Intervention de Julien Dive

Réunion du mardi 15 juin 2021 à 17h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJulien Dive :

Il y a quatre ans, presque jour pour jour, nous entamions l'examen de la proposition de loi visant à restaurer la compétitivité de l'agriculture française présentée par notre collègue Arnaud Viala. À cette date débutaient aussi les ateliers des États généraux de l'alimentation. Il y a trois ans, nous adoptions la loi EGALIM, censée restaurer la rémunération des agriculteurs. Les attentions portées à notre agriculture ont été nombreuses, et c'est tant mieux.

Pourtant, nous entamons aujourd'hui l'examen d'une proposition de loi qui affiche l'ambition de protéger la rémunération des agriculteurs. Le texte, qui s'inspire des recommandations formulées dans le rapport de M. Serge Papin, sonne comme un aveu d'échec d'EGALIM. En 2018, lors de la discussion de ce projet de loi, nous vous avions pourtant avertis ! Mais le Gouvernement et la majorité avaient rejeté systématiquement nos propositions, répétant que la loi allait tout changer et régler enfin le problème de la rémunération des agriculteurs. Certains optimistes nous expliquent encore qu'EGALIM aura au moins permis d'enrayer la guerre des prix, étant donné la légère inflation constatée depuis 2018. Personne n'est dupe et le constat est implacable : depuis 2018, le revenu des agriculteurs n'a pas augmenté. Pourtant, dès novembre 2019, nous avions déjà eu à nous prononcer sur une proposition de loi visant à rétablir, en leur apportant des corrections, des articles d'EGALIM censurés par le Conseil constitutionnel.

La présente proposition de loi, qui, à bien des égards, rappelle des amendements défendus à cette époque, contient trois dispositions principales : l'obligation de contractualiser la vente de produits agricoles de manière écrite et pluriannuelle ; l'intégration et la non-négociabilité du coût des matières premières agricoles dans les conditions générales de vente des fournisseurs ; et la mise en place d'un comité de règlement des différends en matière de commerce agricole.

Avec le groupe Les Républicains, nous avons déposé plusieurs amendements en vue d'améliorer ces dispositions. À l'article 1er, j'ai ainsi déposé un amendement visant à consolider les indicateurs, d'une part, en confortant leur rôle dans la formation des prix des matières premières agricoles, d'autre part, en assurant leur élaboration et leur diffusion par les interprofessions ou, à défaut, par l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires ou par FranceAgriMer. L'instauration d'indicateurs dans la loi EGALIM avait été incomplète, ce qui a entraîné abus et contournements, tendant à faire échouer le dispositif dans les dernières années, au détriment de la rémunération de nos agriculteurs. Si vous ne souhaitez pas perdre trois années supplémentaires, corrigeons cela.

À l'article 3, la création du comité de règlement des différends commerciaux agricoles va dans le bon sens mais certains aspects, notamment sa composition, nous interpellent. Le comité ne comprend que trois membres, mais un seul membre peut être issu d'un des trois secteurs – producteurs, transformateurs, distributeurs. Il nous faut corriger ce point, sur lequel j'ai pu échanger avec notre rapporteur.

Le consommateur est le grand oublié de cette proposition de loi. Il est pourtant l'une des solutions pour une meilleure rémunération de nos producteurs. Plusieurs études montrent en effet un intérêt croissant de l'opinion publique pour une évolution vers une rémunération plus juste des agriculteurs. En ce sens, nous avons déposé un amendement pour soutenir, sous forme expérimentale, des initiatives d'affichage volontaire : le « Rémunéra-score » permettrait d'informer, de sensibiliser, de faire adhérer le consommateur et le citoyen à des pratiques commerciales vertueuses, pour une meilleure rémunération des producteurs. La filière bovine et un acteur majeur de la grande distribution sont déjà prêts à lancer l'expérimentation. Sans contraindre les autres acteurs, le législateur doit encourager cette initiative, qui va dans le bon sens.

Le groupe Les Républicains partage les objectifs de la proposition de loi. Néanmoins, de nombreuses inquiétudes demeurent quant à la réussite de l'application de ces dispositions. Plusieurs corrections devront être apportées, je l'espère dans un climat constructif. L'attente suscitée par ce texte est forte, mais certains acteurs et filières le considèrent comme incomplet et craignent de nouvelles déceptions. Il y a trois ans, déjà, les promesses s'étaient succédé et les attentes avaient été déçues. Si vous ne souhaitez pas décevoir à nouveau et perdre encore plusieurs années, il faudra cette fois renforcer le texte, en écoutant les propositions qui vous sont faites, sur tous les bancs. Les agriculteurs ont suffisamment attendu que le législateur règle enfin la question de leur rémunération.

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