groupe défendra un amendement visant à confier en priorité aux interprofessions la tâche de diffuser des indicateurs aux opérateurs.
L'article 2, qui vise à accroître la transparence du coût d'achat des matières premières agricoles par l'industriel et à en consacrer le caractère non négociable, va théoriquement dans le bon sens. Reste à savoir si cette transparence accrue est compatible avec le droit de la concurrence, les distributeurs étant généralement eux-mêmes fabricants et donc concurrents de leurs fournisseurs, avec les produits à marque de distributeur.
Enfin, l'une de nos interrogations porte sur la création du comité de règlement des différends commerciaux agricoles. L'adjonction de ce nouvel interlocuteur, distinct du médiateur, ne risque-t-elle pas d'être davantage source de complexité que d'efficacité ?
Un cadre de l'industrie sucrière, qui se définissait lui-même comme lobbyiste, m'a dressé ce tableau : « Dans les années 2000, on fait entrer le sucre, et donc la canne à sucre et la betterave, dans la mondialisation, avec la disparition des taxes douanières. Au même moment, l'Union européenne sort étude après étude pour montrer que la libéralisation, c'est la solution. On fait sauter les quotas ; ça amène à l'effondrement des prix et à une surproduction. Maintenant, c'est le Brésil qui fixe les prix au niveau mondial : quand le Brésil se met à faire du bioéthanol, ça fait monter les prix, parce qu'il y en a moins pour partir en sucre ailleurs ; quand il refuse le bioéthanol, ça fait baisser les prix. »
Cette histoire qu'on raconte sur le sucre, on pourrait entendre à peu près la même sur le lait, sur la viande, sur les céréales. Or, face à cette fixation des prix dans un grand marché mondial, on nous propose ici des sparadraps.
La loi EGALIM n'a pas servi à grand-chose. À l'époque, je me moquais déjà un peu de vous : je disais que vous nous construisiez une usine à gaz législative à base de contrats et d'accords-cadres qui, dans la détermination du prix, devraient désormais prendre en compte « un ou plusieurs indicateurs relatifs aux coûts pertinents de production en agriculture et à l'évolution de ces coûts, un ou plusieurs indicateurs relatifs aux prix des produits agricoles et alimentaires », à charge ensuite pour un médiateur de modifier ou supprimer des accords-cadres qu'il estimerait abusifs ou déséquilibrés, un juge pouvant être saisi pour arbitrage au cas où la mission de médiation n'aboutirait pas dans un délai d'un mois, etc.
De cette usine à gaz, à l'évidence, ne pouvait pas sortir une stabilité des prix agricoles, encore moins une augmentation de ces prix. Rien ne garantissait que la grande distribution ne continuerait pas à se gaver et c'est ce qui s'est produit : un an après EGALIM, le prix du fromage fondu en magasin avait augmenté de 4,5 %, celui du camembert, de 5 %, celui de l'emmental, de 5 % également, tandis que les prix du lait au producteur avaient baissé de 1 %.
Notre collègue Dominique Potier l'a dit : voici « EGALIM 2 » – ou plutôt EGALIM 1 « et demi ». Pour moi, c'est un bricolage de bricolages. Peut-être le texte prévoit-il des améliorations, mais ce n'est pas du tout à la hauteur de l'enjeu. Dans EGALIM 1, il y avait à mon avis un seul article à la hauteur de l'enjeu, offrant un point fort pour la revalorisation des prix agricoles : c'était l'article 44, qui garantissait que les produits importés devaient répondre aux mêmes normes économiques et, surtout, écologiques que les produits fabriqués sur le sol français. Nous avons demandé un rapport pour savoir ce qu'on en avait fait, mais notre amendement a été refusé.
J'entends dire : « Les acteurs économiques n'ont pas voulu… ». Mais pourquoi donc l'industrie et la grande distribution voudraient-elles autre chose que des prix agricoles bas si c'est là leur intérêt, lequel se chiffre en millions ou en milliards ? Il y a aucune raison qu'elles le veuillent !
Je suis donc heureux d'entendre – enfin ! – le mot « contrainte » dans la bouche de La République en marche ; c'est la première fois que je l'entends. Il est évident que l'on n'avancera pas sans contraintes imposées aux acteurs économiques. Et, pour moi, ces contraintes portent le nom de « régulation », de « prix minimum », de « quotas d'importation », de « quotas de production », de « coefficients multiplicateurs ». Ce n'est pas l'Union soviétique : c'est ce qui a existé pendant des décennies avec la politique agricole commune. Et cela n'a pas transformé la France en pays communiste !
Dans cette proposition de loi, vous n'interdisez même pas la vente à perte. Or ce serait l'occasion de mener une vraie bataille pour l'interdire – car je suis bien d'accord avec vous, monsieur le rapporteur : la rémunération des agriculteurs est l'enjeu clé pour la transformation de l'agriculture.
Je remplace au pied levé notre collègue Sébastien Jumel, retenu en Normandie par une cause noble.
Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine a organisé le 3 mai dernier, dans le cadre d'une semaine de contrôle, un débat sur le bilan de la loi EGALIM sur la rémunération des agriculteurs. Je vais vous en lire quelques extraits, qui vont vous montrer à quel point il est urgent d'agir, mais aussi qu'il est nécessaire d'avoir conscience des enjeux. Or, pour avoir étudié la proposition de loi, je peux vous dire qu'au regard de ces derniers, on ne trouve guère que des poussières. « C'est dire l'importance du plumeau », ajouterais-je.
J'en viens aux témoignages que nous avons recueillis. Le premier a été celui de M. Philippe Chalmin, président de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires : « De manière générale, au stade actuel et au vu des éléments dont nous avons connaissance, l'effet de la loi EGALIM est resté relativement limité, d'autant que l'année 2020, vous en conviendrez, fut exceptionnelle, puisqu'elle s'est traduite par une modification des habitudes alimentaires des Français. »
Cette modification aurait pu tirer les prix vers le haut, mais le rapport 2021 de l'Observatoire confirme que plusieurs filières, notamment le système d'élevage bovin viande, se trouvent dans une situation catastrophique. M. Chalmin note d'ailleurs en introduction de ce rapport que « la France est le pays d'Europe où les relations commerciales sont les plus difficiles ». D'où l'exigence d'agir.
Deuxième témoignage, celui de Mme Sophie Devienne, professeure d'agriculture comparée et de développement agricole à AgroParisTech : « Dès lors que la branche agricole accroît ses consommations intermédiaires et utilise de plus en plus de biens d'équipement, et dès lors que les prix de ces derniers ne baissent pas autant que ceux des produits agricoles, il en découle que la richesse créée par le secteur agricole, c'est-à-dire la part de la valeur ajoutée par rapport au produit brut, ne cesse de fondre. »
Elle ajoutait : « Un prix rémunérateur est essentiel, car il ne faut pas laisser les agriculteurs encaisser des chocs de prix qui peuvent être brutaux ; il n'est néanmoins pas suffisant pour maintenir leur revenu. La régulation des marchés est donc nécessaire pour éviter les chocs de prix auxquels nous assistons depuis une dizaine d'années. »
Troisième témoignage, celui de M. Guillaume Gauthier, éleveur de bovins en Saône-et-Loire : « Je sais, moi, ce que c'est qu'un prix rémunérateur : c'est un prix qui couvre mes coûts de production. L'interprofession y a travaillé durement. […] Malgré cela, […], dès qu'il s'agit de ramener une partie du prix vers le monde de l'élevage, et surtout vers l'éleveur, certaines familles [de l'interprofession] s'y opposent. Comme toutes les décisions doivent être prises à l'unanimité, on n'avance pas sur la rémunération des éleveurs. […] Trois ans après le plan de filière et les États généraux de l'alimentation, il n'y a pas grand-chose qui ait avancé dans ma cour de ferme, au point que mon père, qui a 74 ans et qui travaille encore beaucoup avec moi, […] a calculé le manque à gagner entre le prix de vente de mes animaux en 2020 et le coût de production : c'est un euro du kilo pour la carcasse, soit 150 000 euros pour mon exploitation. » Et de conclure : « Vous avez beaucoup parlé de régulation ; eh bien, moi aussi, je veux de la régulation. Je veux que l'on régule nos marchés et, clairement, que l'on fixe un prix. On ne peut pas créer un ensemble de contraintes […] , tout en nous exposant à un marché mondial sans doute très libéral qui nous impose la concurrence des prix étrangers et des feedlots américains de 30 000 animaux. »
Indéniablement, la proposition de loi ne va pas régler grand-chose. Bien évidemment, vous écartez les mesures de régulation, pourtant impératives. On parle d'indicateurs de production, on renvoie une fois de plus aux interprofessions, alors que l'on pourrait confier un rôle beaucoup plus important à l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires et à FranceAgriMer, l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer. Si l'on n'impose pas davantage de contraintes, on n'obtiendra pas des prix rémunérateurs.
