Je suis heureux que nous poursuivions les travaux engagés par le Gouvernement sur la question du revenu des agriculteurs – car je crois qu'effectivement, il y travaille.
Je me souviens des débats sur le projet de loi de modernisation de l'économie. Je n'avais pas voté en sa faveur, par précaution, estimant qu'il subsistait un déséquilibre dans les relations commerciales, déséquilibre prégnant, qui persiste aujourd'hui. Le fondement de la LME était la préservation du pouvoir d'achat – c'était l'époque du « travailler plus pour gagner plus », qui n'était pas forcément un mauvais concept. On avait demandé aux distributeurs d'engager une compétition pour faire baisser les prix, afin de préserver le pouvoir d'achat du consommateur. Or c'est précisément ce qu'ils ont fait, et cela a immédiatement porté préjudice aux agriculteurs. En effet, cette guerre des prix s'est concrétisée presque systématiquement par une négociation en déflation avec les industriels, qui a eu une répercussion sur les prix agricoles.
Le texte que nous examinons étant une proposition de loi, M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture, ne participera pas à nos travaux en commission. Le rapporteur nous fera part de ses indications ou orientations à propos de nos amendements, mais il faut bien comprendre – et c'est un élément important – que la partie finale se jouera dans l'hémicycle, en présence du ministre.
Il a beaucoup été question du rapport de M. Serge Papin. Le ministre avait effectivement jugé bon de faire appel à un ponte de la distribution, l'ancien patron de Système U, pour nous expliquer ce qu'il convenait de faire pour régler les difficultés et améliorer le revenu agricole.
Pour ma part, j'ai présidé la commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec leurs fournisseurs, et je tiens à dire, au cas où d'autres collègues ne le feraient pas, que tout figure dans le rapport de notre collègue Grégory Besson-Moreau, publié en septembre 2019. Il fait quelque 150 pages, et peu l'ont lu, si ce n'est les membres de la commission d'enquête, qui l'ont adopté à l'unanimité. Il comporte quarante et une propositions, qui portent sur les différents aspects du problème : les négociations commerciales, les organisations de producteurs, les relations avec les industriels, les relations entre les transformateurs et les distributeurs. Tout y est !
Je le dis comme je le pense : cette proposition de loi est un bon texte. Elle n'embrasse pas aussi large qu'un projet de loi. Elle traite beaucoup du maillon amont, à savoir les relations entre les agriculteurs et les transformateurs, mais il nous faudra, ici même et dans l'hémicycle, rééquilibrer la partie relative aux négociations entre les industriels et les distributeurs, qui présente de vraies lacunes, notamment concernant les pratiques de la grande distribution. Je pense aux déréférencements abusifs, aux pénalités de tous ordres et aux négociations en déflation, ainsi qu'aux centrales d'achat et aux centrales internationales de services, sur lesquelles la commission d'enquête a braqué le projecteur. On connaissait un peu le rôle des premières, moins celui des secondes, qui vendent pour partie des services réels, mais aussi des services, disons-le, virtuels, qui n'ont qu'un seul objet : obtenir des contreparties financières de certaines entreprises, notamment de groupes internationaux, et détruire de la valeur.
Nous devrons donc débattre de ces questions en commission et en séance publique. Les amendements que j'ai déposés au nom du groupe UDI-I ne sont que la reprise de propositions de la commission d'enquête, toutes n'ayant pas été mises en œuvre à ce jour.