Intervention de Charles de Courson

Réunion du mardi 15 juin 2021 à 17h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

« C'est parce que nous voulons une agriculture prospère, compétitive et durable que notre projet de loi vise à soutenir les agriculteurs et à leur permettre de vivre de leur travail, tout simplement », déclarait le ministre de l'agriculture de l'époque en préambule aux débats sur le projet de loi EGALIM. Près de trois ans après la promulgation de ce texte, le réveil des agriculteurs est douloureux : leur rémunération stagne au niveau le plus bas et l'équilibre dans la relation commerciale n'est toujours pas rétabli. Pis, les cycles de négociations commerciales qui se sont déroulés ces trois dernières années – c'est-à-dire depuis l'adoption, en 2018, de la loi EGALIM – ont abouti à une baisse continue des prix : de 0,4 % en 2019, de 0,1 % en 2020 et de 0,3 % en 2021.

Ce n'est d'ailleurs pas une surprise, car la loi EGALIM, comme la loi de modernisation économique évoquée par notre collègue Thierry Benoit – qui avait été défendue par un ministre de l'agriculture que certains connaissent, puisqu'il s'agit de M. Le Maire, actuel ministre de l'économie –, ne se sont pas attaquées au cœur du problème, à savoir la cartellisation des acheteurs, contre laquelle il conviendrait de lutter efficacement. Contrairement à la production, largement atomisée, l'industrie agroalimentaire est composée de nombreuses PME, même s'il existe quelques grands groupes. Quant à la grande distribution, elle est très fortement concentrée, et l'est même de plus en plus. À l'heure actuelle, les quatre premières centrales d'achat françaises assurent 92,2 %, en valeur, et 88,5 %, en volume, des ventes de produits de grande consommation, ce qui leur confère un poids démesuré dans les négociations commerciales. Que peuvent faire 400 000 exploitants individuels contre ces quatre géants, dont certains ont même implanté leurs centrales d'achat à l'étranger pour échapper à la loi française ?

À ce problème de fond, la loi EGALIM n'a pas apporté de solution. Qu'en est-il de la proposition de loi que nous examinons ? Le rapporteur l'a dit, elle s'inscrit largement dans la lignée de la loi EGALIM et ne prévoit pas de réadaptation de la politique de la concurrence – ou, plutôt, de l'absence de politique de la concurrence. Elle n'aura donc qu'un effet minime sur la rémunération des agriculteurs.

Cela dit, les propositions de notre rapporteur tendent à apporter certaines améliorations à l'existant. La contractualisation obligatoire, par exemple, pourra être un outil intéressant pour certaines filières : les producteurs et les organisations de producteurs pourront s'en saisir pour inverser le rapport de force au sein de la chaîne alimentaire – ou, plutôt, essayer de l'améliorer. Elle n'a toutefois pas sa pertinence dans d'autres secteurs qui, en raison des caractéristiques du marché ou de leurs produits, seraient déstructurés par une telle obligation – tel est, par exemple, le cas de la filière céréalière, que le rapporteur connaît bien. En outre, je suis convaincu que cette contractualisation gagnerait en efficacité si elle se fondait sur des indicateurs légitimes et crédibles. C'est pourquoi notre groupe défendra un amendement visant à confier en priorité aux interprofessions la tâche de diffuser des indicateurs aux opérateurs.

L'article 2, qui vise à accroître la transparence du coût d'achat des matières premières agricoles par l'industriel et à en consacrer le caractère non négociable, va théoriquement dans le bon sens. Reste à savoir si cette transparence accrue est compatible avec le droit de la concurrence, les distributeurs étant généralement eux-mêmes fabricants et donc concurrents de leurs fournisseurs, avec les produits à marque de distributeur.

Enfin, l'une de nos interrogations porte sur la création du comité de règlement des différends commerciaux agricoles. L'adjonction de ce nouvel interlocuteur, distinct du médiateur, ne risque-t-elle pas d'être davantage source de complexité que d'efficacité ?

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