L'examen de ce texte constitue une occasion importante de renforcer la loi EGALIM et de sécuriser la part agricole dans le tarif du fournisseur, afin de construire réellement le prix « en marche avant ». Il est nécessaire d'obtenir un prix rémunérateur pour les producteurs : c'est une demande sociétale forte, et cela ne signifiera pas pour autant une flambée des prix pour les consommateurs.
Plusieurs dispositions de cette proposition de loi sont intéressantes et pertinentes : la contractualisation pluriannuelle obligatoire ; la transparence et la non-négociabilité de la matière première agricole dans la relation commerciale entre l'industriel et le distributeur ; la création d'un comité de règlement des différends commerciaux agricoles, chargé de trouver une solution viable aux litiges entre les producteurs et les acheteurs.
Cependant, pour que la proposition de loi soit totalement efficace sur le temps long, il convient d'en améliorer certains points, conformément aux demandes répétées de la profession agricole depuis les états généraux de l'alimentation. Il paraît ainsi indispensable de diffuser les indicateurs de coût de production et les indicateurs de marché, et d'en tenir compte dans les contrats, afin de garantir un véritable effet sur le prix payé au producteur. Il est également essentiel de renforcer les mesures relatives à l'étiquetage de l'origine des produits alimentaires et d'encadrer de manière plus stricte et transparente les pratiques commerciales liées à l'explosion de l'offre et des marques de distributeur.
Je regrette que plusieurs de mes amendements, qui avaient pourtant un lien bien réel avec le texte, aient été considérés comme des cavaliers législatifs et écartés. Je pense notamment à mon amendement relatif à l'affichage du nutri-score sur les fromages à l'appellation d'origine protégée (AOP) – telles la rigotte de Condrieu et la fourme de Montbrison, produites dans ma circonscription – et à ma demande de rapport sur la filière laitière de montagne.
La commission a lancé une mission d'information sur la production laitière en zone de montagne, dont Mme Pascale Boyer et M. Jean-Pierre Vigier sont les corapporteurs. Je vous invite à vous joindre à eux.
Je suis un adepte de la contractualisation, et cette proposition de loi va dans le bon sens. Je veux néanmoins vous faire part de deux interrogations.
Premièrement, le texte ne règle pas la question du prix abusivement bas. Certaines filières, auxquelles je participe moi-même, s'inscrivent tout à fait dans la philosophie d'EGALIM : on y pratique la contractualisation, avec des indicateurs qui sont réévalués à la hausse ou à la baisse. Mais on y fixe aussi des prix planchers, pour protéger le producteur de prix trop bas, ainsi que des prix plafonds, pour que le vendeur final puisse se projeter. Il serait intéressant, me semble-t-il, de travailler sur cette notion de prix planchers et plafonds.
Deuxièmement, je ne vois pas, dans votre texte, comment s'articulent les dispositions de l'article 1er et celles de l'article 2. Or il existe selon moi un risque asymétrique pour le transformateur, par exemple s'il prend, d'un côté, un engagement de trois ans envers le producteur et, de l'autre, un engagement contractuel de l'ordre d'un an envers le distributeur final. Un tel risque asymétrique me semble dangereux pour l'industrie de transformation française.
Monsieur Dive, nous n'allons pas revenir sur l'ensemble de la loi EGALIM, d'autant que nous ne jouons pas aujourd'hui, je l'ai dit, le « match retour ». J'insiste néanmoins sur un point : dans la loi EGALIM, nous n'avons pas légiféré sur les relations entre la grande distribution, l'industrie agroalimentaire et les agriculteurs. Lors de l'atelier des États généraux de l'alimentation consacré à cette question, nous avions préféré le contrat de confiance à la contrainte législative.
Différents scénarios avaient été envisagés, je le rappelle.
Aujourd'hui, la loi EGALIM fonctionne, mais il est nécessaire de la prolonger par des mesures beaucoup plus fortes. C'est ce que nous faisons avec cette proposition de loi. On ne peut pas dire qu'EGALIM n'a pas fonctionné ; on peut juste dire qu'elle a besoin d'être recadrée, améliorée, en ce qui concerne la relation entre la grande distribution, les industriels et le monde agricole.
Vous avez raison, monsieur Benoit, nous devons nous pencher sur les négociations entre l'industrie agroalimentaire et la grande distribution. Sans industriels de l'agroalimentaire dans nos territoires, il n'y aura pas d'agriculteurs ; sans agriculteurs, il n'y aura pas d'industriels de l'agroalimentaire dans nos territoires. En revanche, la grande distribution pourrait acheter des produits partout ailleurs et les vendre sur notre territoire.
Nous devons donc nous attarder sur ces négociations, mais en faisant attention, car, si l'on considère la valeur des ventes en France, l'industrie agroalimentaire et l'industrie automobile sont les deux plus gros marchés, pesant respectivement environ 180 milliards et 190 milliards d'euros. Certaines années, l'industrie agroalimentaire est même devant, l'industrie automobile connaissant des hauts et des bas. Je ne voudrais pas qu'en commission, nous adoptions des amendements qui, certes, nous feraient plaisir et nous permettraient de publier de beaux communiqués, mais auraient pour effet de déstructurer un monde déjà fragile, et qui est l'un des premiers marchés français.
Je ne suis pas nécessairement d'accord avec vous lorsque vous affirmez que la loi Sapin 2 est à l'origine de tout, monsieur Potier, mais je partage votre analyse du modèle actuel : la situation s'apparente à une forme d'oligopsone, avec quatre acheteurs, 17 000 industriels de l'agroalimentaire – principalement des TPE et des PME – et près de 400 000 agriculteurs.
Comme je viens de le dire, nous devons introduire de la contrainte, mais celle-ci doit être mesurée, pondérée, car il faut veiller à ne pas déstructurer la relation entre les trois acteurs – producteurs, transformateurs et distributeurs.
Monsieur de Courson, je partage votre constat. Vous le savez, il y a longtemps que je mène le combat contre l'implantation des centrales de services à l'étranger. En tant que parlementaires français, nous pouvons beaucoup, mais nous ne pouvons pas tout ; en la matière, nous devons travailler main dans la main avec les parlementaires européens. J'ai été auditionné il y a peu par la Commission européenne : la problématique française est aussi italienne, allemande ou espagnole. C'est pourquoi nous devons trouver des solutions communes.
Je vous rappelle que, lors des débats sur la loi du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique, dite loi ASAP, nous avons défendu et fait adopter un amendement visant à imposer la publication des sommes versées par les fournisseurs français aux centrales de services implantées à l'étranger – principalement en Suisse et en Belgique.
Monsieur Ruffin, pour vous, la stabilité, c'est tout le monde à la même enseigne, la régulation forcée et la mise en place de quotas ! Pour moi, il s'agit plutôt d'analyser ce dont chaque organisation de producteurs, chaque appellation d'origine protégée, chaque agriculteur a besoin : le prix de revient du lait n'est pas le même dans l'Aube, en Isère ou en Normandie. Les agriculteurs français ne veulent pas être les salariés de l'État.
Monsieur Turquois, j'ai bien noté vos remarques. À mon sens, la meilleure façon de lutter contre un prix abusivement bas, c'est d'obtenir des hausses. Nous défendrons des amendements visant à obliger l'industriel à répercuter les hausses de coûts de production dans le prix payé à l'agriculteur, grâce à l'indicateur. La non-négociabilité de la matière première agricole, c'est la garantie de la hausse réelle du prix payé à l'agriculteur. Je préfère m'attaquer à la cause plutôt qu'à la conséquence. Tel est l'objectif de cette proposition de loi.
Article 1er (articles L. 631-24, L. 631-24-2 et L. 631-25 du code rural et de la pêche maritime) : Généralisation des contrats écrits et pluriannuels de vente de produits agricoles et révision automatique des prix
Amendement CE114 de M. Thierry Benoit.
Cet amendement reprend la proposition n° 40 du rapport de la commission d'enquête. Il s'agit de créer un index des prix agricoles et alimentaires afin de rendre compte de l'évolution des matières premières agricoles et non agricoles, des coûts de l'énergie, des coûts salariaux et du coût de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Cet index serait publié tous les mois par un organisme indépendant, en l'espèce l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Une variation importante pourrait déclencher une renégociation des prix entre les acteurs du deuxième maillon de la chaîne de négociation, c'est-à-dire les transformateurs et les industriels.
Il m'est désagréable de devoir donner un avis défavorable au premier amendement de Thierry Benoit, mais je rappelle que la proposition de loi repose, d'une part, sur la non-négociabilité du coût de la matière première payée par l'industriel, d'autre part, sur une clause de révision automatique de ce prix – une indexation –, à la hausse ou à la baisse, suivant la décision prise par l'interprofession. Il s'agit donc d'un changement de paradigme.
Ainsi, pour le lait, le prix de la matière première représente 15 % du total. Si l'indicateur de coût de production souligne que le lait n'est pas assez cher payé, son prix devra augmenter. La négociation entre l'industriel et l'OP sera contractualisée – la contractualisation est obligatoire – et l'augmentation qui en résultera aura automatiquement une conséquence sur le tarif du produit fini proposé par l'industriel.
Cette non-négociabilité n'est pas un choix : elle est contractuelle, tout comme l'indexation. Le distributeur devra prendre en charge la hausse tarifaire et l'indexation, que celle-ci soit mensuelle, trimestrielle ou semestrielle, selon la décision prise par l'interprofession. Il s'agit donc d'un énorme changement.
Si je comprends votre objectif, Monsieur Benoit, je crois aussi que nous devrions avancer de concert dans la perspective de la séance et ne pas modifier tout le dispositif. Peut-être pourrions-nous aller dans le sens des industriels, de manière à les protéger et à nous assurer qu'ils pourront faire passer cette hausse de la matière première agricole : non-discrimination tarifaire, rémunération ligne à ligne des services, barémisation des services, renforcement des conditions générales de vente, etc. Dans cette attente, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
Je vais le retirer, mais je souhaite que nous revenions sur le sujet d'ici à la séance publique. Il y a trois acteurs, les agriculteurs – ou les OP ou AOP –, les industriels transformateurs et les distributeurs, et deux maillons de négociations, le premier liant les agriculteurs aux transformateurs, le second, les transformateurs aux distributeurs. Notre amendement visait à établir une connexion entre ces deux maillons, afin d'en établir une, à terme, entre prix à la production et prix payé par le consommateur.
L'amendement est retiré.
Amendement CE338 de M. Loïc Prud'homme.
Monsieur le rapporteur, je reviendrai ultérieurement sur le fossé idéologique qui nous sépare. En l'espèce, il n'y a aucune idéologie dans cet amendement puisqu'il s'agit de substituer au mot « livrés » le mot « distribués », afin d'éviter un contournement de la loi française par certains distributeurs, comme le fait Leclerc avec sa centrale d'achat Eurelec trading, implantée à Bruxelles. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), qui a perquisitionné le siège de Leclerc fin février 2018, semblait le craindre. Notre amendement vise donc simplement à sécuriser le dispositif.
Je suis heureux de notre passion commune pour de meilleures relations entre les centrales de services européennes et les industriels de l'agroalimentaire, Monsieur Ruffin. Malheureusement, l'article 1er concerne les contrats de vente des produits agricoles, non la contractualisation entre la grande distribution et les industriels de l'agroalimentaire. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE186 de M. Frédéric Descrozaille.
Cet amendement n'est pas dans sa version définitive et je m'en excuse. Il vise à appeler votre attention sur la définition des produits agricoles. Les « produits agricoles » mentionnés à l'article 1er sont-ils ceux visés par le règlement du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles ? Si tel est le cas, on a affaire à des produits de première transformation. Par exemple, jusqu'à une date récente, une bouteille de vin était considérée comme un produit agricole, et non comme un produit alimentaire relevant du codex alimentarius.
Il ne faudrait pas que la proposition de loi abîme la petite industrie agroalimentaire française en se focalisant sur les grosses entreprises qui écrasent les petites. De nombreuses PME familiales et le savoir-faire français pourraient s'en trouver lourdement handicapés.
Avis défavorable. La rédaction actuelle de la proposition de loi reprend les dispositions figurant dans le code rural et de la pêche maritime et l'article 2 renvoie bien au règlement OCM. A priori, cette formulation n'a pas posé de difficulté d'interprétation particulière, mais je suis ouvert à la discussion. Nous pourrons y retravailler d'ici à la séance publique.
L'amendement est retiré.
Amendement CE398 de Mme Martine Leguille-Balloy.
Mon amendement tend à préciser que l'objectif de l'article est de permettre la juste rémunération des producteurs. Il ne s'agit pas d'une fioriture littéraire.
Depuis le vote de la loi EGALIM, les médiations n'aboutissent pas. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation et divers chercheurs affirment que la voie judiciaire serait la seule solution – mais comment déterminer ce qu'est un « prix abusivement bas » ? C'est très compliqué.
L'expression « juste rémunération des producteurs », en revanche, non seulement a été employée par M. Emmanuel Macron dans son discours de Rungis, mais elle renvoie à une notion juridique, affirmée par l'article 23 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et qui relève de la justice commutative. Le juste prix, c'est le prix potentiel estimé à partir d'éléments objectifs : selon les approches, le coût, l'utilité, le prix de revient, le prix du marché, le prix souhaitable… C'est une référence nécessaire, pour l'arbitre, pour le médiateur ou le, cas échéant, pour les juridictions saisies.
S'il ne s'agit pas en effet d'une fioriture littéraire, une telle disposition me paraît quelque peu déclaratoire. Je ne pense pas que cela permettra au médiateur de prendre plus rapidement ses décisions.
Je connais votre combat en faveur de la médiation, et je partage votre constat : beaucoup trop de saisines du médiateur n'ont pas abouti. C'est pourquoi la proposition de loi crée un comité de règlement des différends commerciaux agricoles, présidé par un membre ou ancien membre du Conseil d'État, de la Cour de cassation, de la Cour des comptes ou des autres juridictions administratives ou judiciaires, qui pourra appuyer sur le bouton quand ce sera nécessaire.
L'amendement est retiré.
Amendement CE342 de M. Loïc Prud'homme.
Pourquoi sommes-nous plutôt favorables à l'article 1er ? Un contrat annuel ou pluriannuel avec un volume de référence des prix, comme il en existe pour le lait, est plus sécurisant que les accords tacites, courants par exemple dans le secteur de la viande, et qui entraînent une renégociation des prix à chaque achat. L'agriculteur peut ainsi disposer de perspectives à moyen terme ; il est assuré de vendre son produit sur la durée du contrat. Toutefois, ce dispositif n'est pas exempt d'une immense faiblesse : la possibilité d'acheter en dessous du prix de production, donc de vendre à perte.
Notre proposition est simple : elle vise à interdire les ventes à perte dans les contrats de vente de produits agricoles distribués sur le territoire français
Monsieur le rapporteur, vous prétendez que mon rêve est de faire des agriculteurs des salariés de l'État, mais lisez les travaux des économistes de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAe) : ils montrent que sans les aides de la politique agricole commune (PAC), de nombreuses filières agricoles capoteraient. Ces aides représentent 87 % du revenu des éleveurs de bovins-lait, 126 % de celui des éleveurs d'ovins et de caprins et 195 % de celui des éleveurs de bovins-viande ! N'en a-t-on pas fait des salariés de la PAC ? Il faut en sortir et, pour cela, interdire la vente à perte.
La vente à perte est déjà interdite. En outre, quel est l'objectif de la proposition de loi ? Il s'agit non pas d'imposer un seuil – que vous appelez un prix plancher mais qui deviendrait, pour beaucoup, un prix plafond –, mais de renforcer le poids des indicateurs de coût de production dans les négociations, tout en prévoyant des contrats écrits et pluriannuels, la non-négociabilité de la matière agricole et l'indexation automatique, ainsi que des sanctions en cas de difficultés, avec un médiateur, désormais soutenu par le comité de règlement des différends commerciaux agricoles prévu à l'article 3. L'indexation est gérée par les interprofessions et implique plusieurs collèges, mutuellement responsables : celui de la grande distribution, celui de la production, celui de la transformation. C'est à eux d'assumer leurs responsabilités et de trouver des solutions. C'est ainsi qu'avait été conçue la loi EGALIM et c'est ce mécanisme que la proposition de loi vise à renforcer.
Vous avez évoqué la filière bovine. Nous en avons longuement auditionné les représentants. Dans ce secteur, il est encore courant que les contrats se négocient puis se concluent par une tape dans la main entre gros industriels et éleveurs. Désormais, ce ne sera plus possible. Le contrat sera là pour protéger les agriculteurs.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Pourquoi ne pas simplement préciser que tout contrat de vente de produits agricoles distribués sur le territoire français interdit les ventes à perte ? Cela va toujours mieux en le disant.
Les prix abusivement bas sont déjà interdits. Notre objectif est de faire en sorte que le prix payé aux agriculteurs soit rémunérateur et prenne en considération toutes les variables : type et localisation de l'exploitation, territoire, centre d'abattage pour la filière bovine, possibilité de distribuer le produit, distance, etc. Il s'agit non pas de fixer un prix unique, comme vous le souhaiteriez, mais de mieux rémunérer les agriculteurs.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE341 de M. François Ruffin.
Vous êtes enfermés dans une contradiction depuis quatre ans.
Votre idéologie, c'est celle du marché et de la concurrence, et vous y revenez, texte après texte ; mais – c'est manifeste pour les prix agricoles – le marché ne marche pas ! Il conduit à la déflation des prix. Comme vous ne voulez pas remettre en cause votre idéologie et basculer vers la régulation, vous bidouillez, vous bidouillez, vous bidouillez…
Notre amendement vise à fixer un prix plancher – et personne n'imagine qu'il peut être un prix plafond ! Tout à l'heure, vous avez caricaturé ce que je proposais ; on se serait cru en Pologne : la régulation forcée, la mise en place de quotas et tous les agriculteurs devenus des salariés de l'État. Mais jusqu'aux années 1980, les prix planchers et les quotas existaient. Pourtant, les agriculteurs n'étaient pas des salariés de l'État et la France n'était pas la Pologne.
Pour les mêmes raisons que précédemment, demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable. Effectivement, Monsieur Ruffin, un fossé nous sépare – mais c'est le résultat qui compte et je suis intimement convaincu que vous le constaterez très prochainement pour ce qui concerne le revenu des agriculteurs.
C'est bien beau, votre conviction intime, mais quand vous dites que c'est le résultat qui compte, eh bien, de fait, la loi EGALIM n'a apporté aucune amélioration concernant le revenu des agriculteurs ! Ne remettrez-vous donc jamais en cause l'idéologie qui vous guide ? En vous écoutant, je croyais entendre une parodie du discours du président Macron sur StopCovid : « Ne dites pas que c'est un échec, dites que ça n'a pas marché ». La loi EGALIM ne serait pas un échec, mais elle n'aurait pas marché ? Il serait grand temps que vous remettiez en cause l'idéologie dominante et que vous cessiez de bidouiller – et cette remise en cause ne devrait pas concerner uniquement La République en Marche.
Personnellement, je trouve que TousAntiCovid fonctionne très bien – mais là n'est pas la question.
Il ne s'agit pas d'une conviction personnelle, Monsieur Ruffin, c'est une conviction forgée après des années de travail avec de nombreux collègues parlementaires et des centaines d'auditions conduites tant dans le cadre des commissions d'enquête dont j'étais le rapporteur que lors de l'examen de la présente proposition de loi.
Vous avez parlé de la filière bovine. Jamais ses représentants ne m'ont réclamé un prix plancher identique pour tous. Mon souci n'est pas d'imposer une quelconque conviction personnelle, c'est de savoir ce dont les filières ont besoin. Or elles nous demandent d'être libres, mais protégées. C'est précisément l'objet de la présente proposition de loi : les filières sont libres, elles disposent d'organisations interprofessionnelles, elles sont responsables, mais nous les protégeons ; nous les protégeons en autorisant la hausse du prix de la matière première agricole grâce à l'inscription dans notre droit du caractère non négociable de son coût dans les contrats entre fournisseurs et distributeurs et d'une clause de révision automatique. Je rappelle qu'en l'état actuel du droit, la clause de revoyure tarifaire n'est activée que si la grande distribution et l'industriel sont d'accord : inutile de dire qu'ils ne le sont que pour une baisse !
Voilà ce que demandent les différentes filières – y compris la filière bovine, qui est en très grande difficulté : dans les dix prochaines années, 50 % des éleveurs et des producteurs de lait risquent de disparaître. Je ne suis pas d'accord pour qu'on applique un prix plancher, parce qu'il deviendrait très rapidement un prix plafond. Je plaide pour la liberté tarifaire, et pour que les interprofessions décident elles-mêmes de ce qu'elles doivent faire. Est-ce là une conviction personnelle ?
Monsieur le rapporteur, pourriez-vous, afin d'éclairer le débat, nous rappeler quelles règles d'arbitrage prévalent au sein d'une interprofession ? En effet, il ne suffit pas de renvoyer la décision à l'interprofession ; il faut encore connaître les rapports de force qui peuvent amener à réviser les prix.
Vous avez indiqué être ouvert à un amendement de la Fédération nationale bovine (FNB) qui vise à instaurer un « tunnel » de prix. Quelle est la différence entre ce dispositif et la fixation d'un prix plancher et d'un prix plafond ?
Je souhaite que le débat sur le « tunnel » soit repoussé à la séance car plus de dix rédactions différentes sont proposées dans de prochains amendements.
Des dispositifs de ce type existent déjà dans la filière lait ou dans la filière volaille. Dans cette dernière, un indice, calculé par l'Institut technique de l'aviculture (ITAVI), est intégré dans l'évolution des prix, 65 % du prix d'un poulet étant représenté par sa nourriture. C'est pourquoi j'ai demandé à la FNB de contacter la filière volaille afin d'évaluer si un tel dispositif est transposable aux autres filières.
Pour l'heure, cette question ne me semble pas encore très claire, et c'est pourquoi j'inviterai les auteurs des amendements en question à les retirer afin que nous prenions le temps d'y réfléchir d'ici à la séance publique – mais n'anticipons-nous pas là sur l'examen des prochains articles ?
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE340 de M. François Ruffin.
Il s'agit de confier à l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires le soin d'établir les indicateurs de référence servant à la construction du prix de vente des contrats agricoles à travers une formule de prix. Cette dernière pourra comprendre un prix minimum que l'acheteur devra respecter.
Jamais vous ne me ferez croire qu'un prix plancher peut devenir un prix plafond. On s'appuie sur un plancher, il nous sécurise et on sait qu'on ne tombera pas en dessous. C'est du bon sens.
S'il faut filer la métaphore, je vous invite à essayer de toucher le plafond quand vos pieds sont collés au plancher. Cela ne fonctionne pas.
Pour en revenir à votre amendement, qui n'a que peu de rapport avec ce sujet, je suis favorable à l'obligation de publication d'indicateurs de coût de production, comme le prévoient certains amendements dont nous allons discuter. Leur publication nous amènera à mieux comprendre et à faire évoluer les prix vers le haut – c'est-à-dire vers le plafond.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE339 de Mme Bénédicte Taurine.
Il s'agit d'introduire et de définir dans le code rural et de la pêche maritime la notion de prix abusivement bas. Ainsi, tout organisme syndical, tout producteur ou la DGCCRF pourra se saisir du sujet pour que la situation rentre dans l'ordre dans un délai d'un mois, avec réparation du préjudice.
L'ordonnance n° 2019-358 du 24 avril 2019 relative à l'action en responsabilité pour prix abusivement bas élargit l'interdiction de céder à un prix abusivement bas aux produits agricoles. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques CE101 de M. Richard Ramos, CE172 de M. Dominique Potier, CE244 de M. Julien Dive et CE311 de M. Antoine Herth.
Mon amendement vise à remplacer l'expression « ventes directes au consommateur » par la formule « vente de produits transformés à la ferme ».
Il existe désormais de très nombreuses manières pour le producteur de commercialiser ses produits, par exemple par l'intermédiaire de son propre site internet ou par un dépôt chez un petit commerçant local. Il convient donc de permettre aux producteurs qui le souhaitent de mettre en place leur propre filière de proximité. Je remercie la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) de m'avoir suggéré cet amendement de bon sens.
Les modalités de vente à la ferme ont beaucoup évolué.
La FNPL a observé qu'elles pouvaient prendre la forme de contrats de livraisons à la restauration hors domicile (RHD) ou celle de la fourniture de produits à l'atelier d'une TPE qui va procéder à une transformation spécifique.
Il est donc nécessaire d'adapter la terminologie. Ce n'est pas une révolution, c'est une adaptation technique à des réalités qui ont changé, du fait de l'évolution des modes de consommation et de l'inventivité des producteurs.
Avec M. Stéphane Travert, nous avons réalisé deux rapports d'information, l'un en 2020, l'autre en 2021, portant respectivement sur la reprise et le plan de relance après l'épidémie de covid-19 et sur les conséquences économiques du second confinement. Leurs conclusions ont souligné l'évolution du comportement des consommateurs, qui se tournent davantage soit vers les produits locaux dans le cadre de circuits courts, soit au contraire vers de nouvelles plateformes, comme les « drive » de produits fermiers. Cela permet de créer de nouveaux débouchés dont il est important de tenir compte.
L'Assemblée nationale doit montrer qu'elle sait adapter les lois à l'évolution des pratiques. C'est la raison pour laquelle je défends moi aussi un amendement visant à modifier la terminologie pour favoriser la commercialisation des produits de la ferme.
Je comprends l'intention des auteurs de ces amendements, même si la notion de vente directe au consommateur comprend la vente directe en ligne.
En revanche, la notion de « produits transformés à la ferme » renvoie à celle de produits fermiers – qui peuvent également être commercialisés par la grande distribution – et ne porte pas sur leur mode de commercialisation ; elle correspond à une information sur le mode de transformation. Cela ne permet donc pas de résoudre le problème que vous soulevez.
Demande de retrait pour trouver une nouvelle rédaction d'ici à la séance. À défaut, avis défavorable.
Cela n'a rien à voir : le produit fermier est encadré par une législation très précise, et ne correspond pas à un produit fabriqué à la ferme.
Le rapporteur peut-il préciser si les ventes de produits transformés sont incluses dans les ventes directes ? Si tel est le cas, ces amendements sont sans utilité.
La vente directe au consommateur couvre bien la vente directe en ligne.
Tel qu'il est rédigé, l'amendement renvoie à la notion de produits fermiers. Je ne suis pas opposé à l'objectif visé, mais la rédaction mérite d'être revue.
Les amendements CE101, CE172 et CE311 sont retirés.
La commission rejette l'amendement CE244.
Amendement CE420 de Mme Sophie Beaudouin-Hubiere.
Cet amendement a pour objet d'indiquer le caractère facultatif du décret en Conseil d'État qui exclut les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à un certain seuil de l'application de l'article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime. L'objectif est d'éviter de retarder l'application des dispositions prévues dans cet article en l'absence de publication du décret.
Avis favorable : le rôle du législateur est de rédiger les lois de telle manière qu'elles puissent être appliquées rapidement et facilement.
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'amendement CE440 de Mme Sandrine Le Feur tombe.
Amendement CE441 de Mme Sandrine Le Feur.
Rapporter le prix au volume permettrait d'évaluer de manière transparente la valeur réelle du produit.
Le caractère automatique d'une telle association du prix et du volume porterait atteinte à la liberté contractuelle. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques CE170 de M. Dominique Potier, CE251 de M. Julien Dive et CE402 de M. Richard Ramos.
Ces amendements, qui reprennent une proposition de la FNPL, visent à mentionner dans le contrat la pondération des indicateurs ayant permis de calculer le prix.
Dans la filière laitière, ces indicateurs de coût de production ont été validés par la Commission européenne et ils font désormais l'objet de publications régulièrement mises à jour par l'interprofession. Ces indicateurs très élaborés permettent de connaître avec précision les coûts de production par région – vous l'avez dit, Monsieur le rapporteur, le prix de revient du lait n'est pas le même en Normandie, en Isère ou dans l'Aube. Pourtant, ils ne sont pas réellement pris en compte dans la construction du prix, et cela malgré les dispositions votées dans les lois Sapin 2 et EGALIM.
Cela nous ramène à la question des volumes : tant qu'il n'y aura pas de régulation des marchés, les rapports de force resteront forcément déséquilibrés.
Nous touchons là au cœur du problème. Certains collègues l'ont dit : à un certain moment, il faut introduire de la contrainte, et mettre en avant ce qu'ont réalisé les interprofessions avec les indicateurs de coût de production.
Ces indicateurs sont la clef de voûte qui permettra au monde agricole d'avoir une rémunération qui soit digne ; mais on a aussi besoin de comprendre comment le prix doit évoluer ou sur quelle base peut s'engager la négociation. Aussi la pondération apparaît-elle comme une disposition complémentaire nécessaire.
Je ne peux que répondre favorablement à cette demande forte de l'ensemble du monde agricole, toutes fédérations et tous syndicats confondus.
La commission adopte les amendements.
Amendements identiques CE80 de Mme Valérie Bazin-Malgras, CE157 de M. Dominique Potier, CE346 de Mme Bénédicte Taurine et CE386 de M. Cédric Villani.
Le mécanisme de prix abusivement bas ne pouvant pas s'appliquer aux coopératives, il convient de faire en sorte que l'on tienne compte des coûts de production dans ces structures aussi.
Il s'agit là encore d'encadrer la transaction entre le producteur et le premier acheteur.
Lors des auditions de certaines parties prenantes, et particulièrement de la Confédération paysanne, il a été souligné que les prix pratiqués dans le secteur de la viande bovine Label rouge, où la contractualisation a pourtant été rendue obligatoire par un accord interprofessionnel étendu, restent en deçà des indicateurs de coût de production calculés par l'interprofession. Il s'agit de ventes à perte, ce que personne ne souhaite dans cette première transaction.
On a bien entendu l'argument répété selon lequel le prix plancher deviendrait le prix plafond. Il n'empêche que, jusqu'à preuve du contraire, ils peuvent très bien être différents. En mathématiques, on parle de minorant et de majorant, et il ferait beau voir que l'on prétende que les deux en viennent systématiquement à se confondre.
Il faudrait peut-être en effet donner quelques cours de mathématiques à certains industriels ou à la grande distribution pour leur expliquer ce qu'est un majorant !
Encadrer, ce n'est pas imposer, c'est mettre à disposition les outils nécessaires pour que les interprofessions parviennent à un accord, pour instaurer la non-négociabilité des matières premières et pour avoir une indexation en fonction de la variabilité des coûts de certains intrants.
Ce que vous proposez, ce n'est pas déterminer un prix plancher, c'est imposer un prix. Je ne le souhaite pas. Ce que je veux, c'est ouvrir la possibilité de hausses de prix justifiées pour les exploitants agricoles. Il y a entre nous une divergence sur la manière de concevoir l'établissement du prix.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
J'entends votre recherche d'une conciliation de la protection et de la souplesse – une économie sociale de marché idéale –, mais, encore une fois, je crois pour ma part à l'analyse des rapports de force. Je vous pose donc de nouveau la question : quels sont les rapports de force qui régissent les interprofessions ? Vous faites beaucoup référence aux auditions auxquelles la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) a participé. Elle parie sur le rôle de l'interprofession, présentée comme le lieu idéal de la négociation.
Monsieur le rapporteur, depuis le début de cette discussion, vous tordez nos propositions en ramenant le prix plancher à un prix imposé. Non ! Notre collègue Villani a montré, avec des termes plus savants, qu'un prix plancher ne se confond pas avec un prix plafond, ce que tout le monde peut comprendre – sauf vous, semble-t-il.
Le plancher ne sera pas le plafond – à moins que nous ne vivions dans un monde de Lilliputiens !
Monsieur le rapporteur, vous avez expliqué que les outils pour réprimer les prix abusivement bas figuraient déjà dans la loi. On ne sait pas très bien ce que signifie « abusivement bas » mais, en tout état de cause et comme l'a relevé M. Dino Cinieri, cette notion ne s'applique pas aux coopératives. Comment comptez-vous traiter cet angle mort ?
Je voudrais vous faire part d'un exemple concret montrant qu'un plancher n'est pas forcément égal à un plafond.
Dans la filière semences, il y a un intérêt à une forme de régularité de la production, pour rentabiliser les outils industriels implantés dans une région. Un producteur de semences peut décider de passer à la production de céréales ; afin de l'inciter à maintenir sa production de semences, les contrats sont calculés en faisant référence à un panier de céréales classiques, auquel on ajoute un différentiel de prix lié à la spécificité des semences. Quand le prix des céréales baisse trop il y a un prix plancher et, inversement, quand il monte il y a un prix plafond, afin que les prix des semences ne soient pas déconnectés de l'ensemble du marché.
Sans connaître tous les éléments techniques et juridiques du dossier, je pense que ces notions de plancher et de plafond peuvent avoir du sens dans certaines situations ; elles protègent à la fois le producteur et le transformateur des variations excessives des prix. Je vous assure que quand on a un contrat avec un prix plancher, on peut construire la stratégie de développement de son exploitation.
Une clarification s'impose, s'agissant des coopératives.
La notion de prix abusivement bas n'y a pas de sens tout simplement parce que celle de prix ne s'y applique pas. Un coopérateur ne vend pas ses produits à la coopérative, il les lui livre – elle lui appartient. C'est d'ailleurs pourquoi les coopératives ne payent pas la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) – je vous renvoie sur ce point au débat lointain entre le ministre de l'économie et des finances de l'époque, M. Jean Arthuis, et la profession agricole, laquelle avait eu toutes les peines du monde à faire admettre la spécificité du statut coopératif.
La coopérative appartient à ses sociétaires, et le sociétaire touche en réalité un quasi-dividende. On ne peut pas parler de prix. Quand Lactalis déclare s'aligner sur le prix au mois du litre de lait, elle est de mauvaise foi, car ce n'est pas un prix, c'est un acompte ; viennent ensuite un complément, puis une décision prise en assemblée générale. Il peut en définitive y avoir 10 centimes d'écart entre le prix au mois et la décision de l'assemblée générale. Il faut sortir de cette situation !
Comme M. Dominique Potier, je fais confiance au statut coopératif. La coopérative appartient aux sociétaires. Je suis navré d'entendre des syndicalistes agricoles dire que les coopératives se conduisent mal et appeler à l'aide les parlementaires. C'est exactement comme entendre des citoyens déclarer que les parlementaires ne les représentent pas et qu'ils vont procéder autrement.
Comme le disait Jaurès, les coopératives, c'est la démocratie dans l'économie, et elles sont bien conçues pour donner du pouvoir à leurs sociétaires.
Notre collègue a raison sur les coopératives, si ce n'est qu'il y a certes des agriculteurs coopérateurs, mais aussi des non-coopérateurs qui livrent. Le texte ne s'applique qu'à ces derniers.
Ne confondons pas la cause et la conséquence.
Le prix plancher ou le prix bas ferme, comme on voudra, est une tentative pour remédier aux conséquences de mauvaises logiques législatives passées. Nous sommes tous d'accord pour introduire de la contrainte. C'est précisément l'objectif de cette proposition de loi, mais en s'attaquant à la cause et non pas à la conséquence. Avec la non-négociabilité tarifaire, c'est-à-dire l'obligation pour l'industriel de conclure un contrat avec le producteur qui lui fournit des matières premières agricoles avant de discuter avec la grande distribution, la contrainte est présente.
S'agissant de l'indexation, M. Potier a raison : la grande distribution fait partie du collège. Mais ce que la proposition de loi prévoit, c'est une indexation qui soit la même pour tous – ce que ne souhaitent pas certains grands acteurs de la distribution, à commencer par celui dont les initiales sont M.E.L. Chacun a peur de l'autre et pense que son concurrent ment. Résultat : persuadé que celui-ci va obtenir des conditions plus avantageuses, on jette le voile et l'on recherche systématiquement la déflation.
L'indexation figurant dans cette proposition de loi est la même pour tous ; celui qui est moins cher le restera mais le prix évoluera pour tout le monde de la même façon. Cela permet de s'attaquer à la cause, plutôt qu'à la conséquence, comme vous le faites. Et ce n'est pas moi, Monsieur Ruffin, c'est vous qui proposez des sparadraps, à travers ces amendements.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendements identiques CE6 de M. Julien Dive, CE18 de M. Vincent Descoeur, CE33 de M. Emmanuel Maquet, CE52 de M. Thibault Bazin, CE63 de M. Jean-Luc Bourgeaux, CE81 de M. Dino Cinieri, CE159 de M. Dominique Potier, CE241 de M. Luc Lamirault, CE255 de M. Fabien Di Filippo, CE279 de M. Charles de Courson, CE283 de Mme Anne-Laure Blin, CE313 de M. Pierre Cordier, CE373 de M. Jean-Pierre Vigier, CE392 de Mme Pascale Boyer et CE400 de Mme Martine Leguille-Balloy.
On touche ici du doigt l'un des problèmes à l'origine de cette proposition de loi : le contournement de la loi par certains acteurs, qui n'appliquent pas les indicateurs prévus par l'article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime à l'ensemble des volumes faisant l'objet du contrat.
Nos amendements visent à corriger ce biais. Leur rédaction a été établie en accord avec les filières concernées et doit permettre de s'assurer que la construction du prix tient compte de l'ensemble des débouchés.
Il importe d'avoir une vision holistique de la construction des prix ; c'est la raison pour laquelle je soutenais la notion de paniers de produits lors des débats sur les projets de lois Sapin 2 et EGALIM. Comme l'a rappelé la FNSEA, se pose ensuite la question de la pondération des volumes de chacun des produits, car certains segments sont à haute valeur ajoutée, comme les semences ou les fromages haut de gamme. Aucun d'entre eux ne doit être oublié si l'on veut construire le prix à partir d'indicateurs fiables.
Certains acheteurs limitent actuellement l'application des indicateurs à certains produits et marchés – d'où mon amendement.
On constate depuis longtemps que certains industriels utilisent les marchés à faible valeur ajoutée pour effectuer une pondération qui conduit systématiquement à se retrouver en dessous des coûts de production. La valeur ajoutée que peuvent dégager certains segments comme le lait en poudre pour bébés et les produits cosmétiques ou pharmaceutiques n'est jamais prise en compte. Le Centre national interprofessionnel de l'économie laitière (CNIEL) travaille sur un indicateur export pour le lait, en tenant compte de l'expérience allemande en matière d'indicateur, qui n'a pas été concluante en matière de prix pour les agriculteurs.
Je vais néanmoins retirer l'amendement CE400. Je déposerai en séance un autre amendement qui concernera tous les marchés et tous les produits.
Les arguments en faveur de ces amendements m'amènent à réfléchir.
Je ne suis pas certain que leur effet sera celui escompté. Toutefois, vous soulevez un problème réel, en particulier dans le secteur laitier où les indicateurs ne sont utilisés dans la détermination du prix que pour une part du marché et non son ensemble.
Je m'en remets à la sagesse de la commission.
L'amendement CE400 est retiré.
La commission adopte les autres amendements identiques.
Amendements identiques CE152 de M. Dominique Potier, CE250 de M. Julien Dive, CE309 de M. Antoine Herth et CE403 de M. Richard Ramos.
Mon amendement tend à imposer la transparence sur le coût des services associés à l'achat de matière première agricole.
Il est récurrent, dans les relations commerciales amont, que la prestation de facturation soit déléguée à l'acheteur. La loi EGALIM a déjà prévu un cadre, qui fixe plusieurs obligations aux opérateurs prenant en charge la facturation pour le compte de leur fournisseur.
Or, à ce jour, les éleveurs font part d'une opacité sur le coût réel de cette prestation de facturation. Dans la logique d'un renforcement de la transparence des relations commerciales, il importe d'imposer la mention, dans le contrat, du coût des services associés à l'achat de matière première agricole, tel que celui lié à ce service de facturation.
Je précise que cet amendement a été inspiré par la FNPL.
La grande distribution doit comprendre qu'il faut rétablir la confiance entre tous les acteurs de la relation commerciale.
Tout le monde peut faire du commerce et gagner de l'argent. Quand la grande distribution fournit un service, il est normal qu'elle soit rémunérée pour cela ; mais quand il n'y en a pas, c'est une manière anormale de gagner de l'argent.
En réalité, ces amendements visent à rendre service à la grande distribution, car si elle ne prend pas conscience de la nécessité du rétablissement de la confiance, d'autres acteurs interviendront : les géants du numérique et les livreurs à domicile.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable : ce serait revenir sur le V de l'article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime, voté dans le cadre de la loi EGALIM, qui prévoit que l'établissement de la facturation fait l'objet d'un mandat écrit distinct et qui ne peut être lié au contrat.
La commission rejette les amendements.
Amendements CE187 de M. Frédéric Descrozaille et CE177 de M. Thierry Benoit (discussion commune).
Mon amendement vise à donner aux acteurs de la filière, réunis au sein d'une interprofession, la possibilité de fixer une durée minimale obligatoire du contrat de vente d'un produit agricole ou d'un accord-cadre, cela afin de maintenir le cas échéant des durées de contrat inférieures à trois ans.
Il convient en effet de tenir compte de la spécificité des petits industriels qui transforment des produits agricoles et de confier aux interprofessions la possibilité de s'adapter à des cas dont nous pourrions ne pas avoir conscience dans le cadre de ce débat général – ce qui correspond à l'esprit tant de la loi EGALIM que de ce texte.
Avec cette proposition de loi, on va passer d'une négociation annuelle à un contrat pluriannuel, de trois ans minimum. Les membres du groupe UDI-I pensent qu'il serait utile, pendant une période de transition, de laisser la main aux interprofessions pour qu'elles puissent juger de la durée appropriée des contrats, qui pourrait varier et être inférieure à trois ans dans certains cas.
Avis défavorable sur les deux amendements : la proposition de loi offre déjà cette possibilité. L'alinéa 26 de l'article 1er prévoit en effet qu'une extension d'un accord interprofessionnel ou un décret en Conseil d'État peuvent lever, pour certains produits ou catégories de produits, l'obligation de contrat écrit et que si, dans ce cas, un contrat écrit était néanmoins conclu, il serait régi par l'article L. 631-24, à l'exception de la durée minimale de trois ans.
Les amendements sont retirés.
À la demande du rapporteur, l'amendement CE208 de M. Dominique Potier est retiré.
Amendement CE404 de Mme Michèle Crouzet.
Cet amendement tend à prévoir que la durée minimale des contrats de vente de produits agricoles et des accords-cadres peut être portée à cinq ans, au lieu de trois, par décret en Conseil d'État, dans l'hypothèse où il n'existerait pas d'accord interprofessionnel étendu ayant cet objet.
En effet, dans certaines filières il n'existe pas d'interprofession. De plus, pour le lait de vache, la partie réglementaire du code rural et de la pêche maritime prévoit déjà une durée de cinq ans. L'adoption de mon amendement permettrait de maintenir en vigueur cette disposition.
Conformément à la philosophie du texte, qui est de protéger les agriculteurs, ceux d'entre eux qui ne font pas partie d'une interprofession doivent être encore plus protégés : c'est pour cette raison que mon avis est favorable.
La commission adopte l'amendement.
Suivant les avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements CE232 et CE233 de M. Jean-Luc Bourgeaux.
Amendement CE226 de M. Julien Dive et amendements identiques CE8 de M. Julien Dive, CE20 de M. Vincent Descoeur, CE38 de M. Emmanuel Maquet, CE54 de M. Thibault Bazin, CE65 de M. Jean-Luc Bourgeaux, CE84 de M. Dino Cinieri, CE161 de M. Dominique Potier, CE188 de M. Frédéric Descrozaille, CE243 de M. Luc Lamirault, CE265 de M. Fabien Di Filippo, CE316 de M. Pierre Cordier et CE375 de M. Jean-Pierre Vigier (discussion commune).
Le manque de précision de certains des indicateurs prévus par la loi EGALIM a permis des contournements et des abus en matière de constitution des prix.
L'amendement CE226 tend par conséquent à consolider ces indicateurs, d'une part, en leur conférant un rôle plus important dans la formation des prix des matières premières agricoles, d'autre part, en assurant leur élaboration et leur diffusion par les interprofessions ou, à défaut, par l'OFPM ou par FranceAgriMer. Je propose en outre que les indicateurs retenus par les différents cocontractants soient publiés afin de renforcer la transparence des contrats et de garantir la confiance.
Les amendements CE8 et identiques visent, tout en respectant la liberté contractuelle des parties, à éviter le détournement de l'esprit de la loi et des conclusions des États généraux de l'alimentation. Les rapports de l'OFPM démontrent chaque année la perte de valeur en amont ainsi que l'incapacité des producteurs à couvrir leurs coûts de production dans de nombreuses filières.
L'adoption de ces amendements nous doterait d'une définition précise du coût de production et, surtout, d'une connaissance de son évolution dans le temps.
Avis défavorable sur l'ensemble des amendements en discussion commune.
Si l'indicateur de coût de production, qui est plébiscité par nombre d'agriculteurs, est une nécessité, il a pu être laissé sur le côté lorsqu'il n'y avait pas de contractualisation. Grâce à cette proposition de loi, celle-ci est rendue obligatoire : les agriculteurs vont donc pouvoir jouer un rôle un peu plus moteur dans la création de l'indicateur. Un amendement que nous allons examiner dans quelques instants vise d'ailleurs à renforcer sa prise en compte : je suis intimement persuadé – notamment suite aux auditions – qu'il deviendra le socle de la négociation. Cela ajouté à la pondération des indicateurs de coût de production que nous venons de décider, nous aurons atteint l'objectif visé par ces amendements.
La commission rejette successivement l'amendement CE226 et les amendements identiques en discussion commune.
Amendement CE500 du rapporteur.
Il s'agit justement de l'amendement visant à consacrer les indicateurs relatifs aux coûts pertinents de production en agriculture et à l'évolution de ces coûts comme base de la définition des critères et des modalités de détermination et de révision du prix entre le producteur agricole et son premier acheteur.
Cette mesure était demandée depuis longtemps, et nous en avions discuté assez longuement lors de l'examen du projet de loi EGALIM, puis avec l'ensemble des filières. Après avoir pris le temps de la réflexion, nous décidons aujourd'hui de faire de l'indicateur de coût de production le socle de la négociation.
Et si jamais l'acheteur n'est pas d'accord pour payer au-dessus de ce socle, il paye en dessous et puis c'est tout ?
Il s'agit non d'un prix plancher, mais d'une négociation, qui prendra pour socle l'indicateur de coût de production, sur lequel s'appliquera une pondération, conformément à la disposition que nous avons adoptée précédemment. Pourquoi est-il important de procéder ainsi ? Parce que cela ouvre la possibilité de négociations parallèles entre les différents maillons.
Aujourd'hui, un industriel envoie un tarif et, sur cette base, des négociations s'engagent, en fonction notamment des volumes en jeu. L'année suivante, on repart de la même base.
Avec le nouveau mécanisme, l'indicateur de coût de production sera pondéré, notamment en fonction des volumes commandés, de la contractualisation et des engagements pris, par exemple à hauteur de 95 %. Si, l'année suivante ou quelques mois plus tard, en fonction de ce qui aura été négocié en matière d'indexation par les interprofessions, le même indicateur augmente de 5 % ou de 7 %, et que l'industriel continue d'acheter à 95 %, la rémunération des agriculteurs augmentera.
Si je ne suis pas d'accord pour instaurer des prix plancher, en revanche, je suis pour des prix fermes et pour une liberté de contractualiser à partir de l'indicateur de coût de production, qui constitue le socle de la détermination du prix, avec une pondération. Voilà la façon dont le prix sera construit.
Si cet amendement marque – je le reconnais – une avancée, il ne résoudra pas tous les problèmes. Par exemple, qu'est-ce qui empêchera un acheteur d'être sous ce socle ?
Cet amendement va assurément dans la bonne direction, puisqu'il vise à remplacer une formulation de portée plutôt indicative – « prennent en compte » – par une autre qui est plus opposable.
Cela étant, dans les quinze ou vingt prochaines années, l'agriculture va tenter de gagner en productivité, donc de faire baisser son coût de production unitaire. En revanche vont s'ajouter des coûts externes supplémentaires, liés notamment aux contraintes environnementales que leur impose la législation, qu'elle soit européenne ou française. Probablement sera-t-il nécessaire de les introduire progressivement dans le socle. Il ne faudrait pas que ce dernier soit quelque chose d'immuable.
Si je comprends votre volonté de pondérer à partir d'un socle, en pratique, si l'on examine par exemple comment est construit le prix du lait, des éléments très différents sont pris en considération ; il n'y a que dans un secteur que l'on va tenir compte du coût de production.
C'est pourquoi j'insiste sur le fait qu'il faut que nous prenions des dispositions qui concernent tous les marchés et tous les produits. Je crains que le coût de production, même avec une pondération, ne puisse pas être la seule référence utile pour la construction intégrale du prix.
Monsieur le rapporteur, vous utilisez dans le texte de l'amendement le terme « socle », et dans l'exposé sommaire celui de « base ». Pourriez-vous nous expliquer ce que dans votre esprit signifient l'un et l'autre ?
Dans le code de commerce, le socle est le point de départ, ce qui explique que nous n'ayons pas employé le terme « base » dans la rédaction de l'amendement ; le faire figurer dans l'exposé sommaire était une erreur.
Vous avez raison, l'indicateur de coût de production doit pouvoir évoluer. C'est bien ainsi que nous l'avons conçu, puisqu'il tient compte dès aujourd'hui du revenu des agriculteurs, du prix des intrants… bref, d'énormément d'éléments. Et à partir du moment où il devient le socle de la négociation et que nous ajoutons, par voie législative, de la contrainte et des coûts supplémentaires, il est appelé à évoluer. La pondération que nous venons d'inscrire dans la loi permettra de disposer d'une base d'achat en fonction de cet indicateur. Ce faisant, ce que je souhaite, c'est précisément que la survenue d'événements extérieurs à l'exploitation puisse être prise en compte dans la rémunération, puisque l'indexation et l'évolution du prix seront automatiques.
Monsieur Dive, aujourd'hui, lorsqu'un industriel arrive dans un box de négociation en demandant une hausse de tarif, en réalité une demande de déflation lui est opposée, sans aucune justification. Ce texte de loi va imposer la contrainte d'une non-négociabilité du coût de la matière première agricole et de son indexation.
Qu'est-ce qui va contraindre l'industriel à payer plus cher, demandez-vous ? Je vous réponds : qu'est-ce qui le protégera à son entrée dans le box de négociation ? Ce qui est prévu, c'est que l'industriel doit d'abord contractualiser avec l'agriculteur ; et s'il paye le lait plus cher, la grande distribution ne pourra pas lui imposer un prix inférieur à celui qu'il aura demandé, en vertu du principe de non-négociabilité de la matière première agricole.
Une contractualisation, un indicateur de coût de production qui est un socle, la possibilité de définir sa variation et, derrière, une non-négociabilité tarifaire et une indexation : voilà les éléments de contrainte que nous mettons en place afin de protéger la rémunération de toute la chaîne.
Après vérification, le terme « socle » n'apparaît, dans le code de commerce, que dans deux articles. Le seul qui concerne notre sujet est l'article L. 441-1, dont le III commence ainsi : « Dès lors que les conditions générales de vente sont établies, elles constituent le socle unique de la négociation commerciale. ». Ne faudrait-il pas utiliser les mêmes termes ?
Avec la loi EGALIM, je le répète, on a construit une usine à gaz, et voilà que vous ajoutez des tuyaux dans tous les sens pour éviter d'aller franchement vers une régulation. Comme le terme « prix plancher » est tabou, on cherche des stratégies de contournement. Cessez de tourner autour du pot ! Sinon, il faudra que M. Villani aille dans tous les organismes concernés donner des cours de mathématiques pour former les gens à l'indexation : cela ne va pas être facile…
C'est effectivement, Monsieur de Courson, la formulation qui figure à l'article L. 441-1 du code de commerce – mais, du point de vue législatif, le terme le plus important est « socle », non « unique ».
La commission adopte l'amendement.
Amendements identiques CE82 de Mme Valérie Bazin-Malgras, CE158 de M. Dominique Potier, CE343 de Mme Bénédicte Taurine et CE388 de M. Cédric Villani.
Mon amendement, inspiré par la Confédération paysanne, est dans l'esprit d'autres amendements visant à prendre en considération dans l'agroalimentaire la rémunération non seulement des dirigeants et actionnaires, mais aussi celle des salariés. En l'occurrence, il s'agit de s'assurer que les indicateurs relatifs aux coûts pertinents de production en agriculture intègrent la rémunération de la main-d'œuvre agricole salariée et non salariée.
Cette idée rejoint les travaux que Mme Graziella Melchior et moi avions menés sur le partage de la valeur au sein des entreprises, qui trouvent là une traduction très concrète. Le « rémunéra-score » doit-il évaluer le prix payé au producteur quels que soient la taille de l'entreprise, le partage entre capital et travail et la répartition des rémunérations au sein du monde du travail, ou doit-il promouvoir la rémunération la plus juste et la mieux partagée entre tous les travailleurs de la terre ? La question vaut tant pour l'agroalimentaire que pour la grande distribution, où il y a tant de souffrance. Je suis heureux qu'un syndicat l'ait posée pour l'ensemble du monde agricole, où le meilleur côtoie le pire.
J'abonde dans le sens de mon collègue Dominique Potier : s'il est évident que le travail doit être pris en considération dans la construction du prix agricole, il faut aussi avoir la garantie que l'on ne va passera pas en dessous de cet indicateur de coût.
Il serait effectivement absurde de ne pas intégrer la rémunération de la main-d'œuvre agricole, salariée et non salariée, dans les coûts de production.
Le choix opéré à travers la loi EGALIM a été de laisser les interprofessions travailler avec les différents collèges. Ce qui nous a été dit lors des auditions, ce n'est pas que l'indicateur de coût de production était trop faible, ou que le prix était mal construit, mais que l'indicateur n'était pas publié ou qu'il n'était pas utilisé dans l'ensemble des interprofessions – même si un accord a été trouvé dans un très grand nombre d'entre elles.
Qu'il y ait des difficultés à prendre en considération l'indicateur de coût de production, je l'admets, mais je ne pense pas que le problème vienne de l'indicateur lui-même.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Il y a un écueil dans votre dispositif, monsieur le rapporteur : vous ne partez pas du coût de production, et c'est précisément ce qui pose un problème à certaines entreprises, notamment à certaines PME familiales. Il n'existe pas d'articulation fluide entre les producteurs, les transformateurs et la grande distribution. La question des charges, notamment du coût de la main-d'œuvre agricole, salariée et non salariée, est fondamentale pour le fonctionnement de l'ensemble de nos exploitations : on ne peut pas l'éluder.
Calculer la rémunération de la main-d'œuvre agricole salariée, on sait faire ; mais pour la main-d'œuvre non salariée, comment comptez-vous vous y prendre, chers collègues ? Le revenu agricole est très fluctuant et variable selon les régions. Si l'idée paraît sympathique et de bon sens, je ne suis pas sûr qu'elle puisse trouver une traduction concrète.
Les amendements soulèvent en effet une question que j'ai évoquée à de nombreuses reprises avec les ministres de l'agriculture successifs. Tout le monde croit que le revenu agricole, qui est publié tous les ans, équivaut à la rémunération des agriculteurs. Ce n'est pas du tout vrai, puisqu'avant que l'agriculteur puisse se rémunérer, il doit d'abord rémunérer l'ensemble des facteurs de production. Comme il s'agit d'une activité très capitalistique, le banquier prend une large part du revenu dégagé. Il existe donc une sorte de fatalité chez les agriculteurs à ne se rémunérer qu'en bout de chaîne, quand tout le reste a été payé.
Cette logique atteint ses limites à travers deux phénomènes : d'une part, le phénomène sociétaire, qui conduit certaines exploitations à sortir progressivement du schéma de l'agriculture familiale traditionnelle pour prendre la forme de sociétés au sein desquelles on s'attribue un revenu ; d'autre part, la baisse continue du nombre d'agriculteurs et l'augmentation parallèle du nombre de salariés agricoles, comme en témoigne un récent article de La France agricole.
Il faudra bien que l'on se pose un jour la question de l'intégration de la masse salariale. Peut-être serait-il possible de le faire de façon forfaitaire ? C'est à voir. En revanche, je ne suis pas sûr que ces amendements soient mûrs pour être intégrés dans la proposition de loi.
Monsieur le rapporteur, un problème peut en cacher un autre.
Vous dites que le problème, c'est qu'on ne prend pas assez en considération l'indicateur de coût de production. Je vous signale à cet égard l'émergence d'un axe inédit Turquois/Ruffin, ou MODEM/France insoumise, sur l'utilité du prix plancher en la matière ! J'y insiste parce que toute la loi est en réalité faite pour contourner ce truc qui pourrait être simple à mettre en œuvre et que l'on se refuse à faire.
Mais derrière ce problème s'en cache un autre : la non prise en compte du travail dans les indicateurs de coût, ce qui est quand même paradoxal puisque c'est bien ce travail qu'il s'agit de mieux rémunérer.
Les amendements sont peut-être, comme l'a signalé M. de Courson, à revoir pour ce qui concerne le travail non salarié, mais il est nécessaire de tenir compte du travail dans la construction des indicateurs.
Je rappelle que l'indicateur de coût de production est établi par l'interprofession, au sein de laquelle siègent les producteurs, c'est-à-dire les agriculteurs, les transformateurs et, le cas échéant, les distributeurs. Les agriculteurs sont aujourd'hui les mieux placés pour estimer les coûts de production susceptibles d'offrir un bilan d'exploitation positif et de rémunérer tant les exploitants que leurs salariés. Ce n'est pas au législateur d'entrer dans le détail des niveaux de rémunérations, c'est à l'interprofession de déterminer les indicateurs de coût de production.
Je le répète : ce que les auditions ont révélé, c'est que si l'indicateur et la construction du prix ne posent pas de problème, il n'en va pas de même de l'application volumétrique. C'est pourquoi nous avons prévu la non-négociabilité de la matière première agricole, ainsi qu'une indexation. Notre objectif n'est pas de contraindre tout le monde au travers d'un prix, il est de laisser les agriculteurs libres de gérer leurs exploitations.
La commission rejette les amendements.
Mes chers collègues, il nous reste 383 amendements à examiner ce soir, puis éventuellement demain après-midi et soir.
Informations relatives à la commission
Le bureau de la commission a décidé, lors de sa réunion du 4 mai dernier, de prévoir un classement d'office des pétitions renvoyées à la commission des affaires économiques, déposées depuis plus de six mois et ayant recueilli moins de 10 000 signatures.
18 pétitions relevant de la compétence de la commission ont été déposées depuis plus de six mois et recueillent moins de 10 000 signatures. Elles sont recensées dans le tableau suivant :
Pétitions renvoyées à la commission des affaires économiques n'ayant pas recueilli plus de 10 000 signatures 6 mois après leur dépôt
Objet | Date de dépôt | Nbre de signatures |
Examen de la proposition de loi de M. N. Dupont-Aignan sur l'étiquetage obligatoire des viandes ayant été abattues selon des rites religieux (format papier) | 12/19 | 1 599 |
Commission d'enquête sur le moteur de recherche Qwant (format papier) | 07/20 | 1 |
Création d'un mécanisme de garantie pour l'électricité d'origine nucléaire | 12/20 | 695 |
Connaître le partage des richesses | 12/20 | 23 |
Affichage du made in /origine avec le prix | 10/20 | 193 |
Location touristique pour tous | 10/20 | 4 |
Suspension des transports d'animaux de boucherie pendant l'été | 10/20 | 1 240 |
Stérilisation obligatoire des chats | 10/20 | 263 |
Stérilisation des chats errants | 10/20 | 317 |
Suppression du Black Friday | 11/20 | 48 |
Interdiction des numéros spéciaux 0800 | 10/20 | 8 |
Développer les circuits courts à l'échelon départemental | 10/20 | 36 |
Interdiction des manèges à poneys vivants | 10/20 | 1 044 |
Référendum sur l'usage des néonicotinoïdes | 10/20 | 461 |
Contre le démantèlement d'EDF | 11/20 | 7 744 |
Interdiction de l'abattage sans étourdissement des animaux de ferme | 10/20 | 2 009 |
Logement inconditionnel pour tous les SDF | 10/20 | 240 |
Interdiction de la production et de l'exportation de pesticides | 11/20 | 104 |
La commission a approuvé le classement d'office de ces pétitions.